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Autodafé

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Condamnés par l'Inquisition, d'Eugenio Lucas Velázquez (1862), musée du Prado.

Un autodafé (mot d'origine portugaise « auto de fé » venant du latin « actus fidei », c'est-à-dire « acte de foi ») est une cérémonie de pénitence publique organisée par les tribunaux de l'Inquisition espagnole ou portugaise, durant laquelle celle-ci proclamait ses jugements[1].

Dans le langage populaire, ce terme est devenu synonyme d'une exécution publique par le feu de personnes jugées hérétiques. Ce glissement de sens est dû au fait que les condamnés relaps ou refusant de se rétracter étaient remis par l'Inquisition aux mains des autorités civiles, qui, parfois, les envoyaient au bûcher.

Avant même l'existence de l'Inquisition, les hérésies du XIe siècle en Occident ont donné lieu à plusieurs exécutions par le feu, comme lors de l’Hérésie d'Orléans en 1022 (dix à quatorze chanoines de la cathédrale d’Orléans sont brûlés dans une cabane sur décision du roi Robert II le Pieux après réunion d’un synode) ou peu après en 1028 à Monteforte dans le Piémont (bûcher à Milan)[2].

À Blois, le , 32 membres de la communauté juive, hommes, femmes et enfants, accusés de crime rituel, furent condamnés à mort et brûlés vifs sur ordre du comte Thibaut V de Blois. Les condamnations au bûcher des cathares, de Jeanne d'Arc ou Giordano Bruno ont été prononcées en référence à une théologie romaine, mais Michel Servet a subi le même supplice en 1553 après une condamnation pour hérésie par le Petit Conseil, calviniste, de Genève. Le premier autodafé sous l'Inquisition espagnole a lieu à Séville en Espagne en 1481.

Par extension, « autodafé » désigne une destruction délibérée par le feu, en particulier de livres jugés dangereux[3]. Ainsi, le concept d'autodafé est couramment utilisé pour caractériser la destruction publique de livres ou de manuscrits par le feu. Les plus anciennes mentions connues de ce type de pratiques se rencontrent en Chine au IIIe siècle av. J.-C., lorsque l'empereur Qin Shi Huang décide de liquider les écrits confucéens, ou plus tard, dans un contexte de guerre culturelle entre chrétiens et païens dans l'Empire romain.

Le mot auto da fé apparaît en France au XVIIIe siècle.

L'expulsion des Juifs d'Espagne en 1492 – dite année cruciale (« Año crucial») – par le décret de l'Alhambra des rois catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand II d'Aragon convaincus par le grand Inquisiteur Torquemada, suivie par celle au Portugal où s'étaient exilés les expulsés, par le roi Manuel Ier en 1497, puis par l'expulsion des musulmans en 1502, en 1525, puis en 1609, obligent les juifs et les musulmans restés sur place à se convertir ou à mourir. Cette situation amène à ce que l'Inquisition persécute sévèrement tous ceux qui sont suspectés de ne pas suivre l'orthodoxie catholique en voulant « extirper tout élément hétérogène » de la société[4],[5].

Organisation

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Cérémonial

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Procession de l'Inquisition portugaise à Goa avec les frères dominicains, le grand Inquisiteur, les soldats, « les criminels ayant évité le feu par la confession », et derrière la croix, les condamnés au bûcher et les petits cercueils des accusés et condamnés post mortem ou de ceux qui seront brûlés en effigie, 1783.

Sous l'Inquisition, la cérémonie d'auto da fé aussi appelée « sermo generalis », se déroulait en grande pompe et de façon de plus en plus élaborée le temps passant, afin qu'elle apparût spectaculaire aux centaines de spectateurs placés selon leur rang, et quelquefois, en présence de monarques ou autres seigneurs.

La cérémonie se composait d'une longue procession constituée des membres de l'Église et des pénitents, suivie d'une messe solennelle, d'un procès, d'un serment d'obéissance à l'Inquisition (réconciliation des pécheurs), d'un sermon et de la lecture des sentences. Cette séance solennelle de l'Inquisition procédait habituellement sur la grand place de la ville et pouvait mener jusqu'à l'église ou tribunal d'audience du lieu[1],[6],[7].

Tenue d'un condamné au feu par l'Inquisition de Goa, 1797.

Les personnes accusées d'hérésie (terme large) devaient faire la preuve de leur bonne foi (acte de foi, auto da fe), se confesser et faire pénitence. Pour ce faire, elles pouvaient arriver sur place nus pieds, le corps à moitié dénudé et portant un cierge allumé. Elles étaient revêtues d'un accoutrement humiliant avec des symboles de l'infamie, composé d'une sorte de chasuble ou poncho appelé sambenito aux couleurs différentes selon l'accusation, où figuraient une grande croix de saint-André ou des dessins symbolisant la liste de leurs crimes assortis de leurs noms[8],[5] et arboraient sur la tête un haut chapeau pointu appelé coroza[6].

Port du coroza, No hubo remedio (« Il n'y avait pas de remède »), Goya, 1797-1798.

Pour que l'humiliation soit complète, le dessin de leurs sentences (flammes, démons) figurait sur la chasuble des condamnés au bûcher et une sorte d'attelle pouvait maintenir leur menton haut afin qu'ils affrontent le regard et les huées de la foule le long de leur parcours.

Accusés ou victimes

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Selon les différents tribunaux, les accusés sont le plus souvent d'anciens Juifs convertis plus ou moins de force (conversos), accusés de judaïser, pareillement d'anciens musulmans apostats, de protestants (calvinistes, luthériens), d'hérétiques du catholicisme, de mystiques (notamment illuministes alumbrados), de « sorcières » et « sorciers », de blasphémateurs (délit de paroles), de bigames, de fornicateurs (pour les relations hors-mariage), de zoophiles (délit dit de « bestialité »), de sodomites (dont homosexuels), de pédérastes, de personnes dénoncées pour motifs divers, etc.[6],[9].

Les accusés ou victimes déjà morts sous la torture ou déjà enterrés et dont l'Église veut récupérer les biens, sont déterrés ou leurs restes récupérés pour que se tiennent à eux aussi leur procès inquisitoire post mortem et leur condamnation, comme on peut le constater sur la gravure ci-dessus.

Toute personne peut être accusée et condamnée quel que soit son âge, enfant ou vieillard. Les archives montrent des condamnés de sept ans (une fillette) et d'autres avouant 102 printemps (un homme)[10].

À Lima, condamnés encordés portant sambenito, coroza, cierge ; certains étant bâillonnés de fer.

Lors de leur procès, les accusés, femmes comme hommes, adoptent l'une des quatre attitudes suivantes face aux « crimes » qui leur sont reprochés :

  • ils se confessent ;
  • Ils se confessent puis nient ;
  • ils nient puis se confessent ;
  • ils nient[11].

Dans son étude sur les procès des auto da fe de l'Inquisition à Valence entre 1566 et 1700 — et aussi dans les tribunaux insulaires de Majorque, Sicile et Sardaigne —, l'historienne Anita Gonzalez-Raymond remarque que les femmes sont plus résistantes à la torture (la « question ») et nient plus fréquemment que les hommes[12].

Auto de fe au tribunal de l'inquisition de Madrid, 1680.

Les sentences prononcées sont diverses et se déploient ainsi : absolution, admonestation, pénitence, réconciliation, relaxe, condamnation en effigie, condamnation, ajournement, etc[13].

La remise en liberté pour ceux qui se sont « réconciliés » par la confession de leurs « crimes » peut être assortie d'une obligation de porter le sambenito pendant plusieurs années ou toute leur vie dans toutes les activités de leur quotidien, sauf au domicile du pénitent[14].

Auto de fe en Valladolid, 1806-1820.
Exécution de juifs dite auto-da-fé sur la place du marché en Espagne.

Les condamnations sont variées et leur sévérité diffère d'un tribunal à l'autre, d'une époque à l'autre :

  • le bûcher : se convertir avant de mourir permet d'être étranglé avant d'être livré aux flammes ; les autres condamnés sont brûlés vifs ;
  • les galères : d'un an à plusieurs années ;
  • la flagellation publique : de quelques coups de fouet à plusieurs centaines[15] ;
  • la prison : d'un an à perpétuité ;
  • l'exil ;
  • les autres peines : réclusion dans un monastère de quelques mois à plusieurs années, jeûnes, obligation d'assister (et quelquefois à financer) à des messes et offices en habit de pénitent (sambenito et coroza), port perpétuel de ce vêtement d'infamie, interdiction d'exercer un ministère religieux, etc.[14].

La peine de mort ne pouvant être appliquée par l'Église, cette dernière livre ses victimes au pouvoir séculier[6].

L'exécution des peines capitales n'a très généralement pas lieu le jour de l'auto da fé, comme aussi la remise des condamnés aux autorités civiles, contrairement à ce que laissent supposer certaines représentations iconographiques. Il existe toutefois des cas où l'auto da fe durant jusqu'au soir, l'on remette les condamnés à ceux qui allaient les exécuter à minuit.

Que ce soit les condamnés ou les « réconciliés » et relaxés, tous doivent payer des amendes ou voir tout ou partie de leurs biens confisqués par l'Inquisition — ces fortunes alimentant les caisses de l'Inquisition et des couronnes royales, outre la corruption du clergé[10],[16].

Espagne wisigothique

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Selon la Chronique de Frédégaire, le roi wisigoth Récarède Ier, premier roi catholique d'Espagne (586-601), ordonna, après avoir abjuré l'arianisme et s'être converti au catholicisme (IIIe concile de Tolède de 589), de brûler tous les livres et manuscrits ariens de son royaume ; ils furent regroupés à Tolède (capitale wisigothe) dans une maison qui fut incendiée[17],[18].

Le dominicain Jérôme Savonarole a organisé un autodafé appelé « bûcher des Vanités », le 7 février 1497 à Florence, où les habitants durent apporter bijoux, cosmétiques, miroirs, livres immoraux, robes trop décolletées ou richement décorées, images licencieuses, etc. De nombreuses œuvres d'art produites à Florence au cours de cette décennie, dont notamment une partie de celles de Sandro Botticelli, ont disparu à cette occasion.

Péninsule ibérique et Inquisition

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L'Autodafé de protestants du 21 mai 1559 à Valladolid, gravure de Jan Luyken.

Fin de la Reconquista

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Peu de temps après l'année cruciale et la chute du royaume nasride de Grenade, l'évêque de la nouvelle cité devenue très catholique précipite au feu les livres écrits en arabe[réf. nécessaire].

Faux-semblants

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L'objet des tribunaux inquisitoriaux était précis : il s'agissait de rechercher les juifs non convertis au catholicisme (et fallacieusement accusés de meurtres ou de profanations) et ceux qui ne s'étaient convertis que sous la contrainte (pour ne pas être forcés à l'exil ou pour sauver leur vie) tout en continuant à adhérer secrètement au judaïsme. Ces derniers étaient appelés péjorativement les « marranes » (porcs).

Les conversions de façade avaient tendance à se répandre, déclenchant l'animosité populaire (troubles de Tolède et Cordoue en 1449, de Ségovie en 1474), mais également les protestations des juifs sincèrement convertis au christianisme, pour qui l'attitude des marranes jetait le discrédit sur l'ensemble des « nouveaux chrétiens ». C'est pour cette raison que l'on trouve à l'époque de nombreux conversos parmi les promoteurs de l'Inquisition, plus virulents encore que les chrétiens d'origine.

Les tribunaux inquisitoriaux instituèrent des sortes de « jurys ». Ces jurys étaient constitués de notables locaux — qui connaissaient donc bien l'accusé —, voire de juristes qui pouvaient poser des questions au suspect, questions à charge ou à décharge. Les faux témoins, s'ils étaient découverts, s'exposaient à de très lourdes sanctions, en principe les mêmes que celles qui auraient été infligées à l'accusé[19],[20].

Condamnations au bûcher

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Histoire de Lisbonne par Nuno Saraiva, 2008.

Tout comme les Juifs, de nombreux morisques, musulmans contraints de se convertir au christianisme, ont été condamnés à être brûlés vifs par l'inquisition espagnole de 1502 à 1750. Il leur était reproché de continuer à pratiquer dans le secret les rites de la religion musulmane.

En 1499, l'inquisiteur Diego Rodrigues Lucero connu par la suite pour sa cruauté, condamna à être brûlés vifs 107 juifs conversos, convaincu qu'ils étaient en réalité des marranes, restés fidèles à leur ancienne religion. Ce fut un des plus meurtriers autodafés du pays.

Au Portugal, il n'y eut pas d'autodafé avant 1540 (quatre ans après la création de l'Inquisition portugaise) mais durant les 40 ans qui suivirent, il y en eut environ quarante, avec « seulement » 170 condamnations au bûcher parmi les 2 500 condamnations prononcées. Par la suite (1580), Philippe II d'Espagne envahit le Portugal : le roi garantit aux juifs qu'ils pourraient continuer à pratiquer leur religion. Mais ceux qui se convertissent doivent le faire sincèrement, sous peine de risquer d'encourir les foudres de l'Église. Et de fait, en vingt ans, 3 200 condamnations (dont, ici encore, « seulement » 160 au bûcher) seront prononcées.

Autodafé sur la Plaza Mayor de Madrid, Francisco Ricci (1683).

Les autodafés continueront dans la péninsule Ibérique pendant toute la Renaissance et jusqu'au XVIIe siècle.

En 1639, au Pérou, le père franciscain Ioseph de Zisneros, qui était à la tête de l’Inquisition, condamna à Lima neuf marchands juifs au bûcher ; le dixième se suicida dans sa cellule et il fut brûlé en effigie. Au préalable, les condamnés avaient été conviés à faire acte de foi (auto da fé), pour mériter leur « rachat » dans l’au-delà. Leurs biens furent comme à l'habitude confisqués afin de renflouer le Trésor[16],[21].

L'exécution des accusés ne faisait pas partie de l'auto da fé et avait lieu lors d'une cérémonie ultérieure, normalement à l'extérieur de la ville, où la pompe de la procession principale était absente. Les principaux éléments de la cérémonie de l'auto da fé étaient la procession, la messe, le sermon à la messe et la réconciliation des pécheurs. Il serait faux de supposer, comme il l'est souvent fait, que les exécutions étaient au centre de l'événement[22], bien que certains auteurs, tels que Voltaire dans son conte philosophique Candide, répandront l'idée contraire.

Autodafé de livres

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Livres brûlés, Nuremberg chronicles, 1440-1514.

On nomme autodafé la destruction par le feu de livres ou d'autres écrits. Il s'agit d'un rituel qui se déroule habituellement en public[23], par lequel on témoigne d'une opposition culturelle, religieuse ou politique vis-à-vis des documents que l'on brûle. On considère donc généralement l'autodafé comme une méthode de censure visant à faire taire des voix considérées comme dissidentes ou hérétiques et qui menacent l'ordre établi[24].

L'autodafé se rattache au phénomène plus général de la destruction de livres ou biblioclasme[25], que certains auteurs appellent aussi libricide[26], bibliocauste[27] ou biblioclastie[28].

En général, ce n'est pas le livre en tant qu'objet matériel qui est visé, mais plutôt le livre comme porteur d'un contenu ou comme symbole d'une culture particulière[29]. Il peut ainsi s’agir d’un acte de mépris envers l’auteur ou le contenu de son œuvre.

La portée de ces destructions est variable. Dans certains cas, les écrits sont irremplaçables et leur destruction constitue une grave perte pour le patrimoine culturel d’une communauté. Dans d’autres cas, des exemplaires des livres détruits sont aujourd'hui accessibles, car des copies ont subsisté à l'attaque. Lorsque la destruction est étendue et systématique, l’autodafé constitue un élément significatif d’un ethnocide ou génocide culturel[30],[26].

La volonté d'intimider[31] ou de rallier un plus large public à ses idées peuvent constituer d'autres objectifs de l'autodafé.

Ce phénomène peut se rattacher à l'iconoclasme, c'est-à-dire la destruction des images ou des représentations[32]. En effet, des similitudes existent quant à leur ancrage culturel, religieux ou politique. De plus, à différents moments de l’histoire, comme lors de la Révolution française, la destruction de livres va de pair avec la destruction d’autres symboles culturels[33].

Cette pratique possède une longue histoire qui prend place dans différentes régions du monde et sous différents régimes idéologiques et politiques.

Destruction du paganisme dans l'Empire romain

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En 391 à Alexandrie, l'évêque Théophile voulut d'abord faire confisquer le temple de Dionysos pour le transformer en église et obtint pour ce projet l'approbation de l'empereur chrétien Théodose Ier, mais les païens de la ville se mobilisèrent et se barricadèrent dans l'enceinte du Serapæum, un bâtiment massif sur un terrain surélevé surnommé « l'Acropole d'Alexandrie ». Le Préfet d'Égypte et le commandant en chef de l'armée provinciale refusèrent d'intervenir sans un ordre exprès de l'empereur, que Théophile sollicita et obtint : un décret impérial approuva la démolition des temples d'Alexandrie.

Alors l'évêque, sans attendre l'intervention des autorités civiles et de l'armée, prit lui-même la tête d'une foule de chrétiens exaltés et se présenta devant le Serapæum où il lut à haute voix le décret de l'empereur devant une foule terrifiée. Ensuite il se précipita dans le temple et donna lui-même le premier coup à la statue du dieu Sérapis ; ses partisans, en état de frénésie, se ruèrent derrière lui et entreprirent de saccager et de démolir complètement le sanctuaire, lequel contenait, selon le témoignage du rhéteur contemporain Aphthonios d'Antioche, une importante bibliothèque où des milliers d'ouvrages furent apparemment détruits[34],[35].

Conquête arabe en Perse

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En 637, le palais de Ctésiphon (le Taq-e Kisra), capitale de l'Empire perse sous les Sassanides est détruit par les Arabes. Selon les historiens, l'autodafé des immenses bibliothèques perses par les troupes musulmanes, contenant tout le savoir de l'empire sassanide dura plus de six semaines, d'un feu continu, nuit et jour[36].

Codex de Dresde (p. 2).

Les débuts de la colonisation espagnole en Amérique

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À la suite de la conquête espagnole du Mexique actuel au XVIe siècle, les écrits des civilisations préhispaniques tels que ceux des Mayas et des Aztèques ont subi plusieurs autodafés de la part des religieux européens, convaincus que les codex étaient associés aux démons et aux superstitions.

L'évêque de Mexico à l'époque, Juan de Zumárraga, a fait brûler en 1530 tous les écrits et les idoles des Aztèques en mettant feu aux maisons royales qui hébergeaient les codex[37].

En juillet 1562, le franciscain Diego de Landa ordonna un autodafé de l'ensemble des documents afin d'assurer une meilleure évangélisation des populations autochtones[38]. Seuls quatre codex mayas sur les 27 recensés ont été sauvés des flammes[39].

Révolution française

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Plusieurs autodafés eurent lieu durant la Révolution française, principalement commis par les révolutionnaires envers les institutions qui représentaient le régime féodal, comme la noblesse et le clergé. La première vague eut lieu durant le mouvement de la Grande Peur, qui vit les paysans entrer dans les châteaux des seigneurs et détruire les registres féodaux[40], appelés les livres terriers.

Les bibliothèques ont également été ciblées : on estime que 8 000 livres ont été détruits rien qu'à Paris, et que pour l'ensemble du pays, le nombre de livres disparus grimpa à 4 millions[41]. Par exemple, l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés fut incendiée en 1794 et tout le contenu de sa bibliothèque — soit 49 387 imprimés et 7 072 manuscrits — a été brûlé[41].

Les portraits de saints ont aussi été touchés, dans un mouvement de déchristianisation.

Berlin, 10 mai 1933.
Berlin, 11 mai 1933.

« Là où on brûle des livres, on finit aussi par brûler des hommes. »

— Heinrich Heine, Almansor[42]

Par analogie des méthodes, le terme auto da fe fut employé pour désigner la destruction par le feu que les nazis appliquèrent aux ouvrages dissidents ou dont les auteurs étaient juifs, communistes, modernes, féministes ou pacifistes[43].

Autodafé lors du pogrom d'Anvers, le 14 avril 1941.

Le premier autodafé nazi eut lieu le à Berlin (Opernplatz)[44], et fut suivi par d'autres à Brême, à Dresde, à Francfort-sur-le-Main, à Hanovre, à Munich et à Nuremberg.

Furent ainsi condamnés au feu les ouvrages, entre autres, de Bertolt Brecht, d'Alfred Döblin, de Lion Feuchtwanger, de Sigmund Freud, d'Erich Kästner, de Heinrich Mann, de Karl Marx, de Friedrich Wilhelm Foerster, de Carl von Ossietzky, d'Erich Maria Remarque, de Kurt Tucholsky, de Franz Werfel, d'Arnold Zweig et de Stefan Zweig, considérés comme « dégénérés »[45].

La phalange franquiste organisa le un autodafé de style nazi à l'université centrale de Madrid où furent notamment brûlés des livres de Maxime Gorki, Sabino Arana, Sigmund Freud, Alphonse de Lamartine, Karl Marx, Jean-Jacques Rousseau et Voltaire[46].

Le premier empereur de Chine, Qin Shi Huang, brûla les écrits confucéens pour asseoir son pouvoir et l'idéologie du légisme[47].

Dans la Chine communiste, des corans furent détruits dans de grands autodafés[48]. Des manuscrits bouddhistes et des bibles furent également brûlés[49].

Soldats chiliens procédant à des autodafés en 1973.

Plusieurs autodafés ont été perpétrés lors du régime militaire de Pinochet. Les militaires contrôlaient l'activité éditoriale et plusieurs écrits de tendance socialiste ou contestataire ont été détruits, comme les œuvres de Pablo Neruda et Gabriel García Márquez. Par exemple, les autorités ont brûlé 14 846 exemplaires de L'Aventure de Miguel Littin, clandestin de ce dernier auteur[50].

Histoire récente

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Destruction d'ouvrages du Falun Gong lors de la répression de 1999 en Chine.

Autodafé des livres par leurs auteurs

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En 1588, le cardinal britannique William Allen écrit pendant son exil « An Admonition to the Nobility and People of England (en) », un ouvrage critiquant la reine Élisabeth Ire. Il a l’intention de le publier en Angleterre pendant l’occupation des Espagnols, escomptant une invasion victorieuse du pays par l’Invincible Armada. À la suite de la défaite de l’Armada, Allen prend le soin de passer sa publication au feu. Elle n’est désormais connue que par l’un des espions d’Élisabeth qui en a volé une copie[67].

Le rabbin hassidique Nahman de Bratslav aurait écrit un livre qu’il aurait lui-même brûlé en 1808. Aujourd’hui, ses adeptes pleurent « Le livre brûlé » et cherchent dans les écrits du rabbin des indices sur ce que contenait le volume perdu et pourquoi il a été détruit[68].

En , Nicolas Gogol fait imprimer à compte d’auteur son poème Hans Küchelgarten. Le livre est si mal reçu par la critique que Gogol rachète lui-même les exemplaires des librairies pour les passer au feu[69]. La nuit du 23 au , soit une semaine avant sa mort, après une longue prière, Gogol jette au feu la très attendue deuxième partie de son magnum opus, Les Âmes mortes. Il s’y prend à deux fois pour enflammer le manuscrit. Ensuite, il se signe et se couche en sanglotant. Il dira plus tard au comte Alexandre Tolstoï que c’est le Malin qui l’a poussé à l’acte[70]. Ce geste a grandement influencé Mikhaïl Boulgakov, qui le met en scène dans son roman Le Maître et Marguerite. Le personnage principal, le Maître, brûle son propre manuscrit, mais à l’inverse du récit de Gogol, c’est le Diable qui lui permet de le retrouver lui disant que les manuscrits ne brûlent pas[71]. Dans un élan dramatique, Boulgakov déchire et jette les deux premières versions de Le Maître et Marguerite au printemps 1930. Dans une lettre écrite au gouvernement de l'URSS, il dit avoir brûlé son roman sur le diable. Il va ensuite réécrire le roman au complet[72].

Avant sa mort en 1924, Franz Kafka écrit à son ami Max Brod : « Mon très cher Max, ma dernière requête : tout ce que je laisse derrière moi… qu’il s’agisse de journaux, manuscrits, lettres (les miennes et celles des autres), des croquis, etc. [doit] être brûlé sans avoir été lu. ». Brod ne suit pas les souhaits de Kafka, croyant que l'auteur lui a donné ses directives en sachant qu'elles ne seraient pas honorées. Si Brod avait suivi les indications de Kafka, la plus grande partie des œuvres de Kafka — à l’exception de quelques courts récits publiés de son vivant — aurait été perdue pour toujours[73].

Autodafés dans la fiction

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Dans le roman Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, le thème principal est la destructions de livres par le feu, effectué par le protagoniste.

Mise en scène des autodafés nazis dans le film d'aventures Indiana Jones et la Dernière Croisade (1989) de Steven Spielberg.

Notes et références

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  1. a et b « Le dictionnaire de l'Histoire - autodafé - Herodote.net », sur www.herodote.net (consulté le ).
  2. Taviani-Carozzi Huguette, « La mort et l’hérésie : des hérétiques de l’An Mil à Pierre de Bruis et à Henri, dit de Lausanne », dans La mort et l'au-delà en France méridionale (XIIe – XVe siècle), Toulouse, Éditions Privat, coll. « Cahiers de Fanjeaux » (no 33), (lire en ligne), p. 121-158
  3. « Autodafé », sur CNRTL (consulté le )
  4. Bernard Vincent, « "Convivance" à Grenade », Confluences, sur Revues plurielles, .
  5. a et b (en) Joseph Pérez, The Spanish Inquisition : A History, Yale University Press, , 248 p. (ISBN 978-0-300-11982-4, présentation en ligne).
  6. a b c et d (en) Les Editions Encyclopaedia Britannica, « Auto-da-fé | public ceremony », britannica.com,‎ non daté (lire en ligne, consulté le ).
  7. Gonzalez-Raymond 1996, p. 80.
  8. Après la peine purgée (même la mort), le sambenito était exposé ad perpetuam rei memoriam dans l'église paroissiale afin que la famille et les descendants du condamné reçoivent toute leur vie, eux aussi l’opprobre de la société. J. Perez, 2012, p. 145. Lire en ligne.
  9. S'y ajoutent ou détaillent les renégats (« vieux-chrétiens » ayant renié plus ou moins volontairement leur foi catholique, notamment ceux pris par des pirates barbaresques), d'esclaves ou captifs obligés de passer d'une religion à l'autre ; les bouchers degüella a la morisca (égorgeurs à la musulmane, majoritairement « vieux-chrétiens »sacrifiant les bêtes selon la demande de leurs clients) ; les sorcières brugeria capables de voler la nuit et se transformer en animaux et les sorciers et sorcières hechiceria usant d'artifices magiques ou divinatoires, astrologues... Gonzalez-Raymond 1996, p. 25?, 46 et suiv..
  10. a et b Gonzalez-Raymond 1996, p. 60-63 et 80-84.
  11. Gonzalez-Raymond 1996, p. 55.
  12. Gonzalez-Raymond 1996, p. 55-56 et 86.
  13. Gonzalez-Raymond 1996, p. 66 et suiv..
  14. a et b Joseph Pérez, Breve Historia de la Inquisición en España, Barcelone, 2009 et 2012 (ISBN 978-84-08-00695-4), p. 147.
  15. Chaque nœud de la corde autour du cou de l'accusé figurait 100 coups de fouet à lui administrer.
  16. a et b de Zisneros (Ioseph), Inquisition : Apologie de l'autodafé célébré à Lima en 1639 - Criminocorpus, collection Zoummeroff.
  17. Chronique de Frédégaire, sur remacle.org.
  18. Judith Herrin, The Formation of Christendom, Princeton University Press, 1989, p. 231.
  19. Cf. les Constitutiones du Grand Inquisiteur le cardinal Torquemada et ses instructions aux responsables inquisiteurs ; consulter aussi les comptes-rendus d'audiences de l'Inquisition française durant l'affaire des Albigeois.
  20. Sources : Archives espagnoles déposées à Séville, actes des procès inquisitoriaux en France au XIIIe siècle)
  21. (es) « Discurso que en el insigne auto de la fe, celebrado en esta real ciudad de Lima a ueinte y tres de enero de 1639. años », sur repository.library.brown.edu (consulté le )
  22. Henry Kamen, The Spanish Inquisition: An Historical Revision, 2000, Orion Publishing Group, p. 211.
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  34. Description de l'« Acropole d'Alexandrie » comme modèle d'ekphrasis dans les Progymnasmata (§ 12). Voir Giuseppe Botti, L'Acropole d'Alexandrie et le Sérapeum d'après Aphtonius et les fouilles, Mémoire présenté à la Société archéologique d'Alexandrie à la séance du 17 avril 1895 (Alexandrie, L. Carrière, 1895)
  35. Des événements similaires sont racontés par Socrate le Scolastique pour l'année 361 sous l'évêque arien Georges de Cappadoce (attaque et « purification » du Mithræum par les chrétiens, qui y découvrent des ossements humains et les promènent dans la ville) : Histoire ecclésiastique, III, 2.
  36. Mostafa El-Abbadi et Omnia Mounir Fathallah, What Happened to the Ancient Library of Alexandria ?, , pp. 214-217
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  38. L'écriture maya livre ses secrets - Le Monde, 30 novembre 2008
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  40. Michel Biard, Silvia Marzagalli et Joël Cornette, Révolution, Consulat, Empire : 1789-1815, Paris, Belin, dl 2014, cop. 2014, 715 p. (ISBN 978-2-7011-9196-6 et 2701191963, OCLC 894237701, lire en ligne), p. 66-68.
  41. a et b Báez 2008, p. 241.
  42. Almansor, vers 243 ; voir texte sur Wikisource.
  43. Cf. le film Apocalypse, Hitler.
  44. Lucien Xavier Polastron, Livres en feu : histoire de la destruction sans fin des bibliothèques, Paris, Denoël, , 429 p. (ISBN 978-2-207-25573-5 et 9782207255735, OCLC 491285318, lire en ligne), p. 217.
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Bibliographie

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Liens externes

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