Dhû-l-Qarnayn
Nom dans la langue maternelle |
ذو القرنين |
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Époque | |
Activité |
Chef militaire |
Dhû-l-Qarnayn (en arabe : ذُو ٱلْقَرْنَيْن), littéralement « Celui aux deux cornes » ou « Celui des deux siècles », est une personnalité mentionnée dans la 18e sourate du Coran, Al-Kahf (La Caverne). Il a été confronté à Gog et Magog, et a construit une grande barrière de fer et de cuivre autour d'une montagne, les retenant enfermés. Il est aussi noté dans le Coran et plusieurs hadiths, qu'à l'approche de la fin des temps, cette barrière sera détruite, et que Gog et Magog, qui vivent pour l'instant sous terre, sortiront pour déferler comme les flots sur les nations de la planète[1].
Identification
[modifier | modifier le code]Une tradition historique identifie Dhû-l-Qarnayn à Alexandre le Grand. Les historiens et exégètes partageant cette opinion fondent leur argumentation sur la version syriaque, composée au VIe siècle, de la Vie d'Alexandre du Pseudo-Callisthène. Il est en effet fait mention qu'Alexandre aurait édifié un ouvrage fortifié afin de se prémunir des attaques des Gog et des Magog, qu'on peut identifier ici aux Scythes et aux Amazones. Ce récit est aussi connu par une homélie syriaque du Pseudo Jacques de Saroug[2]. Les versions juives et chrétiennes de la légende d'Alexandre montrent un roi à la piété exemplaire, proche du Dhû-l-Qarnayn coranique[2]. Une explication est donnée quant à l'application de l'épithète Dhû-l-Qarnayn, le « bi-cornu », à Alexandre[3]. On peut remarquer qu'Alexandre porte les cornes du dieu Ammon, sur certains tétradrachmes frappés à son effigie. Ces pièces ont circulé dans tout l'Orient et ont servi de modèle aux monnaies arabes ; le mot dirham vient d'ailleurs du grec « drachme » (δραχμη / drakhmê) par le biais des drahm perse sassanides.
Toutefois, plusieurs théologiens et historiens musulmans, dont As-Suhayliy (XIIIe siècle), Ibn Taymiyya (XIVe siècle) et Al-Maqrîziy (XVe siècle), réfutent l'idée selon laquelle Dhû-l-Qarnayn serait Alexandre, et font remonter le personnage coranique à l'époque d'Ibrahim (l'Abraham coranique).
Un certain nombre de théologiens dont Mohammad Ali Tabatabaei dans Tafsir Al-Mizan et le théologien mughal Shah Waliullah ad-Dehlawi, mort en 1762, penchent pour l'identifier au roi achéménide Cyrus le Grand ; d'autres encore penchent pour Darius, Kisrounis ou Ferydun, dont notamment le traditionaliste du VIIIe siècle Tabari.
D'autres théologiens ont aussi soit identifié Dhû-l-Qarnayn au prophète-roi Salomon devant de nombreux parallèles entre les deux personnages et thèmes abordés par le Coran sur les deux personnages. Une explication donnée quant à l'application de l'épithète Dhû-l-Qarnayn serait qu'il a été le seul roi à avoir reçu deux cornes d’huile bénie provenant de l’Arche de l’Alliance sur la tête, et le seul pour qui le Schofar a été utilisé par deux fois. Une grande majorité néanmoins considère que le mystère du personnage est volontaire dans le Coran et particulièrement dans ce chapitre 18 qui enchaîne des histoires sans précisions de temporalité, de noms et de localité en semblant reprocher par ailleurs dans la première histoires que les chrétiens ont divergé sur le miracle des dormeurs de la caverne sur des futilités (leur nombre et la durée de leur sommeil) en passant à côté de l’objectif de ce miracle.
D'autres interprétations associent Dhû-l-Qarnayn à Moïse ; celle-ci repose sur le fait que Moïse porte des cornes dans certaines traditions juives et chrétiennes[2]. D'autres identifications comme celle de roi Lakhmides ou Himyarites ont été proposées[2] notamment par Al-Biruni qui identifie Dhû-l-Qarnayn au roi mythologique Afrīqish al-Ḥimyarī dans Les Réminiscences des traces du pass (en arabe : کِتَاب ٱلَآَثَار ٱلْبَاقِيَة عَن ٱلْقُرُون ٱلِخَالِيَة Kitāb al-āthār al-bāqiyah `an al-qurūn al-khāliyah) où il établit une liste de 36 candidats et finit par donner sa préférence à Afrīqish al-Ḥimyarī qui aurait été le premier à conquérir une grande partie de la Méditerranée se basant sur des traditions sud-arabiques.
Rôle
[modifier | modifier le code]Dans l'islam, Dhû-l-Qarnayn possède une dimension religieuse, il illustre la seconde façon de vivre des croyants disposant cette fois de moyens matériels pour établir la justice et l'ordre (s'opposant ainsi à la première histoire de la sourate 18, Al-Kahf (« La Caverne ») où le petit groupe de croyants n'avait d'autre choix pour son salut que la fuite dans une grotte. La question de son appartenance aux prophètes a souvent été posée, tout comme celle de l'identification des diverses localités qu'il traverse et des peuples coupés de la civilisation humaine qu'il rencontre.
Références culturelles et utilisation du nom
[modifier | modifier le code]Le nom Dhû-l-Qarnayn se transcrit en indonésien par Zulkarnaen ou encore Zulkarnain, et il est un nom de famille courant en Indonésie (notamment sur l'île de Java et de Kalimantan):
- Dicky Zulkarnaen, acteur, réalisateur et scénariste indonésien.
- Nia Zulkarnaen, actrice, chanteuse et productrice indonésienne (fille de Dicky Zulkarnaen).
- Zulkarnain Kurniawan, ancien entraîneur et joueur de badminton indonésien.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Sophie, « Le rempart que construisit Dhoul Al Qarnayn entre deux montagnes », sur l'arabe facile, (consulté le )
- Daniel de Smet, « Dhu l-Quarnayn » in Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.), Dictionnaire du Coran, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2007, p. 218-221.
- François de Polignac, L'Homme aux deux cornes ; une image d'Alexandre du symbolisme grec à l'apocalyptique musulmane, in Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, 1984, vol. 96, no 1, p. 29-51.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Mohammed Arkoun, Lecture de la sourate 18, Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1980, Volume 35, n°3, pp. 418–435.
- Daniel de Smet, « Dhu l-Quarnayn » dans Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.) Dictionnaire du Coran, éd. Robert Laffont, 2007, p. 218-221.
- François de Polignac, L'Homme aux deux cornes ; une image d'Alexandre du symbolisme grec à l'apocalyptique musulmane, dans Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité, 1984, volume 96, n°1, pp. 29–51.