Bouddhisme et non-violence

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Représentation de la parabole du Bouddha et de l'éléphant Nalagiri. Devadatta, jaloux de Bouddha, veut le tuer et envoie un éléphant en colère nommé Nalagiri dans sa direction. Alors que l'éléphant en colère s'approche, le Bouddha fait le signe de l'Abhaya-mudrā, symbole de paix, de bonté et de gentillesse et calme Nalagiri. Les Bouddhistes appellent cet état vertueux la perfection Mettā ou maitrī.

Le principe de non-violence (ahiṃsā en sanskrit) se retrouve dans les trois véhicules bouddhiques.

L'enseignement de Bouddha porte les moyens de développer une culture de non-violence et de justice[1].

Des dirigeants comme l'empereur indien Ashoka, le 14e dalaï-lama et Aung San Suu Kyi, ou encore le moine Thich Nhat Hanh, sont des exemples de personnalités bouddhistes connues pour avoir utilisé la non-violence dans leur quête.

Enseignements non violents dans les écoles du bouddhisme[modifier | modifier le code]

Le premier des cinq préceptes (sila) du pratiquant bouddhiste l'engage à ne pas tuer[2].

Au travers de la patience transcendante, les pratiquants du bouddhisme visent à cultiver la non-violence, en ne répondant ni aux insultes ni à la violence[3].

Dans la voie du Théravada, la pratique du non-attachement et de la morale (sila) prédominent. Dans la communauté monastique, tenue à la stricte discipline du Vinaya, la non-violence y est ritualisée. C'est au sein de cette voie qu'est né le Réseau international des bouddhistes engagés, prônant le bouddhisme engagé, à l'initiative du Thaïlandais Sulak Sivaraksa[4].

Dans le Mahayana, la voie des bodhisattvas, le pratiquant développe conjointement la sagesse et la compassion, conditionnant sa libération à celle de tous les êtres[4].

Le Vajrayana, propose de transformer les émotions, y compris les peurs et les névroses, en instrument de paix[4].

Non-violence comme voie d'action politique[modifier | modifier le code]

Pour Samdhong Rinpoché, le développement de la non-violence dans un objectif politique n'est pas l'inaction, ni la passivité[5]. Pour Sulak Sivaraksa, la paix est un processus proactif complet visant à trouver un terrain grâce à une communication ouverte et la mise en pratique d'une philosophie non blessante et de partage des ressources. Pour Aung San Suu Kyi, les méthodes non violentes signifient des actions positives et contrairement à ce que pensent certaines personnes, la non-violence n'est pas la passivité[6].

L'empereur Ashoka développe la non-violence en Inde[modifier | modifier le code]

Ashoka, troisième empereur de la dynastie indienne des Maurya, après sa conquête sanglante du Kalinga, pris de remords, se tourne vers le Dharma. Il prend les vœux d'upāsaka et réalise au travers des enseignements du Bouddha que ses conquêtes territoriales sont sources de souffrance, et s'oriente vers une conquête intérieur pour cultiver le bien de la société et la non-violence. Il protège les autres religions et érige des piliers où sont gravés en plusieurs langues des textes promouvant la justice et la tolérance[7].

Thich Nhat Hanh contribue à mettre fin à la guerre du Viêtnam[modifier | modifier le code]

Thich Nhat Hanh est l'inspirateur du mouvement du bouddhisme engagé (en) qui collabora avec des chrétiens du monde entier pour mettre fin à la guerre du Viêtnam. Il s'est appuyé sur le mouvement non violent de moines vietnamiens et de militants américains[8].

Le 14e dalaï-lama utilise la non-violence pour résoudre la question du Tibet[modifier | modifier le code]

En 1987, des moines de Lhassa se rebellent et réclament l’indépendance du Tibet. Le 14e dalaï-lama tient un discours en 1988 au parlement de Strasbourg durant lequel il renonce à l’indépendance et accepte une autonomie du Tibet au sein de la république populaire de Chine[9]. L'opposition du 14e dalaï-lama à la violence et sa défense de solutions pacifiques basées sur la tolérance et le respect mutuels pour préserver le patrimoine et la culture du peuple tibétain lui valurent l'attribution du prix Nobel de la paix le . Pour Egil Aarvik, alors président du comité Nobel, même si en 30 ans, la non-violence n'a pu résoudre la question tibétaine, le dalaï-lama est un porte parole lumineux de cette philosophie de paix, qui représente une autre voie que la violence et la puissance militaire pour résoudre les conflits[10]. Egil Aarvik déclara que la décision d'attribuer le prix Nobel au dalaï-lama était « en partie un hommage à la mémoire du Mahatma Gandhi »[11]. Interrogé par Victor Chan au début des années 2000 sur ce qu'il pense des Chinois, le dalaï-lama expliqua que l'essence du bouddhisme est d'une part la compassion et de l'autre la conscience de l'interdépendance. Insistant sur la distinction entre l'acteur et l'acte, il déclare que si l'on doit s'opposer à une mauvaise action, cela ne signifie pas que l'on s'oppose à la personne la commettant. Des ennemis, comme le sont les Chinois pour le Tibet de nos jours, peuvent devenir des amis. C'est en suivant ce raisonnement que le dalaï-lama pardonne aux Chinois ce qu'ils ont fait à son pays et à son peuple[12].

Selon Bernard Faure, « on pourrait arguer que le Tibet fut plutôt contraint au pacifisme, n’ayant pas la force de s’opposer à ses puissants voisins. [...] Lorsqu’on lui demanda pourquoi il avait choisi la non-violence pour résoudre le problème tibétain, le dalaï-lama éclata de rire : « Les Tibétains, six millions. Les Chinois, un milliard ! »[13].

Aung San Suu Kyi plaide pour la démocratie et la nonviolence en Birmanie[modifier | modifier le code]

Aung San Suu Kyi plaida efficacement en faveur de la démocratie et de la non violence. Elle fut mise en résidence surveillée pendant de nombreuses années par la junte militaire birmane. Elle obtint le prix Nobel de la paix en 1991, démontrant un soutien de la communauté internationale à sa cause. D'août à , la révolution de safran, un mouvement non violent massif de moines et de nonnes bouddhistes se développa. Il fut écrasé militairement. Après quelques années cependant, le gouvernement libéra Aung San Suu Kyi et organisa des élections en 2010[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Alain Grosrey, Le Grand Livre du Bouddhisme, 2007, Albin Michel, (ISBN 2226178414), p. 28
  2. Dr Trinh Dinh Hy, Violence et non-violence
  3. Alain Grosrey, op. cit. p.687.
  4. a b et c Jean-Paul Ribes Le bouddhisme : une non-violence de l'intérieur (Centre de ressources sur la non-violence de Midi-Pyrénées)
  5. (en) Samdhong Rinpoché, Economic Organization And Development Of Future Tibet
  6. (en) Hsiao-Lan Hu, This-Worldly Nibbana: A Buddhist-Feminist Social Ethic for Peacemaking in the Global Community, SUNY Press, 2011, (ISBN 1438439342 et 9781438439341), p. 171
  7. Alain Grosrey, op. cit. p. 144-145.
  8. Michael von Brück et Whalen Lai, Thich Nhat Hanh et le mouvement "Bouddhisme engagé"
  9. « 1979-1989 : le champion de la non-violence » (consulté le )
  10. Victor Chan, avec le 14e dalaï-lama, Savoir pardonner, traduction Philippe Beaudoin, 2005, Les Presses du Châtelet, (ISBN 2845921586) Pocket, 2007 (ISBN 2266163388), p. 41-42. (voir p. 21 de l'édition en anglais)
  11. Presentation Speech by Egil Aarvik, Chairman of the Norwegian Nobel Committee
  12. Victor Chan, op. cit. p. 89-95 p. 47 de l'édition en anglais
  13. Bernard Faure, Le Bouddhisme : idées reçues sur le bouddhisme, Le Cavalier Bleu Editions, , 128 p. (ISBN 978-2-84670-584-4, lire en ligne), p. 58
  14. (en) Rachel MacNair (en), Religions and Nonviolence: The Rise of Effective Advocacy for Peace: The Rise of Effective Advocacy for Peace, ABC-CLIO, 2015, (ISBN 144083539X et 9781440835391), p. 72

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens internes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]