Gravure

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Graveurs en taille-douce au burin et à l'eau-forte par Abraham Bosse, 1643.

La gravure désigne un ensemble de techniques utilisées en art pour reproduire un dessin. Le principe consiste à graver une matrice, qui est transposée après encrage sur un support tel que le papier. L'œuvre finale ainsi obtenue s'appelle une estampe.

Par abus de langage, les termes « gravure », « estampe » et « tirage » sont souvent confondus.

La première technique identifiée est la xylographie, apparue en Chine au VIIe siècle. Parallèlement à l'invention de l'imprimerie en Europe, ces techniques connaîtront un développement considérable à partir de la Renaissance.

La technique de gravure.
Illustration de l'Encyclopédie.

Les procédés de gravure

Martyre de Saint Sebastien
Gravure sur bois, Allemagne du sud, vers 1470–1475 (à gauche) et estampe obtenue après impression (à droite). British Museum.

Durant la préhistoire (pétroglyphes), l'antiquité (gravure lapidaires), l'œuvre finale est l'objet gravé. Cependant, dès le Moyen-Âge la gravure va être largement utilisée comme technique d'impression et de reproduction des images. Après avoir gravé le dessin sur un support dur et plat, l'artiste procède à l'encrage de la gravure et la transpose sur un nouveau support, en général une feuille de papier. Il existe trois grands procédés de gravure de reproduction, qui recouvrent des techniques diverses.

La gravure en taille d'épargne

On parle de taille d'épargne, ou de gravure en relief lorsque « la planche est creusée partout où l'impression ne doit pas avoir d'effet ; le dessin seul est conservé au niveau initial de la surface de la planche, il est épargné »[1]. L'impression d'une gravure en taille d'épargne peut se faire à la main, ou sur une presse typographique. C'est la technique employée pour la gravure sur bois et la linogravure.

La gravure en taille-douce

Ecce Homo de Jean-Pierre Norblin de La Gourdaine.
Plaque de cuivre gravée à l'eau-forte (à gauche), et estampe obtenue après impression (à droite). Musée national de Varsovie.

La gravure en taille-douce, ou gravure en creux, se pratique le plus souvent sur du cuivre. Contrairement à la taille d'épargne, l'encre va se déposer dans les creux gravés par l'artiste. L'impression de la plaque se fait sur une presse à taille-douce.

La gravure à plat

Certains auteurs[2] [réf. nécessaire] ajoutent la gravure à plat (ou impression à plat, ou planographie) aux deux précédentes catégories. C'est le cas de la lithographie ou du monotype qui ne nécessitent pas de reliefs, et ne sont donc pas des « gravures » au sens strict du terme mais assimilés comme tels. Cependant, la première forme de la lithographie, inventée et lentement mise au point par Aloys Senefelder à partir de 1796, était une technique d’impression basée sur un très faible relief.

Des techniques diverses

Ces trois procédés recouvrent des techniques diverses, qui peuvent être catégorisées de la façon suivante.

  • La gravure manuelle utilisant un outil

Le burin, la pointe sèche, la gravure sur bois et la xylographie, la linogravure, la manière noire, le pointillé, le camaïeu.

  • La gravure manuelle utilisant un mordant

L'eau-forte, la gravure au lavis, l'aquatinte, la gravure au sucre, la manière de crayon, le vernis mou.

  • La gravure à plat[3] (ou impression à plat, ou planographie)

La lithographie, le monotype, la sérigraphie.

  • La gravure photomécanique et photochimique

Le cliché-verre, la photogravure, la galvanotypie, l'héliogravure.

  • La gravure mécanique ou semi-mécanique

Le timbrage, la gravure au carborundum.

Résumé des différentes techniques de gravures

Histoire

La gravure sur bois

La gravure sur bois est connue depuis fort longtemps en Chine. Elle est utilisée en particulier pour la multiplication des livres de prières. Mais rien ne prouve que cette technique ait été introduite en Occident par la route de la soie. Les spécialistes supposent que la technique de la xylographie a vu le jour soit dans la vallée du Rhin soit en Europe du Nord, la localiser plus finement est impossible.[réf. nécessaire]

Le Bois Protat[4], la plus ancienne matrice occidentale en bois, est datée autour de 1380 : plus précisément, il s'agit du fragment d'une planche en bois de noyer (0,60 × 0,23 cm), qui fut exécuté à Laives, canton de Sennecey (Saône-et-Loire) en Bourgogne et qui représente sur une face « Le Centurion et les Deux Soldats » et sur l'autre, « L'Ange de l'Annonciation[5] ». Signalons aussi le Saint Christophe retrouvé dans la bibliothèque de Buxheim collé sur un manuscrit de 1423[6].

La xylographie précède l'imprimerie. Les techniques de gravure sont très liées au support, car celui-ci doit être peu onéreux pour que l'utilisation d'un original recopiable soit intéressante, d'où l'importance de l'introduction du papier. L'évolution de la production xylographique va donc suivre le développement de l'imprimerie.

La Renaissance

En Europe du nord

La gravure sur bois se développe parallèlement à l'utilisation du papier vers 1400. Elle permet de reproduire des estampes en grande quantité et touche un public populaire. La gravure sur cuivre, permettant des reproductions plus détaillées, est plus onéreuse et s'adresse à des commanditaires cultivés. Elle se généralise à partir de 1430 dans la vallée du Rhin et profite des techniques de l'orfèvrerie : Schongauer et Dürer sont orfèvres de formation.

Il est difficile avant Schongauer d'attribuer les œuvres : on désigne ces graveurs anonymes le plus souvent « par le nom de leur manière[6] » :

  • Hans Baldung grave sur bois Les Sorcières en 1510. Il se distingue par la netteté du trait et le ton dramatique de ses compositions. On lui doit un portrait de Martin Luther en 1521 (Chevaux sauvages, Fondo Corsini, Rome).
  • Urs Graf (1485-1528), originaire de Suisse, est l'un des premiers à utiliser l'eau-forte dont le procédé est attribué à Wenceslas d'Olmütz (1496). « Avide d'expérimentation, il reprend la "manière criblée", nouvelle appellation de l'opus interrasile[6]. »
  • Albrecht Altdorfer (1480-1538), élève le paysage au rang d'entité artistique autonome. Il est le premier à utiliser l'eau-forte pour accentuer les variations de la lumière.
  • Lucas Cranach l'Ancien (1472-1553) sera peintre et graveur : il invente la technique du camaïeu à deux bois. Les bois gravés lui serviront pour la propagande luthérienne et pour les illustrations de livres (Repos pendant la fuite en Égypte, Fondo Corsini, Rome).

Au nord-est de l'Italie

La Vénétie, Dalmatie, Émilie, Lombardie voient la xylographie et la gravure sur cuivre se développer dans la première moitié du XVe siècle : voir à ce propos la collection d'images de dévotion du notaire Jacopo Rubieri (né à Parme en 1430). L'Italien

  • Maso Finiguerra trouva, en 1452, le moyen de tirer une épreuve d'une plaque qu'il avait gravée pour l'église Saint-Jean à Florence[10]. « Les premiers graveurs sur cuivre, à la suite de Finiguera, sont des orfèvres, nielleurs, damasquineurs […]. Ils sont localisés, d'une part, en Toscane […], Padoue et la Vénétie formant l'autre grande sphère[6]. »
  • Andrea Mantegna (1431-1506) renouvelle les sujets et la technique (Triomphe de César, Fondo Corsini, Rome ).
  • Baccio Baldini (1436-1487) orfèvre et nielleur (Dante, Virgile et la vision de Béatrice, Fogg Art Museum, Cambridge-Mass-).
  • Sandro Botticelli.
  • Antonio del Pollaiuolo (1431-1496).
  • Francesco Francia.
  • Parmigianino (1503-1540) domine le procédé de l'eau-forte (Le Tombeau du Christ, Fondo Corsini, Rome). Les traits épais se croisent et donnent un aspect voilé, le tout rehaussé de quelques retouches à la pointe sèche.
  • Francesco Rosselli (1498-1513) : représentant de la « manière large[11] ».
  • Nicoletto da Modena reconnaissable à la dureté du trait et à ses formes rigides (Allégorie de la Fortune, Fondo Corsini, Rome).
  • Girolamo Mocetta (1454-1531) travaille sur les effets chromatiques et dans un style monumental. Il se caractérise par un trait fin, quelquefois courbe.
  • Benedetto Montagna travaille dans le style de Dürer : hachures croisées et lignes courbes. Il cherche à traduire sur ses plaques le sfumato.
  • Giulio Campagnola (1482-1515) introduit la technique du pointillé. Avec lui la gravure devient un genre artistique autonome.
  • Titien (1490-1576) : ses xylographies sont monumentales (Le Passage de la Mer Rouge en 12 blocs, 1549). « Les Noces mystiques de Sainte Catherine présentent des hachures croisées faites par une incision profonde, délicate, plus proche de ce qui se fait à la même période pour les eaux-fortes[6]. »
  • Marc-Antoine Raimondi (1470 ? - 1534 ?). Les premières gravures s'inspirent de la nielle, et son œuvre va évoluer vers une maîtrise du clair-obscur (Le Songe de Raphaël, 1507). Sa collaboration avec Raphaël marque la naissance de l'estampe de traduction. « Techniquement, la façon d'utiliser le burin apparaît révolutionnaire, car les hachures simples s'accompagnent de hachures croisées, qui créent un clair-obscur bien plus réel avec ajouts d'incisions au burin et de pointillés[6]. »
  • Hugo de Carpi ; peintre médiocre, mais graveur de génie. Il innove avec le camaïeu ou xylographie chromatique (Raphaël et son amante, Albertina, Vienne). C'est au cours de ses années vénitiennes qu'il expérimente divers procédés : en 1516, il supplie le Sénat et le Doge de protéger son procédé contre les faussaires.

Le baroque

Au cours de cette période, la gravure oscille entre la reproduction et le genre autonome qui puise l'essentiel de son inspiration dans le libertinage, et les fêtes.

Deux précurseurs du mouvement baroque :

  • Cornelis Cort (1533-1578), né en Hollande, s'installe définitivement à Rome en 1572. Il révolutionne la technique du burin en obtenant des modulations tonales (Noces de Cana, Bibliothèque nationale, Paris), grâce aux variations de forme et à l'épaisseur des traits.
  • Hendrick Goltzius (1558-1617) connu pour son œuvre gravé ; environ cinq cents estampes gravées au burin (Icare, Fondo Corsini, Rome).

En Italie

Avec les artistes suivants, le baroque s'affirme tant dans les sujets que dans la technique :

L'Annonciation par Federico Barocci (vers 1585)
  • Federico Barocci dit le Baroche (1528?-1612) associe eau-forte et burin (L'Annonciation, Fondo Corsini, Rome). « Le Baroche applique un vernis à la cire, après la première morsure, sur la partie de paysage formée de traits fins, presque calligraphiques. Il renonce ainsi à plusieurs passages à l'acide qui creuseraient les sillons dans la matrice. Le résultat, appelé procédé à morsures multiples, est totalement révolutionnaire. À cela s'ajoute une façon particulière de graver : les parallèles croisent les transversales dans plusieurs directions, avec des ajouts de pointillés, pour obtenir des effets de lumière vibrante[6] »
  • Augustin Carrache (1557-1602) est considéré comme l'un des plus grands graveurs du XVIIe siècle italien (L'Adoration des Mages en sept gravures sur cuivre, 1579). Le travail du burin n'est pas sans rappeler Cort et Goltzius. À partir de 1590, il entreprend des eaux-fortes : les Intermezzi en l'honneur des noces de Ferdinand de Médicis et Christine de Lorraine.
  • Jusepe de Ribera est considéré comme un grand maître de la gravure du XVIIe siècle ; cependant sa production s'étale sur un laps de temps très court (1616-1630). Son domaine de prédilection est l'eau-forte avec une prédominance du trait irrégulier (Le Poète, 1620, Rome, ING).
  • Stefano della Bella (1610-1644) a une production impressionnante : plus de mille gravures, dont la majeure partie sont des eaux-fortes rehaussées au burin et à la pointe sèche (Les Caprices de la mort, c.1648).
  • Giovanni Benedetto Castiglione (1609-1665) a toujours été considéré comme un autodidacte. « Sa technique de graveur est axée sur la ligne... Il serait l'inventeur de la technique du monotype peut-être liée à ses essais pour créer des effets de lumière[6] ». Castiglione utilisait non le monotype sur fond noir, mais le monotype sur fond blanc (l'Allégorie de l'eucharistie)[12].

En Europe du nord

Anvers et les Flandres sont de véritables pépinières d'artistes ; ces derniers feront, presque tous, le voyage en Italie afin de parfaire leur technique.

Parmi eux, retenons :

  • Pierre Paul Rubens (1577-1640). « Il a le grand mérite d'avoir fondé l'école des burinistes d'Anvers... Pour lui, l'estampe est un moyen de diffusion et de connaissance... Il utilise essentiellement la gravure comme moyen de traduction[6]. » Deux estampes ont l'inscription de P. Paul Rubens fecit (Vieille femme à la chandelle, Rome, Fondo Corsini).
  • Cristoffel Jegher (1596-1652) est un grand spécialiste de la gravure sur bois au XVIIe siècle, technique alors en déclin (Le Jardin d'amour, Waddesdon Manor, Buckinghamshire).
  • Pieter Claesz Soutman (1580-1657) développe la technique du pointillé au burin ce qui permet de créer des clairs-obscurs.
  • Hercules Seghers (c. 1590-1638) invente l'eau-forte colorée et l'aquatinte à vernis noir.
  • Rembrandt Van Rijn (1606-1669) utilise d'abord l'eau-forte puis la pointe sèche. Dans un dernier temps il mélange les deux techniques et joue avec les effets de papier (papier Japon ou parchemin).

En France

La foire de l'Impruneta par Jacques Callot, 1620
  • Jacques Callot (1592 ? - 1635), formé à Florence, développe l'eau-forte dans d'importantes séries (Les Foires, Les Supplices, Les Misères de la Guerre).Il veut exploiter le maximum de possibilités de la technique et « il décide de remplacer par le vernis dur des maîtres ébénistes florentins, le traditionnel « vernis mou » des aquafortistes. La surface se dilate, les détails apparaissent au sein de grandes perspectives qui créent l'illusion d'un espace à trois dimensions[6]. »
  • Abraham Bosse (1604-1676), théoricien de la gravure, est l'archétype du graveur baroque français. Son livre est une somme des techniques de gravure de l'époque : tout est décrit minutieusement depuis « la manière de faire le vernis mol », en passant par « la manière de manier les échoppes » et de « se servir de l'eau-forte », avec pour finir « la manière d'imprimer les planches en taille-douce ensemble du moyen d'en construire la presse[13]. »

Le néoclassicisme

L'engouement des collectionneurs du XVIIIe siècle pour les vues de paysages italiens oriente la production des graveurs tels Vanvitelli (1653-1736), Giuseppe Vasi (1710-1782), Luca Carlevarijs (1663-1730), Marco Ricci (1617-1730). Ce dernier dans ses eaux-fortes introduira les traits minuscules et dentelés afin de traduire les effets de lumière et le mouvement des frondaisons.

  • Canaletto (1697-1768) essaie de traduire dans ses eaux-fortes les vibrations de la lumière (Caprice avec balcon et galerie sur la lagune, 1763, Windsor Castle, Royal Collection).
  • Giambattista Tiepolo (1696-1770) et son fils Giandomenico (1727-1804), sont de fabuleux techniciens : hachures, contre-taille, courbes aux ondulations parallèles, pointillisme, lignes parallèles.
  • L'atelier de Giuseppe Wagner (1706-1786) est important tant au niveau des artistes qui le fréquenteront (Brustolon, Baratti, Zucchi...), que des nouvelles techniques qui y seront mises au point : en particulier la belle manière de graver au burin avec une pointe douce capable de produire un trait net et profond.
  • Giovanni Battista Piranesi dit Piranese (1720-1778).

Les illustrations de l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert montrent combien cet art contribua à populariser la culture.

Au XVIIIe siècle, la gravure sur cuivre sous ses diverses formes (taille-douce, eau-forte, etc) prédomine. La gravure sur bois se cantonne à l'imagerie populaire.

L'époque moderne

Vue du quartier ancien de la ville de Vesoul au XIXe siècle, gravure sur bois debout.
  • D'une part, l'invention de la lithographie par Aloys Senefelder. La lithographie, basée sur un principe totalement nouveau (l'antagonisme eau-encre grasse, et non plus le relief), permet de dessiner directement, sans avoir à apprendre une technique de gravure ardue. De nombreux peintres et illustrateurs vont ainsi accéder à l'estampe, largement diffusée en Allemagne, en Italie, en France et en Grande-Bretagne.
  • D'autre part, le Britannique Thomas Bewick remet au goût du jour la gravure sur bois, en mettant au point la gravure sur bois de bout (ou debout)[14]. Le bois est gravé au burin, comme le cuivre, ce qui permet toutes les finesses, et qui présente l'avantage d'être une technique en relief : on peut donc imprimer les gravures sur une presse typographique, en même temps que le texte.

Introduite en France par Charles Thompson vers 1818, cette technique est utilisée de manière universelle par l'édition et la presse. Des centaines de graveurs, desquels se détachent de grands noms, comme Héliodore Pisan, François Pannemaker et fils, Hippolyte Lavoignat, travaillent quotidiennement pour interpréter les œuvres des grands illustrateurs comme Honoré Daumier, Gustave Doré, Grandville, entre autres. Avec la croissance de la presse, la gravure sur bois tend à devenir une industrie de reproduction, servie par des techniciens virtuoses, mais souvent dépourvue de créativité.

Les tentatives de retour à une gravure sur bois originale, avec des graveurs comme Auguste Lepère, arrive trop tard à la fin du XIXe siècle, la gravure étant supplantée par les techniques basées sur la photographie (similigravure).

La création de sociétés regroupant les graveurs est un des événements importants de la seconde moitié du XIXe siècle : Société des aquafortistes en 1862, Société des peintres-graveurs français en 1889. Le modèle en est la Society of Engravers fondée à Londres en 1802.

L'école de Barbizon est à l'initiative de la revue Eau-forte, et expérimente de nouvelles techniques comme le cliché-verre[15]. Millet et Corot vont adopter cette nouvelle technique (Le Petit Berger, Corot, Milan, 1855, A. Bertarelli). Antonio Fontanesi redécouvre l'eau-forte d'invention : il a recours à la morsure à répétition (effets de lumière). Il utilise aussi le cliché-verre.

Quelques noms

Giovanni Fattori (1825-1908) est un des grands maîtres de l'eau-forte, ce qui fera dire à Baudelaire : « parmi les expressions de l'art plastique, l'eau-forte est celle qui se rapproche le plus de l'expression littéraire et qui est la mieux faite pour l'homme spontané[16]. »

Whistler (1834-1903) est initié à la gravure avec Fantin-Latour, Courbet, et Legros. Il débutera par l'eau-forte pour ensuite travailler la pointe sèche en 1871 (Portrait de la famille Leyland). Francis Hayden (1818-1910), mixera les techniques pour traduire les effets d'atmosphère : pointe sèche, brunissoir, morsure, aquatinte.

Les impressionnistes, comme Manet vont utiliser gravure et lithographie afin de traduire une atmosphère (la danseuse Lola de Valence, Paris, Bibliothèque nationale). Degas fera de même en y ajoutant le monotype (Femme à sa toilette, 1885, Paris, bibliothèque d'Art et d'Archéologie). Pissarro est plus amateur de gravure sur bois (Femmes faisant de l'herbe, 1895). Il ne faut pas oublier Pierre Renoir, Paul Cézanne, Vincent van Gogh. Quant à Paul Gauguin (1848-1903), il a une prédilection pour la gravure sur bois (Te Faruru, 1893, Chicago, Art Institute).

Mont-Blanc par Félix Vallotton (1892).

Débarrassée de ses contraintes utilitaires, la gravure revient à un pur domaine artistique, retrouvant et modernisant les techniques traditionnelles. Le XXe siècle redécouvre le bois de fil, sa simplicité et sa valeur expressive, avec des artistes comme Félix Vallotton (La Manifestation, Lausanne, galerie Vallotton) et Edvard Munch.

Les artistes des mouvements Die Brücke et du Blaue Reiter seront attirés par la gravure sur bois où ils pourront jouer avec la simplification des formes.

Matisse expérimente toutes les techniques : xylogravure, eau-forte, pointe sèche (Henri Matisse gravant, 1900), lithographie (Grande Odalisque avec pantalon à bayadère, 1925, Berne, E.W.K. collection), aquatinte et linogravure.

Giorgio Morandi (1890-1964) « parvient à fusionner une lumière génératrice de la forme, un volume qui la construit plastiquement et une couleur qui permet de la distinguer en se plaçant comme ton ou "couleur position[6]". » Maîtrise du trait, morsure unique grâce au mordant hollandais lui permettent de transcrire les flots de lumière.

Picasso (1881-1973) va énormément graver : pas moins de deux mille œuvres connues. Initié par Roger Lacourière en 1933 au burin et à l'aquatinte avec du sucre, il créera la Suite Vollard. Il essaie tous les procédés et les renouvelle : les différents états nous montrent un artiste perfectionniste.

Georges Gimel (1898-1962), à partir de 1921, réalise de nombreux bois gravés au burin et des aquatintes au sel pour des illustrations : Musiciens, préface d’André Cœuroy, portrait de Déodat de Séverac, retenu par la Bibliothèque nationale de France[17]. Il met au point des xylographies avec lesquelles il exécute des tissus imprimés pour la décoration et pour la haute couture.

Claude Jumelet (1946- ) Ancien élève de l'Ecole Estienne. Graveur taille-doucier très récompensé, maître-graveur à l'Imprimerie des Timbres-poste de Périgueux. Membre d'Art du timbre gravé.

Jacky Larrivière (1946- ) Idem ci-dessus.

L'utilisation de nouveaux matériaux et de nouveaux procédés[9], notamment dans les œuvres de Jean Fautrier, Raoul Ubac, Johnny Friedlaender, Stanley Hayter, Henri-Georges Adam, Roger Vieillard, Marcel Fiorini, Louttre.B ou Pierre Courtin, libère la gravure de toute subordination au dessin ou à la peinture et, l'engageant dans la reconnaissance de ses moyens spécifiques, assure l'entière autonomie de son expression.

La gravure contemporaine en France

Les ateliers de gravure, comme celui de Stanley William Hayter (Atelier 17), de Joëlle Serve (atelier 63), de tirage comme l'atelier Lacourière-Frélaut vont participer au renouveau de la gravure. Philippe Mohlitz ou Érik Desmazières remettent à l'honneur le burin, Mario Avati la manière noire, Philippe Favier la pointe sèche, et de nombreux artistes jeunes et moins jeunes s'intéressent à la gravure pour la variété des techniques et leurs multiples combinaisons. Un débouché existe dans la gravure en taille-douce de certains timbres-poste avec les anciens élèves issus de l'Ecole Estienne groupés dans l'association Art du timbre gravé.

La gravure au cinéma

Notes

  1. André Béguin, Dictionnaire technique de l'estampe, Bruxelles,
  2. Paoluzzi, Encyclopaedia Universalis...
  3. Le terme pose problème à deux niveaux :
    • ce n'est pas une « gravure » au sens premier, dans la mesure où on n'intervient pas sur le relief du support en creusant avec des outils appropriés, mais on dessine directement sur le support, la présence de l'encre d'impression étant déterminée par un principe physique simple. Toutefois, on utilise couramment le terme générique de « gravure » ;
    • on trouve le terme gravure en à-plat dans l'Encyclopaedia Universalis, dans le livre de M.C. Paoluzzi (p.23) ; par contre A.Béguin et MSN Encarta parlent d'impression à plat, et de gravure à plat pour MSN Encarta (qui inclut la sérigraphie) ainsi que la majorité des sites sur Google. Sur ces derniers, le terme est utilisé sans références.
  4. Du nom de l'imprimeur Jules Protat, collectionneur, habitant Mâcon au XIXe s. (F. Courboin, 1923) ; cette œuvre se trouve désormais conservée à la BNF, Cabinet des estampes.
  5. in L. Lieure, L'École française de gravure, La renaissance du Livre, Paris, 1928.
  6. a b c d e f g h i j k l et m Maria Cristina Paoluzzi : La Gravure, Solar, 2004.
  7. On lui doit par exemple La Fontaine de Jouvence, burin, 23,4 x 31,4 cm, visible au Musée du Louvre (source : Grande Galerie - Le Journal du Louvre, juin/juillet/août 2011, n°16).
  8. cf. Max Lehrs, Geschichte und kritischer Katalog des deutschen, niederländischen und französischen Kupferstiches im 15 Jahrhundert, 1910 et Max Geisberg
  9. a et b à préciser
  10. Selon Vasari dans ses Vies.
  11. Terme employé par E. Kollof dans son essai sur B. Baldini.
  12. Selon R. Kisch, le premier usager du monotype serait le Flamand A. Sallaert (c. 1590-1650). « Le monotype sur fond noir est obtenu en encrant une plaque non gravée, puis en traçant le dessin avec un instrument pointu ou une plume dure avant le passage sous presse. le monotype sur fond blanc est créé en inversant le processus », M.C. Paoluzzi.
  13. A. Bosse : Traité des manières de graver en taille-douce sur l'airain par le moyen des eauxs fortes et des vernix durs et mols, Paris, 1644, avec privilège du roy.
  14. Au lieu de graver le bois dans le sens habituel, en devant donc lutter contre le fil du bois, on travaille sur du bois dur (buis, fruitiers) coupé perpendiculairement au sens des fibres.
  15. « Sur une plaque de verre recouverte d'un vernis noir, l'artiste grave à l'aide d'un instrument pointu avant de placer la plaque contre une feuille de papier sensibilisé (de type papier photographique) ; la lumière filtre là où le graveur a creusé avec la pointe formant ainsi une image en négatif », M.C. Paoluzzi.
  16. Charles Baudelaire : L'eau-forte est à la mode, 1860.
  17. FRBNF38643332.

Annexes

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Bibliographie

  • J. Adhémar, La Gravure des origines à nos jours, Paris, Somogy, 1979
  • A. Béguin, Dictionnaire technique de l'estampe, t.A-F,G-l, M-Z, Bruxelles, 1977
  • J-E. Bersier, La Gravure, Paris, Berger-Levrault, 1976
  • Rémi Blachon, La Gravure sur bois au XIXe siècle, l'âge du bois debout, Paris, Les éditions de l'Amateur, 2001 (ISBN 2-85917-332-3)
  • A. Bosse, Traité des manières de graver en taille-douce, Paris, 1645
  • Diderot et d'Alembert, Encyclopédie, article « Imprimerie en taille-douce », 1751-1780
  • (en) A. M. Hind, A History of Engraving and Echting, Londres, 1923
  • A.Krejca, Les Techniques de la gravure, Gründ, 1983
  • J. Lieure, L'École française de gravure, XVIIe siècle, Paris, La Renaissance du livre, sd.
  • M. Melot, A. Griffiths, R.S Field, A. Béguin, L'estampe, Skira,1981
  • (it) G. Mariani, La tecniche calcografiche di incisione diretta, Rome, 2001
  • M. C. Paoluzzi, La Gravure, Solar, 2004
  • Heinrich Rumpel, La Gravure sur bois, Genève, Éditions de Bonvent, 1972
  • Nicole Rigal, préface Jean Grosjean, Cours de Gravure, Editions De Vecchi, 1997-2003

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