L'Insoumis (film, 1964)

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L'Insoumis

Réalisation Alain Cavalier
Acteurs principaux
Pays de production Drapeau de la France France
Durée 114 minutes
Sortie 1964

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

L’Insoumis est un film français d'Alain Cavalier sorti en 1964.

Synopsis[modifier | modifier le code]

En 1959, pendant la guerre d'Algérie, le jeune Luxembourgeois Thomas Vlassenroot combat en Kabylie au sein de la Légion étrangère française. Voulant sauver en vain l'un de ses camarades blessé, il désobéit à son chef, le lieutenant Fraser. Quand le putsch des généraux survient, Thomas est devenu déserteur et s'est installé chez son amie Maria qui vit avec son père à Alger ; il veut désormais regagner son pays d'origine au plus vite. Son ancien lieutenant, devenu un membre de l'OAS lui rend alors visite, et lui propose une mission : il s'agit d'enlever et de séquestrer l'avocate Dominique Servet venue de Lyon pour défendre des combattants algériens. En échange, Thomas recevra de l'argent pour payer son voyage. Avec l'aide d'Amério, un « pied-noir » et de Fraser, la jeune femme est capturée en plein jour. Elle est ensuite amenée dans un grand appartement où Félicien, un autre prisonnier est également emprisonné, sous la bonne garde de Thomas et d'Amério. Torturée par la soif, l'avocate implore Thomas de lui donner à boire, ce dernier finit par s'apitoyer mais il est surpris par Amério qui le menace de son arme. Après avoir abattu son compagnon dans un échange de coups de feu, Thomas finit par accepter de faire sortir les deux prisonniers. Quand le lieutenant Fraser revient pour vérifier si tout va bien, Thomas l'emprisonne puis s'enfuit avec Dominique et Félicien.

Grièvement blessé par Amério, Thomas se fait extraire la balle par un médecin qui lui enjoint de se faire opérer au plus vite. Avec l'aide financière de Dominique, le déserteur traverse la Méditerranée puis prend le train en direction du Luxembourg. Il décide de s'arrêter à Lyon pour retrouver l'avocate mais après l'avoir revue, il fait un malaise dans son cabinet à cause de sa blessure. Dominique le transporte très vite en voiture dans un petit hôtel discret. Thomas se confie à elle et ils finissent par tomber dans les bras l'un de l'autre, sans se douter qu'ils avaient été suivis par le lieutenant Fraser et son homme de main. Ces derniers pénètrent alors brutalement dans la chambre et menacent les deux amants. Thomas parvient à s'enfuir à nouveau après avoir tué l'un des deux hommes. Les fugitifs s'engouffrent alors dans leur voiture, mais Thomas souffre de plus en plus. Dominique tente finalement de le conduire près de la frontière luxembourgeoise.

Le couple décide de forcer un barrage policier, puis ils s'arrêtent dans une petite auberge dans laquelle l'avocate tente de contacter Pierre Servet, son mari. Avec l'aide de ce dernier, ils parviennent finalement à ramener Thomas chez lui. Totalement épuisé, l'ancien militaire remercie Pierre et Dominique puis part seul à pied en direction de la ferme familiale. Là-bas, il retrouve sa fillette âgée de 7 ans. Thomas s'approche d'elle puis, à bout de forces, il s'écroule sur le plancher avant de mourir.

Fiche technique[modifier | modifier le code]

Distribution[modifier | modifier le code]

Production[modifier | modifier le code]

Tournage[modifier | modifier le code]

Le film a été tourné entre le 24 février et le 29 mai 1964[3].

La scène d'ouverture qui montre Thomas en plein combat dans les montagnes de Kabylie, a été filmée dans le passage nommé le pas de la Demi-Lune près des côtes de Marseille. La suite du film a été tournée dans la rue Sainte-Françoise, également à Marseille. Quand Thomas prend le train pour retourner dans son pays et qu'il s'arrête à Lyon, les scènes ont été tournées sur place (Gare de Lyon-Perrache, rue des Tourelles et quai Jean-Jacques-Rousseau sur la commune de La Mulatière). Plusieurs autres séquences ont été filmées dans les studios de la société Franstudio à Saint-Maurice[4].

Bande originale[modifier | modifier le code]

Piano Bösendorfer 185
Le piano a un rôle très important dans la dramaturgie de la bande originale.

Après Le Combat dans l'île, son premier long-métrage mis en musique par Serge Nigg (qui avait imaginé pour ce film une partition symphonique sombre et à la limite de l'abstraction), le jeune Alain Cavalier décide de se tourner vers Georges Delerue. Étoile montante de la Nouvelle Vague, le Roubaisien signe avec L'Insoumis une musique tout aussi tourmentée et moderniste[5].

Écrite essentiellement pour petit orchestre à cordes et piano, la partition de Georges Delerue est plutôt courte. Par ailleurs, aucune musique n'accompagne le générique, car Cavalier et Delerue ont décidé de ne faire intervenir le Thème de Thomas qu'après cinquante minutes de film, c'est-à-dire très exactement quand Thomas prend conscience qu'il peut mourir des suites de la blessure que lui a infligée Amério[6]. Ce Thème de Thomas est basé sur un ostinato obsessionnel de quatre notes de piano très insistant et qui revient sous diverses formes dans le film (notamment lors de la séquence du voyage en train). Il s'agit de la traduction musicale de la menace qui va hanter le jeune homme jusqu'à la toute dernière image du film[7].

L'autre thème est lié à la courte relation amoureuse que Thomas entretient avec Dominique dans une chambre d'hôtel à Lyon. Cette musique écrite également pour cordes avec piano soliste est particulièrement ambiguë, parfois hypnotique et installe une impression de malaise très loin du romantisme attendu dans ce type de scène[7]. On peut entendre l'intégralité de ce thème d'amour (précédé par le Thème de Thomas) sur la Suite cinématographique que Laurent Petitgirard a enregistrée en 1986. Ce dernier y dirige l'Orchestre Symphonique de RTL et le célèbre pianiste Jean-Philippe Collard en soliste, avec la bénédiction de Georges Delerue lui-même[8],[9].

Plusieurs pistes restent totalement inédites et ne peuvent s'apprécier que dans le film lui-même, notamment un bref mouvement allegro très rapide et dissonant que l'on entend quand les deux amants s'échappent d'un barrage de police[7] et qui ressemble beaucoup au final allegro vivace du premier quatuor à cordes écrit par le compositeur en 1948[10].

La partition se conclut par la Mort de Thomas, morceau lent et dramatique[7],[11] que le réalisateur a décrit comme « un requiem généreux, superbe, qui chantait autant le renouveau de la nature que les derniers moments du voyageur venu mourir dans la ferme où il est né »[6].

L'insoumis est l'une des très rares bandes originales que Georges Delerue considérait comme digne de figurer dans une suite de concert[13], mais malgré sa grande qualité, cette partition n'a jamais bénéficié d'une édition discographique intégrale.

Quatre extraits de la bande originale ont été publiés à l'époque sous la forme d'un super 45 tours par Barclay.

Liste des morceaux du super 45 tours de 1964[14],[17]
No Titre Durée
1. Thème De Thomas 2:41
2. Thomas Et Dominique 2:18
3. La Fête Triste 2:55
4. Mort De Thomas 3:45
11:39

Autour du film[modifier | modifier le code]

L'Insoumis fut interdit en février 1965, à la suite d'une plainte déposée par l'avocate Mireille Glaymann, qui avait été enlevée par l'OAS à Alger en 1962 tout comme l'héroïne du film. Maître Matarasso, avocat de la plaignante, avait fait valoir que la seconde partie de l'œuvre pouvait porter atteinte à la vie privée de sa cliente. Le film fut amputé de vingt-cinq minutes de coupe sur demande du tribunal. Le film ressortira à l'hiver 1967-68 dans quelques salles[19],[1],[4].

Une photo d'Alain Delon tirée du film sert à illustrer la pochette de The Queen Is Dead, troisième album du groupe britannique The Smiths sorti en 1986[20],[21].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Samuel Blumenfeld, « Dans « L’Insoumis », Alain Delon en animal blessé de la guerre d’Algérie », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. Patrick Brion, Encyclopédie du Film Policier Français : 1910-2020, Paris, Télémaque, (ISBN 978-2753303836), p. 229.
  3. « Fiche du film L'insoumis, onglet Tournage », sur Ciné-Ressources (consulté le ).
  4. a et b Patrick Brion, Encyclopédie du Film Policier Français : 1910-2020, Paris, Télémaque, (ISBN 978-2753303836), p. 229-230.
  5. Georges Delerue, années soixante : présentation par Stéphane Lerouge, extraite du livret du CD Le Mépris - Bande Originale Du Film De Jean-Luc Godard, Universal Music Jazz France, 2001, p. 3.
  6. a et b Entretien d'Alain Cavalier par Stéphane Lerouge, extrait du livret du CD Le Mépris - Bande Originale Du Film De Jean-Luc Godard, Universal Music Jazz France, 2001, p. 5.
  7. a b c et d Thomas Aufort, « Dossier Georges Delerue : L'Insoumis, l'art de sonder l'intérieur des âmes », Colonne Sonore, no 3,‎ printemps-été 2001 (résumé, lire en ligne).
  8. Vincent Perrot, Georges Delerue, de Roubaix à Hollywood, Chatou, Carnot, coll. « Musique & cinéma », , p. 186-187.
  9. L'enregistrement de Petitgirard est le seul moyen à ce jour, de pouvoir écouter la version intégrale de la musique que Delerue a imaginée pour la scène d'amour : (en) « Georges Delerue, Laurent Petitgirard – Suite Cinématographique - The Rosebud Suite », sur Discogs (consulté le ).
  10. Présentation des quatuors par le producteur Clément Fontaine, extraite du livret du CD Georges Delerue – Quatuors À Cordes 1 & 2, DCM Classique , 2006, p. 8.
  11. Vincent Perrot, Georges Delerue, de Roubaix à Hollywood, Chatou, Carnot, coll. « Musique & cinéma », , p. 126.
  12. Frédéric Gimello-Mesplomb, Georges Delerue : une vie, Hélette, J. Curutchet, , p. 215-216.
  13. Interrogé sur son choix des musiques de films dignes de pouvoir être jouées en concert, le compositeur a répondu : « Beaucoup de partitions ne tiennent pas le coup hors image. […] Je dois dire que sur mes deux cents partitions de long-métrage, j'ai beaucoup de mal à trouver un matériel suffisant pour la durée de deux concerts. Celle que j'avais composée pour L'insoumis d'Alain Cavalier tient le coup. »[12].
  14. (en) « Georges Delerue – L'Insoumis », sur Discogs (consulté le ).
  15. (en) « Various – Le Mépris », sur Discogs (consulté le ).
  16. (en) « Georges Delerue – Le Mépris - Bande Originale Du Film De Jean-Luc Godard », sur Discogs (consulté le ).
  17. Ce disque de 1964 a été réédité en CD sur une compilation dédiée aux musiques de la Nouvelle Vague par la firme Milan en 1991[15]. La réédition plus récente par Universal Music en 2001[16] n'a repris que trois titres seulement, mais la piste La Fête Triste a été rallongée.
  18. Denis Zorgniotti et Ulysse Lledo, Une histoire du cinéma français : (1960-1969), t. 4, La Madeleine, LettMotif, , p. 69.
  19. Dans un dossier consacré à la censure dans le cinéma français du début des années 60, l'historien Denis Zorgniotti et le critique de cinéma Ulysse Lledo reviennent sur l'affaire : « Dans le film, une avocate pro-FLN est enlevée par des membres de l'OAS, une histoire proche de la réalité et de la vraie vie de Mireille Glaymann […] L'avocate porte plainte contre le film, son avocat fait valoir que la seconde partie du film lui porte préjudice. L'insoumis est amputé de 25 minutes à la demande du tribunal, il ne ressortira en catimini que fin 1967 »[18].
  20. (en) Mike Segretto, 33 1/3 Revolutions Per Minute : A Critical Trip Through the Rock LP Era, 1955–1999, Backbeat Books, (ISBN 978-1493064595), p. 457.
  21. « Le britbook de Hervé Bourhis, BD Dargaud, 2023 (The Smiths - The Queen Is Dead) », sur Google Livres.

Liens externes[modifier | modifier le code]