Converso

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Menorah d'un judeo-convers, XVIe (Palacio de los Olvidados)

Un converso, terme portugais et espagnol signifiant « converti » et issu du latin conversus, est un Juif converti au catholicisme, le plus souvent de force en Espagne ou au Portugal, en particulier aux XIVe et XVe siècles.

En hébreu, anouss désigne le Juif converti de force à une autre religion : christianisme comme islam.

Histoire[modifier | modifier le code]

Condamnés par l'Inquisition, tableau d'Eugenio Lucas Velázquez (1833-1836). Les condamnés sont coiffés du coroza et portent un sambenito d'infamie.

Le terme conversos apparaît pour la première fois à la fin de l'Espagne médiévale, en 1380[1].

De nombreux Juifs d'Espagne ainsi que des Juifs Portugais (en) doivent se convertir au christianisme après les pogroms sanglants de 1391 et de la fin du XIVe siècle. Ceux qui refusent et choisissent de demeurer fidèles au judaïsme sont l'objet, un siècle plus tard, du décret de l'Alhambra et de l'expulsion massive de 1492.

Les conversos qui ne sont principalement de « nouveaux chrétiens » qu'en apparence et continuent à « judaïser » en secret sont désignés sous le terme méprisant de « marranes » qui signifie « porcs »[2].

Massacre des juifs et nouveaux chrétiens par les chrétiens à Lisbonne, publication de Nuremberg, 1506.

Le massacre de Lisbonne en 1506 s'applique à traquer, torturer, violer, tuer et brûler environ deux milliers de Juifs, récemment convertis de force au catholicisme, par la foule portugaise catholique durant trois jours d'avril[3].

Document administratif avec signatures de juifs conversos, XV-XIX s. (Palacio de los Olvidados)

Ils sont également persécutés par l'antijudaïsme de l'Inquisition, jugés, parfois « réconciliés » mais le plus souvent condamnés à différentes peines allant jusqu'au bûcher. Une particularité est qu'ils peuvent l'être jusqu'à plusieurs décennies après leur mort[4],[5] ; leur procès s'instruit alors « en memoria y fama » et leur relaxation (un euphémisme pour « condamnation à être brûlé sur le bûcher » ) ou tout autre condamnation sont obtenues « en effigie » (soit par contumace) dont l'exécution en effigie (où l'on peut déterrer et brûler leurs os) mais tous leurs biens sont effectivement confisqués et leur famille ainsi ruinée, car les raisons économiques motivent souvent ces procès post mortem[5],[4],[6].

À la fin du XVe siècle jusqu'à la moitié du XVIe siècle, les judéo-convers représentent 90 % des cas traités par la Congrégation du Saint-Office à Valence[4]. Dans cette documentation inquisitoriale, les conversos apparaissent également sous d'autres appellations en castillan ou en valencien : « tornadizo, judío, cristiano nuevo, que primero fue judío, novament convertit, cristiá novel »[7].

Conversos et nouveaux chrétiens[modifier | modifier le code]

Tendances et classification[modifier | modifier le code]

Marranos, Moshe Maimon (en), 1893

Les historiens spécialistes des judéo-convers « tendent à penser que la grande originalité de la famille conversa réside dans son caractère nettement endogamique, alors que les mariages mixtes relèvent le plus souvent de l’exception »[8],[9]. Toutefois, contrairement à ce que soutient l'historien Israël Revah (es)[10], d’autres comme Joseph Pérez, Márquez Villanueva (es) ou encore Romano i Ventura (ca) dans le cas de Valence, « pensent qu’en marge des tendances hétérodoxes…, on ne peut nier qu’il existe dans l’Espagne du XVe siècle une majorité de conversos qui ont embrassé sincèrement la cause du catholicisme »[11].

Cette partie des conversos, devenus sincèrement catholiques, désapprouvent les marranes parce que ceux-ci, de leur point de vue, déshonorent l'ensemble des « nouveaux chrétiens » dans la mesure où ce nouvel état est souvent synonyme de crypto-judaïsme. Plusieurs de ces conversos font d'ailleurs partie de l'Inquisition, notamment parmi les franciscains et les dominicains. Certains prennent une part active dans les controverses et disputations contre les juifs[12].

José Faur (en) répartit les Juifs converses et leurs descendants selon la perception et l'attitude religieuses[13],[14],[15] :

  • Conversos d'esprit chrétien : ils aimeraient rester chrétiens et n'avoir plus rien à voir avec le judaïsme
Exemples : Juan Luis Vives (1492-1540), Luis de León (1527-1591)
  • Conversos d'esprit juif : ils veulent retourner au judaïsme le plus tôt possible et n'avoir plus rien à voir avec le christianisme
Exemples : Gracia Nassi (1510-1569), Menasseh ben Israël (1604-1657)
  • Conversos ambivalents : ils (re)connaissent à la fois le judaïsme et le christianisme
Exemples : Paul de Santa Maria (1351-1435), Isaac de La Peyrère (1596-1676)
  • conversos sceptiques : ils rejettent à la fois le judaïsme et le christianisme
Exemples : Uriel da Costa (1585-1640), Baruch Spinoza (1632-1677)

Espagnes (Castille, Léon, Aragon, Andalousie et îles Canaries)[modifier | modifier le code]

Portugal[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Norman Roth, Conversos, Inquisition, and the expulsion of the Jews from Spain, University of Wisconsin Press, (ISBN 0-299-14230-2 et 978-0-299-14230-8, OCLC 31377703, lire en ligne), p. 3 f.
  2. « Marrane » viendrait d'un mot signifiant « porc ». Cf. Gérard Nahon, « Marranes », Encyclopaedia Universalis.
  3. Cecil Roth, Histoire des Marranes, Liana Levi, 2002. Présentation en ligne archive
  4. a b et c Patricia Banères, « Histoire d'une répression : les judéo-convers dans le royaume de Valence aux premiers temps de l'Inquisition (1461-1530) », LLAC, Université Paul Valéry - Montpellier III,‎ , p. 120-121, 140 (lire en ligne, consulté le )
  5. a b et c Par exemple, Blanquina March Almenara (ex Xaprud avant sa conversion en 1491 au catholicisme) (1473-1508), la mère de l'humaniste Juan Luis Vives, est condamnée en effigie pour hérésie et apostasie par les inquisiteurs Arnaldo (Arnau ?) Alberti et Juan de Churruca, sa mémoire est anathématisée et ses restes sont déterrés 21 ans après sa mort pour être brûlés, en 1529. Tous ses biens faisant vivre ses descendants étant confisqués, ses deux filles Beatriz et Leonor ont tenté en vain de récupérer au moins la dot de leur mère. Tous les biens de leur père, Lluís Vives Valeriola (ex Abenfaçam avant sa conversion forcée), avaient précédemment été confisqués quand il avait été condamné et brûlé vif sur le bûcher en 1522. Lire sur Diccionari Biogràfic de Dones ; par María Jesús Espinosa de los Monteros ; par Marilda Azulay
  6. (en) Joseph Pérez, The Spanish Inquisition : A History, Yale University Press, , 248 p. (ISBN 0-300-11982-8, lire en ligne)
  7. Banères, op. cit., p. 144
  8. Banères, op. cit., p. 162
  9. Enric Porqueres i Gené, Lourde Alliance, mariage et identité chez les descendants de Juifs convertis à Majorque, 1435-1750, Paris, Kimé, 1995
  10. Israël Salvator Révah, « Les Marranes », Revue des études juives, Peeters, Paris, no 118,‎ , p. 3-77 (ISSN 0484-8616)
  11. Banères, op. cit., p. 50
  12. Philippe Bobichon, "Juifs et convertis engagés dans les controverses médiévales", in D. Iancu-Agou (dir.), Les juifs méditerranéens au Moyen Âge : culture et prosopographie, Paris, Cerf, 2010, p. 83-125.
  13. (en) José Faur, « Four Classes of Conversos », Revue des Études Juives, no 1,‎ , p. 113–124 (ISSN 1783-175X et 1783-175X, DOI 10.2143/REJ.149.1.2012742, lire en ligne [PDF], consulté le )
  14. (en) « Conversos in the Responsa of Sephardic Halakhic Authorities in the 15th Century Review | Sephardic Horizons », sur www.sephardichorizons.org (consulté le )
  15. (en) Marjorie Lehman, The En Yaaqov: Jacob ibn Habib’s Search for Faith in the Talmudic Corpus, Wayne State University Press, (ISBN 978-0-8143-3596-3, lire en ligne)
  16. (es) Semillas de industria: transformaciones de la tecnología indígena en las Américas, Mario Humberto Ruz, Centro de Investigaciones y Estudios Superiores en Antropología Social (Mexico), Smithsonian Institution, 1994, page 65
  17. a et b Madeleine Lazard, Michel de Montaigne, Fayard, 1992, p. 24. Ce point a fait l'objet de controverses et n'est pas résolu. L'hypothèse retenue par les tenants de cette origine est que l'arrière-grand-père agnatique d'Antoinette Louppes de Villeneuve serait Meyer Moshé Paçagon, Juif de Calatayud (Espagne), baptisé au début du XVe siècle sous le nom de Juan Garcia Lopez (de Villanueva). Principales références : Sophie Jama, L'Histoire juive de Montaigne, Flammarion, 2001 ; Jean Lacouture, Montaigne à cheval, Seuil, 1998 Donald Frame Montaigne, a bibliography, 1975 ; Cecil Roth, Revue de Cours et Conférences 1937 ; Léon Berman (Grand-rabbin de Lille), Histoire des Juifs de France, Librairie Lipschutz, Paris, 1937 ; Théophile Malvezin, Michel de Montaigne, son origine, sa famille 1875 ; Paul Staffer (doyen de la faculté de Lettres de Bordeaux), La Famille et les amis de Montaigne, Hachette, 1896 rééd. BNF 2012, (ISBN 9782012680913).
  18. Voir à ce sujet : Roger Trinquet, La Jeunesse de Montaigne ; pour la thèse de l'origine juive de la mère de Montaigne, voir Sophie Jama, L'Histoire juive de Montaigne Flammarion.
  19. (es) Guillermo Serés, « Santa Teresa de Jesús / La autora: Biografía », sur cervantesvirtual.com, Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes (consulté le ).
  20. (trad. aut.) Sainte Thérèse de Jésus (2015). Livre de vie. Texte critique basé sur l'autographe conservé à El Escorial, et la comparaison de son interprétation par l'édition princière, préparée par Fray Luis de León (1588), et toutes les éditions critiques modernes. Madrid : Académie Royale Espagnole. p. 5 : « Ses parents étaient Alonso Sánchez de Cepeda (1480?-1543) et Beatriz Dávila y Ahumada (1495?-1529), appartenant à la bourgeoisie d'Avila. Le grand-père paternel était un juif converti. [...] Le père portait un carnet où il notait la date de naissance de ses enfants. Il y note : « Le mercredi vingt-huitième jour du mois de mars cinq cent quinze ans (1515), Thérèse, ma fille, est née à cinq heures du matin, une demi-heure plus ou moins, ce qui C'était le dit mercredi presque à l'aube." »
  21. « Plan du site ~ Sefarad », sur Sefarad (consulté le ).
  22. Voir page 357 in Klezmer America: Jewishness, Ethnicity, Modernity de Jonathan Freedman, Columbus University Press, 2008.
  23. (es) Henry Kamen, « "Procesos inquisitoriales contra la familia judía de Juan Luis Vives. I. Proceso contra Blanquina March, madre del humanista", ed. M. de la Pinta Llorente and J. M. de Palacio y de Palacio (Book Review) », Bulletin of Hispanic Studies, vol. 44, no 1,‎ , p. 75 (ISSN 1475-3839 et 1478-3398, DOI 10.3828/bhs.44.1.75b, lire en ligne, consulté le )
  24. (es) « Biografia de Blanquina March Almenara - Mare de Joan Lluís Vives », sur dbd.cat, Diccionari Biogràfic de Dones, (version du sur Internet Archive)

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]