Noor Inayat Khan

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Noor Inayat Khan
Noor Inayat Khan en 1943.
Titre de noblesse
Princesse
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
InconnuVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Noor Un Nisa Inayat KhanVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonymes
Madeleine, Nora BakerVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalités
Formation
Activités
Père
Mère
Ameena Begum (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Parentèle
Tipû Sâhib (arrière-arrière-grand-père)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Special Operations Executive ( - )Voir et modifier les données sur Wikidata
Arme
Conflit
Maître
Distinctions
Œuvres principales
20 Contes des vies passées du Bouddha (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Noor Un Nisa Inayat Khan, née le au Kremlin de Moscou en Russie et morte le au camp de Dachau en Allemagne, est un agent secret britannique du Special Operations Executive (SOE), section F, qui se distingua durant la Seconde Guerre mondiale. Premier agent féminin à être envoyé en France comme opérateur radio, elle rejoignit le réseau PHONO d’Henri Garry en .

Pendant ses quatre mois d’activité dans la région parisienne – son instructeur au SOE l'avait informée que la durée d'activité d'un opérateur radio de ce réseau était en moyenne de quatre semaines – elle maintint le contact radiotélégraphique avec Londres, l’informant sur les terrains de parachutage et sur les réseaux. Elle réussit à transmettre vingt messages, malgré l’environnement particulièrement dangereux en raison de l’effondrement général du réseau Prosper-PHYSICIAN et des moyens de détection radiogoniométriques que l’ennemi concentra sur son émetteur. Elle fut dénoncée, arrêtée, emprisonnée, reprise deux fois à l’occasion de tentatives d’évasion, déportée, maintenue à l’isolement et enchaînée pendant neuf mois à Pforzheim. Elle est finalement exécutée à Dachau, sans avoir jamais parlé ni coopéré avec l’ennemi.

Après deux autres agents du SOE, Odette Sansom et Violette Szabo, Noor Inayat Khan fut la troisième femme à qui le Royaume-Uni a décerné la George Cross. Elle fut également décorée de l’ordre de l'Empire britannique, et par la France de la croix de guerre 1939-1945.

Son nom de code opérationnel était Nurse et son identité de couverture était Jeanne-Marie Régnier, bonne d’enfants.

Biographie[modifier | modifier le code]

Famille[modifier | modifier le code]

Par son grand-père paternel elle descend de Juma Shah, saint soufi du XVe siècle. Par sa grand-mère paternelle, elle descend du sultan Tipu de Mysore (1750-1799), qui s’allia aux Français pour opposer une résistance obstinée aux Britanniques.

Son père, Hazrat Inayat Khan, est un mystique soufi indien qui fonda le soufisme inayati. Sa mère, Ora Ray Baker (en), est une Américaine. Sœur du violoniste et compositeur Hidayat Inayat Khan, elle aussi est la cousine de Mary Baker Eddy[1], qui fonda en 1879 le mouvement religieux Science chrétienne. Elle adopta l'Islam comme religion en 1912.

Les parents de Noor Inayat Khan se sont rencontrés aux États-Unis, se sont mariés à Londres en 1913, puis sont partis s’installer à Moscou. Ils eurent quatre enfants :

  • Noor Inayat Khan ;
  • Vilayat Inayat Khan (né en 1916 à Londres - mort à Suresnes) ;
  • Hidayat Inayat Khan (1917-2016) ;
  • Khair-un-Nisa Inayat Khan dite « Claire Ray Harper » (née en 1919), épouse Harper, mère de David Ray Harper.

Premières années[modifier | modifier le code]

Maison 23 rue de la Tuilerie (Suresnes).
Plaque devant la maison.
Collège Émile-Zola (Suresnes).

Noor-Un-Nisa Inayat Khan naît le au Kremlin (Moscou, Russie). Par son ascendance paternelle, elle est une princesse musulmane soufie.

Sa famille quitte la Russie en 1916, avant la révolution bolchevique. Elle s’installe à Londres, dans le quartier de Gordon Square. Inayat Khan fonde l’ordre soufi, une école pour initiés. Il souhaite diffuser le soufisme en Occident, notamment par l'intermédiaire de la musique[2].

En 1921, après quatre ans à Londres, la famille finit par arriver à Paris. Elle déménage de banlieue en banlieue. Une riche Néerlandaise adepte des doctrines d’Inayat achète pour son père, Hazrat, une maison à Suresnes, 23 rue de la Tuilerie. Il lui donne le nom de Fazal Manzil[Notes 1], qui veut dire La Maison des Bénédictions.

Le , son père réunit une assemblée de tous ses disciples. Peu de temps après, ayant décidé de revenir aux sources du savoir, il repart en Inde, où il meurt le . Noor restera persuadée qu’il s’était simplement retiré du monde. Elle assume désormais les fonctions de maîtresse de maison.

Comme son frère Vilayat, elle reçoit une éducation intellectuelle raffinée ; lettrée, portée sur la poésie, elle joue aussi de la harpe. Noor étudie à l'École primaire supérieure de jeunes filles de Suresnes (devenue aujourd'hui le collège Émile-Zola), passe son baccalauréat au lycée de Saint-Cloud, puis étudie la psychologie de l’enfance à la Sorbonne[2]. Elle entre à l'École normale de musique de Paris, où elle pratique la harpe.

Elle tombe amoureuse d’un camarade de l'École normale mais la famille désapprouve le mariage, auquel elle finit par renoncer après une longue période de fiançailles.

Elle est engagée par Radio-Paris pour écrire des histoires pour les enfants. Ces contes sont aussi publiés dans Le Figaro du dimanche[2].

Début de la guerre[modifier | modifier le code]

Elle rompt ses fiançailles en 1939 et décide avec sa sœur de devenir infirmière.

Le , l’armée allemande entre dans Paris. La famille, de nationalité britannique, doit fuir à nouveau, sauf Hidayat qui choisit de rester en France, avec sa femme et ses enfants. Noor entraîne la famille, via Tours et Bordeaux, jusqu’au Verdon et l’embarque sur un cargo belge, le Kasongo, qui la conduit au port de Falmouth, en Angleterre, où elle arrive le 22 au matin.

Noor et son frère Vilayat abandonnent les préceptes de non-violence qui ont baigné leur vie jusque-là, et se décident à participer à la lutte contre le nazisme[2]. Vilayat s’engage dans la marine.

Le , Noor s’engage dans la Women's Auxiliary Air Force. Sur les formulaires, elle indique qu’elle parle bien le français. Elle adopte le nom de Nora Baker[Notes 2]. Au centre d’Édimbourg, elle suit un cours intensif d’opérateur radio. Elle est l'une des premières résistantes formées à cette tâche[2].

Le , elle est mutée à Abington, au centre de bombardiers de la RAF, où elle est chargée de la liaison radio avec les bombardiers en vol. Elle développe ses compétences d’opératrice radio, et prend l’habitude de travailler à n’importe quelle heure du jour et de dormir dans les intervalles. Elle loue même un poste radio pour s’entraîner avec une camarade à améliorer sa vitesse. Vers la fin de l’année, elle demande à passer officier, et choisit le renseignement comme spécialité.

Au printemps 1942, elle est affectée au camp de Campton Basset, dans le Wiltshire. Elle y suit pendant plusieurs semaines la formation en transmission pour opérateurs radio clandestins. Le elle est convoquée à Londres à un entretien avec Selwyn Jepson dans la chambre no 238 de l’hôtel Victoria, sur Northumberland Avenue, par le Bureau de recherches interarmées. Chargé du recrutement au Special Operations Executive, Jepson lui propose de la recruter le jour même. Elle accepte en ayant eu communication de la nature du travail à accomplir et du risque couru : une chance sur deux d’en revenir.

Le elle entre au SOE, section F ; grade : section officer ; matricule : 9901. Le , elle démarre une nouvelle période d’entraînement intensif. Juste avant son départ, elle est nommée sous-lieutenant de la WAAF. À ce titre, elle recevra £ 350 par an, mais sans uniforme, ni d’indemnité d’habillement. Cela signifie qu’une fois sur le terrain, si faite prisonnière, elle ne sera pas protégée par la Convention de Genève du 27 juillet 1929 relative au traitement des prisonniers de guerre[3].

En , il ne lui reste que le stage de parachutage à suivre. Mais à Paris, Gilbert Norman « Archambault », l’opérateur radio du réseau Prosper-PHYSICIAN a un besoin urgent d’aide. Passant outre aux avis majoritairement défavorables de ses instructeurs[Notes 3],[4], Maurice Buckmaster décide de l’envoyer sur le terrain dès la lune suivante. N’ayant pas suivi de formation au parachutage, elle devra être déposée de nuit par Westland Lysander[Notes 4].

Mission clandestine à Paris[modifier | modifier le code]

Sa mission est d’être l’opérateur radio du réseau PHONO[Notes 5], sous-réseau du réseau Prosper-PHYSICIAN, dirigé par Henri Garry. Elle est ainsi la première femme à être envoyée par le SOE comme opérateur radio en France occupée. Elle apporte avec elle comme équipement : une fausse carte d’identité, de faux tickets d’alimentation, des stimulants (pour pouvoir rester éveillée ou fournir un effort physique exceptionnel), des somnifères (pour endormir quelqu'un à son insu), des simulateurs de nausées et une pilule de cyanure. Son poste radio doit être expédié séparément.

Entre le 16 et le elle est amenée en France à l’occasion d’un doublé de Westland Lysander organisé de nuit entre Tangmere et le terrain INDIGESTION près de Villevêque (Maine-et-Loire). C’est Henri Déricourt qui a organisé le vol (opération TEACHER) et qui assure la réception des agents[5]. Pendant sa mission en France, elle enverra régulièrement des lettres à sa mère, à ses frères et à sa sœur à Londres (4, Taviton Street). Les lettres seront acheminées par Lysander (grâce aux vols organisés par Déricourt) mais aucun destinataire n’aura le moyen de deviner qu’elle se trouve en France.

Le 17, celle qui porte le pseudonyme de Madeleine gagne la gare la plus proche et se rend à Paris. Le soir, elle sonne au 40, rue Erlanger où elle est reçue par Henri Garry, le chef du réseau PHONO, et sa fiancée, Marguerite Nadaud[7],[8],[9]. Le lendemain on l’emmène à l’École nationale d'agriculture de Grignon, dirigée par M. Vanderwynckt. L’école abrite l’état-major d’un groupe de résistants rattaché au réseau Prosper-PHYSICIAN, comprenant — parmi des dizaines de personnes — le professeur Alfred Balachowsky, le chef du groupe et Marius Maillard, jardinier de l’école, chargé de la réception des parachutages. Noor, n’ayant pas encore reçu son appareil, commence à travailler avec celui de Gilbert Norman « Archambault », en s’installant dans la serre avec l’aide du jardinier.

Un groupe conduit par Balachowsky passe la nuit du 21 au 22 à Bazemont et réceptionne au Roncey un parachutage comprenant les affaires de Noor (trois postes émetteurs et ses affaires personnelles). Tout finit bien, malgré l’arrivée du conteneur dans un arbre et la dispersion de son contenu.

Deux jours plus tard, les trois dirigeants du réseau Prosper-PHYSICIAN sont arrêtés à Paris : peu après minuit, Andrée Borrel « Denise », courrier, et Gilbert Norman « Archambault », opérateur radio ; et, dans la matinée, Francis Suttill « Prosper », le chef du réseau. C’est le début d’une série massive d’arrestations parmi les agents du réseau et de ses sous-réseaux. À Grignon, c’est l’alerte. Tout le monde se disperse. Noor s’enfuit avec son matériel. Henri Garry lui trouve un logement chez un membre du réseau[Notes 6], square Malesherbes.

Henri Garry et Marguerite Nadaud se marient le . Noor est présente à la mairie. Il est convenu qu’elle repassera chez eux, rue Erlanger, et qu’ils partiront alors ensemble au Mans. Madame Balachowsky, chez qui elle passe à Viroflay, la dissuade de retourner rue Erlanger, en raison du risque dû à l’évolution rapide de la situation. Noor suit le conseil, et c’est heureux car la Gestapo est effectivement passée chez Garry pendant son absence, et le couple Garry a décampé en laissant ses affaires sur place.

Le , malgré le danger, elle se rend à Grignon pour émettre. En arrivant à bicyclette sur les lieux, elle constate que les Allemands en uniforme sont déjà là. Sur le point d’être interpellée, elle tire plusieurs fois[Notes 7] et réussit à s’enfuir. Pendant quinze jours, elle se cache, ainsi que France Antelme « Renaud » (alias Antoine Ratier), dans l’appartement de Madame Aigrain. Maurice Buckmaster propose à Noor de rentrer en Angleterre, mais elle décide de continuer son travail pour ne pas laisser ses camarades français sans communications. Elle se déclare capable, avec un peu de temps, de reconstituer un groupe de militants et continue à transmettre nombre de messages vers l’Angleterre, avec de grandes difficultés, car elle ne peut le faire depuis chez Madame Aigrain.

Mi-juillet, elle trouve un logement. C’est un studio minuscule situé 3 boulevard Richard-Wallace à Neuilly. Cet emplacement est très risqué, car le reste de l’immeuble est occupé par les SS. En tout cas, elle ne peut pas y émettre. Le 19, France Antelme rentre en Angleterre par avion Lysander. Fin juillet, elle manque d’être arrêtée dans une mission près d’Auffargis. Une perquisition menée par les Allemands leur permet, pour la première fois, d’enregistrer le prénom « Madeleine » dans leurs fichiers.

En août, les opérateurs radio ayant disparu l’un après l’autre[Notes 8], elle est devenue seul opérateur radio libre de la section F en action dans la région parisienne. Colin Gubbins, qui vient d’être nommé à la tête du SOE, écrit à son propos : « Son poste est actuellement le plus important et le plus dangereux en France ». Le major Nicolas Bodington, numéro 2 de la section F, venu en France pour enquêter sur l’effondrement du réseau Prosper-PHYSICIAN, la rencontre et insiste pour que la section F demande son rappel, mais elle refuse. Prétextant qu’elle attend l’arrivée de son remplaçant, elle manque le Lysander qui ramène en Angleterre Claude de Baissac « David », Lise de Baissac « Odile » et Nicolas Bodington dans la nuit du 16/17[Notes 9],[2].

Lors d’une réunion le 30 dans un appartement de la place de l'Alma[Notes 10],[10] à Paris, le Conseil national de la Résistance (CNR) élit Georges Bidault à sa tête, en remplacement de Jean Moulin, arrêté le à Caluire. Noor, dans l’arrière-cuisine avec son émetteur, transmet le résultat de l'élection à Londres[11],[2].

Aux mains de l’ennemi[modifier | modifier le code]

Après trois mois et demi, selon une source elle aurait été trahie par Renée Garry, sœur du chef du réseau PHONO, jalouse de ne pas faire partie du réseau[Notes 11] et qui demande 100 000 francs comme récompense, soit un dixième du prix que les Allemands auraient été prêts à payer pour cela. Selon une autre source, elle aurait été dénoncée par Henri Déricourt[12]. Le 11, 12[13] ou le [14], Noor est arrêtée à son domicile, au premier étage du 98, rue de la Faisanderie, à 200 mètres du siège du SD, avenue Foch : rentrant chez elle, Noor s’aperçoit que deux hommes sont postés devant l’immeuble. Elle se cache dans une ruelle perpendiculaire et attend quelques instants, puis reprenant l’observation, constate que les hommes ont disparu. Tranquillisée, elle rentre dans son appartement, mais les Allemands y ont tendu une souricière et l’agent Pierre Cartaud, posté là par Ernst (Vogt ?), l’y attend. Dès qu’elle entre, il la saisit. Elle se débat furieusement et le mord. Utilisant son pistolet, il la menace d’arrêter sa logeuse Solange. Elle se calme. Pierre Cartaud peut appeler du renfort. Elle est emmenée avenue Foch non loin de là, et présentée à Karl Bömelburg, chef de la Gestapo en France. Dans l’appartement, les Allemands trouvent son poste émetteur et un cahier d’écolier rangé dans sa table de nuit, dans lequel elle a consigné les messages chiffrés envoyés[14] ou reçus de Londres, avec leur traduction en clair[Notes 12],[15]. Grâce à ces prises, ils engageront avec Londres un Funkspiel, mené par Josef Goetz pendant plusieurs mois. Ainsi, jusqu’au printemps 1944, Londres croira PHONO fiable, ce qui entraînera l’envoi de plusieurs agents du SOE directement entre les mains de l’ennemi.

Le premier jour de son incarcération, Noor demande à Hans Kieffer à se rendre aux toilettes, sans menottes, elle escalade la fenêtre, atteint le toit mais, faute de moyen pour descendre, elle est reprise[2].

Dans la nuit du 24 au , nouvelle tentative d’évasion, en compagnie de John Starr « Bob » et Léon Faye « Aigle », chef du réseau français ALLIANCE rattaché à l’Intelligence Service. Il existe trois récits de cette tentative d’évasion :

  • récit de Bob Starr à Vera Atkins : Chacun avait scié les barreaux de sa cellule, en masquant les dégâts avec de la poudre et de la crème pour le visage que les Allemands avaient autorisé Noor à conserver. Tandis que Starr et Faye parviennent à gagner le toit d’une autre aile du bâtiment, Noor met deux heures à faire sauter les barreaux de sa cellule. Elle finit par les rejoindre sur le toit, mais une alerte aérienne se déclenche et toutes les cellules sont inspectées. L’évasion est découverte, et les fuyards sont repris[16] ;
  • récit de Léon Faye, rapporté par Ferdinand Rodriguez dans son livre, en 1958 ;
  • récit de Marie-Madeleine Fourcade.

Elle échoue. Hans Kieffer leur demande de donner leur parole d’honneur de ne plus tenter de s’évader. Seul Starr accepte de signer. Noor et Faye refusent. Le 27, elle est transférée à la section féminine de la prison civile de Pforzheim[17], près de Karlsruhe, dans le nord de la Forêt-Noire. Wilhelm Kraus, directeur de la prison, reçoit l’ordre de la traiter selon le décret Nacht und Nebel (NN)[17], et de l’attacher par les pieds et les mains. Une troisième chaîne relie ses mains et ses pieds ; elle a besoin d’aide pour se nourrir et se laver ; sa cellule l’isole des bruits extérieurs par deux épaisses portes d’acier. Ce régime lui sera appliqué pendant les neuf mois où elle va rester à Pforzheim.

Le , son nom est proposé à l’ordre de l'Empire britannique.

Le , Noor est transférée à la prison de Karlsruhe, où elle rejoint Yolande Beekman « Mariette », Éliane Plewman « Gaby » et Madeleine Damerment « Solange », qui s’y trouvent depuis leur transfert depuis Fresnes le . Le lendemain, une gardienne informe les quatre femmes de leur départ prévu pour le lendemain matin. Le 12 à 1 h 30, on vient les chercher dans leur cellule et on les remet à la Gestapo, qui les emmène en train à Munich. Dans la soirée, elles prennent un nouveau train pour Dachau, à 20 km au nord de la ville, puis à pied, elles finissent la route jusqu’au camp de concentration où elles sont enfermées dans des cellules individuelles.

Le matin du 13, elles sont emmenées jusqu’à un mur situé derrière le four crématoire. Leurs vêtements sont arrachés, elles sont violemment battues. Selon un témoin oculaire qui écrivit 14 ans après les faits, « Noor est rouée de coups par l’officier SS Friedrich Wilhelm Ruppert, qui dirige le camp. Il s’est acharné sur elle avec une violence inouïe. Elle n’a pas pleuré et n’a rien dit. Quand il a été à bout de souffle et que la jeune femme n’était plus qu’un tas de chairs ensanglantées, il lui a dit qu’il allait la tuer. Le seul mot qu’elle ait dit avant qu’il ne lui tire une balle dans la nuque, c’est "Liberté !" »[2]. Mortes ou mourantes, les quatre femmes sont brûlées dans le four crématoire. L’officier SS sera condamné pour d’autres crimes et exécuté en .

Œuvres de Noor Inayat Khan[modifier | modifier le code]

Compositions musicales[modifier | modifier le code]

  • Le Chant au Madzoob[Notes 13].
  • Prélude pour harpe.
  • Élégie pour harpe et piano.

Livre pour enfants[modifier | modifier le code]

  • (en) Twenty Jātaka Tales. Retold [from the Pāli Jātaka and the Jātaka-māla] by Noor Inayat, and pictured H. Willebeek Le Mair, G.G. Harrap & Co., Londres, 1939.
  • (fr) 20 Contes des vies passées du Bouddha, Claire Lumière, 1999 122 p. (ISBN 2-905998-45-8).

Identités[modifier | modifier le code]

  • Nom de naissance : Noor-Un-Nisa Inayat Khan[Notes 14]
  • Comme agent du SOE, section F :
    • nom de guerre (fieldname) : « Madeleine » ;
    • nom de code opérationnel : NURSE ;
    • identité de couverture : Jeanne-Marie Régnier, bonne d’enfants ;
    • autre pseudo : Nora Baker[18].

Parcours militaire :

  • Novembre 1940. Women's Auxiliary Air Force ; 424598 ACW ;
  • . SOE, section F ; grade : section officer ; matricule : 9901.

Reconnaissance[modifier | modifier le code]

Distinctions[modifier | modifier le code]

Britanniques[modifier | modifier le code]

Françaises[modifier | modifier le code]

Hommages[modifier | modifier le code]

  • En tant que l’un des 104 agents de la section F du SOE morts pour la France, Noor Inayat Khan est honorée au mémorial de Valençay (Indre, France).
  • En 1967, une plaque commémorative a été apposée à Suresnes[20] devant la maison du 23 rue de la Tuilerie, où elle a passé son enfance[2]. Sont gravés ces mots : « ICI HABITAIT NOOR INAYAT KHAN, 1914-1944, MADELEINE DANS LA RÉSISTANCE, FUSILLÉE À DACHAU, OPÉRATRICE-RADIO DES RÉSEAUX BUCKMASTER, CROIX DE GUERRE 1939-1945 — GEORGE CROSS ». La demeure, devenue lieu de rencontres spirituelles soufies et inter-religieuses, accueille dans le jardin le sanctuaire « L'Universel Mémorial Noor », dont la forme évoque quatre bouddhas dos à dos. En 1988, dans la même ville, la voie située entre la rue de Verdun et la rue Darracq est renommée « cours Madeleine », en hommage à son pseudonyme de résistante[2],[Notes 15].
  • À l’école d’agriculture de Grignon, aujourd’hui AgroParisTech, une plaque lui rend hommage : « À la mémoire de NOOR INAYAT KHAN dite MADELEINE, George Cross, Héroïne de la résistance, 1914-1944 ».
  • À Londres, un buste de Noor Inayat Khan lui rend hommage, Gordon Square Gardens (Bloomsbury), près de l'appartement familial (4, Taviton Street). L'inauguration a lieu le , en présence de la princesse Anne.
  • 2014, la Royal Mail émet un timbre à son effigie[2].
  • 2020 : une blue plaque lui rend hommage au 4 Taviton Street, Bloomsbury[21]


Bâtiments[modifier | modifier le code]

  • Inaugurée en 2013, une école de Suresnes porte son nom[2],[22].

Ordre soufi[modifier | modifier le code]

  • L’ordre soufi la reconnaît comme la première sainte occidentale[23].

Dans la culture[modifier | modifier le code]

Littérature[modifier | modifier le code]

  • Resistance (2010), poème de Stacy Ericson publié sur Internet et dédié à Noor Inayat Khan, lire en ligne (consulté le 17/08/21).
  • A Tribute To The Illuminated Woman of World War II (2013), poème de Irfanulla Shariff, publié sur Internet et dédié à Noor Inayat Khan, lire en ligne (consulté le 17/08/21).
  • The Lost Girls of Paris (2019), roman de Pam Jenoff sur le SOE et ses agents féminins. Le personnage de Josie est partiellement inspiré de Noor[24].

Théâtre[modifier | modifier le code]

  • Agent Madeleine (2018), pièce sur la vie et la mort de Noor, créée au Fringe Festival d'Ottawa, le rôle de Noor étant interprété par Puja Uppal[25].

Cinéma[modifier | modifier le code]

  • En septembre 2012, les producteurs Zafar Hai et Tabrez Noorani obtiennent les droits cinématographiques de la biographie Spy Princess : The Life of Noor Inayat Khan[26].
  • A Call to Spy (2019), film écrit et produit par Sarah Megan Thomas et réalisé par Lydia Dean Pilcher, consacré à l'action de trois espionnes du SOE en France. Le rôle de Noor (romancé) est tenu par Radhika Apte[27].

Télévision[modifier | modifier le code]

  • A Man Called Intrepid (première diffusion 1979), mini-série télévisée de six heures, diffusée au Canada sur CTV et aux États-Unis sur NBC. David Niven tient le rôle de Sir William Stephenson et Barbara Hershey celui de Noor.
  • Adrishya, série indienne, diffusée sur Epic TV (2014). Le deuxième épisode relate l'action et la mort de Noor Inayat Khan.
  • Enemy of the Reich : The Noor Inayat Khan Story (2014), docudrame biographique de 60 minutes diffusé sur PBS, réalisé par Robert H. Gardner. Grace Srinivasan tient le rôle-titre[28].
  • Churchill's Secret Agents the new recruits (2018), série diffusée sur Netflix. L'épisode 4 de la saison 1 contient la relation de la mission de Noor dans le SOE.
  • Doctor Who, série 12, (2020). Dans Spyfall, Part 2, le deuxième épisode, Aurora Marion joue le rôle de Noor.

Radio[modifier | modifier le code]

  • Pièce radiophonique sur Noor (1980) écrite par Patrice Chaplin, diffusée par BBC Radio 4 dans les productions théâtrales de l'après-midi.

Annexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Michael R. D. Foot, Des Anglais dans la Résistance. Le Service Secret Britannique d’Action (SOE) en France 1940-1944, annot. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Tallandier, 2008, (ISBN 978-2-84734-329-8). Traduction en français par Rachel Bouyssou de (en) SOE in France. An account of the Work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944, London, Her Majesty’s Stationery Office, 1966, 1968 ; Whitehall History Publishing, in association with Frank Cass, 2004.
    Ce livre présente la version officielle britannique de l’histoire du SOE en France. Une référence essentielle.
  • Jacques Houbart et Jean-Michel Rankovitch, Guerres sans drapeau, René Julliard, 1966, p. 305-334 ; voir également 58 actions héroïques de la Résistance, p. 371-382, Gründ, 1971.
  • Jean Overton Fuller :
    • (en) Madeleine, Gollancz, 1952.
    • (en) Born for Sacrifice: The Story of Noor Inayat Khan, London, Pan Books, 1957.
    • (en) Noor-un-nisa Inayat Khan (Madeleine), Rotterdam, East-west publications fonds in association with Barrie & Jenkins Ltd; London, 1971.
    • (en) Noor-un-Nisa Inayat Khan: Madeleine, 1988.
  • Anthony Cave Brown, La Guerre secrète, le rempart des mensonges, Pygmalion/Gérard Watelet, 1981, vol. 2, p. 155-167.
  • Jean Lartéguy et Bob Maloubier, Triple Jeu. L’espion Déricourt, Robert Laffont, 1992, (ISBN 2-221-06836-X).
  • Hugh Verity, Nous atterrissions de nuit, Éditions VARIO, 5e édition française, 2004.
  • Monika Siedentopf, Parachutées en terre ennemie, Perrin, 2008. Voir notamment p. 89-102 et 202-205.
  • Laurent Joffrin, La princesse oubliée, Robert Laffont, 2002. Basé sur sa vie, c’est un « roman ».
  • Lt. Col. E.G. Boxshall, Chronology of SOE operations with the resistance in France during world war II, 1960, document dactylographié (exemplaire en provenance de la bibliothèque de Pearl Witherington-Cornioley, consultable à la bibliothèque de Valençay). Voir sheet 3, BRICKLAYER CIRCUIT.
  • Sarah Helm, Vera Atkins, une femme de l’ombre, Seuil, 2010. Cet ouvrage important est centré sur Vera Atkins et les recherches qu’elle mena à partir de 1944 pour retrouver la trace des agents du SOE portés disparus. Noor Inayat Khan occupe une place importante dans le récit.
  • Captain Ferdinand E. Rodriguez, L’Escalier de fer, éditions France-Empire, 1958. Rodriguez y rend compte des conversations qu’il a eues avec Léon Faye dans le train qui les déportaient, et notamment du récit que Faye lui fit de sa tentative d’évasion de  ; p. 214-217.
  • Marie-Madeleine Fourcade, L’Arche de Noé, Arthème Fayard, 1968, rééd. Famot, 1976, rééd. Plon, 1989, 1998, 1999 (ISBN 9782259021951, 9782259009423 et 9782259186773). Le récit de la tentative d’évasion du 24/ fait l’objet, dans la Troisième époque, 1943, l’année terrible, du chapitre intitulé Aigle.
  • (en) John Hayes Fisher, The Princess Spy, documentaire BBC, 2006. (fr) Version française, Princesse et Espionne, diffusée sur Arte le .
  • (en) Shaunas Singh Baldwin, The Tiger Claw, Vintage Canada, 2004.
  • Shrabani Basu :
    • (en) The spy princess. The Life of Noor Inayat Khan, Sutton Publishing, 2006 ; The History Press 2008 ; reprinted 2010, 2011.
    • (fr) Espionne… et Princesse. La vie de Noor Inayat Khan, traduction d’Hervé Larroque et Daniel Mercurin, Metvox Publications, 2021 ; (ISBN 979-10-94787-78-6)
  • Dominique Missika, Résistantes 1940-1944, , 269 p. (ISBN 978-2-07-294029-3), p. 49Voir et modifier les données sur Wikidata
  • National Archives britanniques. Accessible depuis le , le dossier personnel de Noor Inayat Khan porte le référence HS 9/836/5 : Description du contenu du dossier personnel ( Conditions d’accès au dossier personnel).
  • Princess Noor Appreciation Society
  • Ordre soufi international

Notes[modifier | modifier le code]

  1. La maison est devenue le siège de l’ordre Soufi International France.
  2. Ce pseudo combine le prénom britannique Nora, voisin de son prénom indien Noor et le nom de jeune-fille de sa mère. C’est sous ce nom de Nora Baker qu’elle est enregistrée au camp de Dachau.
  3. Voici quelques appréciations qui figurent dans son dossier : « la personne pour qui j’ai le plus d’admiration », « émotive », « maladroite », « facilement déstabilisée », « a peur des armes », « d’une imagination débordante », « manquant singulièrement d’intelligence », « personnalité inconsistante et instable, ne présentant pas les qualités requises pour être envoyée sur le terrain »
  4. Certaines sources, notamment M.R.D. Foot, citent une première tentative d’envoi de Noor Inayat Khan, dans la nuit du 21/22 mai, c’est-à-dire un mois avant son envoi effectif. Lors de ce vol, à l’arrivée près du terrain PÊCHE, situé près de Compiègne, le pilote Flg Off Vaughan-Fowler n’a pas vu les signaux attendus normalement d’un comité de réception, et il est retourné à Tangmere sans déposer ses passagers. En réalité, les dossiers d’archives ne confirment pas la présence de Noor Inayat Khan comme passagère sur ce vol : à cette date-là, elle poursuivait sa formation. L’erreur provient probablement d’une confusion entre le nom de code de l’opération, MADELEINE, et le nom de guerre de Noor, « Madeleine ». C’était un hasard, car les noms de guerre n’étaient jamais utilisés pour désigner les opérations. À noter aussi que, dans l’édition 1982 de son livre, Hugh Verity a commis l’erreur de mentionner la présence de Noor. Mais dans l’édition 2004, il a rectifié.
  5. À la formation du réseau, sous-réseau de Prosper-PHYSICIAN, Francis Suttill lui avait donné le nom de CINÉMA, parce que son chef Henri Garry faisait penser à Gary Cooper par sa ressemblance physique et par son nom. Mais en l’homologuant, la section F préféra lui attribuer un nom plus neutre, PHONO.
  6. Mme Aigrain, directrice du magasin des Champs-Élysées, « À la Toile d’Avion ».
  7. Cet épisode relaté dans certaines sources, comme Houbart/Rankovitch, semble difficile à concilier avec l’information selon laquelle elle n’aurait pas emmené son pistolet.
  8. Les opérateurs radio en question sont :
  9. Date donnée par Hugh Verity.
  10. Ou rue de Rennes
  11. Et/ou « amoureuse d’Antelme, un fort beau garçon, Renée Garry n’avait pas supporté de voir Noor s’éprendre de lui », selon Jean Lartéguy et Bob Maloubier.
  12. Selon M.R.D. Foot, la seule explication possible de cette faute élémentaire, c’est qu’elle ait mal compris les instructions. Il y avait une contradiction entre les règles enseignées dans les cours (qu’elle suivit effectivement) et son ordre de mission. Ce dernier comporte une phrase étrange : « Veuillez noter que vous devez être très attentive à l’archivage (extremely careful with the filing) de vos messages. » Le rédacteur de l’ordre de mission aurait employé le mot filing dans un sens habituel dans le jargon des journalistes, mais incorrect et que Noor ignorait, voulant dire simplement envoi du texte ; il demandait donc à Noor de prendre soin de ses envois de messages. Noor aurait compris, selon le sens courant du mot filing, qu’il lui fallait conserver tous les messages envoyés, bien que cette interprétation aille à l’encontre des règles de sécurité.
  13. Un saint soufi.
  14. Son prénom Noor signifie « lumière de toutes les femmes ». Son nom Inayat signifie « bonnes grâces », « protection ». Le mot Khan témoigne de la noblesse de Noor pour les musulmans, analogue au « de » pour les Français ou au « von » pour les Allemands.
  15. Elle est située dans le centre-ville, donc pas à proximité de sa maison rue des Tuileries, pour sa part située sur les coteaux de Suresnes.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Foot, p. 373.
  2. a b c d e f g h i j k l m et n Matthieu Frachon, avec le concours de la Société d'histoire de Suresnes, « L’exemplaire destinée de la princesse agent secret », Suresnes Mag n°304,‎ , p. 42-43 (lire en ligne).
  3. « La Convention de Genève du 27 juillet 1929 relative au traitement des prisonniers de guerre - CICR », sur www.icrc.org, (consulté le )
  4. Princesse et Espionne
  5. Verity, p. 270.
  6. Hugh Verity, p. 122-123
  7. Marcus Binney, The Women Who Lived For Danger, Hachette UK, 2012.
  8. The Sebastopol Project, On Courage: Stories of Victoria Cross and George Cross Holders, Hachette UK, 2018.
  9. Rick Stroud, Lonely Courage: The true story of the SOE heroines who fought to free Nazi, Simon and Schuster, 2017.
  10. René Hostache, Le général de Gaulle, Jean Moulin et la création du C.N.R., Les Éditions La Bruyère, 1989, p. 207 et 309.
  11. Houbart et Rankovitch, p. 324.
  12. Noor Inayat Khan, Indienne pacifiste et redoutable espionne de Churchill, série « Espions une histoire vraie », France inter, podcast.
  13. Francis J. Suttill, SOE contre Gestapo, metvox, 2e impression, 2019
  14. a et b Boxshall.
  15. Foot, p. 464-465]
  16. Sarah Helm, A Life in Secrets, p. 141
  17. a et b Missika 2021.
  18. Ce pseudo combine le prénom britannique Nora, voisin de son prénom indien Noor et le nom de jeune-fille de sa mère. C’est sous ce nom de Nora Baker qu’elle est enregistrée au camp de Dachau.
  19. Voir London Gazette n° 38578 du 5 avril 1949.
  20. Plaque.
  21. Cécile Ducourtieux, « Londres honore Noor Inayat Khan, héroïne musulmane de la seconde guerre mondiale », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  22. Carte.
  23. Site de l’Ordre Soufi International France.
  24. (en) « 'The Lost Girls of Paris' Fictionalizes True Tale Of Female Spies During World War II », sur NPR.org (consulté le )
  25. (en) « Agent Madeleine », sur Agent Madeleine (consulté le )
  26. « Asia Pacific Arts: Shrabani Basu's Spy Princess is optioned by Hollywood », sur web.archive.org, (consulté le )
  27. (en-US) Anthony D'Alessandro et Anthony D'Alessandro, « IFC Picks Up WWII Female Secret Agents Feature ‘A Call To Spy’, Eyes Fall Release », sur Deadline, (consulté le )
  28. (en-US) « Enemy of the Reich - UPF (Unity Productions Foundation) », sur Unity Productions Foundation (consulté le )