Juan Goytisolo

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Juan Goytisolo
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Juan Goytisolo en 2008.
Nom de naissance Juan Goytisolo Gay
Naissance
Barcelone (Espagne)
Décès (à 86 ans)
Marrakech (Maroc)
Activité principale
Distinctions
Auteur
Langue d’écriture Castillan
Mouvement Génération de 50
Genres

Compléments

Combat toutes les formes d'oppression par son travail d'auteur.

Juan Goytisolo Gay, né à Barcelone le et mort le à Marrakech[1], est un écrivain espagnol de langue espagnole appartenant à la Génération de 50.

Juan Goytisolo est l'un des écrivains les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle. Attaché par des liens sentimentaux et intellectuels très forts à l'Espagne où il est né, il a pourtant vécu en exil et développé un regard critique vis-à-vis de son pays d'origine — ce regard critique l'aura aidé à construire une œuvre d'une grande originalité idéologique et stylistique et à adopter une position politique originale devant le nouvel ordre mondial de la fin du XXe siècle.

Il remporte de nombreux prix, dont le prix national des Lettres espagnoles en 2008 et le prix Cervantes en 2014[2].

Biographie[modifier | modifier le code]

Juan Goytisolo naît dans une famille de la bourgeoisie barcelonaise. Ses deux frères sont aussi des écrivains importants, le poète José Agustín Goytisolo et le romancier Luis Goytisolo.

Son enfance est marquée par la Guerre civile espagnole, notamment parce que sa mère est tuée pendant les bombardements de Barcelone par l'aviation franquiste en 1938.

Son implication politique aux côtés du parti communiste clandestin et surtout son engagement dans l'écriture le poussent à s'installer à Paris en 1956. Il y rencontre la scénariste et romancière Monique Lange, qui deviendra sa compagne. Professionnellement, il entre chez Gallimard comme lecteur et devient responsable de la littérature espagnole, permettant la publication de la jeune génération (Rafael Sánchez Ferlosio, Carmen Martín Gaite, Ana María Matute, etc.). Il fréquente l'intelligentsia parisienne (Sartre, Beauvoir, Guy Debord, Queneau, Barthes, etc.) et développera notamment une amitié mêlée de fascination et de curiosité pour Jean Genet.

La publication de ses premiers romans est accueillie avec enthousiasme en France, ce qui lui vaut très vite une certaine renommée. En Espagne, il est en conséquence de plus en plus considéré comme un opposant très visible. Après plusieurs démêlés tendus avec la police franquiste, il finit par renoncer à ses voyages en Espagne. Ses livres sont, à partir de Pièces d'identité (1968), interdits de publication en Espagne et il est régulièrement l'objet de campagnes de dénigrement de la part de la presse officielle.

À partir de 1969, il s'engage dans une révolution radicale de l'écriture qui s'accompagne d'un bouleversement de son existence. Professionnellement, il décide d'abandonner son travail chez Gallimard ; sentimentalement, il découvre et assume son homosexualité ; géographiquement, il vit désormais entre Paris et Marrakech. C'est à partir de là qu'il entre dans son œuvre majeure et ses livres les plus importants (Don Julian en 1970, Juan sans terre en 1975, Makbara en 1980, etc.).

Entre 1969 et 1975, il enseigne la littérature dans les universités de Californie, Boston et New York.

Sa situation chez Gallimard en fait un des intellectuels espagnols les plus connus, et un habitué des colonnes de la presse espagnole, en particulier « El País », et internationale. Critique acerbe de la civilisation occidentale, il associe un point de vue marxiste non conformiste et un regard décentré (notamment appuyé sur la critique de l'orientalisme d'Edward Saïd). Il s'engage ainsi, pendant les années 1980 et 90 sur tous les fronts : Sarajevo pendant les guerres de Yougoslavie, Tchétchénie et Palestine. En particulier, il est membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine dont les travaux ont commencé le .

Après le décès en 1996 de son épouse et collaboratrice Monique Lange, il quitte leur appartement de Paris et s'installe définitivement à Marrakech en 1997, où il meurt le à l'âge de 86 ans. Il repose dans le cimetière marin espagnol de Larache au Maroc ; sa tombe est la voisine de celle de Jean Genet[3].

Il a vécu entre quatre pays : le Maroc, la France, les États-Unis et l'Espagne.

Œuvre littéraire[modifier | modifier le code]

Fictions

Après un début de carrière très influencé par la littérature française (Gide, Sartre, le Nouveau roman) et préoccupé par la volonté de témoigner de la réalité sociale de l'Espagne contemporaine (notamment dans Terres de Níjar (1960) et La Chanca (1962)), il entre dans une révolution radicale, en partie influencée par les théories du texte (Barthes, Bakhtine) et la critique du réalisme, mais qui travaille en profondeur à la fois la tradition littéraire espagnole et l'identité profonde de l'auteur.

Ses livres proposent alors une écriture éclatée, associant le délire verbal et onirique et de délicieux morceaux d'ironie. Ils déconstruisent successivement les grands mythes de l'histoire espagnole (l'invasion musulmane avec Don Julian) et inventent une identité plurielle, celle de Juan sans terre, métèque sans attaches qui revendique sa splendide différence. Plusieurs de ses romans explorent la richesse de la culture musulmane (Makbara, Barzakh) ou revisitent la culture espagnole en relevant l'importance de ses sources juives| et musulmanes (notamment dans Les vertus de l'oiseau solitaire qui construit sa fiction sur les origines soufies de la poésie mystique de saint Jean de la Croix).

Essais

Cette plongée dans la tradition littéraire, associée à son activité d'enseignant dans les universités américaines, a conduit Juan Goytisolo à des essais modifiant en profondeur la tradition de l'histoire littéraire espagnole. Il participe ainsi à la redécouverte d'écrivains injustement ostracisés par l'orthodoxie nationaliste et religieuse, notamment en publiant L'œuvre anglaise de José Maria Blanco White (1972) ; il donne par ailleurs une nouvelle vision d'auteurs classiques comme saint Jean de la Croix, Cervantes, Rojas, etc.

Œuvre[modifier | modifier le code]

Œuvre narrative[modifier | modifier le code]

  • Juegos de manos (1954) - traduction française Jeux de mains
  • Duelo en el Paraíso (1955) - traduction française Deuil au paradis
  • El circo (1957). Trilogie El mañana efímero
  • Fiestas (1958). Trilogie El mañana efímero - traduction française Fiestas
  • La resaca (1958). Trilogie El mañana efímero
  • Para vivir aquí (1960) - traduction française Pour vivre ici. Récits[4]
  • La isla (1961) - traduction française Chronique d'une île
  • La Chanca (1962) - traduction française La Chanca
  • Fin de Fiesta. Tentativas de interpretación de una historia amorosa (1962) - traduction française Danses d'été. Récits
  • Señas de identidad (1966). Trilogie Álvaro Mendiola - traduction française Pièces d'identité
  • Reivindicación del conde don Julián (1970). Trilogie Álvaro Mendiola - traduction française Don Julian
  • Juan sin Tierra (1975). Trilogie Álvaro Mendiola - traduction française Juan sans terre
  • Makbara (1980) - traduction française Makbara
  • Paisajes después de la batalla (1985) - traduction française Paysages après la bataille
  • "Coto vedado" (1985)
  • Las virtudes del pájaro solitario (1988) - traduction française Les Vertus de l'oiseau solitaire
  • La cuarentena (1991)
  • La saga de los Marx (1993) - traduction française La Longue Vie des Marx
  • El sitio de los sitios (1995) - traduction française État de siège
  • Las semanas del jardín (1997)
  • Carajicomedia (2000)
  • Telón de boca (2003)

Essais[modifier | modifier le code]

  • Problemas de la novela (1959). Littérature.
  • Furgón de cola (1967).
  • La Obra inglesa de José Maria Blanco White (1972).
  • España y los españoles (1979). Histoire et polítique.
  • Crónicas sarracinas (1982) - traduction française Chroniques sarrasines
  • El bosque de las letras (1995). Littérature.
  • Disidencias (1996). Littérature.
  • De la Ceca a la Meca. Aproximaciones al mundo islámico (1997).
  • Cogitus interruptus (1999).
  • El peaje de la vida (2000). Avec Sami Naïr.
  • El Lucernario: la pasión crítica de Manuel Azaña (2004).

Autres[modifier | modifier le code]

  • Campos de Níjar (1954). Voyage, reportage.
  • Pueblo en marcha. Tierras de Manzanillo. Instantáneas de un viaje a Cuba (1962). Voyage, reportage.
  • Obra inglesa de Blanco White (1972). Édition.
  • Coto vedado (1985). Memorias - traduction française Chasse gardée
  • En los reinos de taifa (1986). Memorias - traduction française Les Royaumes déchirés
  • Alquibla (1988). Scénario de télévision pour TVE.
  • Estambul otomano (1989). Voyage.
  • Aproximaciones a Gaudí en Capadocia (1990). Voyage - traduction française À la recherche de Gaudi en Cappadoce
  • Cuaderno de Sarajevo (1993). Voyage, reportage - traduction française Cahier de Sarajevo
  • Argelia en el vendaval (1994). Voyage, reportage.
  • Paisajes de guerra con Chechenia al fondo (1996). Voyage, reportage.
  • Lectura del espacio en Xemaá-El-Fná (1997). Illustré par Hans Werner Geerdts.
  • El universo imaginario (1997).
  • Cinq siècles après, l'Espagne paie encore pour avoir renié son héritage arabe et juif (article paru dans Le Temps stratégique n° 17, Genève, 1998)
  • Diálogo sobre la desmemoria, los tabúes y el olvido (2000). Dialogue avec Günter Grass.
  • Paisajes de guerra: Sarajevo, Argelia, Palestina, Chechenia (2001).
  • Pájaro que ensucia su propio nido (2001). Articles.
  • Memorias (2002).
  • España y sus Ejidos (2003).

Préface[modifier | modifier le code]

  • Aziza Bennani (préface de Juan Goytisolo, illustrations d'Ahmed Ben Yessef, Tetuan, ciudad de todos los misterios, Université de Grenade, 1992.

Prix[modifier | modifier le code]

Hommage[modifier | modifier le code]

Une place porte son nom devant le musée national centre d'art Reina Sofía de Madrid.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (es) Javier Rodríguez Marcos, « Muere el escritor Juan Goytisolo a los 86 años en Marrakech », El País,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. (es) Vídeo: Agencia ATLAS | Foto: EFE, « Los Reyes entregan el Premio Cervantes a Juan Goytisolo », sur La Provincia - Diario de Las Palmas, (consulté le )
  3. « El viaje contra-espacial de Juan Goytisolo », dans Pesquisas en la obra tardía de Juan Goytisolo, Brill | Rodopi, (ISBN 978-90-420-2547-9, lire en ligne), p. 43–68
  4. « Juan Goytisolo à propos de "Pour vivre ici" », sur Institut national de l'audiovisuel - Lectures pour tous (émission de télévision), 6 min. 42, (consulté le )
  5. (es) Agence EFE, « Son los autores los que honran o deshonran los premios », sur elpais.com, (consulté le ).
  6. AFP, « L'écrivain espagnol Juan Goytisolo remporte le prix Cervantes », sur lepoint.fr, (consulté le ).

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Abdelatif Ben Salem, Juan Goytisolo ou les paysages d'un flâneur, Paris, Fayard, Institut du monde arabe, 1996.
  • (en) Bradley S. Epps, Significant violence: oppression and resistance in the narrative of Juan Goytisolo, Oxford, Oxford University Press, 1996.
  • Annie Bussière-Perrin, Le théâtre de l'expiation : regards sur l'œuvre de rupture de Juan Goytisolo, Montpellier, centre d'études et de recherches sociocritiques, 1998.
  • Emmanuel Le Vagueresse, Juan Goytisolo : Ecriture et marginalité, Paris, L'Harmattan, 2000.
  • (en) Abigail Lee Six, Juan Goytisolo: the Case for Chaos, New Haven, Yale University Press, 1990.
  • Yannick Llored, Juan Goytisolo : le soi, le monde et la création littéraire, Villeneuve d'Ascq, Presses du Septentrion, 2009.

Liens externes[modifier | modifier le code]

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