Adolphe Crémieux

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Adolphe Crémieux
Portrait par Lecomte du Noüy.

Adolphe Crémieux, né le à Nîmes et mort le à Paris, est un avocat, homme politique français.

Il est l'auteur du décret Crémieux d'octobre 1870. Il fut ami de l'abbé Grégoire dont il fit l'éloge funèbre.

Origine

Ses parents, des Juifs du Pape vivant à Carpentras (dans l'enclave pontificale), émigrèrent à Nîmes où son père David Crémieux (1761-1819) créa avec son frère Élie un négoce de soieries « E. Crémieux et frères » et joua un rôle actif dans la vie politique de la commune.

Adolphe Crémieux se voulait universaliste et refusait tout sectarisme[réf. nécessaire].

Sa sœur, Julie-Égalité Crémieux (1796-1880), se convertit au catholicisme malgré l'opposition de son père et de sa famille.[réf. nécessaire]

Une carrière d'avocat

Il fut avocat au barreau de Nîmes, puis auprès de la Cour de cassation. Au début de sa carrière, Crémieux défend en particulier les victimes de la Terreur blanche, ce qui lui vaut d’être appelé l’« avocat des protestants ». En 1824, à vingt-huit ans, il occupe la première place au barreau de Nîmes et compte au nombre des avocats les plus renommés de la Restauration. Il est nommé, en 1828, membre laïque du Collège des notables israélites de la circonscription de Marseille –, Crémieux dénonce les inégalités au nom de la devise révolutionnaire d’inspiration, dit-on, franc-maçonne : « Liberté-Égalité-Fraternité ». En 1830, il s'installe à Paris.

Crémieux revendique la liberté religieuse et n’hésite pas à s’opposer à l’État pour la défendre. Sans être un pratiquant fervent, Crémieux est croyant. Il déclare : « Dieu et l’immortalité de l’âme, voilà ma religion ». Fier d’être juif, il aime rappeler dans ses plaidoiries la primauté du judaïsme en tant que porteur de valeurs humanistes et universalistes, religion « qui la première comprit et proclama l’unité de Dieu, celle qui écrivit sur le mont Sinaï la plus pure morale dans cet immortel Décalogue, fondement de toutes vos lois ! ».

Préoccupé par l’oppression des Juifs dans le monde, il s’impose comme mission de les défendre où qu’ils soient et rivalise à cet égard avec son confrère anglais, sir Moses Montefiore. L’affaire de Damas, survenue en 1840, les décide tous deux à se rendre auprès du vice-roi d’Égypte – Muhammad Ali, nouveau conquérant de la Syrie – pour y obtenir la libération des Juifs damascènes accusés du crime rituel du père Thomas. Les négociations durent du 4 au 28 août à Alexandrie. Les neuf prisonniers survivants (sur les treize) sont finalement libérés le 6 septembre. Montefiore obtiendra par la suite du sultan Abdul Majid qu'il proclame un décret de protection des Juifs de l'Empire ottoman contre les accusations de crimes rituels: « Et pour l'amour que nous portons à nos sujets, nous ne pouvons pas permettre à la nation juive d'être inquiétée et tourmentée par des accusations qui n'ont pas le moindre fondement de vérité… ».

Il est élu député de Chinon, de 1842 à 1848.

En 1867, il lance un appel aux Israélites du monde entier à venir en aide aux « frères » chrétiens maronites du Liban, persécutés par les Turcs.[réf. nécessaire][1]

Il met au service de l’Alliance israélite universelle sa personne et son prestige et œuvre pour faire de cette institution l’emblème du judaïsme émancipé[réf. nécessaire], menant une mission internationale sur les plans intellectuel et politique : sous son égide, elle secourt les minorités juives opprimées, notamment en Afrique du Nord et en Orient, défend leurs droits et les aide, en leur inculquant la culture française, à s’insérer dans la société par l’instruction et la formation professionnelle. Elle œuvre aussi pour l’émancipation des Juifs d’Europe occidentale. Les archives de l’AIU conservent une riche correspondance témoignant de ses différents combats au service de ses semblables dans le monde. Il agit en faveur des Juifs de Roumanie, de Serbie, de Perse, des Balkans, de Russie, du Maroc, de Tunisie.

En 1843, il est nommé président du Consistoire central israélite de France.

Ministre républicain de la Justice

Le , lorsque la révolution républicaine triompha à Paris, Crémieux, avocat de la famille Bonaparte, conseilla au roi Louis-Philippe Ier d'abdiquer et de s'enfuir. Le lendemain , il devint Ministre de la Justice (jusqu'au ), du gouvernement provisoire qui se proclama la Deuxième République.

Il fit prendre immédiatement un décret qui décida que la justice serait désormais rendue au nom du peuple français. Le 1er mars, il fit supprimer par un autre décret le serment de fidélité à la couronne.

Le 3 mars, dans l'affaire du procès de Saverne où il était l'avocat du rabbin, il obtint de la Cour de cassation l'abolition du serment more judaico, contribuant ainsi à faire cesser la dernière discrimination légale à l'égard des juifs de France.

Dès le 31 mars, il demanda la démission d'une vingtaine de hauts magistrats et suspendit ceux qui refusaient d'obtempérer. Ces juges furent frappés[Comment ?], les uns par Crémieux lui-même, les autres à la demande des commissaires du gouvernement (préfets provisoires). Un décret du leva les suspensions de Crémieux (démissionnaire le ).

Le , Crémieux reçut « une délégation de noirs et de mulâtres des colonies françaises » et leur déclara que « la nouvelle République accomplira ce que la République de 92 avait proclamé. Vous redeviendrez libres ». Cependant, le , François Arago envoie aux colonies, une dépêche contenant « un ajournement de l'émancipation, et les vagues promesses qui l'accompagnent ne sont guère que d'un Guizot républicain ».

Crémieux fut représentant du peuple aux Assemblées constituante et législative de 1848-1849.

Le , en tant qu'avocat, il assista Victor Hugo, dans la défense de son fils Charles Hugo, journaliste à l'Événement, qui était poursuivi devant la Cour d'assises de Paris, pour avoir « avoir outragé la loi en décrivant l'exécution d'un braconnier guillotiné à Poitiers ».

Le 17 mai 1860, fut créée l'Alliance israélite universelle, à l'instigation de Crémieux et de Charles Netter. Il en prit la présidence en 1864.

Il fut élu député de la Drôme au Corps législatif, de 1869 à 1870.

Les décrets Crémieux

Il devint membre du gouvernement de la Défense nationale, du au 17 février 1871, comme Ministre de la Justice.

Suivant une décision du gouvernement, pour échapper à l'encerclement de Paris, Crémieux gagna Tours le 12 septembre. Il fut suivi de ses collègues ministres Glais-Bizoin et Fourichon. Ils formèrent la délégation gouvernementale de Tours. Elle fut renforcée le 9 octobre par Gambetta.

Sur l'initiative de Crémieux, six décrets règlementant la vie en Algérie furent alors pris par la délégation. Et ce alors que la France était dans une situation militaire désastreuse, que Paris était assiégée par deux armées allemandes, que la priorité absolue du gouvernement était en principe la défense du pays et qu'enfin la légitimité de ce gouvernement n'était assise sur aucune élection. Cela fut ensuite vivement reproché à Crémieux.

Ces décrets comprenaient:

  • Le décret mettant fin à l'administration militaire de l'Algérie ;
  • Le décret interdisant la polygamie en Algérie ;

Mais les plus fameux d'entre eux sont les décrets du .

Le décret no 136, le Décret Crémieux, accordait la citoyenneté française aux trente sept mille juifs d'Algérie, leur permettant de s'extirper du statut islamique de dhimmi en ces termes : « Les israélites indigènes des départements de l'Algérie sont déclarés citoyens français ; en conséquence, leur statut réel et leur statut personnel, seront, à compter de la promulgation du présent décret, réglés par la loi française. Toutes dispositions législatives, décret, règlement ou ordonnance contraires sont abolis ».

Le décret no 137 portait quant à lui sur la naturalisation des « Indigènes musulmans et des Étrangers résidant en Algérie », sous réserve de prouver l'âge légal de 21 ans par le cadi ou le juge de paix, et de formuler leur demande auprès des bureaux arabes. À l'article II on peut lire: « Titre III, article 11 : L'indigène musulman qui veut être admis à jouir des droits de citoyen français doit se présenter en personne devant le chef du bureau arabe de la circonscription dans laquelle il réside, à l'effet de former sa demande et de déclarer qu'il entend être régi par les lois civiles et politiques de la France. »

Le décret no 136 reprenait les dispositions du décret d'application du sénatus consulte du 14 juillet 1865, mais supprimait l'enquête sur les antécédents et la moralité du demandeur qui devait être transmise au gouverneur général de l'Algérie et recevoir l'approbation du garde des Sceaux pour être statuée par l'Empereur et le Conseil d'État. Le décret impérial encadrait l'enrôlement militaire, dans le contexte de l'époque. Dans le cas du décret Crémieux, l'approbation devait venir du gouverneur général civil sur avis du comité consultatif. À chaque naturalisation, un bulletin était néanmoins gardé sous forme de casier judiciaire déposé à la préfecture du département (titre III, article 4.).

Crémieux prit également avec la délégation le décret du , réformant l'usage de la peine capitale (suppression de l'échafaud) et uniformisant la charge de bourreau (suppression des exécuteurs provinciaux).

Après les événements de la Commune il tenta en vain de sauver de la mort l'avocat engagé Gaston Crémieux, un temps à la tête de l'insurrection marseillaise et qui sera finalement fusillé. L'année suivante, Crémieux fut élu député du département d'Alger, (jusqu'en 1875).

Réformateur de la franc-maçonnerie

Crémieux fut initié à la franc-maçonnerie en 1818, à la loge du Bienfait anonymeNîmes), qui dépendait du Grand Orient de France[2],[3].

En 1860, il quitte le Grand Orient pour le Suprême Conseil de France (Rite écossais ancien et accepté), dont il devient le « Souverain Grand Commandeur » en 1869[réf. nécessaire].

En 1875, Crémieux réunit à Lausanne en Suisse, une assemblée des Suprêmes conseils de la franc-maçonnerie, pour harmoniser le rite écossais ancien et accepté avec les « légitimes exigences de la civilisation moderne ». Véritable acte fondateur de la franc-maçonnerie moderne, cette déclaration de l'assemblée de Lausanne proclame « l'existence d'un Principe Créateur ».

Au terme de sa longue carrière politique, Crémieux devint sénateur inamovible, de 1875 à sa mort en 1880. Il fut enterré au Cimetière du Montparnasse.

Divers

En 1828, il participa à la rédaction du livret de l'opéra Guillaume Tell de Gioachino Rossini[4].

Portraits connus :

  • Portrait d'Adolphe Crémieux par Jean-Jules-Antoine Lecomte du Nouy (Paris, 1842 - 1923)
  • Photographie de Nadar.
  • de Simone Mrejen-O'Hana, Dictionnaire, « Isaac-Jacob Adolphe Crémieux, Avocat, homme politique, président du Consistoire central et de l'Alliance israélite universelle (Nîmes, 30 avril 1796 - Paris, 10 février 1880 » in Archives juives 36/2,2e semestre 2003, Les Belles Lettres, p. 139-146 + dessin de Henri Meyer, p. 139.

Une rue du 12e arrondissement de Paris porte son nom, la rue Crémieux.

Les papiers personnels d'Adolphe Crémieux sont conservés aux Archives nationales sous la cote 369AP[5].

Notes et références

  1. Historique de l'Alliance
  2. Eric Saunier (dir.), Encyclopédie de la franc-maçonnerie
  3. Le psychanalyste Jean-Jacques Rassial répète cette date de 1818 dans une planche à la tenue ouverte de la loge Sigmund Freud, 3 mars 2013, tandis que l'historien Jacob Katz, pour sa part, dans une note de bas de page de son ouvrage Juifs et francs-maçons en Europe (1723-1939), rapporte (en page 248 de l'édition de poche publiée par CNRS Éditions) une entrée en maçonnerie qui serait survenue en 1812, mentionnant à l'appui un ouvrage de Salomon Posener, Adolphe Crémieux (1796-1880), paru en 1934 (aux éditions Félix Alcan).
  4. Fiche sur le site de la Bibliothèque nationale de France.
  5. https://www.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/pog/consultationPogN3.action?nopId=c614y151d9g-o3438ochnd3l&pogId=FRAN_POG_06&search=

Annexes

Bibliographie

Articles connexes