Viatcheslav Molotov

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Viatcheslav Molotov
Illustration.
Fonctions
Premier vice-président du Conseil des ministres de l'URSS

(14 ans, 10 mois et 13 jours)
Prédécesseur Nikolaï Voznessenski
Successeur Nikolaï Boulganine
Ministre des Affaires étrangères

(3 ans, 2 mois et 27 jours)
Prédécesseur Andreï Vychinski
Successeur Dmitri Chepilov

(9 ans, 10 mois et 1 jour)
Prédécesseur Maxime Litvinov
Successeur Andreï Vychinski
Membre du Politburo

(31 ans, 1 mois et 26 jours)
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Koukarka
Drapeau de l'Empire russe Empire russe
Date de décès (à 96 ans)
Lieu de décès Moscou, RSFS de Russie
Drapeau de l'URSS Union soviétique
Nationalité Drapeau de la Russie russe puis Drapeau de l'URSS soviétique
Parti politique PCUS
Conjoint Polina Jemtchoujina

Signature de Viatcheslav Molotov

Viatcheslav Mikhaïlovitch Molotov (en russe : Вячеслав Михайлович Молотов ; né le 25 février 1890 ( dans le calendrier grégorien)[1] et mort le ) est un homme politique et diplomate soviétique. Chef du gouvernement de l'URSS de 1930 à 1941, ministre des Affaires étrangères jusqu'en 1949, membre titulaire du Politburo de 1926 à 1957, il est considéré comme le bras droit de Joseph Staline. Il demeure un membre influent du Parti communiste de l'Union soviétique jusqu'à son éviction, lors de la déstalinisation.

Biographie

Jeunesse

Viatcheslav Molotov est né à Koukarka (aujourd'hui Sovetsk) en Russie, sous le nom de Viatcheslav Mikhaïlovitch Skriabine (Вячесла́в Миха́йлович Скря́бин)[2].

Après des études au Gymnasium (école secondaire ou lycée) de Kazan, il s'inscrit en 1906 au Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) sous le pseudonyme de Molotov (du russe : molot (молот) marteau), abandonnant son nom de famille de Skriabine. En 1911, il s'inscrit à l'Institut Polytechnique de Saint Petersbourg pour étudier l'économie et y restera jusqu'en 1916;

En 1912, il est l'un des fondateurs de la Pravda. C’est également cette année qu’il rencontre pour la première fois Staline, qu’il héberge chez lui avant une nouvelle déportation de ce dernier en Sibérie[3].

Ascension au sein du PCUS

En 1917, il est, avec Alexandre Chliapnikov, le plus ancien bolchevik à Pétrograd lorsque éclate la révolution de Février. Alors que Lénine est encore en exil en Suisse, il se rallie à l'analyse et à la politique de Lénine, mais son rôle dans la Révolution d'Octobre et dans la guerre civile russe reste obscur. Son ascension dans les hautes sphères du parti et de la nomenklatura commence en 1921, année où il fut nommé membre candidat du Politburo; à cette époque, son ascension est contestée par Lénine, qui l’accuse de « bureaucratisme scandaleux et totalement inepte », et par Trotski[4]. Tout au long de sa carrière, il manifeste ostensiblement son entière obéissance à Joseph Staline, au point que ce dernier l'autorise à manifester de temps en temps des désaccords, qui deviendront des critiques après la mort de Staline[4]. L'obéissance de Molotov se manifesta aussi sur le plan privé, lorsqu'il resta sans réaction le face à la mise en cause de son épouse Polina Jemtchoujina, accusée d'avoir des « connexions avec des éléments ennemis, facilitant ainsi leurs missions d'espionnage » — Polina est alors exclue du Comité central —, et d'avoir, en , « trahi l'Union soviétique » ; elle écope alors de cinq ans de relégation dans l'oblast de Koustanaï, au Kazakhstan, et ne sera libérée qu'en 1953 grâce à Beria[5].

Le , suite à des manœuvres de Staline[6], il est élu « Président du Sovnarkom » par le Comité central, soit l’équivalent soviétique d'un premier ministre ; il conservera ce poste jusqu’au . Il fut également secrétaire du Comité central jusqu'en 1935. À la fin des années 1930, il fit partie avec Lazare Kaganovitch, Nikolaï Iejov et Kliment Vorochilov du groupe restreint de cinq membres qui prenait toutes les décisions importantes en compagnie de Staline.

À ce titre, il fut un des chefs de la « dékoulakisation » dans les campagnes (1930-1933). Il n'hésita pas à se rendre en Ukraine pour conforter la politique stalinienne et « inciter les communistes défaillants à rester fermes contre les paysans révoltés »; il se fit à ce sujet remarquer par Staline, qui lui écrivit: « Je pourrais te couvrir de baisers de gratitude pour ce que tu as fait là-bas[7]. »

Pendant les Grandes Purges de 1937-1938, Molotov fut le dirigeant soviétique le plus souvent reçu dans le bureau de Staline au Kremlin, avant même le chef suprême de la police politique Nikolaï Iejov. Il ne se cacha jamais d'avoir soutenu fermement la politique de la Grande Terreur, qui aboutit à 680 000 exécutions en deux ans et à l'envoi de centaines de milliers de personnes au Goulag. Sa signature apparaît aux côtés de celle de Staline sur de très nombreuses listes de condamnations à mort collectives.

Dans des entretiens dans les années 1970 avec le journaliste Félix Tchouïev (ru)[8], Molotov fut sans ambiguïté : Staline était le principal responsable de la Terreur, « et nous l’encouragions, qui étions actifs, j’ai toujours été actif, toujours favorable à ce que des mesures soient prises ». Comme membre du Politburo, il continua d'approuver fermement les exécutions en masse des « ennemis du peuple ». Molotov est ministre des Affaires étrangères de 1939 à 1949[9].

Il signe le Pacte germano-soviétique avec le régime hitlérien en et, le , il signe, comme tout le Politburo, l'ordre (préparé par Lavrenti Beria) d'exécuter des milliers de prisonniers de guerre polonais, surtout des officiers, qui est connu comme le Massacre de Katyń.

Seconde Guerre mondiale

Molotov joue un très grand rôle au service de Staline durant la Seconde Guerre mondiale : il est notamment l'un des signataires du pacte germano-soviétique aussi connu comme Pacte Molotov-Ribbentrop.

Quand le pacte est rompu le 22 juin 1941, Staline charge Molotov de l'annoncer à la radio, puis lui demande de superviser la production de chars T-34 qui jouèrent ultérieurement un grand rôle dans la contre-offensive soviétique. Quand Staline apprend le projet de bombe atomique américaine, c'est encore Molotov qui supervise le projet de bombe atomique soviétique. Comme Staline ne peut se déplacer à cause de la guerre, il envoie Molotov négocier à Londres et Washington. Il accompagne aussi Staline à Yalta, à Téhéran et à Potsdam et il représente l'URSS à la fondation de l'ONU.

Durant la guerre, les Allemands ayant capturé son cousin Vassili Kontouline, ils ne le placèrent pas en camp de prisonniers de guerre mais le gardèrent en otage jusqu'à la fin de la guerre, dans l'éventualité d'obtenir quelque avantage en échange de sa libération[10].

C'est au cours de la Seconde Guerre mondiale, que par un hommage ironique des soldats finlandais son nom est donnée au Cocktail Molotov, un mélange inflammable utilisé pour stopper l'avancée des chars.

Déclin politique

À la mort de Staline, en mars 1953, Molotov est à nouveau chargé du ministère des Affaires étrangères. Lors de la conférence des 12, 13 et 14 juillet 1953, tenue à Moscou, il fait partie de la délégation soviétique, formée également, selon le document retrouvé fin 1990 par l'historien Marc Lazar[11], de Gueorgui Malenkov, que la mort de Staline a propulsé premier secrétaire du PCUS et Nikita Khrouchtchev, qui deviendra le nouveau numéro un soviétique en . Les représentants de 19 partis communistes européens sont présents. Au cours des débats les « grands frères soviétiques ont dit tout de go » à Jacques Duclos, pour le Parti communiste français et à Pietro Secchia, pour l'italien, numéro deux respectifs du PCF et du PCI, qu'il y avait eu en URSS des « défauts dans les méthodes de direction », « déviations de la conscience léniniste » et surtout « Culte de la personnalité »[11]. Les soviétiques les ont incité, de plus, à « faire eux aussi des réformes dans leurs partis »[11].

Ensuite, il s'oppose à la déstalinisation menée par Nikita Khrouchtchev et tente avec les partisans staliniens, comme Lazare Kaganovitch, de s'opposer à ce qu'il considérait comme un « coup d'État de Khrouchtchev ».

À la suite de sa défaite politique lors d'un Congrès spécial organisé en 1957, il est exclu du Politburo (alors appelé Présidium du Comité central).

Khrouchtchev le nomme ambassadeur en Mongolie de 1957 à 1960, puis délégué soviétique permanent auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à Vienne de 1960 à 1961.

Il est exclu du Parti communiste d'URSS en 1962[12] en période de déstalinisation accélérée.

Il y est réintégré en 1984, mais ce n'est que symbolique : selon Molotov, « l'URSS était perdue depuis le coup d'État khrouchtchévien »

Il meurt le , à 96 ans : sa tombe se trouve au cimetière de Novodiévitchi, à Moscou.

Vie privée et personnalité

Simon Sebag Montefiore le qualifie de terne et de puritain, et le décrit comme « [p]etit, trapu, le front bombé, des yeux marrons au regard glacial clignant derrière des lunettes rondes, bégayant quand il était en colère ou parlait à Staline »[4]. Comme de nombreux dirigeants bolcheviques, il se mettait facilement en colère contre ses collaborateurs, et se montrait cruel et rancunier ; il était connu des autres potentats sous le surnom de « cul d’acier » à cause de ses capacités de travail très élevées, et aimait à dire que Lénine lui-même le nommait « Cul-de-fer »[4]. Il contrastait avec les autres dirigeants par son dogmatisme[4], et son snobisme, n’invitant jamais ses gardes du corps à sa table[13].

Époux de Polina Jemtchoujina, il était très épris d’elle, échangeant avec elle de chaleureuses lettres; lorsque Polina fut condamnée à l’exil intérieur, il continua à diner face à l’assiette vide de sa femme, pour ne pas l’oublier. Ils eurent ensemble une fille, Svetlana.

« Cocktail Molotov »

Le célèbre cocktail Molotov lui doit son nom. Il fut donné par dérision par les soldats de l'armée finlandaise, pendant l'invasion de leur pays par les Soviétiques en 1939[14], au dispositif incendiaire rudimentaire qu'ils utilisaient contre les chars soviétiques.

Ce nom est une réponse à une déclaration de Molotov qui avait affirmé que l'URSS ne lançait pas de bombes sur la Finlande, mais transportait simplement par avion des provisions pour les Finlandais affamés. Une nouvelle bombe soviétique, une des premières bombes à sous-munitions, avait été surnommée par les Finlandais « panier à pain de Molotov ».

« Molotof » désigne aussi un dessert portugais, peut-être nommé ainsi par ironie et d'après le fameux cocktail.

Photographies

La ville de Perm

La ville de Perm, au pied de l'Oural, s'est appelée Molotov de 1940 à 1957, en son honneur.

Notes et références

  1. Le calendrier julien est resté en vigueur dans la Russie tsariste jusqu'en 1918
  2. L'historien britannique Simon Sebag Montefiore, dans une note (no 62) en bas de la page 39 de l'édition britannique de son ouvrage Staline : la cour du tsar rouge (Stalin : the court of the Red Tsar), paru en 2003, s'inscrit en faux contre une assertion courante qui prête un lien de parenté proche entre Viatcheslav Molotov, né Viatcheslav Mikhaïlovitch Scriabine, et le compositeur russe Alexandre Scriabine, certaines personnes qualifiant les deux hommes de « cousins germains », d'autres de « parents ».
  3. Simon Sebag Montefiore (trad. Florence La Bruyère et Antonina Roubichou-Stretz), Staline : La cour du tsar rouge, vol. I. 1929-1941, Perrin, , 723 p. (ISBN 978-2-262-03434-4)
  4. a b c d et e Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I.
  5. Vasileva p. 155
  6. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 110-113.
  7. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 86.
  8. Félix Tchouev, Conversations avec Molotov, 1995 (ISBN 2-226-07650-6).
  9. 1939 : l’alliance de la dernière chance : une réinterprétation des origines de la Seconde Guerre mondiale, Michael J. Carley, Les Presses de l'Université de Montréal, 2001.
  10. Léon Blum, Le dernier mois, Paris, Arléa, 94 p.
  11. a b et c "Les partis communistes Italien et Français et l'après-Staline", par l'historien Marc Lazar, dans la revue spécialisée Vingtième Siècle en 1990 [1]
  12. Décision prise par sa cellule locale de Moscou, celle du quartier de Sverdlov
  13. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 81.
  14. John Langdon-Davies, publié dans le Picture Post : Lessons of Finland, juin 1940

Annexes

Bibliographie

  • Le Cercle du Kremlin. Staline et le Bureau politique dans les années 1930 : les jeux du pouvoir (traduit par Pierre Forgues et Nicolas Werth), Paris, Seuil, coll. « Archives du communisme », 1998, 332 p. 
  • Jean-Jacques Marie, Staline, Fayard, 2001.
  • Viatcheslav Molotov, Discours au XXe congrès du Parti communiste de l'Union Soviétique : 18 février 1956, Paris, Bureau d'information soviétique, , 15 p.
    Supplément à Études soviétiques, no 97, avril 1956.
  • Simon Sebag Montefiore (trad. Florence La Bruyère et Antonina Roubichou-Stretz), Staline : La cour du tsar rouge, vol. I. 1929-1941, Perrin, , 723 p. (ISBN 978-2-262-03434-4). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Félix Tchouev, Conversations avec Molotov, tr. fr. 1995.
  • (en) Bernard Bromage, Molotov, the Story of an Era, P. Owen, Londres, 1956, 225 p.
  • (en) Derek Watson, Molotov: A Biography, Palgrave Macmillan, New York, 2005, 376 p.

Lien externe