Combat de la Chène
Date | |
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Lieu | Entre Romagné et Saint-Marc-sur-Couesnon |
Issue | Victoire des Chouans |
Républicains | Chouans |
Lieutenant Marcel | Aimé Picquet du Boisguy |
34 hommes[1] | 400 hommes[2] |
4 à 5 morts[1] 14 à 21 prisonniers[3],[2] (relâchés) |
aucune |
Coordonnées | 48° 19′ 03″ nord, 1° 19′ 45″ ouest | |
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Le combat de la Chaine ou (la Chène) fut une embuscade tendue par les Chouans aux Républicains en 1795.
Prélude
[modifier | modifier le code]L'échec du traité de La Mabilais avait été mal vécu par les Républicains qui furent pris de vives inquiétudes en voyant le peu d'engouement des Chouans pour leurs propositions de paix. Ainsi, le , Cormatin fut arrêté par les Républicains qui le soupçonnaient de ne pas jouer franc-jeu. Il fut toutefois relâché peu de temps après, mais des dérapages continuèrent. À Rennes, deux officiers chouans signataires furent retrouvés assassinés. Les Républicains imputèrent ces meurtres à des Chouans radicaux, les Chouans, à des soldats républicains indisciplinés. À La Prévalaye, des affrontements eurent lieu entre les Bleus et les Chouans encore présents, ces derniers, après cet incident, vidèrent les lieux.
Après de tels troubles, la paix est compromise. Lazare Hoche prend donc la décision de faire arrêter tous les officiers chouans qui avaient refusé de signer le traité. Les frères du Boisguy font ainsi partie des cibles. Le 27 mai, Aimé du Boisguy, ignorant les incidents de Rennes, reçoit une lettre de Hoche lui demandant de le rejoindre à Fougères afin de l'entretenir sur l'organisation d'un corps franc prévu par le traité. Mais Boisguy, une fois arrivé dans la ville, est averti rejoint par un officier républicain qu’il avait rencontré lors des négociations de la Prevalaye. Ce dernier l'avertit qu'il s'agit d'un piège et qu'une colonne de soldats se dirige vers le château du Boisguy dans le but d'arrêter son frère Guy. Boisguy retourne à toute allure vers son château, devance la colonne républicaine, avertit son frère et sa famille, puis convoque ses soldats[2],[4].
L'embuscade
[modifier | modifier le code]Le combat se déroula le 28 mai selon les mémoires de Pontbriand[2] et le selon les rapports républicains[1].
D'après les mémoires du colonel de Pontbriand, Aimé du Boisguy décide de tendre une embuscade à Hoche pour son retour à Rennes. Le lendemain, à 5 heures du matin, après avoir réuni 400 soldats pendant la nuit, il se poste avec ses hommes, à la Chaine, près de Romagné, attendant l'arrivée du général. Finalement, vers 8 à 9 heures du matin, une petite troupe républicaine arrive dans l'embuscade. Les Chouans attaquent mais il s'avère que Hoche ne se trouve pas à la tête des Républicains. Ces derniers ne soupçonnant rien, et pris complètement par surprise, sont mis en totale déroute. Les 25 hussards qui composent l'avant-garde, périssent tous, un seul parvient à se sauver du côté de Saint-Aubin-du-Cormier, où il meurt de ses blessures. Les Bleus se replient sur Romagné, où une centaine, commandés par un capitaine, résistèrent quelques minutes, mais la plupart sont tués. 21 soldats républicains sont faits prisonniers, dont un lieutenant nommé Marcel. Boisguy propose aux prisonniers de rallier ses troupes, ce que 4 acceptent. Les 17 autres, dont le lieutenant, sont libérés et renvoyés à Hoche afin de lui demander des explications sur sa conduite[2].
Toutefois, le compte-rendu de l'affaire tenu par les administrateurs du district et envoyé au département diffère concernant les chiffres. La troupe n'aurait été forte que de 2 gendarmes à cheval chargés de porter les dépêches à Rennes, escortés par 2 chasseurs à cheval et trente gardes territoriaux. Ces quatre cavaliers précédant les hommes à pied auraient été les principales victimes du combat. Plus tard, des voyageurs passant sur les lieux signalent cinq cadavres dont deux gendarmes, ils déclarent également avoir rencontré près de Saint-Aubin-du-Cormier un chasseur blessé à la cuisse par une balle et qui n'avait pu s'enfuir que grâce à son cheval. 2 cadavres de chevaux sont aussi signalés et seulement une quinzaine d'hommes sur les 34 ont regagné Fougères[1].
Le bilan des administrateurs fut le suivant : « Tués, 4; absents, 14; perdus, 8 sacs, 3 paires de souliers, un fusil, deux baïonnettes; cartouches brûlées, 210[3]. »
« Le lendemain de l’arrestation de Cormatin et des officiers invités avec lui chez le représentant du peuple Bollet, le général Hoche partit pour Fougères, d’où il écrivit aussitôt au jeune du Boisguy pour l’inviter à se rendre près de lui, afin de s’entendre pour l’organisation d’un corps franc de trois cents hommes dont il devait avoir le commandement. Du Boisguy, qui ignorait les événements de Rennes, s’y rendit sans défiance, sur la parole du général. Il allait entrer chez lui, lorsqu’il fut prévenu par un officier de la garnison, qu’il avait connu pendant la paix, qu’on venait de faire partir huit cents hommes pour cerner le château du Boisguy, et qu’il allait infailliblement être arrêté. Du Boisguy profita de l’avis et eut le bonheur de pouvoir sortir de la ville ; il monta à chevalet courut prévenir son frère, qui s’y trouvait avec moins de cinquante hommes ; il y avait à peine une heure qu’ils en étaient sortis, quand le château fut cerné et fouillé avec le plus grand soin ; mais les Républicains ne retirèrent que la honte de leur déloyale entreprise. Le soir même le général fit arrêter M. Louis du Pontavice et trois autres officiers, qui se trouvaient à Fougères, où ils furent étroitement renfermés.
Les deux frères du Boisguy résolurent de venger cette perfidie et employèrent toute la nuit à rassembler des soldats, auxquels ils donnèrent rendez-vous au village de la Chène, situé entre Romagné et Saint-Jean ; quatre cents hommes s’y trouvèrent réunis, vers 5 heures du matin, et, pensant que le général Hoche allait retourner à Rennes, ils lui dressèrent une embuscade.
Vers 8 heures, ils aperçurent un détachement de cavalerie, suivi d’une colonne d’infanterie qu’ils ne jugèrent pas supérieure à leurs forces. Ils crurent que le général s’y trouvait et recommandèrent à leurs gens de ne tirer qu’à vingt pas ; une compagnie fut spécialement chargée de tirer sur la cavalerie. Il y avait vingt-cinq hussards qui marchaient à quelques pas en avant ; ils étaient déjà engagés dans l’embuscade, lorsque le feu commença et fut si bien exécuté qu’un seul parvint à se sauver du côté de Saint-Aubin du Cormier, où il mourut de ses blessures ; tous les autres furent tués, avec presque tous les chevaux.
L’infanterie, surprise de cette attaque, fit peu de résistance et s’enfuit jusqu’au bourg de Romagné, où un brave capitaine essaya de la rallier, mais il ne put réunir guère plus de cent hommes, qui résistèrent un demi-quart d’heure ; ce capitaine fut tué, et, le bourg ayant été à peu près cerné pendant cette courte affaire, la plupart de ceux qui l’accompagnaient furent pris ou tués. Ce fut par les prisonniers que du Boisguy apprit l’arrestation de Cormatin et les événements de Rennes. Un lieutenant nommé Marcel lui dit que le général Hoche était retourné à Rennes pendant la nuit, accompagné de six de ses guides seulement ; qu’il croyait que des ordres avaient été envoyés dans toute la Bretagne pour arrêter les chefs des armées royales, et que les mesures étaient si bien prises qu’il pensait que bien peu auraient pu échapper ; « car, ajouta-t-il, tous n’auront pas votre bonheur et votre activité ; vous recommencerez heureusement la guerre, puisque vous nous avez battus, mais vous aurez fort à faire, car il arrive beaucoup de renforts au général Hoche ; toute l’armée des Côtes de Cherbourg, que commande le général Dubayet, est en marche pour le joindre ; le général Canclaux a plus de cinquante mille hommes pour contenir la Vendée, et il est bien difficile que vous résistiez longtemps ; je vous plains beaucoup, car je désirais vivement que la paix eût été durable. » - « Ce n’est pas nous, Monsieur, qui avons commencé, lui répondit du Boisguy ; hier encore, confiant dans la parole de votre général, je me rendais près de lui à Fougères ; c’est dans la ville même, et par un de vos camarades, que j’ai été instruit de ses perfides intentions ; sans cet officier, je serais dans les prisons de Fougères, ou peut-être fusillé ; mon frère eût été surpris au Boisguy, et le même sort l’attendait. Je veux recommencer le service que j’ai reçu hier à Fougères ; si vous voulez servir avec nous, je vous donnerai une compagnie à commander ; si vous préférez continuer à servir la République, vous êtes libre, ainsi que les soldats que nous venons de prendre avec vous. Si vous retournez à Rennes, je vous prie seulement de dire au général Hoche que j’étais venu ici exprès pour tâcher de le prendre lui-même ; j’aurais aimé à recevoir de sa bouche l’explication de sa conduite, et sa vie m’eût répondu de la liberté de mes camarades, qui sont peut-être aujourd’hui les victimes de leur confiance aux promesses de la République ; vous ajouterez que c’est ainsi que les Royalistes se vengent. »
Le lieutenant Marcel remercia du Boisguy ; il l’assura qu’il regrettait de ne pas accepter ses offres, mais que son projet était de rentrer dans sa famille et de s’établir ; qu’il ne voulait plus servir, que la guerre civile lui faisait horreur, mais qu’il le priait de compter toujours sur son estime et son amitié. On lui rendit son épée ; quatre de ses soldats demandèrent à rester avec les Royalistes et furent incorporés dans une compagnie ; les dix-sept autres prirent, avec cet officier, la route de Saint-Aubin, d’où ils se rendirent à Rennes.
Peu de jours après, du Boisguy reçut une lettre de ce lieutenant lui disant qu’il lui écrivait avec l’autorisation du général Hoche, qui avait paru extrêmement mortifié de l’idée qu’avaient MM. du Boisguy qu’il eût voulu les faire fusiller ; il lui avait dit « J’estime le courage dans mes ennemis même, je ne voulais les arrêter que parce que c’était le seul moyen qu’il y eût de pacifier le pays de Fougères ; mon projet était d’offrir du service au cadet, qui n’est pas émigré, j’aurais renvoyé l’autre en Angleterre. »
Il est possible, quoique bien douteux, que telle fut l’intention de ce général ; mais cela ne pouvait, en aucun cas, excuser son indigne guet-apens[2]. »
— Mémoires de Toussaint du Breil de Pontbriand
« Un nouveau forfait commis par les chouans vient de jeter dans nos cœurs et dans ceux de nos concitoyens l’indignation et l’effroi. Le courrier de Rennes à Fougères ayant manqué d’arriver hier, pour ne pas interrompre la correspondance, l’administration a requis deux gendarmes de la résidence de porter ce matin les dépêches à Rennes. Ils ont obéi et ont pris pour escorte deux chasseurs à cheval de la garnison, un détachement de gardes territoriales, au nombre de trente, également partis pour accompagner le retour des convois militaires qui hier avaient amené du froment au magasin. A environ deux lieues de Fougères, sur la grande route, les gendarmes et les chasseurs qui marchaient en avant de la troupe à pied, ont été attaqués par un attroupement de brigands qu’on porte à cinq cents. Le détachement des gardes territoriales a forcé le pas pour les délivrer ; la fusillade s’est engagée de part et d’autre, mais ceux-ci ont été bientôt contraints de se replier, le nombre des chouans les a dispersés et mis en déroute ; la moitié à peu près est rentrée dans la place ; nous ignorons le sort des autres. Le courrier ordinaire qui a passé quelque temps après l’action et plusieurs voyageurs qui viennent d’arriver nous ont appris avoir vu cinq cadavres sur le grand chemin, parmi lesquels sont les deux gendarmes, deux chevaux tués, et avoir trouvé à quelque distance de Saint-Aubin-du-Cormier un des chasseurs percé d’une balle dans une cuisse, qui n’a dû son salut qu’à la bonté de son cheval. Une voiture chargée de toile qui avait profité de l’escorte, a été pillée ; les dépêches ont été déchirées et parsemées sur la route ; les assignats qui faisaient partie du chargement ont été volés. C’est au moment où le chef de la force armée donnait l’ordre à la garnison assemblée de ne pas violer les articles de la pacification, de ne se permettre aucune hostilité contre les chouans qui rentraient de bonne foi, c’est au moment où un de leurs chefs (du Pontavice) venait d’être renvoyé dans ses foyers par le général Hoche, que ces massacres se sont commis ; voilà le prix de nos efforts pour ramener l’ordre et la paix dans notre territoire, voilà comment on répond à notre loyauté[1]. »
— Rapport du district de Fougères
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Roger Dupuy, Les Chouans, Paris, Hachette Littérature, coll. « La Vie Quotidienne », , 287 p.
- Toussaint du Breil de Pontbriand, Mémoire du colonel de Pontbriand sur les guerres de la Chouannerie, édition Plon, Paris, (réimpr. Y. Salmon, 1988), p. 129-131.
- Théodore Lemas, Le district de Fougères pendant les Guerres de l'Ouest et de la Chouannerie 1793-1800, Rue des Scribes Éditions, , p. 157-158.
- Christian Le Boutellier, La Révolution dans le Pays de Fougères, Société archéologique et historique de l'arrondissement de Fougères, , p. 415-416.
- Marie-Paul du Breil de Pontbriand, Un chouan, le général du Boisguy, édition Honoré Champion, Paris, (réimpr. La Découvrance, 1994), p. 110-116.
- Bernard Heudré, Fougères, le pays et les hommes,
Références
[modifier | modifier le code]- Théodore Lemas, Le district de Fougères pendant les Guerres de l'Ouest et de la Chouannerie, p. 157-158.
- Toussaint du Breil de Pontbriand, Mémoires du colonel de Pontbriand sur les guerres de la Chouannerie, p. 129-131.
- Bernard Heudré, Fougères, le pays et les hommes.
- Dupuy 1997, p. 53.