Traité de Trianon

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Différence entre les frontières de l'Autriche-Hongrie avant-guerre et à la suite du traité de Trianon. En blanc, le royaume de Hongrie.
Carte de l'Europe en 1923.
Carte ethnographique des pays de la couronne hongroise, d'après les résultats du dénombrement de la population en 1880 par François Rethey
Fichier:MittelEuropa1919.JPG
Carte des frontières des pays danubiens en 1919, suite à l'application du traité du Trianon.

Le traité de paix du Trianon est signé le au Grand Trianon de Versailles par les puissances belligérantes de la Première Guerre mondiale : d'un côté le Royaume-Uni, la France, les États-Unis, l'Italie, la Roumanie, le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (qui devient le Royaume de Yougoslavie en 1929) et la Tchécoslovaquie[1], de l'autre l'Autriche-Hongrie qui a perdu la guerre et qui y est représentée par la Hongrie (séparée de l'Autriche le 31 octobre 1918). Il fait suite aux traités de Versailles (qui traite le cas de l'Allemagne) et de Saint-Germain-en-Laye (qui définit celui de l'Autriche).

Les pourparlers

Fin 1919, la Hongrie, en tant que puissance vaincue, est convoquée à Paris pour des négociations de paix. Robert Vallery-Radot rend compte ainsi de l'arrivée de la délégation du gouvernement hongrois conduite par le comte Albert Apponyi :

« On les reçut comme des prisonniers. Ils furent enfermés, sous la garde de policiers avec l'interdiction d'en sortir. Seul, le comte Apponyi, en considération de son grand âge (74 ans), fut autorisé à faire un petit tour de promenade, escorté d'un inspecteur de la Sûreté. »[2],[3].

La délégation hongroise est confrontée à l'existence préalable du traité de Saint-Germain. Celui-ci a déjà fixé le tracé de la frontière avec l'Autriche à l'ouest et la Tchécoslovaquie au nord. La Hongrie exige sans succès une révision de celui-ci au nom de ses droits historiques, mais se heurte au principe du « Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » affirmé par le président américain Woodrow Wilson et adopté par les vainqueurs au profit des puissances victorieuses, mais non au bénéfice des vaincus (ainsi, les germanophones d'Autriche-Hongrie qui souhaitaient s'unir à l'Allemagne en furent empêchés par le traité de Saint-Germain). Toutefois, en accord avec ce principe, l'Autriche et la Hongrie conclurent en 1921 le Protocole de Venise qui organisa un plébiscite en 1922 dans la ville de Sopron (en allemand Ödenburg), et celle-ci opta pour la Hongrie ; des commissions neutres furent désignées début 1919 pour déterminer la frontière ethnique, ainsi par exemple à Kassa (en slovaque Košice), les procès-verbaux enregistrés par la commission neutre constituèrent lors des négociations de paix un argument décisif pour détacher Kassa de la Hongrie. La délégation hongroise contesta les procès-verbaux de Kassa en affirmant que « Les observateurs américains censés être neutres étaient en fait des Tchèques récemment naturalisés américains, qui ont falsifié la commission d'enquête et déclaré qu'il n'y avait aucun Hongrois à Kassa »[4].

Les clauses du traité et ses conséquences

Le traité de Trianon s'appuie sur le neuvième des 14 points du président américain Woodrow Wilson, du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, sauf que, comme dans le cas du traité de Saint-Germain, ce point n'est pas appliqué aux Magyars et Allemands de l'ancienne Autriche-Hongrie, mais seulement aux autres peuples. Les nouvelles frontières de la Hongrie sont tracées par une commission internationale (la commission Lord) présidée par des géographes tels Robert Seton-Watson ou Emmanuel de Martonne, l'historien Ernest Denis[5] où figurent aussi des Italiens, des Serbes, des Tchèques et des Roumains, mais seulement trois Hongrois : István Bethlen, Gyula Varga et István Tisza. Ces commissions tiennent compte des majorités linguistiques rurales, mais défavorisent la Hongrie en ne tenant pas compte des villes (presque toutes majoritairement hongroises) et en appliquant à son détriment le « principe de viabilité des frontières » (ainsi, pour donner accès au Danube à la Tchécoslovaquie, une vaste région à majorité magyare lui est rattachée, avec les villes de Pozsony, Érsekújvár et Komárom, tandis que la frontière hongro-roumaine inclut une importante voie ferrée côté roumain, parce que la campagne alentour est roumaine, alors qu'elle relie quatre villes importantes alors à majorités mixtes (hongroises, souabes, serbes et juives) : Temesvár, Arad, Nagyvárad et Szatmár-Németi[6].

Borne à la frontière hongro-roumaine, datant de 1922.

La Mittel Europa subit ainsi une refonte radicale de ses frontières :

La Hongrie perd ainsi les deux tiers de son territoire, passant de 325 411 km2 avant la guerre à 92 962 km2 après la signature du traité. Le pays perd aussi son accès à la mer via la Croatie, rattachée au Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Elle perd, de plus, la totalité de ses mines d'or, d'argent, de mercure, de cuivre et de sel, cinq de ses dix villes les plus peuplées et entre 55% et 65% des forêts, ses voies ferrés, ses usines, ses canaux, ses minerai des fer, ses institutions bancaires et ses terres cultivables[7]

Si, avant la Première Guerre mondiale, plus de la moitié des 21,5 millions d'habitants du royaume de Hongrie ne sont pas Magyars (lesquels sont au nombre de 9.549.000), l'une des conséquences du traité de Trianon est qu'après-guerre, un magyarophone sur trois vit en dehors des frontières de la Hongrie : 3,3 millions de Hongrois se retrouvent avec une nationalité roumaine, yougoslave ou tchécoslovaque.

L'essentiel de la politique extérieure hongroise de l'entre-deux-guerres-mondiales, dirigée par l'amiral Horthy, consista à réclamer la révision du traité de Trianon. Durant la Deuxième Guerre mondiale, la Hongrie eut partiellement satisfaction en s'alliant à l'Allemagne, et obtint le Sud de la Slovaquie en 1938, la Ruthénie en 1939, le Nord de la Transylvanie en 1940 et le Nord de la Serbie en 1941, mais les frontières de Trianon furent remises en vigueur en 1945[8].

Aujourd'hui encore 458 467 (8,5 % de la population) personnes se déclarent hongroises en Slovaquie et 508 714 (9,3 % de la population) affirment que le hongrois est leur langue maternelle selon le recensement slovaque de 2011[9]. En Roumanie 1 227 623 personnes se déclarent hongroises selon le recensement fait en 2011[10].

Depuis 2004, la Hongrie et quatre de ses sept voisins (Autriche, Slovénie, Slovaquie et Roumanie) font partie de l'Union européenne, de sorte qu'entre ces États les visas sont abolis et le bilinguisme reconnu dans les communes où les Hongrois sont très implantés, notamment en Roumanie dans les deux départements de Covasna et de Harghita à très large majorité (plus de 75 %) magyare et celui de Mureş à forte présence (40 %) ainsi que dans la plaine danubienne de la Slovaquie, où la politique linguistique limite cependant l'usage du hongrois dans les services publics[11],[12].

Trianon est perçu de nos jours comme un traumatisme[13] en Hongrie, et beaucoup de Hongrois considèrent encore ce traité comme un inique diktat. Parmi les contestataires les plus radicaux nous pouvons citer le parti nationaliste d'extrême droite HVIM (Hatvannégy Vármegye Ifjúsági Mozgalom, Mouvement de jeunesse des 64 comtés) fondé par László Toroczkai, remarqué en France par une manifestation de plus de 400 personnes dans les rues de Versailles le 4 juin 2006, avec l'appui d'une section française du mouvement ou encore l'actuel parti politique hongrois d'extrême droite Jobbik.

Notes et références

  1. Autres signataires : Belgique, Chine, Cuba, Grèce, Japon, Nicaragua, Panama, Pologne, Portugal et Siam.
  2. Robert Vallery-Radot, La Hongrie et l'esprit maçonnique des traités, extrait de La Revue hebdomadaire, Paris, 1929, pp. 21 et 27
  3. Yves de Daruvar, Le Destin Dramatique de la Hongrie — Trianon ou la Hongrie écartelée, Les Éditions Albatros, Paris, 1971, p. 84
  4. Robert Vallery-Radot, La Hongrie et l'esprit maçonnique des traités, extrait de La Revue hebdomadaire, Paris, 1929
  5. Lowczyk Olivier, La fabrique de la paix. Du Comité d'études à la Conférence de la paix, l'élaboration par la France des traités de la Première Guerre mondiale, Paris, Economica, Coll. Bibliothèque stratégique, 2010, 533p.
  6. Edgar Lehmann, Meyers Handatlas, Bibliographisches Institut, Leipzig, 1932
  7. (en) Domokos Kosáry, History of the Hungarian nation, (OCLC 66036)
  8. Matyas Unger, Történelmi Atlasz, Budapest 1989, ISBN 963-351-422-3 CM
  9. (en) Beata Balogová, « Census: Fewer Hungarians, Catholics – and Slovaks », The Slovak Spectator,‎ (lire en ligne)
  10. (ro) Comunicat de presă privind rezultatele definitive ale Recensământului Populaţiei şi Locuinţelor – 2011
  11. Modèle:De+en Cornelius von Tiedemann, « Wissenschaftliche Kritik des slowakischen Sprachengesetzes », (archivé sur Internet Archive), sur Der Nordschleswiger, 13 août 2009
  12. (en) « Hungary attacks Slovak language law », (archivé sur Internet Archive), sur Euranet, 4 août 2009
  13. (en) Nicholas Kulish, « Kosovo’s Actions Hearten a Hungarian Enclave », The New York Times,‎ (lire en ligne) : « a loss that to this day is known as the Trianon trauma »

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes