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Anabaptisme

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L'anabaptisme est un mouvement chrétien évangélique issu de divers réveils. Le mot vient du grec ecclésiastique ἀνά βαπτίζειν / aná baptízein signifiant « baptiser à nouveau ». Les principaux groupes anabaptistes sont les amish, les brethrens, les huttérites et les mennonites.

Histoire

Diffusion de l'anabaptisme 1525-1550.

Le terme « anabaptiste » provient, à l'origine, des adversaires de ce courant de pensée. En effet, les croyants étaient baptisés après leur profession de foi alors que certains avaient déjà été baptisés par d'autres Églises, d’où le nom d’« anabaptistes » ou « rebaptiseurs », puisqu'ils ne reconnaissaient pas la valeur du baptême administré aux enfants[1].

Le terme a aussi pris historiquement un sens politique, car ce mouvement s'opposa au pouvoir politique et religieux en place en Rhénanie (révolte de Münster) et dans le canton de Berne au XVIe siècle[2]. Mais la majorité des anabaptistes ne suivirent pas leurs frères et sœurs qui usèrent de violence, et aujourd'hui ils constituent l'un des seuls groupes religieux au sein duquel on a toujours prôné la non-violence, mais aussi la non-résistance au nom de l'amour de Dieu et du fait que son royaume n'est pas de ce monde. Voltaire et Tolstoï les citent souvent dans leurs œuvres. Tolstoï ira jusqu'à largement adopter leurs préceptes et ceux des Quakers, bien qu'au bout d'un cheminement personnel[3].

Cette pensée est un point essentiel de la Réforme radicale, mais se retrouve aussi parmi les vaudois, les bogomiles et les pauliciens, ainsi que dans l'assemblée des chrétiens apostoliques de Thessalonique au XVIe siècle[4].

Frères suisses

Les Brethren (les Frères suisses) commencent le 21 janvier 1525, où Conrad Grebel a réuni un groupe de croyants opposés aux baptême des enfants à la maison de Felix Manz à Zollikon en Suisse, et a exercé le premier baptême du croyant[5]. Cette date est considérée par certains comme celle de la fondation de l'anabaptisme moderne, alors que d'autres anabaptistes soutiennent qu'il n'a jamais été refondé et qu'il n'est que la continuation des groupes anabaptistes primitifs cités plus haut.

La Confession de Schleitheim est publiée en 1527 par les Frères suisses, un groupe d’anabaptistes, dont Michael Sattler à Schleitheim qui résume la foi chrétienne en 7 points [6].

Dans les faits, de petites communautés de croyants sont réunies dans des conventicules, le plus souvent clandestins, afin de lire la Bible. Les chefs des communautés sont des laïcs qui officient en habit civil. La discipline est importante pour maintenir une pureté éthique et doctrinale.

La progression de l'anabaptisme en Europe centrale est un véritable problème pour les autorités religieuses catholiques ou protestantes en place, puisqu'il incite les personnes à ne pas faire baptiser leur enfant avant leur prise de conscience, ce qui risque de les priver du salut selon la doctrine catholique ou protestante traditionnelle. Par ailleurs, sur le plan politico-religieux, les anabaptistes refusent la soumission de la religion au prince. Ils ne s'engagent pas dans l'armée.

Les sociétés anabaptistes sont surtout urbaines et pacifistes. Face à l’opposition qu'inspire l’absence de baptême chez les autres chrétiens, les anabaptistes se déplacent dans les campagnes. Entre 1525 et 1529, il y a 29 sociétés anabaptistes à Zurich et 10 à Schaffhouse. Les anabaptistes ont été très violemment persécutés dans les cantons de Zurich et de Berne, certains émigrent aux États-Unis. D'autres se réfugient dans les hauteurs du Jura[7].

Amish

Le mouvement Amish se formalise avec le pasteur anabaptiste de Sainte-Marie-aux-Mines Jakob Amman en 1693 avec des communautés de régions reculées de l'Oberland bernois et de la vallée de l'Emmental [8]. Il a plusieurs inquiétudes sur le relâchement doctrinal et le manque de rigueur dans la discipline qu'il croit notamment observer dans les communautés suisses. Faute d'accord, le schisme divise la communauté anabaptiste. Sur 69 pasteurs, 27 furent en faveur de Jakob Amman dont 20 en provenance d'Alsace et cinq du Palatinat. La grande majorité des anabaptistes alsaciens deviennent donc amish.

Huttérisme

L'huttérisme a ses origines dans la fondation d'une communauté anabaptiste en 1528 à Austerlitz par Jacob Hutter[9].

Brethren de Schwarzenau

Les Brethren (les Frères) de Schwarzenau apparaissent dans le Palatinat allemand vers 1708, où Alexander Mack et ses partisans se baptisent dans la rivière Eder[10]. Appelés d'abord « Frères baptistes allemands », ils émigrent en Amérique du Nord où ils fondent différentes Églises, dont la principale est l’Église des Frères.

Dissidences

En 1521, Thomas Müntzer, alors pasteur luthérien, rompt avec Luther alors qu'il réside à Prague. Avec Nicholas Storch, il prêche les idées anabaptistes en Bohême et en Silésie, tout en prônant une réforme plus radicale des institutions sociales. Les idées de Müntzer et de Storch remettent en cause la propriété privée du sol, rencontrant beaucoup de succès parmi les paysans. Müntzer rêve de fonder une sorte de « théocratie anarcho-communiste » en Allemagne[11],[12]. Il est fait prisonnier au cours d'une déroute de son armée et exécuté. La guerre des Paysans allemands ou « guerre des gueux » s'éteint en 1525, noyée dans le sang[13].

L'anabaptisme n'en est pas mort pour autant. Le rêve caressé par Müntzer subsiste dans le cœur de certains. Ainsi Jan Matthijs et Jean de Leyde prennent la tête d'une insurrection pour établir une théocratie dans la ville de Münster. L'armée coalisée des princes ne tarde pas à mettre le siège devant la ville révoltée. Les assiégés, fanatisés par leur propre résistance, donnent libre cours à leur imagination religieuse : Jean de Leyde, par exemple, comme d'ailleurs David Joris (un autre chef anabaptiste pacifiste quant à lui), va jusqu'à se proclamer successeur de David et, à l'instar de ce roi, s'unit à plusieurs femmes.

Dans les années 1530, Melchior Hoffman fait des aller-retour réguliers entre Strasbourg et la Frise. Pensant que la fin du monde est proche en 1538, il s'empresse (re)baptiser plus de trois cents personnes à Frise. Ses disciples vont jusqu'à MünsterJean de Leyde gagne les élections et fonde un règne eschatologique du Christ.

Quand, en 1535, après une année de siège et de résistance opiniâtre, la ville est prise d'assaut, Jean de Leyde et ses lieutenants succombent sous la torture. Les anabaptistes dits « conquérants » sont traqués et poursuivis dans toute l'Allemagne et jusqu'en Suisse. Ceux d'entre eux qui en réchappent se rallient aux anabaptistes dits « pacifiques », communion strictement religieuse, mettant l'accent sur le baptême des adultes et sur l'inspiration personnelle dans l'interprétation de la Bible.

Mennonitisme

Équipe de louange, The Meeting Place à Winnipeg, Canadian Conference of Mennonite Brethren Churches.

Le mennonitisme a ses origines dans un groupe d’anabaptistes des Pays-Bas [14] ,[15]. En 1537, Menno Simons, un ancien prêtre catholique de la Frise, est ordonné ancien par l’ancien Obbe Philips et devient dirigeant de la communauté[16]. En 1540, la publication de Fondation de la doctrine chrétienne, un livre théologique sur les croyances et pratiques anabaptistes, par Menno Simons aux Pays-Bas a donné naissance au mennonitisme[17]. Cette publication et d'autres ont contribué à la formation du mennonitisme, dont certaines doctrines inspireront plus tard aussi le christianisme évangélique [5]. En 1544, le terme « mennonite » est employé pour la première fois par un pasteur et servira à désigner les anabaptistes des Pays-Bas[18]. La Conférence mennonite mondiale est fondée lors de la première Conférence mennonite mondiale à Bâle, en Suisse, en 1925 pour célébrer les 400 ans de l'anabaptisme [19]. Selon un recensement de la dénomination publié en 2018, elle aurait 107 dénominations membres dans 58 pays, et 1,47 million de membres baptisés [20].

L'anabaptisme aujourd'hui

Parmi les groupes anabaptistes originaux encore présents, on retrouve principalement les amish, les brethrens, les huttérites et les mennonites [21]. En 2018, il y aurait 2,13 millions d'anabaptistes baptisés dans 86 pays [22].

Notes et références

  1. Revue d'Alsace no 137 (2011), p. 467 à 473, Les Assemblées anabaptistes-mennonites de la Haute Vallée de la Bruche (1708-1870), article de Françoise Fischer-Naas
  2. (en) This is my Heritage, Gospel Publishers, Church of God in Christ, Mennonite, , 136 p., p. 72.
  3. Philip Yancey, Ce Jésus que je ne connaissais pas, Éditions Farel, , 282 p. (ISBN 978-2-86314-253-0, lire en ligne)
  4. (en) Église de Dieu en Christ, mennonite, This is my Heritage, Gospel Publishers, , 136 p. (pp. 54-80)
  5. a et b Olivier Favre, Les églises évangéliques de Suisse: origines et identités, Suisse, Labor et Fides, , p.67.
  6. J. Philip Wogaman, Douglas M. Strong, Readings in Christian Ethics: A Historical Sourcebook, Westminster John Knox Press, USA, 1996, p. 141
  7. Pierre-Yves Moeschler, « Les anabaptistes dans la montagne Jurassienne », Passé Simple,‎
  8. Robert Baecher, raisons et déroulement du schisme amish, une nouvelle perspective, in Lydie Hege et Christoph Wiebe Wiebe, Les Amish, origines et particularismes 1693-1993, actes du colloque international de Sainte-Marie aux Mines, 19-21 août 1993, Ingersheim, AFHAM, , 368 p. (ISBN 2-9509333-0-0), p. 40-53.
  9. (en) Donald B. Kraybill, Concise Encyclopedia of Amish, Brethren, Hutterites, and Mennonites, USA, JHU Press, , p.110.
  10. Kraybill 2010, p. 97.
  11. Thomas Müntzer, théologien de la révolution (Ernst Bloch)
  12. (en) The pursuit of the millennium : revolutionary millenarians and mystical anarchists of the Middle Ages, Londres, Maurice Temple Smith Ltd., 1970 ; Londres, Paladin, 1970 ; New York, Oxford University Press, 1970 ;rééd. augmentée Oxford University Press, 1992 (ISBN 0195004566) ; Londres, Pimlico, 1993 (ISBN 0712656642) (Norman Cohn)
  13. Voir Sébastien Fath, "Anabaptisme, le soulèvement des convertis", revue SCIENCES HUMAINES, avril 2016, n°280, p.40-43.
  14. Kraybill 2010, p. 141.
  15. Mark Juergensmeyer, Wade Clark Roof, Encyclopedia of Global Religion, Volume 1, SAGE, USA, 2012, p. 129
  16. Erwin Fahlbusch, Geoffrey William Bromiley, The Encyclopedia of Christianity, Volume 3, Wm. B. Eerdmans Publishing, USA, 2003, p. 492
  17. Ed Hindson, Dan Mitchell, The Popular Encyclopedia of Church History, Harvest House Publishers, USA, 2013, p. 306
  18. William R. Estep, The Anabaptist Story: An Introduction to Sixteenth-Century Anabaptism, Wm. B. Eerdmans Publishing, USA, 1996, p. 170
  19. J. Gordon Melton, Martin Baumann, Religions of the World: A Comprehensive Encyclopedia of Beliefs and Practices, ABC-CLIO, USA, 2010, p. 1859
  20. Mennonite World Conference, À propos de la CMM, mwc-cmm.org, Canada, consulté le 5 décembre 2020
  21. Kraybill 2010, p. XIV.
  22. Mennonite World Conference, Carte & Statistiques, mwc-cmm.org, Canada, consulté le 5 décembre 2020

Voir aussi

Bibliographie

Recherche

  • (en) Kat Hill, Baptism, Brotherhood, and Belief in Reformation Germany : Anabaptism and Lutheranism, 1525-1585, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-104796-1)
  • Lydie Hege et Lydie Christophe Wiebe, Les Amish. Origine et particularismes 1693-1993 : Actes du colloque international de Sainte-Marie-aux-Mines, 19-21 août 1993, Ingersheim,, Association française d'histoire anabaptiste-mennonite,
  • Neal Blough (dir.), Jésus-Christ aux marges de la Réforme, Desclée, coll. « Jésus et Jésus-Christ » (no 54), (ISBN 978-2-7189-0790-1)
  • Claude Baecher, L'Affaire Sattler, éditions Sator, (ISBN 9782735002979)
  • (en) Norman Cohn (trad. Maurice Angeno), Les Fanatiques de l'Apocalypse : Millénaristes révolutionnaires et anarchistes mystiques au Moyen Âge, Paris, Payot, coll. « Bibliothèque historique », (ISBN 2228132101), chap. XII (« Le millénium égalitaire »)
  • Charles Mathiot & Roger Boigeol, Recherches historiques sur les Anabaptistes de l'ancienne principauté de Montbéliard, d'Alsace et du territoire de Belfort, éditions Le Phare, Flavion, 1969

Essais

  • Stuart Murray, Radicalement chrétien, Angleterre, Excelsis,
  • Patrice de Plunkett, Les Évangéliques à la conquête du monde, Perrin, France, 2009
  • Jean Séguy, Les Assemblées anabaptistes-mennonites de France, Mouton & Co, Paris et La Haye, 1977 (ISBN 2713200032)
  • « Les Anabaptistes mennonites d'Alsace », in Saisons d'Alsace no 76, librairie Istra, 1981
  • (de) Host Erlach, Mein Reich ist nicht von dieser Welt, Im Selbstverlag Verfassers, 1993
  • Arnold Snyder, Graines d'anabaptisme - Éléments fondamentaux de l'identité anabaptiste, éditions Mennonites, Montbéliard, 2000 (ISBN 2904214615)

Romans

Bandes dessinées

  1. Tome 1, Joss Fritz, 2010
  2. Tome 2, Thomas Münzer, 2014
  3. Tome 3, Jan Van Leiden, 2017
  4. La Passion des Anabaptistes - L'Intégrale, 2017

Articles connexes

Liens externes