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Marcel Degliame

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Marcel Degliame (alias Fouché, Dormoy, Addition), né le à La Cassine (Ardennes) et mort le à Sennevières (Indre-et-Loire)[1], est un ouvrier, un syndicaliste, un résistant français, Compagnon de la Libération, un historien de la Résistance, un administrateur de théâtre, un producteur de film et un ami de Boris Vian et Jacques Prévert.

Premières années et syndicalisme

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Il est né le , à La Cassine (Ardennes), d'un père bûcheron et d'une mère couturière[2]. Il est le dernier des sept enfants du couple. En , au déclenchement de la Première Guerre mondiale, il a 18 mois quand son père mobilisé est envoyé au front. Face à l'invasion des troupes allemandes, sa mère, restée seule, décide de fuir avec ses enfants. Elle arrive dans l'Aube où son mari, démobilisé en raison de sa situation de responsable de famille nombreuse, vient la rejoindre. La guerre terminée, la famille s'installe définitivement à Vendeuvre-sur-Barse, près de Troyes.

Marcel Degliame, certificat d'études en poche, entreprend un apprentissage en ébénisterie malgré l'insistance de son père et de l'instituteur du village[3] qui souhaitaient lui faire poursuivre ses études au collège de Bar-sur-Aube. Trois ans plus tard, à 17 ans, son apprentissage terminé, il quitte ses parents pour s'installer à Troyes. Ne tr[3]ouvant pas de travail comme ébéniste, il se fait embaucher comme ouvrier bonnetier dans une usine de textiles fabriquant des sous-vêtements[3]. A Troyes, après la grande manifestation du 1er mai 1928[4], il adhère à la CGTU ainsi qu'au Parti communiste français (PCF). Il milite activement dans le mouvement syndical tout en suivant des ateliers de formation que dispense le PCF à ses adhérents.

Au début 1933, il part à Paris rejoindre son frère aîné Jean qui, lui, travaille comme ouvrier carrossier au sein des usines automobiles Renault à Boulogne-Billancourt. Il trouve du travail dans une petite bonneterie artisanale de Boulogne et milite alors au sein de la fédération nationale des ouvriers du textile de la région parisienne. A la fin de l'année 1933, il effectue son service militaire au 1er BCP (bataillon de chasseurs à pied) de Strasbourg. Démobilisé fin 1935, il reprend ses activités syndicales et s'inscrit à l'université ouvrière fondée par Henri Barbusse pour y suivre des cours d'économie politique, de philosophie et d'histoire du monde ouvrier. En janvier 1936, il est engagé et appointé par l'Union des syndicats du textile de la région parisienne en qualité de secrétaire permanent. Ses nouvelles responsabilités le conduisent à participer à de nombreuses activités de luttes qui aboutiront à la victoire du Front Populaire en mai-juin 1936. A cette occasion, il organise de grands rassemblements des ouvriers au sein des usines textiles. Cette même année, Jacques Prévert ayant créé le "Groupe Octobre" désire monter des spectacles dans les usines occupées par les ouvriers en grève. Il s'adresse aux responsables de la CGT afin d'y trouver des acteurs occasionnels. C'est ainsi que Marcel Degliame fera sa connaissance et connaîtra une amitié durable. Il créé une commission d'études qui serviront de bases aux négociations pour la mise en place des conventions collectives nationales par branches professionnelles signées lors des Accords Matignon du 8 juin 1936[5].

Il fait la connaissance de Berthe Goutverg, issue d'une famille juive et communiste de petits commerçants et artisans parisiens. Elle-même est une militante communiste au sein de l'Union des jeunes filles de France, fondée par Danielle Casanova. Ils se marient le à Paris. De cette union, nait en 1942, une fille, Claude Degliame-Rabeux. lors de la grève générale du 30 novembre 1938, il est arrêté pour entrave à la liberté du travail. Condamné à deux mois de prison, il purge sa peine à la prison de la Santé. Au début de 1939, le bureau de la CGT le désigne pour organiser et diriger un centre d'accueil à l'intention des enfants des Républicains espagnols réfugiés en France. Installé à La Couarde-en-Ré, ce centre est un organisme créé par le Front populaire et patronné par la CGT qui fait partie des "Vacances populaires enfantines". Il accueille 800 enfants, 200 orphelins, victimes de la Guerre d'Espagne. Marcel Degliame en assume la direction jusqu'à la date de sa mobilisation en septembre 1939.

Les années de guerre et l'évasion

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Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, il est mobilisé à Saverne (Bas-Thin). Il est affecté à un bataillon en formation dans l'infanterie. Il est secrétaire du commandant. Alors que son bataillon se trouve en garnison à Montcornet (Aisne), il est frappé d'une attaque de poliomyélite qui entraîne une paralysie de sa jambe gauche. Il est d'abord envoyé à l'hôpital militaire de Rethel (Ardennes) puis dirigé vers l'hôpital de la Cité universitaire à Paris. Après plusieurs mois d'hospitalisation, en plein exode de juin 1940, il est dirigé vers le dépôt d'Epinal pour y passer un conseil de réforme. Au cours du repli, tout son bataillon est fait prisonnier à Fougerolles (Haute-Saône). En août 1940, il est d'abord transféré dans un stalag en Allemagne[3].

Le 15 septembre 1940, en compagnie d'un de ses camarades, Georges Klar, il fait une première tentative d'évasion. Ils sont repris cinq jours plus tard à la frontière de Bohême-Moravie. Transférés dans les Sudètes, à Teplice, ils réussissent une seconde tentative d'évasion, en . Ils traversent la Tchécoslovaquie, les montagnes des Carpates, et parviennent à gagner Budapest. Là, après avoir demandé asile à l'ambassade de l'URSS puis des Etats-Unis, ils sont accueillis par l'ambassade de France, hostile au régime de Vichy. Ils reprennent leur évasion mais disposent désormais de passeports diplomatiques[3]. partis de Budapest, ils traversent la Roumanie, la Turquie et arrivent en Syrie et poursuivent leur route, depuis Alep, jusqu'à Beyrouth. Là, ils refusent d'être enrôlés dans les forces françaises fidèles au régime de Vichy, commandées par le général Dentz. Grâce à la complicité d'amis gaullistes arrivés de Budapest, ils se font hospitaliser pour ne pas avoir à se battre contre les Alliés[3].

Le 10 juillet 1941, Beyrouth est prise par la 1ère division française Libre et les troupes britanniques. Lors des installations des autorités militaires gaullistes à Beyrouth, Marcel Degliame rencontre Jacques Lassaigne, responsable de l'information et de la propagande pour la France libre au Moyen-Orient. Ce dernier l'encourage à rentrer en France pour organiser la résistance dans les milieux syndicaux. Degliame s'engage alors dans les FFL et, rapatrié en France sur le bateau-hôpital Canada, il débarque à Marseille en août 1941.

Degliame s'installe à Antibes où sa femme l'a rejoint. Il décide de prendre contact avec Claude Bourdet[6][4], qui habite Vence, et pour lequel Jacques Lassaigne lui a remis une lettre d'introduction[7].

La Résistance

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Sa rencontre avec Claude Bourdet est décisive car celui-ci participe déjà à l'organisation de résistance créé par Henri Frenay qui deviendra le mouvement de résistance Combat[8]. C'est ainsi que Degliame entre à Combat. Il est chargé de la diffusion du journal du mouvement de résistance dans la zone Marseille-Nice[6] et il en devient rapidement l'un des plus importants responsables, notamment chargé de l'organisation, du recrutement et de la propagande. En , il échappe à la police française une première fois ce qui l'oblige à entrer dans la clandestinité. Il exerce alors, à Ampus (Var) un travail de bûcheron qui lui procure une bonne couverture. Au retour d'une tournée clandestine, il est arrêté à Draguignan par la police de Vichy. Il réussit à s'échapper[6].

Bourdet le présente à Henri Frenay qui décide de son installation à Lyon. En juillet 1942, il est chargé de mettre en place l'action ouvrière de Combat (AO). Il travaille à l'édition de journaux et de tracts avec André Bollier. Il fonde des groupes de sabotage dans les usines travaillant pour les Allemands[7], puis de groupes de sabotages ferroviaires. Il est un des cadres des Mouvements Unis de Résistance (MUR), nés de la fusion entre les trois grands mouvements de Résistance de zone Sud : Combat, Franc-Tireur et Libération-Sud. Ainsi en contact avec les autres mouvements de la Résistance, et utilisant ses liens avec le mouvement communiste, il participe à la constitution des Forces françaises de l'intérieur (FFI). Il représente Combat au sein du Conseil national de la Résistance (CNR)[7], y remplaçant Claude Bourdet arrêté par la Gestapo[8]. En , le général Koenig l'élève, depuis Londres mais en accord avec le délégué militaire pour la zone sud, Maurice Bourgès-Maunoury, au grade de lieutenant-colonel. Sous les surnoms de Fouché et parfois de Dormoy, il parcourt le territoire français en tous sens jusqu'au débarquement allié[9], puis participe à la libération de Lyon où il prend une part déterminante[7].

Après-guerre

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Il est fait compagnon de la Libération en . Il est délégué à l'Assemblée consultative provisoire et secrétaire de la commission de la défense. À ce titre, il s'occupe de l'intégration des FFI dans la 1re armée commandée par le général de Lattre de Tassigny. Puis, jusqu'en 1948, il est gouverneur militaire du district de Constance, dans le cadre de la mission d'occupation de cette région de l'Allemagne confiée aux troupes françaises[7].

Après la guerre, il fait carrière aux usines d'aviation de la SNECMA. En , il se remarie avec Jeanne Marie Eugénie Andrieu. En 1952, Marcel Degliame quitte sans éclat le Parti communiste français. De 1951 à 1956, il devient administrateur et codirecteur du Théâtre de Babylone. Il y fréquente de jeunes artistes, dont Jean-Marie Serreau, Michel Piccoli et Éléonore Hirt, et y fait la connaissance en de Boris Vian. Ils deviennent très proches, Boris Vian ayant une affection et une estime particulière pour celui qu'il surnomme «Frère Marcel»[10], malgré leur différence de parcours : « Boris ne possédait que de vagues notions politiques. Il n'avait fait aucune lecture dans ce domaine » témoignera ainsi Marcel Degliame[11].

Il crée ensuite une société de production de films, Les Films d'Aujourd'hui, assurant notamment la production de films de Pierre Kast : Le Bel Âge[12]... Il entre à l'ORTF et y travaille au service des coproductions[13]. Il y suit notamment la réalisation du film Le Chagrin et la Pitié, dans lequel il témoigne, même si la télévision française refuse en définitive d'acheter les droits du film. Il se remarie une troisième fois le , au milieu des vignobles bourguignons, à Pernand-Vergelesses, avec Jeannine Manuel[14]. À partir de la fin des années 1960, il rédige en collaboration avec Henri Noguères et, pour les deux premiers volumes, Jean-Louis Vigier, une histoire de la Résistance qui fait référence, plusieurs décennies après les faits, mais alors que les principaux intervenants sont encore vivants[15],[16],[17].

Il prend sa retraite dans une maison de campagne située à Sennevières, accompagnée de sa femme Jeannine. Il y partage son temps entre l'écriture et des travaux de menuiserie et de jardinage[8]. Marcel Degliame décède en à Loches. Il est incinéré à Esvres-sur-Indre[7].

Publications

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Distinctions

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Références

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  1. « matchID - Moteur de recherche des décès », sur deces.matchid.io (consulté le )
  2. a et b « Marcel DEGLIAME », sur Musée de l'Ordre de la Libération (consulté le )
  3. a b c d e et f François Billetdoux, « "Le Retour d'Ulysse" », ORTF,‎
  4. a et b Le Monde 1989.
  5. Barbe 2013, p. 56-60.
  6. a b et c Barbe 2013, p. 57.
  7. a b c d e et f Site de l'Ordre de la Libération
  8. a b et c Bourdet 1989.
  9. Barbe 2013, p. 58.
  10. Marchand 2009.
  11. Boggio 1993, p. 145.
  12. « Marcel Degliame », sur Unifrance Films International
  13. Barbe 2013, p. 59.
  14. Barbe 2013, p. 60.
  15. a et b Duhamel 1967.
  16. a et b Théolleyre 1976.
  17. a et b Roussel 1982.
  18. Gillet 1973.

Bibliographie

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  • Marie-France Barbe, « Une figure originaire de La Cassine, Marcel Degliame », Le Petit Cassinois, no 38,‎ , p. 56-64.
  • Michel Fratissier, Jean Moulin ou la fabrique d'un héros, Éditions L'Harmattan, , 755 p., p. 165, 516, 705.
  • Valère-Marie Marchand, Boris Vian, le sourire créateur, Éditions Écriture, , 500 p. (lire en ligne).
  • Maurice Kriegel-Valrimont, Mémoires rebelles, Éditions Odile Jacob, , 264 p., p. 39, 42, 51-53, 87-89, 214.
  • Marc Lapprand, Boris Vian, la vie contre, Presses de l'Université d'Ottawa, , 138, 145, 224.
  • Bruno Permezel, Résistants à Lyon, Éditions BGA Permezel, , 556 p., p. 151.
  • Philippe Boggio, Boris Vian, Flammarion,

Articles de journaux

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Liens externes

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