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Rébellion de Pontiac

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Rébellion de Pontiac
Description de cette image, également commentée ci-après
Lors d'un conseil célèbre du 27 avril 1763, Pontiac appelle ses auditeurs à se soulever contre les Britanniques.
Gravure du XIXe siècle d'Alfred Bobbet.
Informations générales
Date 1763-1766
Lieu Région des Grands Lacs d'Amérique du Nord
Issue Impasse militaire mais les Amérindiens obligent le pouvoir britannique à modifier sa politique.
Belligérants
Empire britannique Outaouais
Ojibwés
Potéouatamis
Hurons-Wendat
Miamis
Weas
Kickapous
Mascoutins
Piankashaws
Lenapes
Shawnees
Mingos
Sénécas
Commandants
Jeffery Amherst
Henri Bouquet
Thomas Gage
Pontiac
Guyasuta
Forces en présence
~3 000 soldats[1] ~3 500 combattants[2]
Pertes
450 soldats tués
2 000 civils tués ou prisonniers
4 000 civils déplacés
~200 combattants tués
Nombre inconnu de victimes des maladies

La rébellion de Pontiac, conspiration de Pontiac ou guerre de Pontiac opposa l'Empire britannique à une confédération de tribus amérindiennes de la région des Grands Lacs, du Pays des Illinois et de la Vallée de l'Ohio entre 1763 et 1766. Le conflit fut causé par les politiques désavantageuses qu'imposaient les Britanniques aux Amérindiens après avoir battu les Français durant la guerre de la Conquête (1754-1763). Les guerriers de nombreuses tribus rejoignirent le soulèvement amerindien dont le but était de chasser les troupes et les colons britanniques de la région. La guerre est nommée du nom du chef outaouais Pontiac, le plus prééminent des chefs amérindiens durant le conflit.

La guerre débuta en mai 1763 lorsque les Amérindiens, offensés par les politiques du général britannique Jeffery Amherst, attaquèrent plusieurs forts et implantations britanniques. Huit forts furent détruits et des centaines de colons furent tués ou capturés tandis qu'un nombre plus important quitta la région. Les expéditions britanniques de 1764 entraînèrent des négociations de paix qui durèrent deux ans.

La guerre a été brutale et le meurtre de prisonniers, les attaques contre les civils et diverses atrocités étaient courantes. Dans ce qui est peut-être l'incident le plus connu de la guerre, des officiers britanniques du Fort Pitt tentèrent d'infecter les Amérindiens assiégeant le fort avec des couvertures ayant été utilisées par des malades de la variole. La sauvagerie et la perfidie du conflit reflétaient l'hostilité grandissante entre les colons britanniques et les Amérindiens.

Malgré la création d'une réserve indienne (ou « Territoires indiens ») par la Proclamation royale de 1763, votée par le parlement anglais en octobre, le conflit dura jusqu'en 1766 et mena finalement à une impasse militaire : les Amérindiens ne réussirent pas à chasser les Britanniques, et ces derniers échouèrent à imposer leur souveraineté sur la partie orientale (rive gauche du Mississippi) de l'ancienne Louisiane. Cette guerre poussa par la suite le gouvernement britannique à modifier sa politique à l'égard des Amérindiens. Les Britanniques cherchèrent à éviter de nouvelles violences en maintenant une stricte frontière entre les Treize colonies et la réserve indienne. Cette mesure se révéla impopulaire pour des colons désireux de s'installer plus à l'ouest et fut l'une des causes ayant mené à la révolution américaine.

Nom du conflit

Le conflit est nommé d'après son plus fameux participant, le chef outaouais Pontiac et les variantes incluent « rébellion de Pontiac », « conspiration de Pontiac » ou « guerre de Pontiac ». L'une des premières désignations était « guerre de Pontiac et de Kiyasuta » ; « Kiyasuta » étant une écriture alternative de Guyasuta, un influent chef mingo/séneca[3]. La guerre fut largement désignée « conspiration de Pontiac » après la publication en 1851 de The Conspiracy of Pontiac de Francis Parkman[4]. Cet ouvrage influent qui servit de base à tous les autres livres sur la guerre pendant près d'un siècle est toujours publié aujourd'hui[5].

Au XXe siècle, certains historiens ont avancé que Parkman avait exagéré l'influence de Pontiac dans le conflit et qu'il était donc trompeur de nommer la guerre d'après lui. L'historien Francis Jennings écrivit par exemple en 1988 : « Dans l'esprit obscur de Francis Parkman, les complots d'un trou paumé émanaient d'un génie sauvage, le chef outaouais Pontiac, et ils devinrent donc la « conspiration de Pontiac » mais Pontiac était uniquement un seigneur de guerre outaouais local dans une « résistance » impliquant de nombreuses tribus[6] ». Des titres alternatifs pour la guerre ont été proposés mais les historiens continuent d'y faire référence avec les expressions familières même si la « conspiration de Pontiac » est aujourd'hui peu utilisée par les spécialistes[7].

Origines

Vous vous croyez les Maîtres de ce Pays parce que vous l'avez pris aux Français qui, vous le savez, n'avaient aucun droit dessus car il s'agit de la Propriété de nous autres, Indiens.
Nimwha, diplomate shawnee à George Croghan, 1768[8]

Dans les décennies qui précédèrent la rébellion de Pontiac, la France et la Grande-Bretagne s'étaient affrontées dans une série de guerres en Europe et les combats s'étaient également déroulés en Amérique du Nord. Le plus important de ces conflits fut la guerre de Sept Ans au cours de laquelle la France céda la Nouvelle-France aux Britanniques. La plupart des combats sur le théâtre nord-américain, généralement appelée guerre de la Conquête par les Canadiens français, s'arrêtèrent après la prise de Montréal par Jeffery Amherst en 1760[9].

Les troupes britanniques s'emparèrent aussi des forts de la Vallée de l'Ohio et de la région des Grands Lacs auparavant occupés par les Français. La Couronne britannique commença à imposer des changements dans l'administration de ces nouveaux territoires avant la fin officielle du conflit marquée par le traité de Paris de 1763. Alors que les Français avaient privilégié une approche diplomatique et avaient noué de fortes alliances avec certaines tribus amérindiennes, la politique britannique d'après-guerre considérait essentiellement les Amérindiens comme un peuple conquis[10]. Ceux-ci, anciens alliés des Français vaincus, furent rapidement de plus en plus mécontents de l'occupation britannique et des nouvelles règles imposées par le vainqueur.

Tribus impliquées

Les Amérindiens impliqués dans la rébellion de Pontiac vivaient dans une région mal définie de la Nouvelle-France appelée Pays-d'en-Haut qui était revendiquée par la France jusqu'au traité de Paris en 1763. Les Amérindiens de ce territoire étaient regroupés en de nombreuses tribus. À l'époque, une « tribu » désignait plus un groupe ethnique ou linguistique qu'une entité politique. Aucun chef ne parlait au nom de l'ensemble d'une tribu et les tribus étaient elles-mêmes divisées. Par exemple, certains chefs outaouais participèrent au conflit tandis que d'autres restèrent à l'écart[11].

Les tribus du Pays-d'en-Haut se répartissaient en trois groupes. Le premier regroupait les tribus de la région des Grands Lacs : les Outaouais, les Ojibwés, les Potéouatamis et les Hurons-Wendat. Ils étaient alliés de longue date des colons français, avec qui ils vivaient, commerçaient et se mariaient. Les Amérindiens des Grands Lacs s'inquiétèrent de la nouvelle souveraineté britannique après la défaite française. Lorsqu'une garnison britannique prit possession du Fort Pontchartrain du Détroit en 1760, les Amérindiens les avertirent que « Dieu a donné ce pays aux Indiens[12] ».

Carte du Pays d'en Haut sur une carte française de 1755.

Le second groupe correspondait aux tribus de l'Est du Pays des Illinois et incluait les Miamis, les Weas, les Kickapous, les Mascoutins et les Piankashaws[13]. Comme dans la région des Grands Lacs, ces peuples avaient une longue histoire d'amitié avec les Français. Durant la guerre de Sept Ans, les Britanniques furent incapables de projeter leur forces dans le Pays des Illinois qui se trouvait à l'extrémité occidentale du conflit et les tribus de la région furent donc les dernières à négocier avec les Britanniques[14].

Le troisième groupe comprenait les habitants de la Vallée de l'Ohio : les Lenapes, les Shawnees et les Mingos. Ces tribus avaient émigré dans la Vallée de l'Ohio au début du siècle pour échapper à la domination des Britanniques, des Français et des Iroquois[15]. À la différence des deux autres groupes, les tribus de l'Ohio n'avaient pas d'affinités particulières avec les Français et avaient combattu avec eux lors de la guerre de Sept Ans uniquement pour chasser les Britanniques[16]. Ils signèrent une paix séparée avec les Britanniques à la condition que leurs troupes quittent la vallée. Cependant, après le départ des Français, les Britanniques renforcèrent leurs forts plutôt que de les abandonner. Les tribus de l'Ohio repartirent donc en guerre en 1763 pour essayer à nouveau de chasser les Britanniques[17].

Au nord du Pays-d'en-Haut, la puissante Confédération iroquoise resta à l'écart de la guerre de Pontiac du fait de leur alliance avec les Britanniques, connue sous le nom de Covenant Chain. Néanmoins, la nation iroquoise la plus occidentale, les Sénécas, était mécontente de l'alliance. Dès 1761, les Sénécas avaient commencé à envoyer des messages aux tribus des Grands Lacs et de la Vallée de l'Ohio pour leur demander de s'unir pour chasser les Britanniques. Lorsque les hostilités commencèrent en 1763, la plupart des Sénécas étaient prêts au combat[18].

Politiques d'Amherst

Les politiques du général Jeffery Amherst, un héros britannique de la guerre de Sept Ans, furent l'une des causes de la guerre (peinture sur huile de Joshua Reynolds, 1765).

Le général Amherst, le commandant en chef britannique en Amérique du Nord, était chargé de la politique d'administration des Amérindiens qui incluait des aspects militaires et économiques et en particulier la traite des fourrures. Amherst considérait qu'avec la disparition de l'influence française, les Amérindiens n'auraient pas d'autres choix que d'accepter la domination britannique. Il pensait également qu'ils seraient incapables d'offrir une sérieuse résistance à l'armée britannique et il ne déploya que 500 soldats sur les 8 000 sous son commandement dans la région où débuta la révolte[19]. Amherst et ses officiers comme le major Henry Gladwin, commandant de Fort Détroit, ne dissimulaient pas leur mépris des Amérindiens et les Amérindiens impliqués dans le soulèvement se plaignaient fréquemment du fait que les Britanniques ne les traitaient pas mieux que des esclaves ou des chiens[20].

Le mécontentement des Amérindiens s'accentua en février 1761 après qu'Amherst eut décidé d'arrêter l'envoi de présents aux tribus. Ces présents étaient un élément essentiel de la relation entre les Français et les tribus du Pays-d'en-Haut. Suivant une coutume amérindienne ayant une symbolique importante, les Français offraient des présents (tels que des fusils, des couteaux, du tabac et des vêtements) aux chefs de village qui à leur tour distribuaient ces présents à leur peuple. Cela permettait aux chefs de renforcer leur position dominante et ils pouvaient ainsi maintenir leur alliance avec les Français[21]. Amherst considérait néanmoins que cette coutume était une forme de corruption qui n'était plus nécessaire en particulier après qu'il eut reçu l'ordre de réduire les dépenses après la fin des combats. De nombreux Amérindiens considéraient ce changement de politique comme une insulte et une indication que les Britanniques les considéraient comme un peuple conquis et non comme des alliés[22].

Amherst commença également à réduire la quantité de munitions et de poudre à canon que les marchands pouvaient vendre aux Amérindiens. Alors que les Français avaient toujours rendu cet approvisionnement disponible, Amherst n'avait pas confiance dans les Amérindiens, en particulier après la « rébellion cherokee » de 1761 au cours de laquelle les Cherokees avaient pris les armes contre leurs anciens alliés britanniques. Le soulèvement avait échoué du fait d'une pénurie de poudre et Amherst considérait que de futures révoltes pourraient être évitées en limitant la distribution de poudre. Cette décision fut très mal accueillie par les Amérindiens car la poudre à canon rendait la chasse pour se nourrir et récupérer des fourrures bien plus facile. De nombreux Amérindiens commencèrent à croire que les Britanniques les désarmaient en prévision d'une attaque contre eux. William Johnson, le surintendant du département des Indiens, tenta en vain d'avertir Amherst du danger de mettre un terme aux fournitures de présents et de poudre à canon[23].

Terres et religion

La terre fut également une des causes de la guerre. Tandis que les colons français avaient toujours été peu nombreux, le nombre de colons dans les colonies britanniques qui voulaient défricher les terres et s'installer semblait sans limite. Les Shawnees et les Delawares de la Vallée de l'Ohio avaient été chassés par les colons britanniques et cela motiva leur participation au conflit. De l'autre côté, les Amérindiens des Grands Lacs et du Pays des Illinois n'avaient pas été fortement exposées aux implantations blanches même s'ils connaissaient les expériences des tribus de l'est. L'historien Gregory Dowd avance que la plupart des Amérindiens impliqués dans la révolte de Pontiac n'étaient pas immédiatement menacés par les colons blancs et que les historiens ont donc surévalué l'importance de l'expansion coloniale britannique dans les causes de la guerre. Dowd considère que la présence, l'attitude et les pratiques de l'armée britannique, que les Amérindiens considéraient comme menaçantes et insultantes, furent des facteurs bien plus importants[24].

Parmi les causes de la guerre figuraient également un réveil religieux qui traversa les tribus amérindiennes au début des années 1760. Le mouvement fut nourri par le mécontentement contre les Britanniques, les pénuries de nourriture et les épidémies. Le personnage le plus influent était Neolin, appelé le « prophète delaware », qui appela les Amérindiens à rejeter le commerce des biens, des armes et de l'alcool avec les Blancs. Mélangeant des éléments chrétiens avec les traditions religieuses amérindiennes, Neolin déclara que le Maître de la Vie était mécontent car les Amérindiens avaient pris les mauvaises habitudes des Blancs et que les Britanniques menaçaient leur existence : « Si vous tolérez les Anglais parmi vous, vous êtes des hommes morts. La maladie, la variole et leur poison [alcool] vous détruiront complètement[25] ». C'était un message puissant pour un peuple dont le monde était changé par des forces semblant hors de sa portée[26].

Déclenchement de la guerre, 1763

On ne connaît aucun portrait authentique de Pontiac. Cette peinture a été réalisée par John Mix Stanley près de cent ans après la mort du chef amérindien[27].

Planification

Même si les combats ne commencèrent qu'en 1763, les rumeurs d'une attaque des Amérindiens mécontents circulaient dès 1761. Les Mingos de la Vallée de l'Ohio firent passer des messages (des « ceintures de guerre » faites en wampum) appelant les tribus à former une confédération pour chasser les Britanniques. Les Mingos, menés par Guyasuta et Tahaiadoris, s'inquiétaient d'un possible encerclement par les forts britanniques[28]. D'autres ceintures de guerre furent également créées dans le Pays des Illinois[29]. Les Amérindiens n'étaient cependant pas unifiés et en , les Amérindiens de Détroit informèrent le commandant britannique du complot[30]. William Johnson organisa une grande réunion avec les tribus à Détroit en et parvint à maintenir une paix précaire même si les ceintures de guerre continuaient à circuler[31]. La violence éclata finalement au début de l'année 1763 lorsque les Amérindiens apprirent la cession imminente du Pays-d'en-Haut aux Britanniques[32].

La première attaque commandée par Pontiac visa Fort Détroit en et les combats s'étendirent rapidement à toute la région. Huit forts britanniques furent pris et d'autres, dont Fort Détroit et Fort Pitt, furent assiégés. Dans The Conspiracy of Pontiac, Francis Parkman présente ces attaques comme une opération coordonnée planifiée par Pontiac[33]. L'interprétation de Parkman reste influente mais d'autres historiens ont avancé qu'aucune preuve n'indiquent que ces attaques faisaient partie d'un plan général ou d'une « conspiration[34] ». La vision actuelle est que le soulèvement n'avait pas été planifié mais que les nouvelles de l'attaque de Pontiac à Détroit ont circulé dans le Pays-d'en-Haut et ont inspiré les Amérindiens mécontents à rejoindre la révolte. Les attaques contre les forts britanniques ne furent pas simultanées et la plupart des Amérindiens de l'Ohio n'entrèrent en guerre qu'un mois après le début du siège à Détroit[35].

Parkman avança également que la révolte de Pontiac avait été secrètement instiguée par les colons français pour perturber les Britanniques. Cette idée était très répandue chez les représentants britanniques de l'époque mais les historiens n'ont trouvé aucune preuve d'une implication française officielle. Les rumeurs d'une implication française étaient en partie liées au fait que des ceintures de guerre françaises de la guerre de Sept Ans continuaient de circuler dans certains villages amérindiens. Certains historiens avancent aujourd'hui que les rôles étaient inversés et que ce sont les Amérindiens qui ont essayé d'impliquer les Français. Pontiac et les autres chefs amérindiens évoquaient fréquemment le retour imminent des Français et une renaissance de l'alliance avec eux ; Pontiac arborait d'ailleurs un drapeau français dans son village. Tout cela était apparemment destiné à pousser les Français à rejoindre la révolte contre les Britanniques mais seuls quelques colons et commerçants français soutinrent le soulèvement[36].

Siège de Fort Détroit

Le , Pontiac organisa un conseil sur les rives de l'Écorse sur le site de la ville actuelle de Lincoln Park dans le Michigan à 15 km au sud-ouest de Détroit. Reprenant les enseignements de Neolin pour inspirer ses auditeurs, Pontiac convainquit plusieurs tribus amérindiennes de le rejoindre dans une tentative pour prendre Fort Détroit[37]. Le 1er mai, Pontiac visita le fort avec 50 Outaouais pour évaluer la taille de la garnison[38]. Selon un chroniqueur français, lors d'un second conseil, Pontiac déclara :

« Il est important pour nous, mes frères, que nous exterminions de nos terres cette nation qui ne cherche qu'à nous détruire. Vous voyez aussi bien que moi que nous ne pouvons plus subvenir à nos besoins comme nous le faisions avec nos frères, les Français… Par conséquent, mes frères, nous devons tous jurer de les détruire sans plus attendre. Rien ne nous en empêche ; ils sont peu nombreux et nous pouvons le faire[39]. »

Pontiac écrit au gouverneur français du Pays des Illinois et de Haute-Louisiane, Pierre-Joseph Neyon de Villiers, gouverneur et commandant du fort de Chartres, pour l'aider à combattre les Anglais qui occupent le Fort Pontchartrain du Détroit depuis 1760. Malgré toute la sympathie que lui inspire cette révolte francophile, Pierre-Joseph Neyon de Villiers répond à Pontiac pour lui conseiller de renoncer à cette révolte anti-anglaise et de retourner dans leurs territoires en paix.

Espérant prendre le fort par surprise, Pontiac entra dans Fort Détroit le avec environ 300 hommes dissimulant leurs armes sous des couvertures. Les Britanniques avaient cependant été informés du plan de Pontiac et ils étaient prêts à combattre[40]. Sa tactique ayant échoué, Pontiac se retira après un bref conseil et commença le siège deux jours plus tard. Pontiac et ses alliés tuèrent tous les colons et soldats britanniques qu'ils trouvèrent en dehors du camp, y compris les femmes et les enfants[41]. L'un des soldats fut rituellement mangé comme cela était la coutume dans certaines cultures amérindiennes de la région des Grands Lacs[42]. La violence était dirigée contre les Britanniques et les colons français furent généralement épargnés, d'autant plus qu'ils informaient leurs alliés amérindiens des mouvements de troupes anglaises. Finalement près de 900 guerriers d'une demi-douzaine de tribus rejoignirent le siège. Dans le même temps, le , une colonne de renforts du Fort Niagara tomba dans une embuscade à la Pointe-Pelée[43].

Ayant reçu des renforts, les Britanniques tentèrent une attaque surprise contre le camp de Pontiac. Pontiac avait cependant été averti de leur approche et ils furent battus lors de la bataille de Bloody Run le . La situation devant le fort restait cependant bloquée et l'influence de Pontiac auprès de ses soldats commença à s'affaiblir. Des groupes d'Amérindiens quittèrent le siège dont certains après avoir fait la paix avec les Britanniques. Le , finalement convaincu que les Français de l'Illinois ne l'aideraient pas, Pontiac leva le siège et se retira sur la rivière Maumee où il continua ses efforts pour organiser la résistance contre les Britanniques[44].

Prise des petits forts

Forts et batailles de la guerre de Pontiac.

Avant que les autres avant-postes britanniques n'aient appris le siège de Fort Détroit, les Amérindiens capturèrent cinq petits forts dans une série d'attaques entre le et le [45]. Le premier à tomber fut Fort Sandusky (Fort Sandoské), un petit fortin sur les rives du lac Érié. Il avait été construit en 1761 sur ordre du général Amherst malgré les objections des Hurons qui, en 1762, avaient averti son commandant qu'il le brûlerait bientôt[46]. Le , un groupe de Hurons entra dans le fort pour tenir un conseil suivant le même stratagème qui avait échoué neuf jours plus tôt à Détroit. Ils s'emparèrent du commandant et tuèrent les 15 autres soldats ainsi que les marchands britanniques[47]. Ils furent les premiers de la centaine de marchands à être tués au début de la guerre[45]. Les morts furent rituellement scalpés et le fort fut incendié[48].

Le Fort Saint-Joseph, sur le site de la ville actuelle de Niles dans le Michigan, fut capturé le avec la même ruse qu'à Fort Sandusky. Les Potawatomis capturèrent le commandant et massacrèrent la garnison de 15 hommes[49]. Fort Miami, sur le site de la ville actuelle de Fort Wayne dans l'Indiana, fut le troisième fort à être capturé. Le , le commandant fut attiré en dehors du fort par sa maîtresse amérindienne et abattu par les Miamis. Les 9 hommes de la garnison se rendirent lorsque le fort fut encerclé[50].

Dans le Pays des Illinois, les Weas, les Mascoutins et les Kickapous prirent Fort Ouiatenon, à environ 8 km au sud-ouest de la ville actuelle de Lafayette dans l'Indiana, le . Ils attirèrent les 20 hommes de la garnison à l'extérieur sous prétexte d'un conseil et ils furent capturés sans effusions de sang. Les Amérindiens autour de Fort Ouiatenon entretenaient de bonnes relations avec la garnison britannique mais les émissaires de Pontiac les avaient convaincu d'agir. Les guerriers s'excusèrent auprès du commandant pour avoir capturé le fort en déclarant qu'ils « y avaient été contraints par les autres nations amérindiennes[51] ». À l'inverse des autres forts, les Amérindiens de Ouiatenon ne tuèrent pas leurs prisonniers britanniques[52].

Le cinquième fort à tomber, Fort Michilimakinac, sur le site de la ville actuelle de Mackinaw City dans le Michigan, fut le plus grand à être pris par surprise. Le , les Ojibwés organisèrent une partie de crosse avec des visiteurs sauks. Les soldats assistèrent au match comme ils l'avaient fait auparavant. La balle fut lancée dans les portes ouvertes du fort et les équipes se précipitèrent à l'intérieur où les femmes amérindiennes avaient fait entrer discrètement des armes. Les guerriers tuèrent 15 des 35 gardes et cinq autres furent torturés rituellement[53].

Trois forts de la Vallée de l'Ohio furent pris lors d'une seconde vague d'attaques au milieu du mois de juin. Les Sénécas prirent Fort Venango, près du site de la ville actuelle de Franklin en Pennsylvanie, le . Ils massacrèrent immédiatement les 12 hommes de la garnison et gardèrent en vie le commandant pour qu'il rédige par écrit les doléances des Sénécas. Il fut ensuite brûlé vif[54]. Il est possible que ce soit les mêmes guerriers sénécas qui ont attaqué Fort Le Boeuf, sur le site de la ville actuelle de Waterford en Pennsylvanie, le mais la plupart des 12 hommes de la garnison s'échappa à Fort Pitt[55].

Le , environ 250 guerriers outaouais, ojibwés et sénécas encerclèrent Fort de la Presqu'île, sur le site de la ville actuelle d'Érié en Pennsylvanie. Après deux jours de siège, la garnison de 30 à 60 soldats se rendit à condition de pouvoir retourner à Fort Pitt[56]. Ils furent presque tous tués après être sortis du fort[57].

Siège de Fort Pitt

Fort Pitt en 1776.

Les colons de l'Ouest de la Pennsylvanie recherchèrent la sécurité du Fort Pitt après le début de la guerre. Près de 550 personnes s'entassèrent à l'intérieur dont plus de 200 femmes et enfants[58]. Simeon Ecuyer, l'officier britannique d'origine suisse chargé du commandement, écrivit : « nous sommes si nombreux dans le fort que je crains la maladie… la variole est parmi nous[59] ». Fort Pitt fut attaqué le principalement par des Delawares. Le fort fut assiégé durant tout le mois de juillet et dans le même temps, les guerriers shawnees et delawares menèrent des raids en Pennsylvanie et tuèrent un nombre inconnu de colons. Deux petits fortins reliant Fort Pitt avec l'est, Fort Bedford et Fort Ligonier, furent sporadiquement attaqués durant le conflit mais sans être capturés[60].

Avant la guerre, Amherst avait rejeté la possibilité que les Amérindiens puissent offrir une quelconque résistance à la domination britannique mais durant l'été la situation militaire s'était considérablement dégradée. Il ordonna à ses officiers d'« exécuter immédiatement » tout guerrier amérindien capturé. Le , Amherst écrivit au colonel Henri Bouquet de Lancaster en Pennsylvanie qui préparait une expédition pour secourir Fort Pitt, « Ne serait-il pas possible d'envoyer la variole chez les tribus indiennes rebelles ? Nous devons à cette occasion utiliser tous les stratagèmes en notre pouvoir pour les vaincre[61] ».

Bouquet était d'accord et il lui répondit le , « J'essaierai d'infecter ces salauds avec les couvertures qui pourraient tomber entre mes mains et faire attention à ne pas contracter la maladie moi-même ». Amherst lui écrivit le , « Vous ferez bien d'infecter les Indiens avec des couvertures, de même que toute autre méthode qui permettrait d'extirper cette race exécrable[62] ».

Les officiers assiégés de Fort Pitt avaient déjà essayé de faire ce qu'Amherst et Bouquet évoquaient, apparemment de leur propre initiative. Durant des pourparlers à Fort Pitt le , Ecuyer offrit aux représentants delawares deux couvertures et un foulard qui avaient été exposés à la variole en espérant transmettre la maladie aux Amérindiens et les forcer à lever le siège[63]. William Trent, le commandant de la milice, écrivit dans son journal que l'objectif de donner les couvertures était de « transmettre la variole aux Indiens[64] ».

Il n'est pas clair si cette tentative pleinement documentée de transmettre la variole aux Amérindiens a fonctionné ou non[65]. Comme de nombreux Amérindiens sont morts de la variole durant la rébellion de Pontiac, l'historien Francis Jennings en a conclu que la tentative a été « sans aucun doute efficace[66] ». D'autres historiens doutent cependant du lien entre l'épidémie de variole et les couvertures de Fort Pitt.

Selon le rapport d'un témoin, la variole s'était répandue dans la Vallée de l'Ohio avant l'incident de Fort Pitt[67]. Comme la variole était déjà dans la région, elle pourrait avoir atteint les villages amérindiens par plusieurs moyens. Des témoins rapportèrent que les guerriers amérindiens avaient contracté la maladie après avoir attaqué des campements blancs et avaient ramené la variole avec eux jusque dans leurs villages[68]. L'historien Michael McConnell avança que même si la tentative de Fort Pitt avait fonctionné, les Amérindiens connaissaient déjà la maladie et savaient qu'il fallait isoler les malades. Pour ces raisons, McConnell conclut que « les efforts britanniques pour utiliser l'épidémie comme une arme n'ont pas forcement été nécessaires ou particulièrement efficaces[69] ». Selon l'historien David Dixon, les Amérindiens à l'extérieur de Fort Pitt ne furent apparemment pas affecté par une quelconque maladie[70]. Dixon affirme que « les Indiens ont bien pu contracter l'effrayante maladie de plusieurs manières mais les couvertures infectées de Fort Pitt n'en étaient pas une[71] ».

Bushy Run et le Trou du Diable

Le , la plupart des Amérindiens levèrent le siège de Fort Pitt pour intercepter 500 soldats britanniques progressant vers le fort sous le commandement du colonel Bouquet. Le , les deux groupes se rencontrèrent à Bushy Run dans l'actuel comté de Westmoreland. Même si ses troupes subirent de lourdes pertes, Bouquet repoussa l'attaque et rejoignit Fort Pitt le où il leva le siège. Sa victoire à Bushy Run fut célébrée dans les colonies britanniques où les cloches des églises de Philadelphie sonnèrent durant toute la nuit et par le roi George III du Royaume-Uni[72].

Cette victoire fut rapidement suivie par une lourde défaite. Fort Niagara, l'un des forts les plus importants de l'Ouest de la Pennsylvanie, ne fut pas assiégé mais le , environ 300 Sénécas, Outaouais et Ojibwés attaquèrent un convoi de ravitaillement le long du portage des chutes du Niagara. Deux compagnies envoyées depuis Fort Niagara pour secourir le convoi furent également battues. Plus de 70 soldats et transporteurs furent tués lors de ces combats que les Anglo-Américains appelèrent le « massacre du Trou du Diable », le plus sanglant engagement de la guerre pour les soldats britanniques[73].

Paxton Boys

Lithographie de 1841 sur le massacre des Amérindiens de Lancaster par les Paxton Boys en 1763.

La violence et la terreur de la guerre de Pontiac convainquirent de nombreux Pennsylvaniens de l'Ouest que leur gouvernement ne faisait rien pour les protéger. La manifestation la plus violente de ce mécontentement fut un soulèvement mené par un groupe d'auto-défense appelé les Paxton Boys car ils venaient essentiellement du village de Paxton (ou Paxtang) en Pennsylvanie. Ses habitants s'attaquèrent aux Amérindiens dont la plupart étaient convertis au christianisme vivant paisiblement dans des petites enclaves au milieu des implantations blanches de Pennsylvanie. À la suite d'une rumeur indiquant qu'un groupe de guerriers amérindiens avait été vu près du village amérindien de Conestoga le , un groupe de plus de 50 Paxton Boys marchèrent sur le village et tuèrent les six Andastes qu'ils trouvèrent. Les représentants de la Pennsylvanie placèrent les 14 autres Andastes sous protection judiciaire à Lancaster mais le , les Paxton Boys entrèrent dans la prison et les massacrèrent. Le gouverneur John Penn offrit des primes pour l'arrestation des meurtriers mais personnes ne se présenta pour les identifier[74].

Les Paxton Boys tournèrent ensuite leur attention vers les autres Amérindiens vivant dans l'est de la Pennsylvanie dont la plupart avaient fui à Philadelphie pour y trouver protection. Plusieurs Paxton Boys marchèrent sur Philadelphie en janvier 1764 mais les troupes britanniques et les miliciens les empêchèrent de se livrer à d'autres violences. Benjamin Franklin, qui avait aidé à organiser la milice locale, négocia avec les chefs des Paxton Boys pour mettre fin aux violences. Franklin publia une critique sévère des Paxton Boys. Il demanda « si un Indien me blesse, dois-je venger cette blessure sur tous les Indiens[75] ? » L'un des chefs du mouvement, Lazarus Stewart, fut tué lors du massacre de la Wyoming Valley en 1778.

Réponse britannique (1764-1766)

Les raids amérindiens sur les implantations frontalières se poursuivirent au printemps et à l'été 1764. La colonie de Virginie fut la plus touchée avec plus de 100 colons tués[76]. Le , 15 colons travaillant dans un champ près de Fort Cumberland dans le Maryland furent tués. Le , environ 13 colons vivant près de Fort Loudoun à Winchester en Pennsylvanie furent tués et leurs maisons incendiées. Le raid le plus connu eut lieu le lorsque quatre guerriers delawares tuèrent et scalpèrent un enseignant et dix enfants dans l'actuel comté de Franklin en Pennsylvanie. Des incidents de ce type poussèrent l'Assemblée de Pennsylvanie, avec l'approbation du gouverneur Penn, à réintroduire les primes au scalp offertes durant la guerre de la Conquête pour tout Amérindien, homme ou femme, de plus de dix ans tué[77].

Le général Amherst fut rappelé à Londres en et fut remplacé par le major-général Thomas Gage. En 1764, Gage envoya deux expéditions vers l'ouest pour écraser la rébellion, secourir les prisonniers britanniques et arrêter les responsables amérindiens de la guerre. Selon l'historien Fred Anderson, la campagne de Gage, qui avait été conçue par Amherst, prolongea la guerre de plus d'un an car elle avait pour but de punir les Amérindiens plutôt que de mettre fin à la guerre. Néanmoins, Gage autorisa William Johnson à négocier un traité de paix à Fort Niagara pour offrir aux Amérindiens une chance d'« enterrer la hache de guerre[78] ».

Traité de Fort Niagara

De juillet à , Johnson négocia un traité de paix à Fort Niagara devant près de 2 000 Amérindiens, essentiellement Iroquois. Même si la plupart des Iroquois étaient restés à l'écart du conflit, les Sénécas de la Vallée de la Genesee avaient pris les armes contre les Britanniques et Johnson essaya de les ramener au sein de l'alliance de la Covenant Chain. En réparation du massacre du Trou du Diable, les Sénécas furent obligés d'abandonner le portage stratégique des chutes du Niagara aux Britanniques. Johnson convainquit même les Iroquois d'envoyer des guerriers contre les Amérindiens de la Vallée de l'Ohio. Cette expédition iroquoise captura plusieurs Delawares et détruisit des villages abandonnés shawnees et delawares dans la Vallée de la Susquehanna mais les résultats ne furent pas à la hauteur de ce qu'espérait Johnson[79].

Expéditions Bradstreet et Bouquet

Gravure de 1765, basée sur une peinture de Benjamin West, représentant les négociations de Bouquet. L'orateur amérindien tient une ceinture de wampum, élément essentiel de la diplomatie dans la région des Grands Lacs.

Ayant sécurisé la région autour de Fort Niagara, les Britanniques lancèrent deux expéditions militaires vers l'ouest. La première, menée par le colonel John Bradstreet, devait traverser le lac Érié en bateau pour renforcer Fort Détroit. Bradstreet devait ensuite soumettre les Amérindiens de la zone avant de progresser vers le Sud dans le Pays des Illinois. La seconde expédition, commandée par le colonel Bouquet, devait marcher sur Fort Pitt et former un second front dans le Pays des Illinois.

Bradstreet quitta Fort Schlosser au début du mois d' avec environ 1 200 soldats et un important contingent d'alliés amérindiens recrutés par William Johnson. Bradstreet considérait qu'il n'avait pas assez d'hommes pour soumettre tous les Amérindiens par la force et lorsqu'une tempête l'obligea à s'arrêter à Fort de la Presqu'île le , il décida de négocier un traité avec une délégation amérindienne de la Vallée de l'Ohio menée par Guyasuta. Bradstreet avait outrepassé son autorité en signant un traité de paix et non une simple trêve et en acceptant de stopper l'expédition de Bouquet qui n'avait pas encore quitté Fort Pitt. Gage, Johnson et Bouquet furent ulcérés lorsqu'ils apprirent la nouvelle. Gage dénonça le traité car il croyait que Bradstreet avait été trompé en arrêtant son offensive. Gage avait peut-être raison car les Amérindiens ne livrèrent pas les prisonniers comme convenu lors d'une seconde rencontre avec Bradstreet en septembre et certains Shawnees essayaient d'obtenir l'aide des Français pour continuer la guerre[80].

Bradstreet continua vers l'ouest sans savoir que sa diplomatie non autorisée avait ulcéré ses supérieurs. Il atteignit Fort Détroit le et il y négocia un nouveau traité. Dans une tentative pour discréditer Pontiac qui n'était pas présent, Bradstreet coupa une ceinture de guerre que le chef outaouais avait envoyé à la réunion. Selon l'historien Richard White, « un tel acte, équivalent à un ambassadeur européen urinant sur une proposition de traité, choqua et offensa les Amérindiens rassemblés ». Bradstreet avança également que les Amérindiens avaient accepté la souveraineté britannique à la fin de ses négociations mais Johnson considérait que cela n'avait pas été suffisamment expliqué aux Amérindiens et que d'autres conseils seraient nécessaires. Même si Bradstreet avait renforcé et réoccupé les forts britanniques de la région, sa diplomatie fut controversée et peu concluante[81].

Comme de nombreux enfants capturés avaient été adoptés dans des familles amérindiennes, leur retour forcé était souvent douloureux comme dans cette gravure basée sur une peinture de Benjamin West.

Le colonel Bouquet, retardé en Pennsylvanie par le rassemblement de la milice, quitta finalement Fort Pitt le avec 1 150 hommes. Il rejoignit la rivière Muskingum dans la Vallée de l'Ohio à portée de vue de nombreux villages amérindiens. Comme des traités de paix avaient été négociés à Fort Niagara et Fort Détroit, les Amérindiens de la Vallée de l'Ohio étaient isolés et, à quelques exceptions, prêts à faire la paix. Durant un conseil débutant le , Bouquet demanda le retour de tous les prisonniers y compris ceux capturés durant la guerre de Sept Ans. Guyasuta et les autres chefs rendirent à contre-cœur plus de 200 prisonniers dont beaucoup avaient été adoptés dans des familles amérindiennes. Comme tous les captifs n'étaient pas présents, les Amérindiens durent céder des otages en garantie que les autres prisonniers seraient rendus. Les Amérindiens acceptèrent d'assister à une conférence formelle pour signer la paix avec Williams Johnson en [82].

Traité avec Pontiac

Même si les combats cessèrent après les expéditions de 1764[83], les Amérindiens continuaient de prêcher la résistance dans le Pays des Illinois où les troupes britanniques devaient prendre possession du Fort de Chartres conformément au traité de Paris de 1763. Un chef de guerre nommé Charlot Kaské émergea comme le plus anti-britannique des chefs de la région, surpassant momentanément Pontiac en influence. Kaské voyagea vers le sud jusqu'à La Nouvelle-Orléans pour essayer d'obtenir une aide française contre les Britanniques[84].

En 1765, les Britanniques décidèrent que l'occupation du Pays des Illinois ne pourrait être réalisée que par des moyens diplomatiques. Les représentants britanniques se concentrèrent sur Pontiac qui était devenu moins belliqueux après avoir appris la trêve de Bouquet avec les Amérindiens de la Vallée de l'Ohio[85]. L'assistant de Johnson, George Croghan, se rendit dans le Pays des Illinois à l'été 1765 et bien qu'il ait été blessé durant le voyage par une attaque des Mascoutins et des Kickapous, il parvint à rencontrer et à négocier avec Pontiac. Alors que Charlot Kaské voulait brûler vif Croghan[86], Pontiac appela au calme et accepta de se rendre vers l'est où il signa un traité de paix formel avec William Johnson à Fort Ontario le . Ce n'était pas réellement une reddition car aucun territoire ne fut cédé et aucun prisonnier ne fut rendu[87]. Plutôt que d'accepter la domination britannique, Kaské traversa le Mississippi avec d'autres réfugiés français et amérindiens vers la Louisiane espagnole[88].

Conséquence

La proclamation royale de 1763 établissait une frontière entre les Treize colonies britanniques et les territoires amérindiens à l'ouest.

Le , la Couronne britannique délivra la proclamation royale de 1763 réorganisant l'Amérique du Nord britannique consécutivement au traité de Paris. Avant l'intensification du conflit, le gouvernement britannique était en effet déjà arrivé à la conclusion que les colons et les Amérindiens devaient être séparés. Ce document traçait une frontière entre les Treize colonies du littoral et les terres amérindiennes à l'ouest des Appalaches, créant ainsi une grande « réserve indienne » s'étendant des Appalaches au Mississippi et de la Floride au Québec. En interdisant aux colons d'entrer dans les terres amérindiennes, le gouvernement britannique espérait éviter de nouveaux conflits. L'historien Colin Calloway écrivit que : « la proclamation royale reflétait la notion selon laquelle la ségrégation et non l'interaction devait caractériser les relations entre les Amérindiens et les Blancs[89] ».

Le nombre total de morts causé par la rébellion de Pontiac est inconnu. Environ 400 soldats britanniques furent tués au combat et peut-être 50 furent capturés et torturés à mort[90]. George Croghan estima que 2 000 colons avaient été tués ou capturés, un nombre souvent réutilisé comme 2 000 colons tués[91]. Les violences poussèrent environ 4 000 colons de Pennsylvanie et de Virginie à quitter leurs maisons[92]. Les pertes amérindiennes sont mal connues mais on estime que 200 guerriers ont été tués au combat et que d'autres morts sont à déplorer si la guerre biologique initiée à Fort Pitt a fonctionné[93].

La guerre de Pontiac a traditionnellement été décrite comme une défaite amérindienne[94] mais les historiens la considèrent aujourd'hui comme une impasse militaire puisque si les Amérindiens n'ont pas réussi à chasser les Britanniques, les Britanniques n'ont pas pu conquérir les territoires amérindiens. Les négociations et les compromis plutôt qu'une victoire sur le champ de bataille ont finalement mis fin à la guerre[95]. Les Amérindiens ont en quelque sorte remporté une victoire en forçant le gouvernement britannique à abandonner les politiques d'Amherst et à créer une relation plus apaisée avec eux sur le modèle de l'alliance franco-amérindienne[96].

Les relations entre les colons britanniques et les Amérindiens, qui avaient été sévèrement endommagées durant la guerre de Sept Ans, atteignirent un nouveau minimum durant la rébellion de Pontiac[97]. Selon l'historien David Dixon, la « guerre de Pontiac fut sans précédent par son atroce violence car les deux camps semblaient intoxiqués par un fanatisme génocidaire[98] ». L'historien Daniel Richter qualifie la tentative amérindienne de chasser les Britanniques et les attaques des Paxton Boys contre les Amérindiens comme des exemples de nettoyages ethniques[99]. Les habitants des deux camps en arrivèrent à la conclusion que les colons et les Amérindiens étaient fondamentalement différents et ne pouvaient pas vivre ensemble. Selon Richter, la guerre vit l'émergence « d'une nouvelle idée selon laquelle tous les Amérindiens étaient « Indiens », que tous les Euro-Américains étaient « Blancs » et que ceux de chaque côté devaient s'unir pour détruire l'autre[100] ».

Les effets de la guerre de Pontiac furent durables. Comme la proclamation reconnaissait officiellement que les peuples amérindiens avaient certains droits sur les terres qu'ils occupaient, elle a été qualifiée de Bill of Rights amérindienne et elle continue de servir de base aux relations entre le gouvernement canadien et les Premières Nations[101]. Pour les colons britanniques et les spéculateurs fonciers, la proclamation semblait annuler les gains obtenus lors de la guerre avec la France. Le mécontentement sapa l'attachement des colonies au Royaume-Uni et contribua à la révolution américaine[102]. Selon Colin Calloway : « Les colons américains lancèrent une guerre d'indépendance victorieuse douze ans après en partie à cause des mesures prises par le gouvernement britannique pour essayer d'empêcher une autre guerre comme celle de Pontiac[103] ».

Pour les Amérindiens, la guerre de Pontiac démontrait la capacité d'une coopération pan-tribale à résister à l'expansion coloniale européenne. Même si le conflit divisa les tribus et les villages[104], elle fut la première résistance multi-tribale amérindienne contre la colonisation européenne en Amérique du Nord et la première à ne pas s'être terminée par une défaite complète des Amérindiens[105]. La proclamation de 1763 n'empêcha pas des colons et des spéculateurs fonciers de s'étendre vers l'ouest et les Amérindiens furent obligés de former de nouveaux mouvements de résistance. Commençant avec les conférences organisées par les Shawnees en 1767, des chefs comme Joseph Brant, Alexander McGillivray, Blue Jacket et Tecumseh tentèrent de créer des confédérations pour raviver l'esprit de résistance de la guerre de Pontiac[106].

Le , le parlement anglais vota l'Acte de Québec qui joignit le territoire de l'Ohio à la province de Québec sans pour autant autoriser sa colonisation, ce territoire étant toujours réservé aux Amérindiens.

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Pontiac's War » (voir la liste des auteurs).
  1. Dowd 2002, p. 117 ; Dixon 2005, p. 158.
  2. Dowd 2002, p. 117.
  3. Dixon 2005, p. 303n21 ; Peckham 1947, p. 107.
  4. Nester 2000, p. x.
  5. McConnell 1994, p. xiii ; Dowd 2002, p. 7.
  6. Jennings 1988, p. 442.
  7. Parmi les titres alternatifs : « guerre défensive des Amérindiens de l'Ouest » (utilisé par McConnel d'après l'historien W. J. Eccles) et « guerre amérindienne de 1763 » (Utilisé par Steele). L'expression « guerre de Pontiac » est la plus utilisée par les historiens figurant dans les références. « Conspiration de Pontiac » reste le titre utilisé par la Bibliothèque du Congrès.
  8. Dowd 2002, p. 216.
  9. Anderson 2000, p. 453.
  10. White 1991, p. 256.
  11. . Pour les tribus ne représentant pas une entité politique, voir White 1991, p. xiv. Pour les Outaouais qui dénoncèrent la guerre, voir White 1991, p. 287.
  12. White 1991, p. 260.
  13. Dowd 2002, p. 168.
  14. Anderson 2000, p. 626-32.
  15. McConnell 1992, p. ch. 1.
  16. White 1991, p. 240-45.
  17. White 1991, p. 248-55.
  18. Dixon 2005, p. 85-89.
  19. Dixon 2005, p. 157-58.
  20. Dowd 2002, p. 63-69.
  21. White 1991, p. 36, 113, 179-83.
  22. White 1991, p. 256-58 ; McConnell 1992, p. 163-64 ; Dowd 2002, p. 70-75.
  23. . Pour les effets de la pénurie de poudre des Cherokees sur Amherst, voir Anderson 2000, p. 468-71 ; Dixon 2005, p. 78. Pour le mécontentement amérindien concernant les restrictions sur la poudre à canon, voir Dowd 2002, p. 76-77 ; Dixon 2005, p. 83.
  24. Dowd 2002, p. 82-83.
  25. Dowd 1992, p. 34.
  26. White 1991, p. 279-85.
  27. Dowd 2002, p. 6.
  28. White 1991, p. 272 ; Dixon 2005, p. 85-87.
  29. White 1991, p. 276.
  30. Dowd 2002, p. 105 ; Dixon 2005, p. 87-88.
  31. Dixon 2005, p. 92-93, 100 ; Nester 2000, p. 46-47.
  32. Dixon 2005, p. 104.
  33. Parkman 1851, p. 1:186-87 ; McConnell 1992, p. 182.
  34. Peckham 1947, p. 108-10. L'historien Wilbur Jacobs défend la thèse de Parkman d'une planification antérieure de Pontiac mais rejette le mot « conspiration » car il suggère que les demandes amérindiennes étaient injustifiées, Jacobs 1972, p. 83-90.
  35. McConnell 1992, p. 182.
  36. Dowd 2002, p. 105-13, 160, 268 ; White 1991, p. 276-77 ; Calloway 2006, p. 126. Peckham, comme Parkman, avancèrent que les Amérindiens ont pris les armes du fait « garanties discrètes des Français » même si les deux reconnaissent que les preuves sont minces.
  37. Parkman 1851, p. 1:200-08.
  38. Dixon 2005, p. 108 ; Peckham 1947, p. 116.
  39. Peckham 1947, p. 119-20 ; Dixon 2005, p. 109.
  40. Dixon 2005, p. 109-10 ; Nester 2000, p. 77-8.
  41. Dixon 2005, p. 111-12.
  42. Dixon 2005, p. 114.
  43. Peckham 1947, p. 156.
  44. Dowd 2002, p. 139.
  45. a et b Dowd 2002, p. 125.
  46. McConnell 1992, p. 167 ; Nester 2000, p. 44.
  47. Nester 2000, p. 86 avance le nombre de 12 commerçants tués, Dixon 2005 mentionne qu'il y en eut « trois ou quatre » et Dowd 2002, p. 125 dit qu'ils étaient « beaucoup ».
  48. Nester 2000, p. 86 ; Parkman 1851, p. 1:271.
  49. Nester 2000, p. 88-9.
  50. Nester 2000, p. 90.
  51. Dixon 2005, p. 121.
  52. Nester 2000, p. 90-1.
  53. Dixon 2005, p. 122 ; Dowd 2002, p. 126 ; Nester 2000, p. 95-97.
  54. Nester 2000, p. 99.
  55. Nester 2000, p. 101-02.
  56. Dixon 2005, p. 149 avance que le fort abritait 29 soldats et plusieurs civils tandis que Dowd 2002, p. 127 avance qu'il y avait « peut-être 60 hommes » à l'intérieur.
  57. Dowd 2002, p. 128.
  58. Dixon 2005, p. 151 ; Nester 2000, p. 92.
  59. Dixon 2005, p. 151.
  60. Dowd 2002, p. 130 ; Nester 2000, p. 97-8, 113.
  61. Peckham 1947, p. 226 ; Anderson 2000, p. 542, 809n.
  62. Anderson 2000, p. 809n ; Grenier 2008, p. 144 ; Nester 2000, p. 114-15.
  63. Anderson 2000, p. 541-42 ; Jennings 1988, p. 447n26. Ce n'était pas la première fois qu'une forme primitive de guerre biologique avait été utilisée dans la région ; en 1761, les Amérindiens avaient essayé d'empoisonner le puits de Fort Ligonier avec une carcasse animale, Dixon 2005, p. 153.
  64. Calloway 2006, p. 73.
  65. Pour une étude des preuves et des interprétations historiques, voir Elizabeth A. Fenn, « Biological Warfare in Eighteenth-Century North America: Beyond Jeffery Amherst », The Journal of American History, vol. 86, no 4,‎ , p. 1552-1580.
  66. Jennings 1988, p. 447-48.
  67. McConnell 1992, p. 195 ; Dixon 2005, p. 154.
  68. Dixon 2005, p. 154 ; McConnell 1992, p. 195.
  69. McConnell 1992, p. 195-96.
  70. Dixon 2005, p. 154.
  71. Dixon 2005, p. 152-55 ; McConnell 1992, p. 195-96 ; Dowd 2002, p. 190.
  72. Pour les célébrations, voir Dixon 2005, p. 196.
  73. Peckham 1947, p. 224-25 ; Dixon 2005, p. 210-11 ; Dowd 2002, p. 137.
  74. Nester 2000, p. 173.
  75. Franklin cité dans Nester 2000, p. 176.
  76. Nester 2000, p. 194.
  77. Dixon 2005, p. 222-24 ; Nester 2000, p. 194.
  78. Anderson 2000, p. 553, 617-20.
  79. Pour le traité de Fort Niagara, voir McConnell 1992, p. 197-99 ; Dixon 2005, p. 219-20, 228 ; Dowd 2002, p. 151-53.
  80. Pour Bradstreet, voir White 1991, p. 291-92 ; McConnell 1992, p. 199-200 ; Dixon 2005, p. 228-29 ; Dowd 2002, p. 155-58. Dowd écrit que l'escorte amérindienne de Bradstreet comptait « environ 600 hommes » (p. 155) tandis que Dixon avance qu'ils étaient « plus de 250 » (p. 228).
  81. Pour Bradstreet à Détroit, voir White 1991, p. 297-98 ; McConnell 1992, p. 199-200 ; Dixon 2005, p. 227-32 ; Dowd 2002, p. 153-62.
  82. Pour l'expédition de Bouquet, voir Dixon 2005, p. 233-41 ; McConnell 1992, p. 201-05 ; Dowd 2002, p. 162-65.
  83. Dixon 2005, p. 242.
  84. White 1991, p. 300-1 ; Dowd 2002, p. 217-19.
  85. White 1991, p. 302.
  86. White 1991, p. 305, note 70.
  87. Dowd 2002, p. 253-54.
  88. Calloway 2006, p. 76, 150.
  89. Calloway 2006, p. 92.
  90. Peckham 1947, p. 239 ; Nester 2000, p. 280 liste 500 tués, une coquille apparente car sa source est Peckham.
  91. Pour les travaux reprenant les 2 000 tués (et non les tués et capturés), voir Jennings 1988, p. 446 ; Nester 2000, p. vii, 172, Nester avance par la suite (p. 279) que ce nombre est plutôt de 450 tués. Dowd avance que l'estimation largement reprise de Croghan « ne peut être prise sérieusement » car il s'agissait d'une « approximation grossière » réalisée alors que Croghan se trouvait à Londres, Dowd 2002, p. 142.
  92. Dowd 2002, p. 275.
  93. Nester 2000, p. 279.
  94. Peckham 1947, p. 322.
  95. Dixon 2005, p. 242-43 ; White 1991, p. 289 ; McConnell 1994, p. xv.
  96. White 1991, p. 305-09 ; Calloway 2006, p. 76 ; Richter 2001, p. 210.
  97. Calloway 2006, p. 77.
  98. Dixon 2005, p. xiii.
  99. Richter 2001, p. 190-91.
  100. Richter 2001, p. 208.
  101. Calloway 2006, p. 96-98.
  102. Dixon 2005, p. 246.
  103. Calloway 2006, p. 91.
  104. Hinderaker 1997, p. 156.
  105. Steele 1994, p. 234 ; Steele 1994, p. 247.
  106. Dowd 1992, p. 42-43, 91-93 ; Dowd 2002, p. 264-66.

Bibliographie

Bande dessinée

Liens externes