Couvent des Carmes de Caen

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Couvent des Carmes
Image illustrative de l’article Couvent des Carmes de Caen
Présentation
Nom local Notre-Dame du Carme
Culte Catholique romain
Type Couvent détruit
Rattachement l'ordre du Carmel
Début de la construction XIIIe siècle
Fin des travaux XVIIe siècle
Protection Logo monument historique Inscrit MH
 Radié MH (1950)
Géographie
Pays
France
Région Normandie
Département Calvados
Ville Caen
Coordonnées 49° 10′ 54″ nord, 0° 21′ 13″ ouest
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Couvent des Carmes
Géolocalisation sur la carte : Caen
(Voir situation sur carte : Caen)
Couvent des Carmes

Le couvent des Carmes de Caen, appelé autrefois Notre-Dame du Carme[1], est un ancien établissement religieux fondé au XIIIe siècle par les Carmes dans le quartier Saint-Jean de Caen. Désaffecté à la Révolution française, le couvent a été détruit au XIXe siècle et l'église pendant la bataille de Caen.

Situation[modifier | modifier le code]

Le couvent se trouvait approximativement sur le pâté d'immeubles compris entre le quai Vendeuvre, la rue des Carmes, la rue de la Miséricorde et la rue Henri Brunet. Il est construit au pied des fortifications de Caen, sur l'île Saint-Jean, mais à l'extrémité méridionale de la paroisse Saint-Pierre[2].

Histoire[modifier | modifier le code]

Les premières constructions[modifier | modifier le code]

Les religieux de l'ordre du Carmel s'installent vers 1278 sur les terrains de l'hôtel de Troarn, propriété appartenant à l'abbaye Saint-Martin de Troarn[3]. Ils construisent tout d'abord une première chapelle dédiée à sainte Anne. De l'extrême fin du XIIIe siècle jusqu'à la fin du XIVe siècle, ils érigent leur église constituée d'une nef dédiée à la Trinité. L'ancienne chapelle est conservée contre son chevet. Les bâtiments monastiques semblent avoir été construits à l'ouest de l'église. Trois corps de bâtiment assez bas s'organisaient autour du cloître de forme rectangulaire dont le dernier côté était formé par la façade occidentale de l'église. Au sud, s'étendait un jardin non planté. Le tout était accessible depuis la rue des Carmes par une étroite cour. Au milieu du XVe siècle, l'église est agrandie vers le sud par la construction d'une deuxième nef dédiée à la sainte Vierge.

Le , est fondée la confrérie (ou charité) de la Trinité et de la Passion qui s'établit dans la chapelle Saint-Sébastien et Saint-Roch dans le chœur de l’église[4].

Les reconstructions[modifier | modifier le code]

L'église est reconstruite en partie après les deux sièges subis par la ville pendant la guerre de Cent Ans.

De mai 1562 au jeudi saint de l'année suivante, les moines sont chassés par les Huguenots qui pillent le couvent, brulent les boiseries de l'église et dispersent les archives. En 1612, de gros travaux bouleversent l'architecture des lieux. Dans l'église, des baies sont condamnées alors que de nouvelles sont ouvertes. À l'emplacement des jardins, un nouveau couvent, composé de trois bâtiments conventuels reposant sur des caves, est construit autour d'un cloître qui cette fois-ci s'appuie sur le mur sud de l'église. En 1633, les jardins contigus à l'établissement des Ursulines sont réaménagés à la française et traversés par un bassin alimenté par la Fontaine de Troarn. En 1635 et 1639, la chapelle Sainte-Anne est remaniée. En 1625, la foudre frappe le clocher raccommodé quatre ans plus tôt ; trente ans plus tard, en 1665, les Carmes font construire une nouvelle tour octogonale en remplacement du clocher médiéval qui se trouvait en bas de l'église[5]. En 1677, les voûtes de l’église sont reconstruites et recouvertes de scènes peintes. À la même époque, le grand jubé en pierre entre la nef et le chœur est démoli[6].

Il semble qu'à la fin du XVIIIe siècle les bâtiments étaient en très mauvais état. Pour faire face à leur dépense, les Carmes doivent ainsi faire fondre en 1710 les cloches qui avaient été installées dans leur nouveau clocher dans les années 1660[7].

La destruction progressive du couvent[modifier | modifier le code]

Comme tous les ordres monastiques français, l'ordre des Carmes est aboli par le décret des 13 et . L'inventaire des biens du monastère est dressé le 11 janvier et . Les frères quittent définitivement les lieux le suivant et leur biens sont vendus en octobre[8]. Le couvent devient une prison pour les prêtres hostiles à la constitution civile du clergé et un hôpital pour les soldats de la garnison atteint de maladie vénérienne. L'église sert un temps au culte protestant, puis elle est transformée en salpêtrière en 1794. En 1796, le couvent est vendu à deux particuliers. Le cloître sert alors d'entrepôt à bois, le port de Caen étant tout proche. En 1802, la gendarmerie s'installe dans le couvent. En 1815, la chapelle, pratiquement en ruine, est transformée en grenier à sel. En 1839, l'état de dégradation alerte les autorités qui décident de démolir le couvent. Le clocher est détruit en 1860 et le reste du couvent, mis en vente en 1863[9], est rasé en 1864. Seule l'ancienne église est conservée.

Pendant la bataille de Caen, l'église est sévèrement touchée. Malgré son intérêt architectural et bien que son état de conservation le permette, les autorités renoncent à entreprendre la restauration du bâtiment. Lors de la Reconstruction de Caen, les autorités décident donc de raser les derniers vestiges. L'église, classée monument historique, est déclassée le [10] et la façade ouest, ainsi qu'un fragment de mur, restés debout sont détruits en [11]. Le nom de la rue est donc le dernier souvenir qu'il reste du couvent.

Architecture[modifier | modifier le code]

La tour des Carmes en 1832

Deux nefs composaient l'église de ces religieux. La nef la plus petite était couverte d'une voûte en pierre ; l'intersection entre les arceaux aux arêtes prismatiques était ornée de clef.

La voûte de la nef principale était en bois. La voûte en berceau reposait sur des lambris sur laquelle on avait représenté l'histoire de la vie de Jésus.

La voûte de l'église des Carmes à Caen par exemple est encore décorée de grandes scènes qui représentent la vie de Jésus Christ et qui ont été exécutées par un peintre de l'école de Restout sinon par un membre de cette famille d'artistes. J'indique ici ces peintures ignorées parce qu'elles s'effacent tous les jours les curieuses nefs de l'église des Carmes étant aujourd'hui transformées en magasin.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE[12].

Ces panneaux ont en fait été peints par le frère Lucas La Haye (ou Delahaye), premier maître de Robert Tournières, qui se serait fortement inspiré de la Mise au tombeau du Christ du Titien et du Portement de Croix d'Eustache Le Sueur[13].

Au milieu du XIXe siècle, les murs étaient encore couverts d'un semis de fleur de lys et de monogrammes réalisé à la peinture à l'eau grâce à des pochoirs[14].

Au nord de l'église, s'ouvrait un portail en saillie sur la façade. Il formait une sorte de loggia aménagée entre deux contreforts et ornée d'une balustrade percée d'orifice en quatre-feuilles.

Mobilier[modifier | modifier le code]

Au XVIe siècle, l'historien M. de Bras nous renseigne à propos d'un contre autel et d'un tableau présents dans cette église, dans les termes suivants :

Annonciation du retable des Carmes
J'ai été en la plus grand part des plus fameuses villes de ce royaume mais je n'ai vu aucun plus beau et plus singulier contre autel que celui des Carmes de cette ville qui était à petits personnages es levez peints et dorés de fin or battu où les mystères de l'Incarnation, Nativité, Passion, Résurrection, Ascension Mission du sainct Esprit et le dernier jugement étaient représentées voire de tant exquis artifice qu'il etait réputé entre les plus suroptueux et invitait ceux qui le contemplaient en grande dévotion.
SIEUR DE BRAS.

Dans la même église des Carmes un Trespassement de Notre Dame placé au-devant du pupitre et eslevé à grands personnages de la Vierge Marie et des douze Apostres selon le naturel et si bien représentez qu ils sembloyenl déplorer le trespas de ceste Vierge mère.

Au XVIIe siècle, un maître-autel a été monté dans l'église. Après la Révolution, il a été remonté dans le transept sud de l'église Saint-Jean de Caen. Cette œuvre du XVIIe siècle, endommagée en 1944, a été classée au titre d'objet le [15]. Des statues sont posées de chaque côté de l'élévation du retable : à gauche, saint Joseph et à droite sainte Thérèse d'Ávila. Au centre, on trouve une statue de taille plus réduite représentant sainte Catherine. Le centre du retable est orné par une toile représentant l'Annonciation. Cette toile ne semble pas avoir été conçue pour ce retable[13]. Alors que l'ensemble date de la fin du XVIIe siècle, il semble que le tableau soit antérieur à 1620.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Pierre-Daniel Huet, Les origines de la ville de Caen: Revûës, corrigées, & augmentées, Rouen, Maury, 2e éd., 1706, p.  216
  2. Georges Huard, « La Paroisse et l'église Saint-Pierre de Caen, des origines au milieu du XVIe siècle » dans Mémoires de la société des antiquaires de Normandie, Fascicule 1, Série 4, Volume 5, 1928, p. 56
  3. Gervais de La Rue, p. 269
  4. Eugène de Robillard de Beaurepaire, « Le matrologue de la charité de la Très-Sainte-Trinité » dans Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, Caen, 1885, tome XIII, pp. 291–334 [lire en ligne]
  5. Victor Hunger, La Cloche de l'hippodrome de Caen, Paris, Imprimerie Champon et Pailhé, 1910, p. 7
  6. Gabriel Vanel, « Remarques de Nicolas le Hot, avocat au bailliage de Caen en 1680, publiées d’après le manuscrit inédit » dans le Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, Caen, 1906, tome 25, p. 29–30
  7. Victor Hunger, ibid., p. 10
  8. Victor Hunger, ibid., pp. 10–11
  9. « Annonce », L'ordre et la liberté,‎
  10. Patrice Gourbin, Construire des monuments historiques ? La confrontation des monuments historiques et de la modernité dans la reconstruction de Caen après 1944, Paris, université Paris-I (maîtrise d’histoire de l’art mention histoire de l’art), 2000, p. 132
  11. « Les démolisseurs abattent l'ancienne église des Carmes », Paris-Normandie,‎
  12. Abbé Auber, « Instructions sur la restauration, l'entretien et la décoration des églises » dans le Bulletin monumental de la Société française d'archéologie, 2e série, tome 7, 1851, p. 605 ; cité également dans la Revue de l'art chrétien, recueil de 1862, p. 360
  13. a et b Catalogue d'exposition, La peinture religieuse à Caen, 1580-1780, musée des beaux-arts de Caen, 2000
  14. Abbé Auber, op. cit., p. 675
  15. Ministère de la Culture (base Pallisy - Référence PM14000188)

Sources bibliographiques[modifier | modifier le code]

  • Christophe Collet, Caen, cité médiévale : bilan d'histoire et d'archéologie, Caen, Caen Archéologie, 1996
  • Gervais de La Rue, Essais historiques sur la ville de Caen et son arrondissement, Caen, Poisson, 1820, p. 270-4
  • Guillaume-Stanislas Trébutien, Caen, son histoire, ses monuments, son commerce et ses environs, Caen, A. Hardel, 1880, 3e édition, p. 178-9

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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