Bataille d'Argentré (1795)
Date | |
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Lieu | Argentré-du-Plessis |
Issue | Victoire des chouans |
République française | Chouans |
• Jean Humbert | • Aimé Picquet du Boisguy • Alexis du Bouays de Couësbouc • Guy Picquet du Boisguy |
500 hommes[1] | 1 300 hommes[1] |
8 morts[1] 18 blessés[1] |
80 morts ou blessés[1] |
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Coordonnées | 48° 03′ 26″ nord, 1° 09′ 14″ ouest | |
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La bataille d'Argentré se déroule le pendant la Chouannerie.
Prélude
Après la rupture des accords de La Mabilais et l'arrestation de Cormatin à Rennes le 26 mai 1795, la guerre reprend entre les chouans et les républicains dans le pays de Vitré[1],[2]. Les insurgés de la région sont alors dirigés par Alexis Louis Gordien du Bouays de Couësbouc, un ancien officier de hussards[1],[2],[3]. De son côté, le général républicain Jean Humbert commande les forces militaires des districts de Fougères, Vitré et La Guerche, dans l'est de l'Ille-et-Vilaine[4]. Son quartier-général est fixé à Vitré[4].
Le 5 juin, le général Humbert se porte à Balazé avec une colonne afin de ravitailler Vitré en grains[1],[2]. Il y rencontre un rassemblement de 600 insurgés menés par Couësbouc et un combat d'une heure s'engage près du château du Châtelet, à Balazé[1],[2]. Les chouans sont enfoncés et se replient sur Saint-M'Hervé[1],[2]. Les républicains rentrent quant à eux à Vitré dans la soirée[1],[2].
Cependant, la fusillade est entendue le même jour à Javené, à une vingtaine de kilomètre au nord de Balazé, par une troupe de chouans de la région de Fougères, menée par les frères Aimé et Guy Picquet du Boisguy[1],[2]. Celle-ci se met aussitôt en route pour venir en aide à Couësbouc, mais trompée par le vent, elle n'apprend qu'à Saint-Christophe-des-Bois que le combat s'est déroulé à Balazé[1],[2]. Aimé du Boisguy écrit alors à Couësbouc pour lui proposer de faire sa jonction avec lui le lendemain, à Saint-M'Hervé[1],[2]. Couësbouc reçoit le message dans la soirée, alors que sa troupe campe dans le bourg d'Erbrée[1],[2].
Forces en présence
Selon le procès-verbal des administrateurs du département[A 1], le combat oppose 500 républicains à 2 000 « brigands »[1],[4].
Dans ses mémoires[A 2], l'officier royaliste Toussaint du Breil de Pontbriand affirme quant à lui que le général Humbert est à la tête de 1 500 grenadiers[1],[2]. Il indique que les forces des chouans sont de 800 hommes des environs de Vitré, dont 400 armés de fusils et les autres sans armes, commandés par Alexis Louis Gordien du Bouays de Couësbouc, et de 500 hommes des environs de Fougères, menés par les frères Aimé et Guy Picquet du Boisguy et Auguste Hay de Bonteville[1],[2].
Déroulement
Les sources républicaines n'évoquent le combat que de manière très brève et les principaux détails sont connus par les mémoires de l'officier royaliste Toussaint du Breil de Pontbriand[1],[2]. Celui-ci n'est pas présent lors du combat[3]. Il ne rejoint Couësbouc que quelques jours plus tard et devient l'un de ses officiers, après avoir quitté un régiment de hussards de l'armée républicaine en mai 1795[3]. Pontbriand place la bataille à la date du 21 juin[2], mais celle-ci se déroule en réalité le [1],[2],[3].
Ce jour-là, Humbert fait une nouvelle sortie et marche sur le bourg d'Étrelles[1],[2]. Sans attendre les renforts des frères du Boisguy, Couësbouc prend alors position au village du Bois-Béziers, entre Erbrée et Argentré[1],[2]. Les républicains l'y attaquent et font rapidement plier les insurgés sans armes qui prennent la fuite[1],[2]. Les chouans armés de fusils opposent en revanche une plus longue résistance en tirant avantage du terrain[1],[2]. Ils finissent cependant par se replier vers Argentré, en direction du sud[1],[2].
Deux heures après le début des affrontements, les chouans du pays de Fougères font leur apparition par le nord, du côté des l'étang des Rochers, près du château des Rochers, et engagent le combat avec une partie des forces de Humbert[1],[2],[3]. Aimé du Boisguy s'empare de la chaussée de l'étang, malgré une résistance des grenadiers, tandis que Guy du Boisguy passe les marais au bout de l'étang et attaque les républicains sur leur flanc droit[1],[2]. Ces derniers se replient alors sur Argentré[1],[2].
Les troupes républicaines mises en fuite par les frères du Boisguy rejoignent le général Humbert au-delà du bourg d'Argentré[1],[2]. Celui-ci, avec le plus gros de ses forces, affronte alors les hommes de Couësbouc dans un bois situé près du bourg[1],[2]. De leur côté, les frères du Boisguy rejoignent Couësbouc et rééquilibrent le combat alors que la moitié du bois est aux mains des républicains[1],[2].
Selon le récit de Pontbriand, c'est dans le bois d'Argentré que les affrontements deviennent les plus acharnés : « chaque arbre servait de retranchement à un ou plusieurs soldats ; tantôt battu, tantôt battant, chaque parti cherchait à rester maître du bois »[1],[2]. Vers 2 heures après-midi, la fusillade s'interrompt, par lassitude[1],[2]. Le général Humbert et Aimé du Boisguy s'aperçoivent alors et s'interpellent : « Le général Humbert, qu'on voyait toujours à la tête de ses grenadiers, reconnut le jeune du Boisguy posté près d'un arbre, à vingt pas de lui ; il lui fit signe de la main et lui dit : « Eh bien, monsieur du Boisguy, la journée est chaude et je vous rends toute justice, vos hommes se battent très bien. - Et les vôtres, général ! Ce sont les plus intrépides soldats que j'aie encore rencontrés, quel malheur que nous soyons ennemis. - Ce n'est pas ma faute, si j'avais été consulté, on n'eut jamais recommencé la guerre. Mais le vin est tiré, il faut bien le boire. Prenons un quart d'heure pour souffler et nous recommencerons la danse... »[1],[2]. ».
Les combats reprennent mais demeurent indécis[1],[2]. Humbert tente une attaque sur l'aile gauche des royalistes afin de la tourner, mais l'assaut est repoussé par les hommes de Hubert et de Blondiau[1],[2]. Pendant ce temps, une foule de paysans des environs commence à observer les combats de loin et à pousser des acclamations pour encourager les chouans[1],[2]. Humbert donne alors l'ordre de la retraite et ses troupes se replient en bon ordre sur Vitré[1],[2].
D'après le procès-verbal républicain, le combat a duré deux heures[1],[4]. Pour Pontbriand en revanche, les affrontements se sont déroulés pendant dix heures, dont six dans le bois d'Argentré[1],[2]. Pontbriand indique que « dans cette action, les Royalistes de Vitré manquèrent de cartouches, et on vit des hommes s'élancer au milieu des ennemis, pour enlever les gibernes des grenadiers qui étaient tombés. Il y eut plusieurs luttes corps à corps pour s'emparer d'un arbre, et les soldats combattaient parfois avec la crosse de leurs fusils »[1],[2]. Le procès-verbal républicain évoque également des combats livrés « en quelques endroits, à la baïonnette »[1],[4].
Pertes
Les sources républicaines et royalistes ne s'accordent pas sur l'état des pertes. Côté républicain, le procès-verbal des administrateurs du département fait état de huit morts et de dix-huit blessés pour la troupe de Humbert, contre plus de 100 morts pour les chouans[1],[4]. Côté royaliste, Toussaint du Breil de Pontbriand affirme que les républicains ont perdu 300 hommes et laissé 150 fusils, tandis que les pertes des chouans sont de 80 hommes tués ou blessés[1],[2].
Conséquences
Le lendemain du combat, les frères du Boisguy regagnent le pays de Fougères, tandis que Couësbouc donne quelques jours de repos à ses hommes[1],[2].
Le 13 juin, le général Jean Humbert arrive à Fougères avec une colonne de 668 hommes afin de prélever 200 hommes de la colonne mobile de la garnison pour mener de nouvelles expéditions contre les chouans[4]. Cependant il se heurte à l'opposition des administrateurs de la municipalité et du district qui lui exposent leurs difficultés à veiller au ravitaillement de la population de la ville[4]. Humbert cède et regagne Vitré[1],[2],[4]. Le 15 juin, il envoie à Fougères 200 hommes du bataillon des fédérés pour renforcer la garnison[4]. Pendant ce temps, la colonne mobile mène une battue contre les chouans à Montours et à Saint-Germain-en-Coglès, mais elle livre le territoire de ces deux communes au pillage[4]. Ces exactions sont dénoncées auprès de Humbert par les administrateurs de Fougères qui demandent des mesures de rigueur contre les officiers[4]. Cependant, seulement trois ou quatre soldats sont déférés à la commission militaire de Rennes[4].
Notes et références
Notes
« 500 Républicains ont rencontré 2 000 brigands à Argentré; on s'est battu près de deux heures sur une demi-lieue de terrain et, en quelques endroits, à la baïonnette. Nous avons perdus 8 hommes; 18 autres sont blessés et plusieurs dangereusement, mais les brigands ont laissé plus de 100 des leurs sur le champ de bataille[1],[4] »
— Procès-verbal des administrateurs du département.
« Du Bois de Couasbouc, commandant de la division de Vitré, avait repris les armes aussitôt qu'il eut connaissance de l'arrestation de Cormatin, à Rennes. Ses forces étaient d'abord peu considérable ; il n'avait pas plus de quatre cents hommes armés ; le brave Hubert, Piquet, son beau-frère, Le Mercier, Blondiau, Rossignol, et ceux qui avaient suivi l'armée de la Vendée étaient les principaux chefs. Les campagnes étaient bien disposées, mais on manquait d'armes et de munitions, et, dans les rassemblements, un grand nombre de jeunes gens, armés de fourches, suivaient les colonnes, dans l'espoir de s'en procurer.
Trois semaines après le renouvellement des hostilités, Couasbouc se porta sur la paroisse de Balazé, où il avait indiqué un rassemblement ; il s'y trouva six cents hommes, dont il n'y avait guère que quatre cents armés de fusils. Le général Humbert, qui manquait de grain à Vitré, marcha le même jour, avec une colonne de huit cents hommes, pour en ramasser sur cette paroisse et sur celle de Saint-M'Hervé. Couasbouc, informé de son arrivée, voulut s'opposer à sa marche, et les deux colonnes se rencontrèrent auprès du château du Châtelet[5] [en Balazé]. L'affaire fut très vive et dura une heure ; mais le général avait des forces supérieures : il enfonça les Royalistes, et les força de plier. Couasbouc se retira sur Saint-M'Hervé, et Humbert rentra le soir à Vitré avec ses troupes.Ce jour-là, les deux frères du Boisguy et Bonteville se trouvaient à Javené avec cinq cents hommes ; ayant entendu la fusillade, ils se mirent en route pour venir au secours de Couasbouc, mais le vent qui leur apportait le bruit les trompa, et ce ne fut qu'à Saint-Christophe des Bois qu'ils apprirent que l'affaire avait eu lieu à Balazé. Du Boisguy écrivit à Couasbouc pour l'inviter à rallier ses troupes et à se trouver, le lendemain, au bourg de Saint-M'Hervé ; mais Couasbouc ne s'était arrêté dans cette localité, et était allé coucher sur Erbrée. Le général Humbert en ayant eu avis, pendant la nuit, partit de Vitré, le 21, avec quinze cents grenadiers, et se porta sur Étrelles ; Couasbouc, informé de son projet et instruit par la lettre de du Boisguy de l'arrivée de celui-ci, alla prendre position auprès du village nommé le Bois-de-Béziers ; il lui était arrivé des renforts du Pertre, d'Argentré, et d'Étrelles ; il avait un peu plus de huit cents hommes, dont une partie sans armes ; les Républicains attaquèrent si vivement qu'ils firent d'abord plier ces derniers, qui se retirèrent derrière la colonne, en poussant de grands cris ; mais les hommes armés, profitant de tous les avantages du terrain, se défendirent si bien, pendant deux heures, qu'ils donnèrent le temps aux du Boisguy d'arriver avec leurs troupes, et c'est alors que commença un combat des plus acharnés.
Le jeune du Boisguy attaqua la chaussée de l'étang des Rochers et parvint à la franchir, malgré la vigoureuse résistance des grenadiers, qui, en revenant à la charge pour reprendre ce passage à la baïonnette, y perdirent trente hommes. Du Boisguy l'ainé, ayant passé le marais au bout de l'étang, que les Républicains croyaient impraticable, tomba, de son côté, tout à coup, sur leur droite, avec une telle impétuosité qu'ils plièrent, sous les efforts réunis des deux frères, et se retirèrent en bon ordre jusqu'au-delà du bourg d'Argentré, où ils rejoignirent le général Humbert, qui, avec la plus grande partie de ses forces, attaquait le bois ou Couasbouc se défendait vigoureusement. Celui-ci néanmoins avait été forcé de reculer, et le général occupait déjà plus de la moitié du bois, lorsque les du Boisguy arrivèrent et firent leur jonction avec lui. C'est alors que le combat devint le plus terrible ; chaque arbre servait de retranchement à un ou plusieurs soldats ; tantôt battu, tantôt battant, chaque parti cherchait à rester maître du bois ; enfin, vers 2 heures après-midi, la fusillade cessa tout à coup, de part et d'autre ; il y eut une espèce de trêve, effet de la lassitude.
Le général Humbert, qu'on voyait toujours à la tête de ses grenadiers, reconnut le jeune du Boisguy posté près d'un arbre, à vingt pas de lui ; il lui fit signe de la main et lui dit :« Eh bien, monsieur du Boisguy, la journée est chaude et je vous rends toute justice, vos hommes se battent très bien. - Et les vôtres, général ! Ce sont les plus intrépides soldats que j'aie encore rencontrés, quel malheur que nous soyons ennemis. - Ce n'est pas ma faute, si j'avais été consulté, on n'eut jamais recommencé la guerre. Mais le vin est tiré, il faut bien le boire. Prenons un quart d'heure pour souffler et nous recommencerons la danse... ».
Cependant une foule immense, accourue de tous les lieux voisins, se tenait à une assez grande distance des Royalistes, et le cri « en avant ! vive le roi ! » se faisaient entendre de touts parts, au moment où le feu recommença. Les Républicains défendirent le bois pendant longtemps, mais ils ne cherchaient plus à avancer ; seulement, sur la gauche, trois compagnies de grenadiers firent une charge à la baïonnette, pour s'emparer d'un petit poste, défendu par le brave Hubert et Blondiau, qui les repoussèrent avec perte; ce poste était important pour empêcher de tourner la position ; ce fut le dernier effort ; le général Humbert avait perdu beaucoup de monde ; les cris qu'il entendait de toutes parts lui faisaient croire les Royalistes plus nombreux qu'ils n'étaient réellement ; il donna ses ordres pour la retraite, et reprit en bon ordre la route de Vitré ; peu après, il rencontra un corps de cinq cents hommes, qui venaient à son secours ; mais il était déjà tard, et il ne voulut pas recommencer le combat. Ce général, brave et appréciateur de la valeur, fit publiquement l'éloge de l'ennemi qu'il venait de combattre.
Cette affaire coûta environ trois cents hommes aux Républicains; les Royalistes eurent plus de quatre-vingts hommes tués ou blessés ; il gagnèrent cent cinquante fusils.
Dans cette action, les Royalistes de Vitré manquèrent de cartouches, et on vit des hommes s'élancer au milieu des ennemis, pour enlever les gibernes des grenadiers qui étaient tombés. Il y eut plusieurs luttes corps à corps pour s'emparer d'un arbre, et les soldats combattaient parfois avec la crosse de leurs fusils.
On se battit pendant dix heures, dont six dans le bois d'Argentré. Jean Coutard, de Romagné ; Louis Mal, de Beaucé ; Jean Doudart, de Dompierre ; René Delahaye, de Lécousse ; Pierre Blot, de Chienné ; Jean Brunet, de Luitré, furent assez grièvement blessés dans la troupe de du Boisguy. Brault et Michel Oury, d'Izé ; Joseph Bourdon et Jean Gilles, de Vitré ; René Guillot, de Domalain ; René Hériau et le Dubry François, de Saint-M'Hervé ; Doudé Pierre, de Pocé, furent les plus grièvement blessés dans celle de Couasbouc.Le lendemain, les deux du Boisguy reprirent la route de Fougères, et Couasbouc donna quelques jours de repos à ses troupes[2]. »
— Mémoires de Toussaint du Breil de Pontbriand
Références
- Le Bouteiller 1988, p. 419-422.
- Pontbriand 1988, p. 140-144.
- Pontbriand 1904, p. 117-121.
- Lemas 1994, p. 161-163.
- http://www.balaze.com/public/chateau.php
Bibliographie
- Christian Le Bouteiller, La Révolution dans le Pays de Fougères, Société archéologique et historique de l'arrondissement de Fougères, , 839 p. .
- Théodore Lemas, Le district de Fougères pendant les Guerres de l'Ouest et de la Chouannerie 1793-1800, Rue des Scribes Éditions, (réimpr. 1994), 371 p. (ISBN 978-2-906064-28-7, lire en ligne).
- Paul-Marie du Breil de Pontbriand, Un chouan, le général du Boisguy : Fougères-Vitré, Basse-Normandie et frontière du Maine, 1793-1800, Paris, Honoré Champion éditeur, (réimpr. La Découvrance, 1994), 509 p. (lire en ligne).
- Toussaint du Breil de Pontbriand, Mémoire du colonel de Pontbriand sur les guerres de la Chouannerie, vol. I, Plon, (réimpr. Éditions Yves Salmon, 1988), 324 p.
- Adolphe Orain, La Chouannerie en pays gallo, p. 25-27.