Alpinisme

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Alpinisme
Fédération internationale UIAA
Image illustrative de l’article Alpinisme
Alpinistes progressant en neige sur corde fixe, dans l'ascension de l'Imja Tse (6 189 m), au Népal.

L'alpinisme *
Image illustrative de l’article Alpinisme
Ascension du mont Blanc en 1862
Domaine Pratiques sportives
Lieu d'inventaire France
* Descriptif officiel Ministère de la Culture (France)

L'alpinisme *
Pays * Drapeau de la France France
Drapeau de l'Italie Italie
Drapeau de la Suisse Suisse
Liste Liste représentative
Année d’inscription 2019
* Descriptif officiel UNESCO
L'Alpinisme par Marie-Félix Hippolyte-Lucas.

L’alpinisme est une pratique sportive d'ascension en haute montagne, qui repose sur différentes techniques de progression.

L'alpinisme réclame un apprentissage de techniques spécifiques et l'acquisition de savoir-faire qui permettent au pratiquant d'appréhender les risques inhérents à l'altitude et au milieu hostile dans lequel il évolue et qui se distingue ainsi du terrain habituel de la randonnée pédestre[1]. L'alpinisme se définit aussi comme une pratique sportive ou de loisir[1], et se distingue ainsi des ascensions à but religieux (pèlerinage), utilitaire (chasseurs, cristalliers) ou tactique (militaires).

Apparu au XIXe siècle, l'alpinisme à son origine concernait uniquement l'ascension des sommets montagneux. Ce sport a ultérieurement évolué en pratiques spécialisées, par exemple l'escalade, la cascade de glace ou le ski-alpinisme, pour finalement inclure tout type de progression en haute-montagne sur terrain rocheux, neige ou glace[2]. Ces pratiques exigent des capacités physiques, du matériel spécifique et des connaissances techniques afin de garantir la sécurité des alpinistes.

Dans le jargon des montagnards, une sortie d'alpinisme est plus connue sous la dénomination « course », quelle que soit la durée ou la difficulté.

En 2015, l'alpinisme est inscrit à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel en France puis sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité en [3].

Terminologie

Le terme « alpinisme » apparaît en 1877 dans une publication du Club alpin français pour désigner cette activité physique de loisir en haute-montagne. Il entre dans un dictionnaire en 1898[4]. Si, par son étymologie, l'alpinisme fait directement référence aux Alpes, premier lieu historique de ces activités, il s'étend aux activités similaires dans toutes les montagnes du monde. Le terme anglais plus ancien, mountaineering (« alpinisme »), ne fait pas référence aux Alpes mais dérive de mountaineer (littéralement « montagnard ») qui prit aussi le sens de « grimpeur en montagne, alpiniste » dès 1803[5],[6]. Le terme français « montagnisme » n'est jamais utilisé[4].

Ultérieurement, d'autres termes apparaissent pour désigner la pratique de l'alpinisme spécifique à d'autres massifs : l'himalayisme pour les ascensions dans l'Himalaya et l'andisme pour les ascensions dans la cordillère des Andes, ainsi que quelques autres variantes peu communes[7]. Mais le terme « alpinisme » conserve son sens global, quel que soit le lieu de pratique[6],[4].

Le pratiquant est appelé alpiniste. D'autres termes plus spécifiques désignent aussi ces pratiquants : grimpeur, varappeur ou rochassier (spécialiste du rocher), glaciériste (spécialiste de la glace), ascensionniste[8], himalayiste[4], ski-alpiniste. Selon sa qualification professionnelle, l'alpiniste peut être appelé porteur, aspirant-guide, guide ou sherpa. Un chef d'expédition dirige une expédition composée de plusieurs alpinistes. Dans une cordée, on distingue le leader (ou premier de cordée) suivi d'un ou plusieurs seconds de cordée.

Histoire

Premières ascensions

L'ascension en haute montagne alpine a été depuis longtemps pratiquée[9], comme en témoigne Ötzi entre 3350 et 3100 av. J.-C. ou les habitants des Alpes, en particulier les chasseurs de chamois et les cristalliers. Bien qu'ils soient victimes d'ostracisme (c'était un sacrilège d'accéder à la haute montagne, lieu maudit)[réf. nécessaire], ce sont eux qui ont accompagné les topographes militaires sur les sommets au début du XIXe siècle. Beaucoup de leurs premières ascensions n'ont sans doute pas été enregistrées, ce qui a laissé le champ libre aux touristes pour déclarer leurs premières dans le cadre d'un alpinisme sportif et médiatisé.

  • Empédocle au Ve siècle av. J.-C. ou l’empereur Hadrien au IIe siècle montent au sommet de l'Etna[10].
  • 663 : mont Fuji (3 776 m) par le moine bouddhiste En no Gyōja
  • Pierre III d'Aragon atteint le sommet du pic du Canigou en 1280. Cette ascension est évoquée dans une chronique épique d'un moine italien du XIIIe siècle, Fra Salimbene. Il semble cependant que le monarque ne soit pas allé jusqu'au sommet du pic. En effet, le chroniqueur franciscain écrit que Pierre III vit au sommet un dragon sortant d'un lac. Cette indication pourrait correspondre au lieu-dit les Estanyols (« les Étangs »), environ 500 mètres en contrebas[11].
  • Dans une lettre à son ami Francesco Dionigi, Pétrarque prétendit avoir gravi le mont Ventoux le accompagné de son frère et de deux serviteurs, « poussé seulement par le désir de visiter un lieu renommé pour son altitude ».
  •  : Rochemelon (3 538 m) par Bonifacius Rotarius d'Asti
  • En 1492, le mont Aiguille a été gravi par Antoine de Ville sur ordre de Charles VIII de France. Parti avec dix hommes, il fait appel à un huissier pour notifier l’exploit. Il s'agit de la première ascension ayant eu recours à des techniques d'alpinisme.
  • En 1541, le naturaliste suisse Conrad Gessner écrit une lettre « Admiration pour la montagne » à son ami Jacques Vogel, dans laquelle il dit être décidé « chaque année à faire l'ascension de quelques montagnes » et qu'il tient parole[12].
  • En juin 1741, l'aventurier britannique William Windham et son ami Richard Pococke sont les premiers à réaliser pour leur plaisir l'ascension du Montenvers. Cet événement marque le début du tourisme alpin et vaut à Windham, le chef de l'expédition, d'être considéré comme le « père de l'alpinisme »[13].
  • Le , les frères Deluc, savants genevois, atteignent les premiers le sommet du mont Buet (ils avaient précédemment échoué en 1765). On considère cette épopée comme la première ascension en haute montagne dans les Alpes.
  • Le , la première ascension du mont Vélan (3 727 m) est réalisée par Laurent-Joseph Murith, chanoine du Grand-Saint-Bernard[14].
  • On considère généralement que l'alpinisme a été inventé par Horace-Bénédict de Saussure lorsqu'il proposa en 1786 une prime au premier qui gravirait le mont Blanc, appelé la « montagne maudite » : le , le guide Jacques Balmat et le docteur chamoniard Michel Paccard parviennent pour la première fois au sommet du mont Blanc. C'est le récit de l'ascension de Saussure le qui donne l'élan européen à l'alpinisme[15].

Naissance de l'alpinisme

Alpinistes célèbres
Drapeau du Royaume-Uni Edward Whymper
Drapeau du Royaume-Uni Albert F. Mummery

Dès le XIXe siècle, des « bourgeois éclairés » et aristocrates de Grande-Bretagne (où la culture du sport est forte et l'accessibilité des Alpes facilitée par les chemins de fer) s'élancent vers les sommets, suivis par les Allemands, les Autrichiens, les Suisses et les Français. Ils prennent l'assaut des cimes alpines dans un esprit de compétition internationale et souvent mortelle, comme en témoigne la tragique tentative d'ascension hivernale du Haut de Cry, en 1864, impliquant l'Anglais Philipp Gosset, Louis Boissonnet et leur guide Johann Josef Benet[16].

L'équipement de Hermann von Barth (1845-1876) : petit sac à dos avec une bouteille en verre, chaussures cloutées, crampons, bâton de marche.

L'alpinisme prit son essor au XIXe siècle sous l'impulsion de grimpeurs, en majorité de nationalité britannique, tels Edward Whymper, Albert F. Mummery, Frederick Gardiner, qui tous ont laissé leur nom lié à des « premières » et à des sommets alpins. Ces riches Anglais étaient le plus souvent accompagnés de guides français, italiens ou suisses. Ils sont à l'origine de l'âge d'or de l'alpinisme (1854-1865), expression de l'alpiniste William Auguste Coolidge. Il existe déjà à cette époque des alpinistes femmes[17], telles Henriette d'Angeville — une Franco-suisse, deuxième femme à gravir le mont Blanc —, Meta Brevoort — une Américaine, tante de William Auguste Coolidge, ayant fait de nombreuses et illustres ascensions dans les Alpes dans les années 1860-1870 et ayant réalisé plusieurs premières féminines ; son nom a été donné à la pointe Brevoort, point culminant de la Grande Ruine dans le massif des Écrins — ou Lucy Walker — une Britannique, première femme à avoir atteint le sommet du Cervin.

Le guide Christian Almer (1826–1898), son fils Ulrich Almer (1849–1940), Margaret Claudia Brevoort (1825–1876), le chien Tschingel et William Auguste Coolidge (1850–1926).

Les « bourgeois éclairés » et aristocrates créent les premiers clubs alpins entre 1857 et 1874, d’abord en Angleterre (l'Alpine Club) puis en Suisse, en Italie, en Allemagne, en Autriche, en Pologne et enfin en France en 1874. Ces clubs « définissent des usages en matière d’excursion, organisent les compagnies de guides, construisent des refuges, améliorent la qualité des hébergements, rédigent des notices scientifiques, inventent une littérature de voyage et réussissent ainsi à promouvoir, auprès de leurs contemporains, une forme de tourisme alpin à la fois cultivé et mondain »[10]. Les clubs continentaux ont plutôt une démarche d'aménagement de la montagne alors que les clubs britanniques ont une vision transfrontalière des Alpes qu'ils voient comme un terrain de jeu (ainsi l'ouvrage de Leslie Stephen en 1871 s'intitule-t-il Le Terrain de jeu de l'Europe). Dans le Club alpin français (CAF) créé en 1874, les femmes ne représentent que 1 % des alpinistes, tout comme en 2009. Et on n'en compte que 18 sur 1 468 guides de haute montagne en France. C'est seulement depuis les années 1920 qu'elles prennent la tête de cordées et depuis les années 1960 qu'elles peuvent gravir les sommets sans leur mari. Le premier club d'alpinisme féminin, le Ladies' Alpine Club, est créé à Londres en 1907 ; il fusionne avec l'Alpine Club de Grande Bretagne en 1975.

Les deux derniers grands sommets vierges des Alpes sont gravis en 1865 (Whymper atteint pour la première fois le sommet du Cervin), puis le  : Pierre Gaspard (dit « Gaspard de la Meije »), son fils et E. Boileau de Castelnau réalisent la première ascension de la Meije. Tous les grands sommets des Alpes ont donc été conquis : c’est le début de l’alpinisme sportif, qui voit la naissance de l'alpinisme hivernal lors du XXe siècle. La démocratisation des clubs conduit les bourgeois et aristocrates britanniques, à partir des années 1950, à déplacer leur terrain de jeu vers les montagnes de l'Himalaya appartenant à leur Empire des Indes. Mais là aussi, dans les années 1970, la démocratisation de l'alpinisme s'opère[10].

En 1900, un Grand Prix olympique d'alpinisme est décerné durant les Jeux olympiques, comme en atteste le programme officiel des épreuves au cours de l'exposition universelle de 1900. Il est attribué par le jury à l'exploit considéré comme le plus important durant les quatre années précédentes en la matière.

Les dernières faces nord des Alpes

Au début du XXe siècle, le but était d’atteindre le sommet en choisissant la voie la plus facile. Les alpinistes emportaient fréquemment avec eux des appareils de mesure scientifique ou du matériel de peinture pour justifier leur ascension. Dorénavant, la beauté et la difficulté de la voie prennent de l’importance.

Le matériel se développe avec l'utilisation des pitons, mousquetons et chaussures à semelles en caoutchouc type Vibram. Certains alpinistes s’affranchissent des guides et développent ainsi une pratique qui n’est plus réservée à une élite fortunée. Peu à peu, tous les versants des sommets des Alpes sont gravis, y compris les inquiétantes faces nord. Celles-ci ont été gravies dans les années 1930, notamment celles du Cervin (1931), de l'Eiger (1938) et des Grandes Jorasses (pointe Walker en 1938).

L'élite de l'alpinisme italien (Comici, Cassin, Detassis, etc.) inscrit à son palmarès quelques-unes des plus belles réalisations dans le domaine de l'escalade pure dans le massif des Dolomites, théâtre d'ascensions de très haut niveau (Tre Cime di Lavaredo, Civetta, etc.).

Conquête des plus hauts sommets

Après avoir gravi tous les sommets des Alpes par tous les versants, les alpinistes ont cherché d'autres terrains de jeux ou d’autres formes de défis. C’est ainsi que certains se tournent vers des sommets plus hauts : c’est la course aux 8 000 mètres dans l’Himalaya, qui commence avant même la Seconde Guerre mondiale (expédition de Nanga Parbat lancée en 1939 par le régime nazi). Les grands sommets himalayens sont conquis dans les années 1950 et le début des années 1960. En 1959, une expédition entièrement composée de femmes et conduite par Claude Kogan tente, sans succès, d'atteindre le sommet du Cho Oyu. La première femme à atteindre le sommet de l'Everest, le , est l'alpiniste Junko Tabei.

De nouveaux défis

Alpinistes célèbres
Drapeau de l'Italie Reinhold Messner
Drapeau de l'Italie Walter Bonatti

Pour augmenter les difficultés, les alpinistes tentent des hivernales (ascensions réalisées en hiver), des solos (ascensions réalisées seul, parfois auto-assuré), des enchaînements (réalisations de plusieurs voies de suite). Certains grimpeurs tentent même de combiner les trois pratiques en réalisant en solo, l’hiver, l’enchaînement, par exemple, des faces Nord les plus emblématiques des Alpes : les Grandes Jorasses, le Cervin, l’Eiger

7e degré, escalade libre et sportive

Alpinistes célèbres
Drapeau de la France Patrick Berhault (1957-2004)
Drapeau de la France Patrick Cordier (1946-1996)
Drapeau de la France Catherine Destivelle (1960-)

À partir des années 1970-1980, le plus haut niveau de difficulté technique sur le rocher ne cesse d'être repoussé. Le 7e degré est finalement accepté comme cotation des difficultés extrêmes. Vers 1975, l'éthique et la pratique de l'escalade libre se diffuse massivement, en opposition aux anciennes techniques d'ascension dites « d'escalade artificielle » avec l'usage fréquent de pitons, cordes et étriers (petites échelles souples à trois ou quatre barreaux) pour aider à la progression des alpinistes. Avec la pratique généralisée de l'escalade libre, la corde et les points d'ancrages ne servent plus qu'à retenir le grimpeur en cas de chute[18].

À cette époque l'escalade (rocheuse) devient également une discipline sportive autonome. La pratique de nombreux « grimpeurs » se distancie progressivement des lieux et objectifs de l'alpinisme : l'escalade n'est plus forcément un entraînement pour les ascensions en haute-montagne, elle devient souvent une finalité en soi. Durant les années 1980 se diffuse massivement une nouvelle pratique dénommée « escalade sportive », qui met l'accent sur la sécurité des pratiquants (voies d'escalade entièrement équipées de points d'ancrage permanents) et l'objectif de réalisations aux plus hauts niveaux techniques. En Europe, les premières compétitions d'escalade sportives sont organisées. Le nombre de grimpeurs augmente rapidement, pratiquant majoritairement hors de la haute-montagne ; sur des falaises ou blocs en extérieur, et à partir des années 1990 en salles d'escalade. Le niveau en escalade sportive ne cesse d'augmenter : le 8e degré est atteint en 1979, le 9e degré en 1991.

Sous l'influence de ces nouvelles pratiques, le niveau des voies rocheuses en haute-montagne augmente au cours des années 1980, à l'exemple des voies ouvertes par Michel Piola dans les Alpes.

Années 2000, 2010

Passage équipé d'échelles et cordes fixes sur la voie normale de l'Everest, 2005.
Kilian Jornet lors d'une compétition de ski-alpinisme, 2017

À partir des années 2000, les pratiques remarquées en alpinisme deviennent plus sportives. On trouve ainsi des alpinistes « athlètes » capables de grandes performances physiques (ascension de vitesse, enchaînements d'étapes en une seule journée) ou bien de réalisations à des niveaux techniques extrêmes (ouverture de big wall en libre, ski de pentes raides). Cette tendance est soutenue par des techniques d'entraînement sportif plus modernes (planification et suivi, salle d'escalade...) et des avancées technologiques (matériel plus léger, électronique, prévision météorologique, etc.) Ces tendances s'illustrent avec des alpinistes médiatisés comme Ueli Steck ou Kílian Jornet, qui réalisent des ascensions à une vitesse extraordinaire.

En parallèle, certaines pratiques d'alpinisme se propagent en dehors du cercle des alpinistes professionnels et amateurs, en se transformant parfois en véritables disciplines sportives (compétitions d'escalade glaciaire, dry-tooling, ski-alpinisme, freeride) ou bien sous forme de tourisme sportif de masse (via ferrata, ascensions organisées de l'Everest et du mont Blanc)[19].

D'autre part, avec le très fort engouement pour les sports dits « à risques », dont fait partie l'alpinisme, une augmentation alarmante des quantités de déchets déposés en montagne est constatée sur de nombreux sites : sommets, mais aussi refuges et itinéraires d'accès. La problématique écologique fait l'objet d'une prise de conscience généralisée particulièrement médiatisée : la pollution due à l'alpinisme devient un sujet d'inquiétude pour les pratiquants, soucieux pour eux-mêmes et les futures générations, auquel les autorités ainsi que les alpinistes eux-mêmes tentent de remédier.

Le 11 décembre 2019, l'alpinisme est classé au Patrimoine immatériel de l'humanité par l'UNESCO[20].

Technique

Progression

Une ascension consiste à atteindre le sommet en exploitant les lignes de faiblesse de la paroi en allant au plus facile. Elle est alors désignée sous le nom de « voie normale ». Plus sportive et engagée, une ascension peut aussi être un exercice de haute volée qui recherche la difficulté dans des itinéraires (faces surplombantes, faces nord dans l'hémisphère boréal) comportant parfois un point de non-retour au-delà duquel toute retraite est problématique voire compromise nécessitant de la part des grimpeurs un solide équilibre moral et nerveux.

Le cheminement suivi dans une paroi est désigné sous le nom de voie ou itinéraire. Pour atteindre un sommet, il existe souvent une multitude de voies, de la plus facile (voie normale) à la plus difficile, parfois de difficulté extrême nécessitant même un bivouac en paroi. Le bivouac est alors organisé si possible à l'abri des intempéries dans une anfractuosité du rocher ou sur une plateforme naturelle. Dans une paroi rocheuse très raide sans zone de repos naturelle, les grimpeurs installent une plateforme artificielle (portaledge) sur laquelle il est possible de s'allonger et de s'abriter sous une toile. Pendant l'ascension, ce matériel est rangé dans un sac d'allègement (du genre sac marin qui contient également la nourriture, le matériel de bivouac, etc.) qui pend dans le vide, relié au grimpeur par une corde et qu'il tracte une fois arrivé au relais. Très physique, l'opération est répétée autant de fois qu'il y a de longueurs dans la voie.

En rocher, la progression s'effectue en tirant des « longueurs » dont le nombre varie avec la hauteur de la paroi. Entre deux longueurs, le premier de cordée (ou leader) installe un « relais » sur une plateforme plus ou moins exiguë selon la configuration de la paroi. À ce relais, le grimpeur se sécurise en s'attachant à la paroi et fait monter son compagnon de cordée (second de cordée). Arrivé au relais, le second se sécurise à son tour et se prépare à assurer à nouveau son leader qui poursuit sa progression. Dans une cordée de deux grimpeurs, le second peut aussi enchaîner et passer en tête à son tour, ce qui évite des manipulations de matériel et de corde fastidieuses et chronophages. Dans ce cas, on parle de cordée réversible (grimper en réversible).

Si le terrain est facile et selon leur aisance, les deux membres de la cordée peuvent progresser ensemble « à corde tendue » afin de gagner du temps sur l'horaire de la course.

Entre chaque relais, le leader aura pris soin de poser des protections (ou points d'assurage) qui permettront d'enrayer une éventuelle chute. Ces protections sont fixées soit à des points d'ancrage naturels sur le rocher (béquets, lunules, trous), soit grâce à du matériel posé par le leader et qui se verrouille dans les anfractuosités du rocher (coinceurs, friends, etc.), soit en plantant des pitons dans les fissures du rocher. Ce matériel est récupéré par le second de cordée, fonction ingrate car un piton bien verrouillé dans une fissures réclame souvent plus d'efforts physiques pour le récupérer que pour le placer. Un piton peut être abandonné, solution préférable à un acharnement à grands coups de marteau qui peuvent affaiblir le piton et le rendre inutilisable ou pire, dangereux pour les cordées qui suivront.

Un piton bien posé donne un son métallique clair de plus en plus aigu lorsqu'il est frappé. Un bruit sourd et grave indique au grimpeur un mauvais verrouillage du piton qui doit faire l'objet de toutes les précautions quant à son utilisation.

Dans la plupart des cas, les voies d'escalade ont été équipées à demeure afin d'éviter la détérioration du rocher due à la pose et au retrait répétitifs des pitons.

Dans les courses de neige, les alpinistes progressent dans la très grande majorité des cas à corde tendue, la distance entre les membres de la cordée variant selon la nature du terrain (terrain plat et uniforme ou terrain très crevassé). Le franchissement de crevasses peut nécessiter de tirer une longueur afin de parer une éventuelle chute due à l'effondrement d'un pont de neige.

À l'instar de l'escalade en rocher, la remontée de couloirs en glace ou en mixte (glace et rocher) peut nécessiter de tirer des longueurs dans un environnement parfois délicat (glace mince, vitreuse, etc.) Le leader pose alors des pitons ou des broches à glace de longueurs et de modèles différents selon les caractéristiques de la glace et qui permettent de fixer les protections.

Certaines longueurs peuvent comporter alternativement un passage en glace puis en rocher. Afin de ne pas perdre de temps à chausser et déchausser les crampons, les alpinistes peuvent franchir les passages en rocher crampons aux pieds (à l'aide des pointes avant) et utilisent les piolets qu'ils verrouillent dans les fissures (technique du dry-tooling).

Pour progresser rapidement dans les ascensions d'envergure longues (Everest) ou techniques (Eiger), les alpinistes utilisent des cordes fixes qu'ils remontent à l'aide de poignées Jumar. Ces cordes fixes, qui sécurisent les passages difficiles, sont installées à demeure ou en fonction des besoins par les équipeurs.

Sécurité

La cordée idéale d'un point de vue sécurité et rapidité est la cordée de deux alpinistes s'ils sont de niveau équivalent. Il est courant de croiser des cordées de trois membres (un leader et deux seconds) pour les ascensions en neige comme en rocher. Pour les ascensions à dominante neige et de difficulté modérée, les cordées peuvent être constituées de quatre à cinq membres sous la direction d'un guide ou d'un leader expérimenté.

La sécurité d'une cordée ne se limite pas à la seule quantité de matériel utilisée. Elle se manifeste aussi par son niveau technique, sa capacité à tenir un horaire, à « lire » le terrain (sens de l'itinéraire en paroi ou sur un glacier), à interpréter les signes avant-coureurs d'un changement de météo ou des conditions en altitude (état de la neige, risque de chutes de pierres, etc.)

Paradoxalement, les voies les plus faciles sont considérées comme étant les plus dangereuses car elles se déroulent généralement sur un terrain fracturé, parfois délité, propice aux chutes de pierres. Par ailleurs et contrairement à une idée reçue, la descente est la phase de la course en montagne où la probabilité d'un accident est la plus importante (relâchement de l'attention, fatigue, euphorie, etc.) Atteindre un sommet ne signe pas la fin de la course et la descente, parfois technique (succession de rappels alternant avec des séquences de désescalade), n'est pas à négliger et nécessite une concentration de tous les instants. Par ailleurs, la dégradation des conditions au fil des heures (ramollissement de la neige sous l'effet du soleil favorisant les glissades, dégel provoquant les chutes de pierres, etc.) est un facteur aggravant.

Le réchauffement climatique affecte les massifs et la haute montagne n'échappe pas à la métamorphose : fonte des glaciers, éboulements, écroulements des parois. Certaines courses sont désormais impraticables compte tenu du danger permanent auquel s'exposent les alpinistes qui modifient leurs habitudes : abandon d'itinéraires légendaires, fréquentation d'autres secteurs de grimpe, décalage de la saison d'alpinisme, réouverture partielle ou contournement d'itinéraires affectés par les écroulements.

Équipement

Lorsque l'alpinisme ne se pratique pas en solo, les partenaires sont généralement reliés par une corde, dont le rôle est d'amortir et d'arrêter une éventuelle chute. Cette corde est attachée au baudrier qui enserre le bassin de l'alpiniste. Sur un terrain glacé, les alpinistes portent sous leurs chaussures des crampons dont les pointes en acier pénètrent dans la glace. Pour leur équilibre, ils s'aident d'un piolet (voire deux piolets selon la difficulté de l'ascension) tenu à la main et dont le bas du manche comporte une pointe. En milieu vertical, la lame située en haut du manche du piolet sert à la traction. Pour assurer leur progression dans ce milieu vertical, la corde est passée régulièrement dans des points d'ancrage : piton, coinceur, sangle ou encore cheville à expansion placés manuellement ou à demeure dans le rocher. Si le rocher est recouvert d'une couche de glace suffisamment épaisse, une broche à glace permet l'assurage en se vissant dans la glace. Les dégaines, constituées de deux mousquetons reliés par une sangle, jouent le rôle de connecteur entre le point d'ancrage et la corde. Le système d'assurage est un appareil relié à la corde, au niveau du baudrier, pour contrôler le défilement de la corde lors de l'assurage ou de la descente en rappel.

Cotation des difficultés


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Risques

On distinguera les risques d'accidents et les risques pathologiques dus à l'usure de l'organisme ou aux conditions extrêmes[réf. souhaitée].

Concernant les risques d'accidents, dans son ouvrage Glace, Neige et Roc (1970), le guide Gaston Rébuffat avait introduit la notion de dangers « objectifs » (dont l'origine est imputable aux conditions ou à l'environnement) qui s'opposent aux dangers « subjectifs » (dont l'origine est imputable à l'individu). Cette théorie fait encore référence dans l'analyse des risques liés à la pratique de l'alpinisme :

  • dangers objectifs : chutes de pierre, sérac, avalanches, orage... Quand on y est exposé, ces dangers sont difficilement évitables, et la survie est aléatoire ;
  • dangers subjectifs : mauvaise appréciation d'une situation conduisant à s'exposer à des dangers objectifs, entraînement, expérience ou capacités physiques insuffisants vis-à-vis de la course choisie ou à l'opposé excès de confiance en soi conduisant à ne pas prendre les précautions nécessaires, mauvaise utilisation du matériel (dont équipement déficient ou usagé), mauvais choix de l'itinéraire, mauvaise utilisation du terrain (ex : prise non testée en escalade...), absence de connaissances météorologiques...

Les risques d'accident évoluent du stade bénin à celui de mortel :

  • le dévissage d'une paroi rocheuse ou glaciaire (risque important en cas de mauvaise assurance à la paroi, neige ou glacier pourri, itinéraire trop difficile pour les utilisateurs) entraîne des traumatismes divers ;
  • la chute dans une crevasse glaciaire (risque important faute d'encordement adéquat sur glacier enneigé) entraîne des traumatismes divers et une hypothermie due au contact prolongé avec la glace ;
  • l'avalanche, la chute de sérac, la chute de pierres causent respectivement l'asphyxie (poudreuse) ou l'écrasement (neige lourde), l'écrasement, des traumatismes divers ;
  • la foudre cause l'électrocution, l'état de choc, la surdité.

Les risques pathologiques dus aux conditions extrêmes évoluent du stade bénin à celui de mortel pour certains :

  • les gelures, l'hypothermie, l'onglée, la déshydratation (en cas de vent froid, température météorologique basse, habillement inadéquat) ;
  • le mal aigu des montagnes (MAM) est causé par l'altitude où l'air se raréfie ;
  • l'épuisement est causé par un état de forme ou un entraînement inadapté à l'effort ou par l'affaiblissement de l'organisme face aux agressions des éléments naturels sans réconfort (repos, chaleur, boisson, nourriture) ou protection suffisante (vêtements, tente, igloo, refuge) ;
  • l'ophtalmie des neiges.

Risques pathologiques dus à l'usure de l'organisme à long terme évoluant tout au long de la vie d'alpiniste :

Lieux de pratique

L'alpinisme est pratiqué dans différents lieux à travers le monde.

Les sommets de plus de 8 000 mètres sont au nombre de quatorze et sont tous situés dans le massif de l'Himalaya. Se les partagent l'Inde, le Pakistan, le Népal et la Chine. Le premier sommet à être gravi fut l'Annapurna, le , par les alpinistes français Louis Lachenal et Maurice Herzog. Les autres furent tour à tour gravis dans les années 1950 et le début des années 1960.

Encadrement et organisations

En France

En 2015, le Ministère de la Culture fait inscrire cette pratique sportive à l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France[21].

Références culturelles

Depuis sa naissance, l'alpinisme a été sujet de nombreuses œuvres artistiques et culturelles.

Jusqu'aux années 1950, le « roman de montagne » était la principale forme de la littérature d'alpinisme. Les rares périodiques étaient restreints au cercle des pratiquants (revues de clubs alpins). Après les années 1950, les ouvrages publiés sont principalement des manuels techniques, des topo-guides et des récits de course. Les périodiques prennent aujourd'hui la forme de magazines sportifs, en vente libre, rédigés par des journalistes et dédiés à un plus large public[22].

Au cinéma, la pratique de l'alpinisme est souvent rattachée au genre du « film de montagne », et plus spécifiquement du « film d'ascension » (Bergfilm) ou « film d'alpinisme ». Ces films apparaissent en Europe dans les années 1920, centrés sur les pratiques britanniques ou celles des pays germanophones. Ils furent très présents jusqu'à la Seconde guerre mondiale, mais ils ont quasiment disparu depuis. Ces films partagent quelques caractères communs : une représentation spécifique de l'environnement de la haute-montagne ; des éléments reconnus (figure de l'alpiniste, du guide, paysage de glace, etc) ; un « climat dramatique mêlée d'héroïsme et de pathos », inspiré par le roman de montagne. Ce genre cinématographique apparaît notamment à la suite d'œuvres du réalisateur allemand Arnold Fanck : Der Berg des Schicksals (1924), Der Heilige Berg (1926)[23], etc.

Dès le XIXe siècle, la photographie documente les activités d'alpinisme. C'est aussi un moyen d'améliorer la connaissance du territoire, et de figurer la montagne en représentation romantique. Des alpinistes, photographes amateurs, se démarquent comme W. F. Donkin, V. Sella ou le Français Paul Helbronner (1871-1938). À partir des années 1920 se développe la « photographie d'escalade » prenant pour sujet principal les pratiquants, à des fins pédagogiques (techniques) ou de spectacle. Après la Seconde guerre mondiale, la photographie couleur est diffusée auprès du grand public par des revues à grand tirage ; les photographies d'alpinisme et d'escalade sont orientées vers l'image exceptionnelle et deviennent progressivement indissociables du sponsoring[24].

Notes et références

  1. a et b Arrêté du 6 décembre 2016 portant définition de l'environnement montagnard pour la pratique des activités assimilées à l'alpinisme
  2. Jean-Baptiste Duez, « Les instruments de l’alpiniste », Techniques & Culture, 52-53, 2009, lire en ligne.
  3. « Trente cinq nouveaux éléments inscrits sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité », sur UNESCO, (consulté le )
  4. a b c et d Sylvain Jouty, Hubert Odier, Dictionnaire de la montagne, page xx[réf. incomplète]
  5. « mountaineer », sur etymonline.com
  6. a et b Cédric Sapin-Defour, « Qu'ignore-je? Que sais-je? Dans quelle montagne erre-je? », dans Libération, décembre 2015.
  7. Par exemple, le pyrénéisme (Pyrénées), le tatrisme (Tatras) ou le voginisme (Vosges)
  8. Ascensionniste, CNRTL
  9. On ne peut parler d'alpinisme pour cette époque puisqu'il ne s'agit pas encore d'une activité à part entière.
  10. a b et c Olivier Hoibian, L'invention de l'alpinisme, Éd. Belin, 368 p., 2008.
  11. Pierre Germa, "Depuis quand ?", page 21.
  12. Sylvain Jouty, Hubert Odier, Dictionnaire de la montagne, Place Des Éditeurs, , p. 337.
  13. Georges Casella, L'alpinisme, P. Lafitte, , p. 14.
  14. Horace-Bénédict de Saussure, Voyage dans les Alpes, T2, p. 463.
  15. Ph. Joutard, l’Invention du mont Blanc, Ed. Gallimard-Juillard, 1986, p. 198.
  16. The Alpine Journal 1, 1863-1864, p. 288-294.
  17. Cécile Ottogalli-Mazzacavallo, « Des femmes à la conquête des sommets : Genre et Alpinisme (1874-1919) », Clio. Femmes, Genre, Histoire, no 23,‎ , p. 165–178 (ISSN 1252-7017, DOI 10.4000/clio.1896, lire en ligne, consulté le )
  18. Olivier Hoibian, « De l'alpinisme à l'escalade libre : L'invention d'un style ? », Staps: Revue internationale des sciences du sport et de l'éducation physique, 1995
  19. Henri Seckel, « L'Everest est devenu une boîte à fric », Le Monde, 25 avril 2014.
  20. « L'alpinisme inscrit au patrimoine immatériel de l'Unesco », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
  21. « Ministère de la Culture » (consulté le )
  22. [PDF] Christiane Tetet, La terminologie de l’alpinisme dans les dictionnaires, Meta : journal des traducteurs, vol. 39, no 4, 1994, p. 651-661
  23. Gilles Seguin, « Le film d'ascension à l'épreuve du genre cinématographique », thèse 2014 lire en ligne
  24. G. Garimoldi, V. Ginouves (trad), La photographie et la découverte de la montagne par l'alpinisme, Le Monde alpin et rhodanien, vol. 23, no 2-4, 1995 (ISSN 0758-4431), pp. 5-267

Voir aussi

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Bibliographie

Ouvrages généraux :

  • Gaston Rébuffat, Glace, Neige et Roc, Hachette, 1970 (ISBN 2010023854)
  • Félix Germain (coordination), Alpinisme moderne, Arthaud, 1974 (ISBN 2-7003-0032-7)
  • Yves Ballu, Les alpinistes, Arthaud, 1984, réédition Glénat, 1997
  • Jacques Duca, Claude Rey, La sécurité en haute-montagne à pied ou à ski Édisud, 1998
  • Sylvain Jouty, Hubert Odier, Dictionnaire de la montagne, Arthaud, 1999
  • Collectif, Sommets - Cent ans d'aventure en montagne, Éd. Place des Victoires, 2004
  • Steven M. Cox, Kris Fulsaas, Guide de la montagne, Guérin, 2007
  • Charlie Buffet, 100 alpinistes, Éditions Guérin, 2015

Articles connexes