Histoire des agences de presse

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L'histoire des agences de presse a été marquée, depuis près de deux siècles, par une succession d'innovations technologiques et de bouleversements politiques qui ont transformé le paysage dans ce secteur.

Avant le télégraphe

Une presse d’opinion en Angleterre, France et Etats-Unis, et ailleurs la censure

Les années 1830 et les années 1840 voient la création de milliers de journaux en Angleterre, en France et aux États-Unis, les trois pays où émerge une forme de démocratie. En Russie, en Allemagne, en Autriche ou en Italie, le nombre de journaux reste limité par la censure.

En Angleterre, France et aux États-Unis, la plupart des publications sont des journaux d’opinions, à tirages limités, qui n’ont pas les moyens d’assurer une couverture de l’actualité internationale, ou de s’abonner à un prestataire. Le succès du quotidien britannique The Times est un exemple, mais son rayonnement est tel qu'aucun autre journal n'ose le concurrencer.

L'intérêt pour l'actualité internationale sera ensuite stimulé par la colonisation en Asie et en Afrique, qui prendra son ampleur lors de la forte croissance économique mondiale des années 1850.

Charles Louis Havas, au service de l'Etat français

Charles Louis Havas créé la première Agence de presse en 1832 à Paris, profitant de la place centrale de la France dans une Europe en pleine croissance économique et de l'aide de son gouvernement. Germanophone et anglophone, il est aidé par sa femme, portugaise et hispanophone, rencontrée au Portugal, où il a travaillé comme négociant, avant de devenir l'informateur en chef de Gabriel-Julien Ouvrard, le fournisseur des campagnes napoléoniennes.

Charles Louis Havas a l’art de tisser des relations avec les gouvernements successifs, pour les convaincre de remplacer les bulletins de liaisons officiels par le sien, permettant aux pouvoirs publics de contrôler ainsi directement la presse. Les administrations sont les principaux clients des bulletins qu'il diffuse, comme le dénonce Balzac dans un pamphlet, mais il commence à toucher aussi la presse dans les années 1840 lorsque se développe la publicité, dont il devient un fournisseur.

Aux Etats-Unis, les premières mutualisations des coûts

Ce sont les quotidiens de la côte ouest américaine, censés apporter de l’information fraîche aux immigrés à chaque arrivée de navire européen, qui vont faire les premiers efforts de mutualisation des coûts et créer pour cela la première véritable agence de presse: l'Associated Press.

L'objectif est de partager entre les journaux membres le coût de l’entretien de petits bateaux permettant d’aller régulièrement à la rencontre de ces gros navires venus d'Europe, avant leur arrivée dans les ports, pour gagner quelques heures voire une journée. Cette technique est développée dès 1828 par Gerard Hallock, Arthur Tappan, les frères Morse, et David Hale, les fondateurs du Journal of Commerce.

Le sous-développement du réseau de transport amène à créer aussi des systèmes de pony-express, d’un grand port à l’autre, tel que le Pony Express New York - Philadelphie, imaginé en 1833 par Gerard Hallock pour amener à New York, le grand port en pleine expansion, les nouvelles de la nouvelle capitale fédérale Philadelphie. Le gouvernement américain récupère ce système, mais en 1840, le concurrent James Gordon Bennett, du New York Herald, lance un système de pony express avec pigeons voyageurs entre New York et Albany pour les messages du gouverneur.

En juillet 1840, le premier navire à vapeur de la Cunard, le Britannia, ouvre un service régulier avec des navires à vapeur pour les passagers et les cargaisons, entre Liverpool et Boston. Gerard Hallock va alors lancer une troisième idée, le Poney express de Nouvelle-Ecosse reposant sur l'association entre télégraphe et cheval et débouchant sur la création en 1848 de la New York Associated Press, ancêtre de l'Associated Press.

Deuxième partie du XIXe siècle, télégraphe s'installe mais reste hors de prix

Jusqu’au début des années 1880, le télégraphe reste totalement hors de prix. Les lignes sont le plus souvent des monopoles, privés ou publics, ce qui limite fortement la possibilité de transmettre des contenus entiers pour les journaux. Ce sont les nouvelles urgentes, plus ou moins fiables, documentées ou vérifiées qui s’imposent d’une ville à l’autre.

L’Agence Havas française est tout d'abord avantagée par cette pénurie de communications. Elle profite de sa position centrale en Europe, où ses réseaux d’informateurs et clients passent par les voies plus classiques (cheval, pigeon voyageur, télégraphe optique). Du coup, elle tardera à innover, sous la pression des agences anglaises, américaines et allemandes.

1848, les systèmes combinés à l’origine d’Associated Press et Reuters

L’apparition, dans la deuxième partie des années 1840, de liaisons télégraphiques électriques opérationnelles, sur courtes distances, permet le plus souvent de compléter d’autres liaisons, en les combinant entre elles. C'est le cas de l'association "télégraphe-pigeons" qu’organise Paul Julius Reuter à Aix-la Chapelle en 1849, avant de profiter en 1851 du premier câble télégraphique sous-marin, entre la France et l'Angleterre.

L'Associated Press est créé en 1848 pour partager entre six quotidiens new-Yorkais le coût du Pony express de Nouvelle-Écosse. Il relie, par un relais de cavaliers, le port de Halifax au terminus de la première ligne télégraphique américaine, afin de gagner plus d’une journée sur l’acheminement des nouvelles d’Europe.

La Guerre de Sécession

Après le Cartel des agences de presse créé en 1859, la Guerre de Sécession fait prendre conscience aux gouvernements de l’avantage qu’offre un système de transmission rapide des nouvelles via les lignes télégraphiques, tandis que l'Europe s'enthousiasme pour le premier câble transatlantique.

A l'avantage de voir coordonnées et rédigées les nouvelles par une agence de presse s'ajoute l'enjeu de la bataille qui oppose sur le sol américain la New York Associated Press et la Western Associated Press: la seconde est créé dès 1862 par des journaux se plaignant que la première les ait désavantagés pendant la Guerre de Sécession.

En Angleterre, jusqu'à leur nationalisation en 1868-1869, les compagnies privées bâtissent intégralement les premières étapes du réseau télégraphique. C'est le plus développé au monde, car les anglais lisent beaucoup plus la presse que les autres nations: dès 1854, plus de 120 journaux de province anglais sont abonnés aux services télégraphiques de presse et ils profitent dès 1863 de la concurrence entre deux (puis trois) agences de presse.

En 1859, l’une des compagnies télégraphiques a le monopole de la distribution des dépêches Reuters, ce qui déclenche la colère des journaux, puis la création de deux concurrents :

  • en 1863 la Central Press, agence de presse anglaise, fondée par britannique William Saunders (journaliste) (1823 – 1895).
  • en 1868 l'agence Press Association à Londres, une coopérative de quotidiens anglais[1].

Entre-temps, Reuters entre en Bourse en 1965, l'année qui voir l’Agence Continentale allemande, appelée aussi Agence Wolff, se constituer en une société anonyme, sous l'égide d'un financier proche de Bismarck, désormais sous l'emprise du gouvernement allemand. Elle s'allie en 1869 avec la Western Associated Press, ce qui amène la New York Associated Press à réagir, par la signature le 29 juillet 1875 du Traité quadripartite des agences de presse entre 4 agences : l'Associated Press, l'Agence Havas, Reuters et l'Agence Continentale allemande. C'est une première brèche dans le Cartel des agences de presse, qui avait créé en 1859 pour faire face au coût élevé des liaisons télégraphiques: deux agences américaines se partagent un même territoire, tandis que les possibilités de transmission internationale ont progressé aussi vers l'Asie, avec les câbles arrivés jusqu'à Tokyo et Sidney.

Années 1880, la presse et le télégraphe se démocratisent

En France, le marché de la presse et de l'actualité internationale se développe beaucoup plus tard qu'en Angleterre: "la généralisation, dans les quotidiens, de dépêches télégraphiques ne commence que vers 1878 pour les informations françaises et de 1884 pour les informations internationales[2]". En 1877, sur les 118 507 kilomètres du réseau mondial de télégraphie, plus de 80%, soit 103 068 kilomètres, sont encore anglais, malgré l'expansion du réseau américain.

Dans le but de faire diminuer les prix en France, les Lois sur le télégraphe de 1878, qui s'accompagnent de la suppression d'une taxe-timbre sur les journaux, s'inspirent de l'exemple anglais du Telegraph Act de 1869. Cette réforme, de même que la loi de 1881 sur la liberté de la presse, est obtenue au forceps par la petite presse, terme générique utilisé pour définir les quotidiens populaires à un sou (cinq centimes), qui fleurissent au même moment à Paris et en Province: dès 1878 le Petit Lyonnais tire à 120 000 exemplaires face à 5 concurrents.

Aux États-Unis, les nombreux quotidiens sont en avance pour l’utilisation de dépêches télégraphiques. Leur forte demande, qui continue à croître, est un motif pour créer de nouvelles compagnies de télégraphe.

Le paysage américain des infrastructures télégraphiques est bouleversé au début des années 1880: il y a désormais trois sociétés rivales, qui font chuter de moitié le coût des transmissions:

Côté utilisateurs, c'est la création en 1882 de l’United Press (association), concurrente de la New York Associated Press et de la Western Associated Press, à l’instigation de l’Empire de presse Scripps-Howard, qui lance des quotidiens du soir, bon marchés et ouverts à l’actualité internationale.

Tournant du siècle : politisation des européennes, expansion des américaines

L'Agence Continentale allemande s'est vue reprocher sa couverture de la très importante campagne électorale allemande de 1887, comme étant trop favorable au gouvernement de Bismarck. Du coup, les deux quotidiens français les plus tournés vers l'actualité internationale, Le Soleil et Le Temps se disent alors obligés d’envoyer à Berlin leurs propres correspondants pour couvrir l’événement. Deux mois après, l'Affaire Schnaebelé, incident diplomatique entre la France et l'Allemagne, du , lui attire de nouvelles critiques.

Entre 1887 et 1889, le chancelier allemand Bismarck s'efforce de "torpiller l'alliance existant entre les grandes agences" pour y substituer une "triple alliance télégraphique", regroupant les agences allemande, autrichienne et italienne, "qui échoue de peu"[3]. Ainsi, au cours de la dernière décennie du XIXe siècle, le président du conseil italien Francesco Crispi se fait le promoteur de la rupture avec Havas, accusée de propager des informations fausses ou tendancieuses, et d'encourager la politique étrangère de la France. Un accord d'échange mutuel est signé par l'Agence Stefani italienne avec son équivalent allemand, l'Agence Continentale, et avec l'agence autrichienne Telegraphen Korrespondantz Bureau ("Korbureau"), basée à Vienne. Les trois s'allient avec Reuters, de manière à permettre aux gouvernements de contrôler et censurer, si nécessaire, les nouvelles pour l'étranger.

Les années 1900 : montée en puissance rapide de l’Associated Press

L'agence américaine Associated Press, aiguillonnée par l’United Press (association) , est unifiée à partir de 1892. Elle se voit intimée en 1900 par la Justice américaine, via l’Arrêt Inter Ocean Publishing contre Associated Press, d’accepter tous les journaux américains qui souhaiteraient y adhérer, les magistrats estimant qu'il en relève de l'intérêt général. Sa stratégie est alors poussée vers la conquête de nouveaux journaux et de nouveaux clients, sans pourvoir arbitrer en faveur des uns ou des autres, ce qui permet de mutualiser les dépenses d'expansion entre un plus grand nombre de journaux membres.

Entre 1901 et 1903, l’Associated Press profite de la forte croissance de l’industrie des médias aux États-Unis pour installer quatre bureaux en Europe, à Londres, Berlin, Rome, Paris alors qu'elle ne disposait jusque là que d'un correspondant à Londres. En 1910, l’AP a 800 journaux américains adhérents et un chiffre d’affaires de 2,7 millions de dollars[4]. Le résultat de ce succès de l’ l’Associated Press, qui suscite des jalousies aux États-Unis, est la création en 1907 de l’United Press (association) par l’Empire de presse Scripps-Howard, puis en 1909 de l’International News Service par le groupe Hearst.

Si le marché mondial de l’information progresse très vite, la part des agences européennes diminue progressivement, même si leur rentabilité est dopée par la croissance du marché. Face à cette situation, Reuters, dont les réserves accumulées sont passées de 30000 sterling à 100000 sterling entre 1900 et 1910 a décidé de créer la Reuters Bank, transformée en 1912 en British Commercial Bank avec 500000 sterling de capital payable en actions de 10 sterling ou en actions Reuters[4].

L'Europe victime de la censure de la guerre de 14-18

Les quatre agences de presse européennes sont les grandes victimes de de la guerre de 14-18, qui les voient se compromettre, ou tomber sous le joug de la censure. Dans le camp des vaincus de la guerre, les agences de presse autrichienne et l'allemande sont démantelées après le conflit militaire. Les agences de presse française et anglaise ont pour leur part vu leur prestige gravement entachée par la censure. C'est tout particulièrement le cas de Reuters, qui est en partie décrédibilisée dans tous les pays du Commonwealth.

L’entre-deux guerres : montée des radios, des agences d’État et des américaines

L’entre-deux guerres est marqué par une révolution: les progrès fulgurants dans la TSF permettent de contourner le réseau télégraphique, ce qui rend ce partage du monde intenable. L'Allemagne, qui a perdu son Agence Continentale, se sert massivement de la radio.

Autre évolution, la nouvelle montée en puissance des trois agences américaines, Associated Press, INS et UPI, qui pénètrent un peu plus en Europe et surtout en Asie, sur les terres de Reuters, parfois grâce à la radio. Leur irruption oblige les agences européennes et AP à renoncer à leur partage du monde, lors de l’Accord du 26 août 1927 sur l'information. Le cartel des agences est définitivement enterré. L'agence autrichienne est démantelée et ses ses territoires partagés. L'Agence Havas française résiste plutôt mieux que Reuters, grâce à son importante filiale de publicité financière, la Bourse de Paris vivant la plus forte activité de toute son histoire. Mais après le krach de 1929, c'est Reuters qui résiste mieux, après avoir pris acte de la création d'agences nationales dans le monde anglophone et tenté de répondre à la perte de ces anciens territoires.

Troisième tendance de fond, la création de nombreuses agences nationales après la guerre, désormais au nombre de 12:

L’après-Guerre

Les conséquences de la décolonisation

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Agence Tass soviétique règne sur un empire élargi, le « bloc communiste », où l’information est centralisée et très contrôlée. De nombreux états ont par ailleurs créé leur propre agence nationale d’information pendant la guerre. Pour certains, c'est la conséquence du conflit, comme en France, où l'Histoire de l'Agence d'information Havas s'est achevée par la décision de la nationaliser, pour cause de collaboration. Dès le début des années 1950, cette nouvelleAgence France-Presse est cependant concurrencée en Amérique du Sud par l'United Press américaine et en France par l'Agence Centrale de presse.

Les débuts de la décolonisation font ensuite émerger des revendications tiers-mondistes, souvent brandies par des révolutions marxistes. À Cuba, l'Agence de presse Latin est créée le 9 avril 1959 sous l'impulsion de Ernesto Che Guevara pour parler de l'Amérique latine aux Latino-Américains, puis s'est voulue "la voix du tiers-monde". Mais son caractère militant et politisé ruinent ses efforts pour devenir une agence mondiale. Son projet est repris en 1975 par l'Agence commune des pays non alignés (NANAP, en anglais), dirigée, financée et soutenue par l'Agence Tanjug de Yougoslavie. Transformée en système de coopération entre les agences de presse des pays non alignés, elle se maintient jusqu'au milieu des années 1990, sans avoir réussi de véritable percée commerciale.

Le processus de décolonisation qui s’affirme lors de la Guerre d’Algérie amène les agences de presse à réfléchir sur leur modèle économique et de gouvernance. C’est le virage principal de l’Histoire de l'Agence France-Presse de 1944 à 2011, qui tente alors de couvrir la Guerre d’Algérie de façon la plus neutre et la plus factuelle possible, des deux côtés du conflit, en recourant en particulier à la photographie. Jean Marin, le directeur de l'AFP milite pour un statut protégeant durablement cet effort de neutralité. Trente ans après que la Press Association britannique, fédérant les journaux régionaux anglais, ait pris en 1925 la majorité du capital de Reuters, un schéma du même type est retenu pour l'AFP, s'inspirant du Reuters Trust. Dans la nuit du 28 décembre 1956, l'Assemblée nationale française vote à l’unanimité la loi donnant un statut d'indépendance et de neutralité à l'AFP. L'AFP ouvre un bureau à Pékin en 1958, puis d'autres en Asie. Le service en langue arabe lancé le permet d'ouvrir progressivement de nouveaux bureaux.

Années 1950: Reuters se développe dans l'économie

Après la seconde guerre mondiale, Reuters traverse des difficultés financières et acquiert la réputation de très mal payer ses cadres et journalistes, en particulier ceux qui suivent l'économie et la finance, disciplines considérées comme moins prestigieuses[7]. Pour une bouchée de pain, Reuters récupère en 1944 le Comtelburo, petite agence latino américaine spécialiste des matières premières qu'elle développe progressivement. En Thaïlande, l'agence gagne de l'argent par le suivi inventif du marché du caoutchouc[7], selon le témoignage de Michael Nelson, qui est successivement en poste en Thaïlande, à Ceylan, au Pakistan, à Singapour puis en Malaisie. A Londres, Alfred Geiringer, un ex journaliste des quotidiens News Chronicle, Daily Telegraph, New York Times et Daily Herald[8], prend la direction des services d'information commerciale, encore en difficulté en 1952[7], puis du Comtelburo en 1953. Il forme des jeunes à la diffusion de cours et cotations. En 1959, il créé le "Universal News Services", qui permet de diffuser des communiqués d'entreprises, identifiés comme tels et contre rémunération, au sein du fil d'informations.

Le bénéfice du Comtelburo double entre 1950 et 1959, pour atteindre 143000 sterling. Cette année-là, les ventes du Comtelburo représentent à elles seules le tiers du chiffre d'affaires de Reuters[9].

Années 1960: Reuters perce dans la finance

Reuters a anticipé l'évolution technologique dès les années 1960 en lançant des produits destinés aux marchés financiers américains, comme le Stockmaster. Sa croissance réussie dans les matières premières au cours de la décennie précédente amène Reuters à s'intéresser à la finance. En 1962, le chef de l'économie chez Reuters, Michael Nelson, entend parler de spéculations sur les innovations technologiques de l'ingénieur Jack Scantlin son nouveau service Quotron, qui offre les cours de Bourse sur un mini-boitier électronique. Après avoir tenté, sans succès, de négocier avec lui un accord commercial à New York, Reuters noue un partenariat en 1963 avec Ultronics Systems, qui commercialise un produit équivalent, le Stockmaster. Ce nouveau marché amène Reuters à s'informatiser : Gerald Long, le directeur général nommé en 1963, place à la tête d'un nouveau service informatique Glen Renfrew, qui lui succédera en 1981 comme patron de l'agence. En 1967, Reuters rompt ses contrats avec Associated Press et Dow Jones, pour développer ses propres réseaux d'information économique et financière aux Etats-Unis[10].

Le 3 avril 1968, l'indice Dow Jones s'envole à Wall Street après un scoop de Reuters : le Front national de libération du Sud Viêt Nam se déclare prêt à négocier avec Washington. Son représentant l'a dit à l'antenne d'une radio écoutée par Reuters à Singapour. L'agence Dow Jones Newswires l'annonce à son tour, avec 21 minutes de retard. Reuters commande une publicité dans le Wall Street Journal, avec un gros titre : « Vietcong willing to talk and it takes Wall Street 21 minutes to find out ». Elle gagne 40 nouveaux clients à Wall Street en deux semaines[11]. Son chiffre d'affaires, dopé par le Stockmaster, est multiplié par 16 entre 1965 et 1980 et l'agence, toujours sous statut coopératif, affiche progressivement des bénéfices élevés: 1,1 million de sterling dès 1975 contre une perte de 57000 sterling (1,4 % du chiffre d'affaires) en 1964.

Après les chocs pétroliers, nouveaux acteurs dans l'information financière, disparition de UPI

Les chocs pétroliers des années 1970 entrainent un développement des marchés financiers, qui profite aux spécialistes de l'information financières. C'est d'abord Dow Jones Newswires, qui bénéficie d'une forte croissance puis s'allie avec l'Associated Press. Puis la montée en puissance de Bloomberg, tout au long des années 1990, freine la croissance de Reuters et coupe l'herbe sous le pied à l'AFP qui avait lancé en 1991 la filiale d'informations financières AFX, en partenariat avec le Financial Times.

Deux des trois agences de presse américaine connaissent de graves difficultés avant de disparaître. C'est d'abord l'International News Service, obligée de fusionner avec UPI à la fin des années 1950. La société fusionnée fait elle-même faillite dans les années 1980. Sa quasi-disparition offre une bouffée d'oxygène aux autres agences mondiales et généralistes dans les années 1990.

Le succès de la presse magazine a suscité une autre concurrence pour les agences mondiales et généralistes, avec l'apparition d'une multitude d'agences de petite taille, couvrant de très nombreux domaines spécialisés.

L'AFP devient l'une des trois agences mondiales

Alors que deux des trois agences américaines sont disparu et que les agences nationales ou tiers-mondistes ont raté leur percée, l'effort de l'AFP pour se mettre aux canons de neutralité d'une agence mondiale et généraliste paie. En 1972, le scoop de Charles Biétry sur le drame de la Prise d'otages des Jeux olympiques de Munich amène plusieurs grands journaux américains à s'abonner. La proportion de l'international dans le chiffre d'affaires augmente de 50 % entre 1970 et 1986, pour atteindre presque 18 % du total. L'AFP comptait 59 bureaux situés "outre-mer" en 1957, dont 13 dans les anciennes colonies. Quarante ans après, elle a 112, presque deux fois plus[12]. Les trois agences mondiales ont chacune des importants départements photo, télévision et infographie, profitant de l'explosion du marché des sites internet et des chaines d'information en continue. De fait, elles évincent les agences spécialisées dans la photo du marché de l'actualité.

Chronologie des accords de partage du monde

Chronologie résumée des rapports de force

Bibliographie

  • "Un siècle de chasse aux nouvelles: de l'Agence d'information Havas à l'Agence France-presse (1835-1957)", par Pierre Frédérix – 1959 –
  • « Michael Palmer, Des petits journaux aux grandes agences. Naissance du journalisme moderne », Editions Aubier-Montaigne, 1983
  • « Structure, fonctionnement et évolution du marché international des nouvelles - Les agences de presse de 1835 à 1934 », par Jacques Wolff, dans "La Revue économique" (1991)
  • "The globalization of news", par Oliver Boyd-Barrett et Terhi Rantanen
  • "Media moguls", par Jeremy Tunstall et Michael Palmer
  • "Castro and stockmaster : A life in Reuters", par Michael Nelson, décembre 2011
  • "A LIFE IN REUTERS" par Sir Roderick Jones (1951)
  • "AFP, une histoire de l'Agence France-presse : 1944-1990", par Jean Huteau et Bernard Ullmann, Robert Laffont, 1992

Notes et références

  1. "Des petits journaux aux grandes agences", par Michaël Palmer, page 41 chez Aubier.
  2. "Des petits journaux aux grandes agences", par Michaël Palmer, page 40 chez Aubier
  3. « L'agence Havas et Bismark : l'échec de la Triple alliance télégraphique (1887-1889)», Revue d'Histoire Diplomatique, juillet-décembre 1976, par Michaël Palmer
  4. a et b Foreign Correspondence: The Great Reporters and Their Times, ar John Hohenberg, page 67 [1]
  5. a et b "Un siècle de chasse aux nouvelles: de l'Agence d'information Havas à l'Agence France-presse (1835-1957)", par Pierre Frédérix – 1959, page 342
  6. "Un siècle de chasse aux nouvelles: de l'Agence d'information Havas à l'Agence France-presse (1835-1957)", par Pierre Frédérix – 1959, page 343
  7. a b et c "Castro and Stockmaster", par Michael Nelson, page 24
  8. Biographie d'Afred Geirer à son décès
  9. "News revolution: political and economic decisions about global information", par Mark D. Alleyne, page 22 [2]
  10. "The power of news : the history of Reuters (1849-1989)" par Roland Read, fiche de lecture de Michaël Palmer dans la revue Réseaux en 1993, pages 174-178 [3]
  11. Castro and stockmaster: À life in Reuters, par Michael Nelson, décembre 2011
  12. "The globalization of news", par Oliver Boyd-Barrett et Terhi Rantanen, page 29

Articles connexes