La Terre promise (Lucky Luke)

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La Terre promise
121e histoire de la série Lucky Luke
Scénario Jul
Dessin Achdé
Genre(s) Franco-Belge
Aventure

Personnages principaux Lucky Luke

Éditeur Lucky Comics (Dargaud)
Collection Les Aventures de Lucky Luke d'après Morris
Première publication 2016
Nombre de pages 48
Albums de la série

La Terre promise est la cent vingt et unième histoire de la série Lucky Luke. Écrite par Jul, dessinée par Achdé, elle est publiée pour la première fois en album le [1] dans la collection Les Aventures de Lucky Luke d'après Morris, no 7.

Résumé[modifier | modifier le code]

En 1869[2], Lucky Luke doit escorter une famille de Juifs d'Europe de l'Est jusqu'au Grand Ouest[3],[4]. Son ami Jack-la-Poisse (de son vrai nom Jacob Stern)[4] lui a en effet demandé de s'occuper de ses parents auxquels il n'a pas osé avouer qu'il était cow-boy et qui le croient avocat à New York ! Il doit donc recevoir à Saint-Louis (Missouri), pour les amener jusqu'à Chelm City, dans le Montana où ils comptent s'installer chez un cousin[pas clair].

Le voyage sera mouvementé, avec cette famille composée de Moïshe, grand-père religieux obsédé du shabbat, sa femme Rachel, mamma décidée à gaver Lucky Luke de carpe farcie[4], sa petite-fille Hanna, fille prude qui cherche le mari idéal et son petit-fils Yankel, un petit garçon turbulent plus intéressé par le Far West que par sa bar-mitsvah. Sans compter les hors-la-loi, les joueurs de poker...

Caricatures et clins d'œil[modifier | modifier le code]

Comme c'est fréquemment le cas dans la série Lucky Luke, cet épisode est l'occasion de glisser maintes allusions et caricatures diverses[4]. Une partie d'entre elles sont répertoriées dans la liste ci-dessous, classées selon leur thématique :

Personnages caricaturés/mentionnés[modifier | modifier le code]

  • Le couple (de la première case, planche 8) représente les personnages d'un tableau américain célèbre American Gothic, du peintre Grant Wood.
  • L'enfant tirant la langue à l'employé du bureau d'immigration ressemble à Albert Einstein et porte son nom (planche 8, case 2). L'employé mentionne le nom et la mère mentionne le prénom. Une photographie célèbre montre le véritable Albert Einstein tirant la langue.
  • Le professeur Otto von Himbeergeist (déjà apparu dans La Guérison des Dalton) se dirige vers une ville appelée Analyst Gulch (pl. 8, case 3). Le personnage en arrière-plan ressemble également à Sigmund Freud.
  • Les Marx Brothers sont caricaturés en train de s'enfuir d'une ville appelée Hollywood (pl. 8, case 4).
  • Le braqueur de banque de la case 4 s'appelle Madoff, référence au financier du même nom.
  • Deux hommes (il pourrait s'agir de Jerry Siegel et de Bob Kane), dont les valises portent les sigles de Superman et Batman, entrent dans une ville nommée Gotham City (pl. 8, case 5).
  • Bill Gates et Harry Potter sont mentionnés (pl. 8, case 7).

Allusions à la culture/à l'histoire juive[modifier | modifier le code]

  • Il est fréquemment question dans l'histoire de carpes farcies (gefilte fish), plat emblématique de la cuisine juive d'Europe centrale.
  • Rachel correspond au stéréotype de la mère juive.
  • Les Cosaques sont évoqués à plusieurs reprises dans l'épisode, certains d'entre eux ayant tué les parents d'Hanna et de Yankel, peut-être lors d'un pogrom.
  • Pendant toute l'histoire, les Juifs sont comparés aux Mormons et aux Amish par différents personnages, avec lesquels ils les confondent à cause de leur tenue.
  • Jack-la-Poisse est issu d'une famille de Juifs ashkénazes (planche 5, case 4), Juifs d'Europe centrale et orientale. Ils constituent avec les Séfarades (Juifs de la péninsule ibérique) et les Mizrahim (Juifs descendant des différentes communautés juives d'Asie) l'un des principaux groupes ethniques juifs.
  • Moïshe explique (pl. 9), que les Juifs sont les « spécialistes de l'inconfort du voyage », un euphémisme pouvant faire écho à la déportation.
  • Jack-la-Poisse fait croire à sa famille qu'il est avocat à New York (pl. 5, c. 9). Cette ville est justement celle qui compte actuellement le plus de Juifs hors Israël[5] et ils y sont présents depuis le début de son histoire. Plus généralement, les États-Unis comportent une importante diaspora juive.
  • Au moment du départ (pl. 11 et 12), Moïshe explique qu'il veut que Yankel fasse sa bar-mitsvah à la synagogue à la fin du voyage. Pour ce faire, il ne veut emporter « que le nécessaire » de la littérature rabbinique : la Torah, les vingt livres du Talmud, le Zohar, la Kabbale, les six traités de la Mishna, le « Pirke de Rabbi Éliezer », les textes de Rabbi Nahman, ainsi que quelques volumes de Teshouvot. Plus tard (pl. 17), il confiera à Luke les rouleaux de son livre sacré, une précieuse Torah provenant d'une synagogue de Galicie (d'où la mère de Goscinny était originaire). Cette région historique d'Europe, à ne pas confondre avec la Galice d'Espagne, est actuellement répartie entre la Pologne et l’Ukraine. Par la suite, il récupèrera une Torah, bible du XIIIe siècle recopiée à Tolède[a].
  • Avant de commencer le premier dîner entre le cow boy et la famille (pl. 16 et 17), Moïshe évoque le cacherout, lois alimentaires juives.
  • À plusieurs reprises, on voit Moïshe et Yankel exécuter leur prière en portant leur talit, châle de prière.
  • Le trappeur qui aide Luke et la famille à traverser la Red River (la rivière rouge, ou plutôt la mer Rouge) s'appelle Moïse Jackson. (pl. 21), en référence à Moïse.
  • La ville de Peachy Poy (pl. 22) version américanisée de Pitchipoï qui est le surnom qu'utilisaient les Juifs de France pour désigner la destination inconnue, mystérieuse et redoutable des convois de déportés.
  • Un saloon porte le nom de Golden Calf (« veau d'or »). (pl. 23, c. 1).
  • Un des deux bandits se nomme Goliath, référence à l'histoire du jeune David combattant Goliath avec sa fronde. Il se fait d'ailleurs assommer d'un coup de lance-pierres par Yankel.
  • Dans le saloon (pl. 25 c.3), des joueurs de cartes évoquent l'humour amish, qu'il faut être amish pour comprendre, en référence à l'humour juif.
  • Le vendredi soir arrivant (pl. 27), la famille explique à Luke que leur religion leur interdit de voyager entre ce moment et samedi soir, car c'est le début du shabbat.
  • La Guerre des Six-Jours (pl. 32: « Je crois que vous venez de remporter la guerre des six-coups ») et le conflit israëlo-palestinien sont référencés (il est fait mention du processus de paix et des colons juifs).
  • Pour remonter le moral des voyageurs, Yankel joue au violon (pl. 34) A Yiddishe Mame, chanson du folklore juif ashkénaze, qui émouvra tout le monde.
  • Par jeu de mots, les Pieds-Noirs (Blackfoot, peuples amérindiens des Grandes Plaines) que rencontrent les voyageurs ont des caractéristiques évoquant les pieds-noirs d'Algérie. On en entend ainsi certains pousser des youyous. Et ils mangent du pemmican boulette et du pemmican méchoui.
  • Le surnom donné par les Blackfoot à Moïshe de « double scalp » provient de sa kippa qu'il porte sur la tête.
  • Hanna, qui trouve que ces Blackfoot ont bien des points communs avec les Juifs, demande à Moïshe s'il pourrait s'agir des « tribus perdues d'Israël ». Il s'agit de tribus qui peuplaient le royaume d'Israël avant la destruction de celui-ci en -722, et ont depuis disparu. Leurs traces ont été recherchées dans de nombreux endroits dans le monde, y compris chez les Falashas d'Éthiopie, comme l'évoque ironiquement Moïshe.
  • La réplique d'Hanna découvrant un shérif « Tous les Juifs d'ici sont-ils obligés de porter une étoile ? » renvoie à l'étoile jaune que devaient porter les Juifs pendant l'Occupation.
  • La ville de destination s'appelle Chelm City (pl.44 case 5) en référence à la ville polonaise de Chelm.
  • Sur la toute dernière case, Luke part vers le soleil couchant, en passant devant un cactus en forme de menorah. Il s'agit d'un candélabre à sept branches des Hébreux, plus vieux symbole du judaïsme, qui apparait d'ailleurs quelques cases plus haut.

Vocabulaire yiddish et hébreu[modifier | modifier le code]

Terme/expression Signification Apparition
Oï vei Exclamation yiddish de lamentation planche 8, case7
Shtetl Bourgade juive d'Europe orientale pl. 22 c. 3
Mazel tov Bonne chance ! / Bravo ! pl. 22 c. 5
Shen Haari Pissenlit pl. 29 c. 2

Références diverses à la culture et à l'art[modifier | modifier le code]

  • Les personnages du tableau American Gothic de Grant Wood apparaissent à la case 1 de la planche 8.
  • Les Aventures de Rabbi Jacob sont le sujet de plusieurs clins d'œil[4]. D'abord, la scène où Moïshe découvre que Luke n'est pas Juif (pl. 19) est une parodie de la célèbre scène de ce film où Victor Pivert découvre que son chauffeur Salomon est Juif[6]. Lorsque Moïshe s'amuse à danser dans un saloon sous les tirs d'un bandit (pl. 24), il évoque une danse apprise avec le Rabbi Jacob de Kishinev. C'est une parodie de la scène culte du film de la danse hassidique.
  • Il est fait référence à la saga Star Wars lorsque Luke fait un cauchemar dans lequel la mamma lui dit : « Je suis ta mère, Luke » Plus tard, quand il se réveille en se plaignant d'avoir trop mangé de carpe farcie, Jolly Jumper lui répond : « Méfie-toi du côté obscur de la farce, Luke ».
  • Les chansons On n'est pas là pour se faire engueuler, Pas de boogie-woogie (pl. 33, c. 10) et Les filles de mon pays (pl. 43, c. 4) sont également citées.
  • La réplique « Les Pieds-noirs ne quitteront jamais le sentier [de la guerre] » (pl. 36, c. 10) fait référence au quartier du Sentier à Paris.

Références au far west[modifier | modifier le code]

  • Lorsque le troupeau de vaches de Lucky Luke est effrayé, celui-ci parle de (en) stampede, mouvement de panique d'un troupeau de bétail (planche 3, case 2)
  • Les jeans Levi's (« une affaire de pantalons pour garçons vachers »), fabriqués à partir de toile bleue de Nîmes (denim) importée de Gênes, sont cités (« Pantalons Levi Strauss ? Ça ne marchera jamais ! » pl. 45). Loeb "Levi" Strauss, qui les a inventés était un juif originaire de Bavière.
  • Moïshe se présente comme le tailleur le plus rapide à l'est de la Vistule (pl 9, c 9). C'est une parodie de l'expression « À l'ouest du Pecos ». Popularisée par les westerns, elle renvoie au Pecos, rivière à l'ouest de laquelle commence traditionnellement l'Ouest sauvage (Wild West).

Références à la série Lucky Luke[modifier | modifier le code]

Références diverses[modifier | modifier le code]

Analyse[modifier | modifier le code]

Le choix de Jul de parler de la communauté juive dans cet album est expliqué par le fait qu'il a remarqué que cette communauté était absente dans la série. En outre, il a été marqué par les albums mettant en scène le choc des cultures. Enfin, il explique qu'on entend si souvent dire qu'on ne pourrait plus refaire Rabbi Jacob aujourd’hui qu'il a eu envie de retrouver l'esprit du film dans son album, en mettant en scène une famille juive et les clichés liés à cette communauté[b].

Publication[modifier | modifier le code]

Revues[modifier | modifier le code]

Album[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Ville alors connue pour sa tolérance religieuse durant la période musulmane où elle faisait partie du pays d'al-Andalus et les communautés juive, musulmane et chrétienne y cohabitaient pacifiquement.
  2. D'après l'extrait de Lucky Luke Les secrets d'une œuvre (HS07), Lire, 2016 ; Entretien avec Achdé et Jul par Olivier van Vaerenbergh. Quand celui-ci demande à Jul comment est né le scénario de La Terre promise, il répond :« Je voulais frapper un grand coup avec cet anniversaire de Lucky Luke. Alors j'ai relu tous les albums, et je me suis rendu compte que ceux qui m'ont marqué le plus sont ceux où Morris et Goscinny mettaient en scène le choc des cultures, la collision entre deux univers incompatibles : Le Grand Duc, Le Pied-Tendre, Sarah Bernhardt ou encore Les Collines noires... Or il y a à mon sens deux communautés qui sont quasi ou totalement absentes de la série, ce sont les Noirs et les Juifs. On entend tellement dire qu'on ne pourrait plus refaire Rabbi Jacob aujourd’hui que je me suis dit qu’il fallait justement imaginer cette famille juive dans le Far West afin de revisiter les clichés, d'inverser les préjugés, de mettre en scène les défauts proverbiaux de cette communauté pour montrer à quel point ils peuvent relever d'une vue de l'esprit. Quant au titre de l'album, La Terre promise, il renvoie autant à la diaspora juive qu'au vieux rêve de la conquête américaine »

Références[modifier | modifier le code]

  1. La Terre promise sur le site des éditions Dargaud.
  2. Le télégramme mentionnant l'arrivée de la famille de Jacob Stern pour le mois suivant date du 27 août 1869.
  3. Henri Filippini, « « Les Aventures de Lucky Luke d’après Morris T7 : La Terre promise » par Achdé et Jul », sur BD Zoom,
  4. a b c d et e F.Houriez, « La Terre promise », sur BD Gest,
  5. Voir la page Wikipédia en anglais sur la diaspora juive aujourd'hui.
  6. Cf. Les Aventures de Rabbi Jacob sur Wikiquote

Liens externes[modifier | modifier le code]