Utilisateur:Guilhem/Brouillon/Mosquée de Cordoue

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Cathédrale de Cordoue
Ancienne Grande Mosquée
Image illustrative de l’article Guilhem/Brouillon/Mosquée de Cordoue
Présentation
Nom local Santa Iglesia Catedral de Córdoba -
Antigua Mezquita Aljama
Culte Catholique romain
Type Cathédrale
Rattachement Évêché de Cordoue (siège)
Début de la construction 788 (mosquée)
1523 (cathédrale)
Fin des travaux Xe siècle (mosquée)
XVIe siècle (cathédrale)
Style dominant Styles émiral et califal
Renaissance
Géographie
Pays Drapeau de l'Espagne Espagne
Région Drapeau de l'Andalousie Andalousie
Département Province de Cordoue
Ville Cordoue

La Cathédrale Sainte-Marie de Cordoue, ancienne Grande mosquée des Omeyyades, est un des plus prestigieux monuments au monde. Suite à la conquête de la cité par le roi Ferdinand III de Castille en 1236, la grande mosquée de la ville, bâtie du VIIIe au Xe siècle, a été convertie en cathédrale. Le temple musulman a été préservé jusqu'au XVIe siècle, date à laquelle une nouvelle église a été bâtie en son centre.

Malgré ces modifications, l'édifice a conservé en grande partie son apparence d'origine, et constitue un exemple insolite et spectaculaire d'évolution cultuelle. En ces lieux peuvent aujourd'hui être admirées une cathédrale de la Renaissance espagnole, et l'ancienne mosquée des VIIIe au Xe siècles, dans laquelle elle fut implantée. Cette dernière est considérée avec l'Alhambra de Grenade, comme le chef-d'oeuvre de l'art hispano-mauresque. Il s'agit par ailleurs de la seule mosquée d'importance à être parvenue jusqu'à nous en Espagne. Son importance symbolique est capitale pour la compréhension de l'histoire et de la société d'Al Andalus. La totalité du monument est classé au Patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco, depuis 1984.

Historique[modifier | modifier le code]

La Grande Mosquée[modifier | modifier le code]

Un lieu de culte ancien[modifier | modifier le code]

Au IVe siècle, à l'époque du Bas empire romain, Cordoue connaît, semble-t-il, le développement de plusieurs lieux de culte consacrés à des martyrs chrétiens. L'archéologie a permis d'identifier certains de ces sanctuaires paléochrétiens, tels San Acisclo et Tres Santos. Cette tendance cultuelle se poursuit au Ve siècle, avec la naissance de l'église San Vicente, bâtie à l'emplacement de la cathédrale actuelle, et dédié à Vincent de Saragosse, décapité par les romains en 304.

Dans les années 550, Athanagild, prétendant wisigoth au trône, fait appel aux Byzantins pour lui venir en aide dans sa lutte contre son opposant, Agila Ier. Les troupes de Justinien en profitent pour mettre la main sur la Bétique, qui devient la province byzantine de Spania, dont Cordoue semble être la capitale. Ils resteront maîtres de la ville jusqu'à la conquête de celle-ci par Léovigild en 572. C'est en tous cas sous leur domination qu'est rassemblé autour de l'église San Vicente, devenue basilique, un groupe d'édifices religieux, que l'on suppose être l'ensemble épiscopal du diocèse [1].

La mosquée primitive[modifier | modifier le code]

Les premiers temps de l'Islam cordouan[modifier | modifier le code]

Avec l'arrivée des Maures dans la péninsule Ibérique, l'Islam s'installe progressivement à Cordoue. Les premiers occupants tolèrent les communautés chrétiennes, qui continuent à jouir de la basilique saint Vincent et de ses dépendances épiscopales jusqu'en 741. À cette date, Balch, devient le 17ème émir représentant des Omeyyades de Damas. Il décide de partager la basilique en deux parties égales, dont l'une est affectée au culte musulman. L'édifice présentait en effet l'avantage d'être situé à quelques pas de l'ancienne fortersse wisigothique, devenue alcázar des princes.
Face à la croissance de la population musulmane, l'émir Yusuf al-Fihri exproprie les chrétiens du sanctuaire en 750, et fait démonter l'ensemble du mobilier liturgique. Il fonde ainsi la première mosquée aljama, qui, dans les villes islamiques équipées de plus d'un temple, fait office de mosquée principale. Cette grande mosquée primitive n'apporte aucun changement fondamental au monument chrétien, elle ne dispose pas même d'un minaret : le muezzin appelle à la prière depuis l'une des tours du palais voisin [2].

Abd al-Rahman Ier et Hisham Ier[modifier | modifier le code]

Le 15 mai 756, le jeune Abd al-Rahman Ier, chassé de Syrie à la suite du massacre de sa famille par les Abbassides, entre triomphalement dans la ville. Outre ses actions guerrières, un des aspects les plus marquants de sa politique est l'embelliseement de Cordoue, capitale de son nouvel émirat indépendant. Il fait fleurir la cité, la fait ceindre de remparts, et fait rebâtir l'alcázar.
En 785, il convoque les Mozarabes de la ville pour leur faire part de son souhait d'acquérir la basilique Saint-Vincent afin de légitimer l'expropriation dont ils avaient été victimes trente ans auparavant. Les chrétiens négocient à bon prix la vente, et obtiennent l'autorisation de pouvoir entretenir leurs églises, et d'en créer de nouvelles. La démarche de l'émir est également motivée par une accélération de l'inflation démographique, qui pose des problèmes de capacité pour la mosquée, dotée quelques années auparavant de tribunes pour doubler les possibilités d'accueil.
Dès 786 est entamée la destruction du temple wisigothique, qui est menée à bien en quelques mois. Les travaux de terrassement peuvent commencer, suivis par l'érection du monument conduite à vive allure, puisque l'émir vient y prier en 788. Ce dernier meurt peu de temps après, et c'est à son fils, Hisham Ier qu'il revient de finaliser les travaux par la construction du minaret, le montage du plafond, et l'aménagement de la cour des ablutions. La rapidité d'exécution de l'oeuvre s'explique principalement par l'utilisation de matériaux de remplois : colonnes, chapiteaux, etc., puisés dans des monuments romains et wisigothiques en ruines, ou expressément démolis pour l'occasion.
Cette première mosquée émirale adopte le plan d'un carré de 75 mètres de côtés, divisé en deux parties strictement égales : l'une, au nord, affectée à la cour des ablutions, l'autre, au sud, qui forme la salle de prière. Celle-ci est organisée en 11 nefs organisées dans le sens nord-sud, formant douze travées dans le sens est-ouest. La nef centrale, plus large que les autres, mène au mirhab, qui se trouve niché dans une petite abside en saillie dans le mur sud [3].

Les agrandissements postérieurs[modifier | modifier le code]

Abd al-Rahman II et ses successeurs[modifier | modifier le code]

Le premier tiers du IXe siècle se distingue par une incroyable vitalité démographique à Cordoue ; cet atout pour la capitale émirale implique néanmoins de nouveaux soucis en terme de fréquentation de la mosquée aljama. Par conséquent, Abd al-Rahman II décide en 833 de procéder à un premier agrandissement du monument, en le prolongeant en profondeur vers le sud. Tout en préservant scrupuleusement la construction de son ancêtre, il prolonge les nefs existantes de huit travées supplémentaires, soit 27 mètres de plus : le carré n'en est plus un, mais la mosquée conserve son unité structurelle et stylistique. L'émir ajoute de nouvelles galeries pour les femmes autour de la cour. Celle-ci, avec les galeries déjà érigées au siècle précédent, se retrouve intégralement enveloppée par ces espaces féminins d'oraison.
Les travaux tardent cette fois-ci davantage, et ne sont conclus qu'en 855, sous le règne de Muhammad Ier, fils d'Abd al-Rahman II. Le nouveau souverain d'Al Andalus fait notamment décorer le nouveau mirhab, lequel a inévitablement suivi le recul du mur qibla entraîné par le prolongement des nefs. Son successeur Al-Mundhir fait quant à lui aménager durant son bref règne une salle du trésor destinée à abriter les dons et legs, laissés par les fidèles pour l'œuvre de charité. À sa mort en 888, son frère, Abd Allah ben Muhammad est proclamé émir. Sa popularité médiocre lui fait craindre le pire ; méfiant, il fait relier l'alcázar voisin à la mosquée par une galerie surplombant la rue, afin de se rendre à la prière sans être vu [4].

Abd al-Rahman III[modifier | modifier le code]

Abd al-Rahman III monte sur le trône émiral en 912, et finit par s'autoproclamer Calife de Cordoue en 931, officialisant ainsi de manière définitive la rupture vis-à-vis de Bagdad, effective depuis longtemps déjà. Le principal chantier de son règne est celui de Madinat al-Zahra, luxueuse ville palatine qu'il fait jaillir de terre à quelques kilomètres du centre de sa capitale. Il ne néglige pourtant pas sa grande mosquée. En 951, il procède à l'extension de la cour des ablutions, qu'il allonge de 21 mètres vers le nord. Parallèlement à cette décision, il ordonne la démolition du minaret du VIIIe siècle, et le fait remplacer par une nouvelle construction plus ambitieuse, de 8,5 mètres de côté, et 34 mètres de haut. En 958, ployant sur la pression exercée par l'agrandissement d'Abd al-Rahman II, l'enceinte nord de la salle de prière menace de s'effondrer. Le renfort apporté par un mur de soutien d'1,5 mètre d'épaisseur permet d'éviter le drame [5].

Al-Hakam II[modifier | modifier le code]

C'est sous le règne du deuxième calife, le très fin et lettré Al-Hakam II, que la mosquée va connaître sa plus fastueuse phase d'expansion. Face à une population toujours plus dense, dont la croissance est stimulée par l'extraordinaire vitalité de la Cordoue califale, il décide en 961 d'étendre une fois encore vers le sud la salle de prière. Les nefs sont prolongées de 65 mètres, soit dix travées. À l'extrémité de celles-ci sont aménagées la maqsura et le mihrab, sommets de l'art décoratif hispano-mauresque. Six niches à coupoles sont incorporées au mur qibla, la cour est réaménagée, tandis que la galerie d'Abd Allah est substituée par un équivalent d'un luxe qui provoquera l'éloge des chroniqueurs. Ces grands travaux d'extension et d'embellissement touchent à leur fin en 971 [6].

Almanzor[modifier | modifier le code]

Seize ans plus tard, en 987, Almanzor, le brillant hagib (vizir) du calife Hicham II, est lui-même confronté aux problèmes d'une mosquée devenue en peu de temps exiguë. Il lance une quatrième campagne d'agrandissement, qu'il associe à ses retentissantes victoires contre les Chrétiens du nord de l'Espagne. Souhaitant coupler ses triomphes belliqueux à son rôle de protecteur de la grande mosquée (d'aucuns lui reprochaient son manque de sincérité dans la foi), il n'hésite pas à intervenir matériellement dans le déroulement des travaux, en s'intégrant occasionnellement aux équipes d'ouvriers. La nouvelle construction pose néanmoins quelques difficultés : la proximité du Guadalquivir interdit désormais de repousser la qibla vers le sud. Almanzor choisit par conséquent d'élargir la mosquée vers l'est, en lui adjoignant huit nefs supplémentaires. Le mihrab, auquel conduisait le vaisseau principal dans l'ancienne configuration, s'en trouve décentré. L'autre conséquence de cet élargissement est l'extension correspondante de la cour des ablutions, qui se voit agrémenter, tout comme la salle de prière, de 46 mètres vers le ponant. Le grand patio est orné de nouvelles fontaines, et, surtout d'une citerne encore en place aujourd'hui. Ce dernier agrandissement élève la grande mosquée aljama de Cordoue au rang de plus grand sanctuaire islamique de l'époque.
La chute du Califat entraîne avec elle une relégation de Cordoue à des rôles secondaires dans le déroulement des évènements politiques et militaires d'Al Andalus. La mosquée omeyyade ne bénéficiera désormais plus d'aucune initiative d'envergure. Les autorités locales se contenteront dès lors de pourvoir à l'entretien et à la restauration d'un édifice déjà multiséculaire [7].

Plan des agrandissements successifs de la mosquée

La mosquée : un lieu de vie[modifier | modifier le code]

La mosquée aljama est le lieu de culte majeur de la Cordoue musulmane. C'est là que se tient la principale prière de la semaine : la prière du vendredi. Néanmoins, au-delà de ses attributions cultuelles, le monument remplit des fonctions diverses, qui en font le centre de la vie sociale et politique de la capitale des Omeyyades.

En dehors des fidèles, la mosquée est peuplée d’un personnel nombreux, dont l’effectif atteint probablement 159 personnes sous Almanzor, selon les chroniques. Alors que certains se voient confier les tâches d’entretien du monument, d’autres assument les fonctions religieuses nécessaires au bon déroulement des activités pastorales. Parmi ces membres du clergé peuvent être distingués [8]:

  • l’imam, qui dirige la prière. Il est nommé par l’émir ou le calife, imams suprêmes.
  • le khatib, qui prononce le sermon depuis le minbar, lors de la prière du vendredi, laquelle rassemble une foule considérable à la grande mosquée. Outre les paroles religieuses, le sermon, prononcé au nom du souverain, contient des références politiques, compréhensibles dans un lieu lié au pouvoir en place.
  • le muezzin, qui appelle à la prière depuis le minaret de la grande mosquée. Pour la prière du vendredi, il était secondé par des pairs qui appelaient les fidèles devant les portes de l’édifice.


La grande mosquée est agitée par une animation incessante. Elle voit se succéder les plus puissants dignitaires du royaume, les autorités religieuses, les érudits, les simples fidèles, les ouvriers d’entretien,... Le lieu de culte grouille de vie, et condense entre ses murs une partie non négligeable de l’activité politique, sociale et bien entendu religieuse de Cordoue. Lieu de rencontres, lieu d’échanges, lieu de prière et d’enseignement, elle rassemble la communauté des croyants autour de ses nefs.

Gravure romantique du XIXe siècle

À l’instar des cathédrales et des monastères chrétiens, qui se définissent comme des lieux de savoir tout autant que de prière, la grande mosquée est le cadre d’une activité d’enseignement énergique. La présence à ses côtés d’une des plus riches bibliothèques de l’époque stimule la vie intellectuelle qui s’y déroule. Des maîtres y dispensent des cours de science coranique, de droit, de grammaire, ou de sciences, à des auditeurs provenant de milieux divers. Par ailleurs, des écoles coraniques pour enfants sont installées dans les galeries de la cour des ablutions. Cette dimension culturelle de la grande mosquée atteint son paroxysme sous le règne d’Al-Hakam II, qui encourage le développement de telles initiatives. Ce centre d’enseignement reste florissant sous les régimes suivants, et demeure jusqu’au XIIIe siècle à la tête dans le domaine des études à Cordoue [9].

La Grande Mosquée : un symbole politique[modifier | modifier le code]

La grande mosquée est aussi et surtout le siège du pouvoir des Omeyyades, le signe le plus éclatant de leur puissance et de leur autorité. Le simple fait que l’édifice n’ait jamais été détruit pour être rebâti, mais constamment agrandi, démontre toute la charge symbolique dont il est dépositaire pour les descendants d’Abd al-Rahman Ier :

« "(…) la mosquée-cathédrale de Cordoue, qui, autant ou même plus que l’Alcázar des émirs et des califes hispano-umaiyades, a toujours constitué le siège incontestable de leur puissance temporelle et spirituelle [10]." »

Cette dignité se traduit concrètement par la tenue à la mosquée des grands évènements qui marquent la vie de la cité. Elle est le théâtre de grandes réunions publiques : le départ à la guerre est précédé par la remise solennelle des drapeaux sous les nefs du monument, et les victoires des armées omeyyades sont annoncées depuis le minbar. La foule des fidèles peut y écouter les discours des émirs et des califes, qui viennent d’ailleurs y prier régulièrement, depuis l’alcázar voisin. La proximité avec ce dernier facilite les échanges entre les deux sièges du pouvoir : les discussions politiques sont monnaie courante à la mosquée. Par ailleurs, le bay’a, ou prestation de serment du souverain, a pour cadre la mosquée ou à l’alcázar. Enfin, le cadi, personnage nommé par le souverain et chargé d’administrer la justice en son nom, siège à la grande mosquée, afin de permettre l'accès de tous les croyants aux tribunaux. Entouré de juges et d’huissiers, il se place à proximité de la qibla, pour rendre ses décisions [11].

La cathédrale chrétienne[modifier | modifier le code]

La reconquête et ses lendemains : XIIe-XVe siècles[modifier | modifier le code]

Scène de bataille entre maures et chrétiens (miniature des Cantigas de Santa María d'Alphonse X de Castille)

Ferdinand III et ses troupes parviennent à s'emparer, presque par hasard, de Cordoue en 1236. Le 29 juin 1236, le roi de Castille et León fait son entrée solennelle dans la cité, et se dirige vers la grande mosquée, qui, le jour même sera convertie au culte catholique. La cérémonie est dirigée par Juan Domínguez, évêque d'Osma, entouré de grands prélats du royaume. Elle est célébrée dans un recoin de l'immense édifice, qui fait office de chapelle, sous l'invocation de saint Clément. La mosquée devient l'église Santa María la Mayor, et sera consacrée cathédrale, lorsque Cordoue se verra octroyer en 1237 le siège d'un diocèse, dont le premier évêque sera Lope de Fitero [12].

Les premières générations de reconquérants s'évertuent à respecter l'intégrité du monument omeyyade, seuls sont effectués les aménagements strictement nécessaires à l'exercice du culte chrétien. La seule intervention d'importance a lieu en 1257, avec l'érection par l'évêque Fernando de Mesa de la chapelle de Villaviciosa dans le petit vestibule d'accès à la maqsura : on y installe le maître-autel. Alphonse X de Castille va jusqu'à promulguer deux ordonnances dont le contenu vise à préserver le temple musulman. En 1261, il ordonne que toutes les églises du diocèse de Cordoue contribuent financièrement aux frais de restauration des plafonds. Deux ans plus tard, en 1263, le Roi Sage assigne à chaque maçon et charpentier musulman de la ville deux jours de travail pour l'entretien du sanctuaire.

Au XIVe siècle, en 1368 plus précisément, le vestibule du mirhab est consacrée en chapelle, dédiée à saint Pierre. En 1371, Henri II de Trastamare fait réaliser la première modification significative. Il fait aménager dans la sacristie la chapelle royale, dédiée à Ferdinand III, afin d'accueillir les sépulcres de Ferdinand IV et d'Alphonse XI. Il sollicite à cet effet des artistes mudéjars qui décorent la chapelle, selon les goûts alors en vogue dans le royaume voisin de Grenade. D'autres retouches, qui n'altèrent cependant en rien la structure de l'édifice, sont apportées au cours des années qui suivent. En 1384 est érigée la chapelle de saint Augustin, contre le mur ouest de la construction primitive d'Abd al-Rahman Ier. Peu après, pourtant, un noble cordouan, Alonso Fernández de Sotomayor, entreprend une modification lourde de conséquences, en faisant édifier une chapelle particulière contre le mirhab, qu'il cache entièrement. Son initiative, prise à l'encontre de l'avis du roi, sera vouée à la destruction au XVIIIe siècle.

Un changement de cap s'amorce dans les dernières déconnies du XVe siècle. Étant parvenu à rallier la reine Isabelle de Castille à son projet, après le refus initial de celle-ci, l'évêque Iñigo Manrique procède à l'extension de la Chapelle de Villaviciosa, jusqu'au mur occidental de la mosquée. Les deux travées omeyyades correspondantes sont abattues sur une largeur de cinq nefs, soit une superficie de 370m², pour permettre d'ériger une haute nef gothique, décorée de plafonds à caissons d'inspiration mudéjare. C'est la première véritable église bâtie à l'intérieur de l'ancienne mosquée, siège épiscopal [13].

Le XVIe siècle : la construction d'un nouvel édifice[modifier | modifier le code]

C'est pourtant le XVIe siècle, avec le renforcement du catholicisme en Espagne, qui va imposer ses marques dans un monument resté jusqu'alors quasiment intact. Il semble en effet paradoxal à l'évêque Alonso Manrique de Lara que les célébrations liturgiques ne se déroulent pas au centre du bâtiment. Il souhaite pour son diocèse une cathédrale susceptible de rivaliser en beauté et en magnificence l'illustre mosquée omeyyade. Son projet ambitieux s'affronte à l'opposition majoritaire de la population et des élites locales. Il parvient néanmoins à force de ténacité à convaincre Charles Ier de le laisser agir.

Charles Quint, par Rubens

Les travaux débutent dès 1523 sous les ordres de l'évêque qui, quelques mois plus tard est élu archevêque de Séville. Ce sont donc ses successeurs qui auront à charge de veiller au déroulement des travaux, conduits par l'architecte Hernán Rodríguez Ruiz, suivi de son fils et de son petit-fils, Hernán Ruiz Jiménez et Hernán Ruiz Díaz respectivement. Le coeur de la mosquée est alors éventré : les colonnes et arcs et toitures sont abattus. Ce sont donc 1500 m² qui se retrouvent réduits à néant, tandis qu'une surface équivalente est réorganisée autour de la future cathédrale, afin de préparer les structures qui serviront d'appui à celle-ci. La vision de ce monument défiguré en son centre est déplorable, Charles Quint s'en émeut lors d'une halte à Cordoue en 1526. Découvrant le visage de l'ancienne mosquée, il regrette sa décision et le fait savoir à l'évêque Juan de Toledo, auquel il adresse une remarque restée célèbre :

« Si yo hubiera sabido lo que era esto, no hubiera permitido que se llegase a lo antiguo : porque hacéis lo que hay en otras muchas partes, y habéis deshecho lo que era único en el mundo.[14]. »

En 1589, un tremblement de terre provoque de nouveaux dommages à la mosquée : le minaret d'Abd al-Rahman III en ressort complètement fragilisé. Il est donc décidé d'en démolir la partie supérieure, sur laquelle avait été installé un petit campanile après la reconquête. Le reste de la tour est conservé, puis enveloppé dans une nouvelle construction maniériste, qui ne sera finalisée qu'en 1664. Un nouveau coup est porté au monument en 1611, lorsque l'évêque Diego de Mardones fait détruire la galerie de communication entre l'ancien alcázar (alors déjà réduit à portions congrues) et la mosquée, qui avait bâtie sous Al-Hakam II. Les témoins de l'époque se lamentent d'une telle disparition [15].

L'achèvement des travaux en 1607 est l'occasion d'une certaine libéralité dans l'attribution de chapelles particulières, installées contre les murs intérieurs de la mosquée, lesquels ne tardent pas à être occupés dans leur quasi totalité. En 1614 est mis en place le maître-autel, surmonté d'un gigantesque tabernacle en 1653, les deux pièces étant réalisés dans le plus pur style baroque espagnol. Le reste du XVIIe siècle est marqué par la construction de la chapelle de la Concepción en 1685, puis celle de Santa Teresa (ou du Cardinal Salazar), inaugurée en 1705.

Les évêques du début du XVIIIe siècle poursuivent leur entreprise de remodelage de la mosquée, par le démontage d'une partie des plafonds à caissons omeyyades, remplacées par des voûtes de plâtre, peintes de blanc. L'édification de chapelles se poursuit également. Parallèlement à cela, les splendides stalles en bois sculpté sont fixées dans le chœur de la cathédrale [15].

Du XIXe siècle à nos jours[modifier | modifier le code]

Le XIXe siècle est marqué par une prise de conscience de la richesse et de l'unicité de la mosquée. Entre 1815 et 1818, l'évêque Trevilla ordonne l'enlèvement du retable de la chapelle établie en 1384 par Alonso Fernández de Sotomayor. Le mihrab s'en trouve dégagé, et apparaît intact, uniquement souillé par la marque du temps : ses mosaïques sont restaurées. Les arcs de la mosquée sont débarrassés de leur revêtement de chaux, et leurs claveaux sont peints en faisant alterner le rouge et le blanc. L'évêque décide d'autre part de démanteler la chapelle de Villaviciosa, aménagée au XIIIe siècle dans le vestibule précédant la maqsura : le petit pavillon aux arcs polylobés d'un extrême raffinement est rendu à son état d'origine.

En 1882, l'État déclare la mosquée-cathédrale monument historique, sous le mandat épiscopal de Ceferino González. Le classement ouvre la voie à un entretien régulier, et à un travail de restauration qui ne prendra véritablement jamais fin. Durant quarante ans, le conservateur Ricardo Velázquez va s'attacher à restituer son panache à l'antique aljama. Le pavement de briques, altéré, est substitué par un revêtement de marbre, l'enceinte extérieure est restaurée par le sculpteur Mateo Inurria, tandis que sont entamées diverses réparations à l'intérieur du monument.

À partir de 1923, et durant près de cinquante ans, la direction des chantiers est confiée à l'architecte Félix Hernández, spécialiste de l'art et de l'archéologie islamiques. Tout en poursuivant les indispensables réparations, il se consacre à des fouilles, qui permettent de mettre à jour les fondations des minarets d'Abd al-Rahman Ier et d'Abd al-Rahman II, et de découvrir les vestiges de celui d'Abd al-Rahman III à l'intérieur du clocher du XVIe siècle.

Les fouilles et travaux de restauration continuent encore de nos jours, et ont, depuis permis de faire ressurgir les fondations des édifices paléochrétiens ensevelies pour la construction de la première tranche de la mosquée en 786. Les chapelles désaffectées les plus insignifiantes ont été supprimées et les anciennes portes de communication entre la salle de prière et la cour des ablutions, murées à l'époque chrétienne, ont été repercées pour installer des jalousies de bois [16].

La consécration vient en 1984, lorsque l'Unesco déclare l'ensemble de la mosquée-cathédrale patrimoine mondial de l'Humanité.

Description[modifier | modifier le code]

La Grande Mosquée de Cordoue se présente selon un vaste plan rectangulaire, aux allures de forteresse. Le monument, d’une largeur de 128,41 mètres (d’est en ouest) pour une profondeur de 175,02 mètres (du nord au sud), se divise en deux grandes parties, d’inégale superficie. La salle de prière, située au sud, occupe environ 14.715 m², tandis que la cour des orangers, au nord, s'étend sur 7.758 m²[17]. La surface totale de l'édifice atteind donc 22.473 m² [18]. Ses dimensions exceptionnelles, qui n'ont souffert aucune modification depuis 987, en font la troisième construction de l'art religieux musulman en termes de surface, après la Masjid al-Haram de La Mecque et la Mosquée Hassan II de Casablanca.

La Grande Mosquée omeyyade définit l’architecture et les arts décoratifs de la dynastie, qui seront appelés à connaître un succès non démenti tout au long de la présence musulmane en Espagne, et au-delà, avec le prolongement que constitue l’art mudéjar. Édifice le plus prestigieux des périodes émirale et califale, elle symbolise le raffinement d’une époque, et représente dans la pierre la diversité des éléments culturels qui se fondent dans la société d’Al Andalus. En ses murs sont rassemblées et synthétisées les différentes influences artistiques ayant inspiré ses concepteurs durant trois siècles : proche-orientales, wisigothiques et romaines [19].

Les chapelles catholiques de différentes époques présentent pour leur part un panorama de l'évolution de l'architecture et des arts décoratifs espagnols, tandis que la cathédrale bâtie au XVIe siècle illustre avec brio la transition du style gothique dit isabélin à l'architecture de la Renaissance. La monumentalité, la richesse du décor et la profusion d'œuvre d'art caractérisent les apports chrétiens à l'édifice.

L'extérieur[modifier | modifier le code]

Vue générale de la mosquée-cathédrale

L’extérieur ne laisse en rien présager de la somptuosité de la salle de prière et de la cathédrale. De loin, le monument présente une allure de forteresse dont émerge la silhouette imposante de la cathédrale du XVIe siècle, le clocher et les coupoles des niches de l’ancienne mosquée et celles des chapelles postérieures. Construite en belle pierre calcaire dorée, elle séduit par sa monumentalité et sa position dominante dans l’horizon de la ville, sur laquelle elle semble veiller.

Elle n’était pas entourée, comme pourrait le laisser deviner la trame urbaine actuelle, d’un lacis de ruelles escarpées. Au contraire, ses alentours étaient occupés par de vastes espaces publics : places, rues,... La foule des fidèles devait en effet pouvoir circuler aisément autour du sanctuaire, et y prier en cas de grande affluence. Les souverains, quant à eux, y passaient régulièrement, et il était indispensable que leur cortège pût évoluer sans encombres au pied de l’édifice. Ce dernier était par ailleurs entourés de hauts lieux de pouvoir et de culture : alcázar, écoles coraniques,... Proche du Guadalquivir et au débouché du pont romain qui donnait accès au sud, elle jouissait d'un emplacement stratégique au cœur de la ville. Avec l’évolution du tissu urbain, la mosquée-cathédrale se trouve aujourd’hui enchâssée dans les diverses constructions qui l’enserrent sur tous ses côtés.

Enceinte et portes[modifier | modifier le code]

Les murs de la mosquée ont l’apparence d’une enceinte fortifiée, couronnée d’une crête fleurdelisée, flanquée de contreforts réguliers destinés à en assurer la stabilité, et ponctuée de portes d’accès à la cour des orangers et à l’intérieur même de l’édifice. L’enceinte bordait à l’ouest l’ancienne voie romaine qui empruntait le pont du Gaudalquivir.

Les portes ont en grande partie été murées à l’époque chrétienne, afin de permettre l’installation de chapelles à l’intérieur. Certaines d’entre elles ont été remaniées selon les canons gothiques au moyen âge, mais la plupart ont conservé leur lustre d’antan, grâce aux restaurations menées aux XIXe et XXe siècles [20]. La plus ancienne de ces ouvertures est la Porte de San Sebastián, percée lors de l’érection de la première mosquée par Abd al-Rahman Ier. Son influence s'étend à toutes les portes construites postérieurement, organisées selon un modèle commun, en trois parties :

Détail d’une porte
  • un corps central percée d’une porte surmontée d’un arc en fer à cheval. Cet arc s’inscrit dans un alfiz (cadre rectangulaire encadrant un arc) richement décoré de panneaux de mosaïques et de stucs, et orné de cartouches moulés d’inscriptions religieuses. Le tout est surmonté d’une galerie d’arcatures aveugles polylobées ou en fer à cheval, dont le fond est décoré de mosaïques et de stucs finement sculptés.
  • deux corps latéraux, plus étroits et moins élevés : au-dessus d’une porte rectangulaire murée est placée une jalousie ouvragée, flanquée de colonnettes et couronnée d’un arc polylobé richement décoré, voire, en sus, d’une baie géminée composée de deux arcs en fer à cheval.

En suivant la composition générale des portails, chacune d’entre eux développe un programme propre, variant les motifs décoratifs ou les éléments structurels : motifs végétaux, moulures calligraphiques, arcs de diverses formes, compositions de brique ou de pierre,… La plus spectaculaire des façades, celle qui a le moins souffert des modifications postérieures, est sans aucun doute, le mur oriental, construit lors de l’extension d’Almanzor au Xe siècle : sept portes monumentales raffinées donnent accès à la salle de prière.

Le clocher[modifier | modifier le code]

Le clocher de la cathédrale de Cordoue

Le clocher de la cathédrale de Cordoue prend appui sur le mur septentrional de la cour des orangers, et se trouve accolé à la Porte du Pardon. L'édifice actuel fut bâtie à partir de 1593, suite à un tremblement de terre survenu en 1589, et qui endommagea sérieusement l’ancien minaret omeyyade déjà mis à mal par l’intervention des hommes et les outrages de la nature. La conception et la construction du nouveau campanile furent confiés à l’architecte Hernán Ruiz III [21]. Celui-ci proposa de conserver la structure du minaret et d’habiller ce dernier d’un parement nouveau, conformes aux goûts de la Renaissance espagnole. Les travaux accumulèrent cependant un retard considérable et ne furent terminés qu’au XVIIIe siècle.

La tour, telle qu’elle peut être admirée aujourd’hui, se caractérise par la superposition de quatre volumes de plan carré dont la surface va décroissant de bas en haut : l’élévation se trouve par conséquent couplée à un affinement de la silhouette, renforçant ainsi l'élan vertical. Les deux volumes inférieurs sont ornés de balustrades et de pinacles renforçant la verticalité de la construction. Le troisième étage est quant à lui percé de larges baies et abrite les cloches de la cathédrale. Celles-ci, en très grand nombre, sont réputées pour leurs qualités acoustiques ; la plus ancienne d’entre elle fut fondue en 1497[22]. Enfin, l’étage supérieur est occupé par une construction organisée sur deux niveaux. Au premier niveau s’élève une construction, percée d’ouvertures à frontons, où se loge une cloche. Au second niveau se trouve un petit clocheton circulaire en dôme, dominée par une statue de saint Raphaël. La modeste terrasse qui supporte cet étage est garnie de balustrades, et de contreforts en volutes soutenant le corps de bâtiment.

On ne saurait passer sous silence l’antique minaret, dont on ignorait à peu près tout jusqu’aux travaux archéologiques menés au cours du XXe siècle. Cette ignorance a longtemps amené à s'interroger sur l’intérêt d’Abd al Rahman III pour sa mosquée, à laquelle il aurait préféré son grandiose projet de Madinat al-Zahra. Les études et prospections des archéologues ont permis de révéler que le minaret bâti sur ordre du calife de 951 à 952 constituait en réalité une des plus belles réalisations de l’art hispano-mauresque. La reconstitution du minaret sous forme de croquis a pu être réalisée par l’archéologue Félix Hernández au début du siècle dernier, grâce à ses travaux de fouilles, à l’observation minutieuse de représentations d’époque, et à la lecture attentive de chroniques médiévales.

Ce minaret mesurait 8,46 mètres de côté et 33,85 mètres de hauteur selon les chroniques. Deux escaliers indépendants menaient à une terrasse située à 23,5 mètres de hauteur et depuis laquelle les seize muezzins que comptait la mosquée appelaient à la prière. Les quatre façades étaient décorées de trois séries différentes d’arcs géminés, flanqués de colonnes de jaspe vermeil et blanc surmontées de chapiteaux corinthiens et composites. Les claveaux de ces arcs étaient de couleurs alternées. Sur la terrasse s’élevait un autre volume plus réduit percé de quatre portes à encadrement outrepassé, et couronné d’une coupole [23]. Les trois-quarts de l'ancienne tour ont survécu et se trouvent aujourd'hui solidement enveloppés sous la maçonnerie du clocher renaissance. La dernière campagne d'étude et de restauration, menée de 1992 à 1996 a permis de mieux en envisager les caractéristiques [24]

Les témoignages portant sur ce minaret présentent un double intérêt. Historique d’abord, puisque sa beauté dément le prétendu désintérêt d’Abd al Rahman III pour la mosquée aljama, qu’il dota d’une pièce exceptionnelle. Artistique ensuite, puisqu’il est hautement probable que cette tour ait servi de modèle à des construction similaires postérieures :

«  El alminar de la Mezquita de Córdoba fue una auténtica maravilla. Llegó a ser la representación de al Andalus […] Durante más de dos siglos, el fascinante alminar sirvió de modelo a todos los que se erigieron en al Andalus y en los amplios territorios del Mogreb [25]. »

La cour des orangers[modifier | modifier le code]

L’intérieur[modifier | modifier le code]

La salle de prière[modifier | modifier le code]

Vue de la salle de prière (agrandissement d’Almanzor).

L’intérieur de l’édifice se présente sous la forme d’une vaste salle de prière rectangulaire (114,60 mètres du nord au sud, pour 128,41 mètres d’est en ouest [26]). Dès la construction de la mosquée sous Abd al-Rahman Ier le choix fut fait de bâtir une salle de prière hypostyle, dont la toiture repose sur un réseau de colonnes. En découle une organisation en nefs longitudinales perpendiculaires au mur qibla au sud (ce dernier étant légèrement désorienté par rapport à la direction de La Mecque, sans doute en raison de la nature du terrain, qui rendait difficile l’implantation orthodoxe de l’édifice [27]). Cette technique, originaire de Syrie, se retrouve dans tout le monde arabe, notamment à la Mosquée Al-Aqsa de Jérusalem [28]. Il en résulte que le poids de la toiture n’est pas supporté par les murs extérieurs, mais par les nefs. Il devient donc possible de repousser les murs du bâtiment sans l’affaiblir. Cette technique révèle de ce fait « une conception flexible de l’édifice », non définitive, à l’inverse de l’architecture romane et gothique [29]. Vue du ciel, la salle de prière offre une série de toits à deux eaux recouverts de tuiles correspondant chacun à une nef.


Cette organisation a permis les agrandissements successifs, le système hypostyle permettant d’ajouter à l’infini des unités semblables [29]. Les deux premiers agrandissements se sont faits en profondeur, repoussant par deux fois le mur qibla vers le fleuve. Sous Almanzor, cette dernière option étant rendue impossible par la trop grande proximité du Guadalquivir, le troisième agrandissement fut mené vers l’est, et compromit de ce fait la symétrie de l’édifice. Dès lors, la nef centrale menant au Mihrab s’est trouvée désaxée par rapport à l’ensemble du bâtiment. La présence de cette nef, plus large et plus haute que les autres, traduit, par l’adoption d’un plan basilical, une influence paléochrétienne [30].

Organisation des rangées d’arcades


Dix-huit rangées d’arcades parallèles délimitent un ensemble de dix-neuf nefs distribuées sur toute la largeur de l’édifice (est-ouest), et forment une série de trente-quatre travées qui se succèdent de la cour vers le mur qibla (nord-sud). Ces rangées d’arcades à deux niveaux d’élévation, sur lesquelles repose la toiture, adoptent le même plan d’élévation. Les nefs sont délimitées par des rangées parallèles d’arcades : sur des colonnes surmontées de chapiteaux, s’élève un arc outrepassé, engagé dans deux piliers prenant également appui sur les colonnes. Sur ces piliers repose un arc en plein cintre. Les claveaux des arcs font alterner la pierre et la brique, créant ainsi une bichromie rouge et blanche [27]. Le modèle de ce type original d’arcades à deux niveaux pourrait provenir de la Mosquée des Omeyyades de Damas, voire des aqueducs romains d’Espagne [31].

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette organisation des arcades. Des considérations techniques tout d’abord. La nécessité de solidariser les colonnes entre elles est une des motivations du choix des concepteurs. D’autre part, l’urgence de la construction d’un nouvel édifice au VIIIe siècle a conduit les architectes à opter pour des matériaux de remploi, qui présentaient également l’avantage de réduire le coût du chantier. Ainsi, les colonnes employées lors de cette première campagne proviennent d’anciens monuments romains. La hauteur limitée de ces fûts a entraîné la superposition de deux niveaux d’arcs, dans le but d’atteindre une élévation suffisante et d’accroître la luminosité. À ces impératifs techniques s’ajoutent des exigences d’ordre esthétique. La disposition des arcades permet de « dissoudre » davantage l’espace et accentue l’effet visuel déjà obtenu par les colonnes[32]. La succession régulière de ces dernières, des arcs et des couleurs provoque en effet une impression de profondeur et d’immensité spectaculaire, tout en créant des jeux de perspectives infinies :

« Visiter la mosquée de Cordoue, c’est en effet se déplacer dans une « forêt de colonnes » entre lesquelles le regard se glisse et ouvre des perspectives multiples et successives, perpendiculaires ou obliques, qui contribuent à dissoudre toute appréhension stable du bâtiment. [33] »

L’arc outrepassé, d’origine wisigothique, deviendra une des marques spécifiques de l’architecture hispano-musulmane, et sera remployée tout au long de l’histoire d’Al Andalus, non sans quelques évolutions stylistiques.

La partie primitive, œuvre du règne d’Abd al-Rahman Ier, présente une grande variété de fûts de colonnes et de chapiteaux, puisés dans d’anciens monuments romains et wisigothiques. Ses dimensions sont assez réduites, et les matériaux témoignent davantage qu’ailleurs de l’usure du temps. Alternent dans le noyau originel de la mosquée les fûts de marbre, de gypse,... surmontés de chapiteaux ouvragés de styles corinthien ou wisigothique, à la décoration raffinée. Les agrandissements successifs ont respecté le plan et l’ordonnancement d’origine, mais dénotent une évolution dans la sculpture omeyyade, notamment à travers les chapiteaux. Une unité matérielle et stylistique rigoureuse est respectée dans l’agrandissement mené par Al-Hakam II : y alternent des colonnes aux tons bleus et rouges, supportant des chapiteaux de style califal servant à leur tour d’appui, dans la maqsurah, à de complexes réseaux d’arcs polylobés entrelacés [34]. Les travaux d’Almanzor, réalisés à la hâte, afin de satisfaire les besoins urgents de place pour les fidèles, sont manifestement d’une moindre qualité d’exécution. Si le style est respecté, la pauvreté des matériaux utilisés contraste avec la richesse et le raffinement des constructions antérieures [35]. Par ailleurs, les nefs de cette étape de la construction de la mosquée ne sont pas recouvertes de plafonds artesonados, mais de voûtes, gothiques et baroques, aménagées aux XIVe et XVIIIe siècles.

Les nefs latérales (sens nord-sud) ont été aménagées en une multitude de chapelles, dès le XIIIe siècle. Par ailleurs, l’édification, au XVIe siècle, de la cathédrale au cœur du bâtiment a profondément modifié l’apparence de ce dernier, par la destruction des nefs centrales, et l’implantation de contreforts stylisés au sein même de la salle de prière.

La maqsura et le mihrab[modifier | modifier le code]

La chapelle de Villaviciosa[modifier | modifier le code]

La cathédrale et les chapelles[modifier | modifier le code]

Conclusion : la cathédrale aujourd’hui[modifier | modifier le code]

L’ancienne mosquée, convertie au culte catholique depuis 1236, est le siège de l’évêché de Cordoue depuis 1237. En ce sens, elle est l’église principale du diocèse de Cordoue, où réside l’évêque. Des messes y sont célébrées quotidiennement, essentiellement dans les chapelles latérales, afin de permettre la circulation des visiteurs. La cathédrale est également le théâtre de nombreuses processions religieuses qui rythment le calendrier liturgique d’une ville aux traditions chrétiennes très enracinées. La Semaine sainte, moins spectaculaire qu’à Séville, constitue ainsi une des plus importantes manifestations religieuses de la ville et d’Andalousie.

L’édifice est entièrement dévolu au culte catholique, dans une région pleinement christianisée depuis la Reconquête. Néanmoins, l’augmentation constante depuis les années 1975 de la population de confession musulmane, a récemment conduit les organisations islamiques à solliciter auprès des autorités épiscopales la permission pour les pratiquants de l’Islam de venir prier dans la cathédrale. Cette demande, qui ferait de l’ancienne mosquée un lieu de culte multiconfessionnel, a jusqu’à présent été rejetée par les responsables du diocèse [36].

Outre son activité religieuse, l’ensemble architectural que constituent l’ancienne mosquée et les modifications postérieures à la reconquête est devenu en quelques décennies un des hauts lieux du tourisme andalou et espagnol. Principale attraction touristique de la ville, la mosquée-cathédrale draine chaque année plusieurs centaines de milliers de visiteurs [37] , venus se plonger dans un des monuments les plus insolites et les plus exceptionnels d’Europe.

De par son exceptionnel état de conservation et son importance dans le passé de la ville et de la péninsule, la cathédrale de Cordoue, ancienne mosquée des Omeyyades, constitue un héritage unique de la présence de l'Islam en Europe. Ces seules considérations suffisent à en faire un bien précieux, une pièce insolite et incomparable de l'histoire d'un pays, l'Espagne, et de l'une des grandes civilisations qui ont occupé son sol, Al Andalus. L'ensemble artistique et architectural formé par l'ancienne mosquée aljama et la cathédrale posée en son sein est par ailleurs porteur d'une forte charge symbolique : il matérialise le va-et-vient des cultures et des religions dans la ville et concrétise une constante de l'histoire qui veut que les conquérants cherchent à dominer les vaincus sans pouvoir toutefois éliminer leurs traces et leur souvenir. Le monument constitue par ailleurs encore à aujourd'hui un inestimable patrimoine artistique, où se côtoient l'un des sommets de l'architecture islamique mondiale et parmi les plus belles réalisations de l'Espagne mudéjare et de la Renaissance. Alors que la Cordoue des Omeyyades bâtissait son chef-d'œuvre entre les VIIIe et Xe siècles, l'Occident chrétien devra lui attendre le XIe siècle siècle pour voir s'élever les grands sanctuaires romans et gothiques. Pour ces différents motifs, l'UNESCO a classé ce monument singulier à sa liste du Patrimoine mondial de l'Humanité [38].

Références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Source : Pedro Márfil Ruiz, archéologue
  2. Source : SALCEDO HIERRO, Miguel, La Mezquita, Catedral de Córdoba, Córdoba, Publicaciones de la Obra social y cultural de Cajasur, 2000, pp. 17-18.
  3. Source : ibid, pp. 18-18.
  4. Source : ibid, pp. 20-21.
  5. Source : ibid, pp. 21-22.
  6. Source : ibid, pp. 22-24.
  7. Source : ibid, pp. 24-25.
  8. Centro Virtual Cervantes
  9. Les médersas ne s’implanteront en Al Andalus qu’à compter du XIVe siècle, ce qui limitera leur impact au seul royaume de Grenade.
  10. in LÉVI-PROVENÇAL, É., Histoire de l’Espagne musulmane, III, pp. 384.
  11. Sources du chapitre : Lévi-Provençal, É., Histoire de l’Espagne musulmane, III, pp. 384-395, Lévi-Provençal, É., L’Espagne musulmane au Xe siècle, pp. 220-221, Mazzoli-Guintard, Christine, Vivre à Cordoue au Moyen Âge, Solidarités citadines en terre d’Islam aux Xe-XIe siècles, pp. 72-73, Centro Virtual Cervantés – Exposition sur la mosquée de Cordoue
  12. LACOMBA ABELLAN, Juan Antonio, Historia de Andalucía, Málaga, Agora, 2002, p. 205.
  13. Source principale du chapitre : SALCEDO HIERRO, M., La Mezquita,..., pp. 26-32.
  14. Si j'avais su ce que c'était, je n'aurais pas permis que l'on touche à la partie ancienne : parce que vous faites ce qu'il y a à de nombreux autres endroits, et vous avez défait ce qui était unique au monde (traduction personnelle). Cité dans SALCEDO HIERRO, Miguel, ibid, p. 33.
  15. a et b Source : ibid, p. 33.
  16. Source du chapitre : ibid, pp. 34-36.
  17. BARRAL i ALTET, Xavier, L’art espagnol, Paris, Bordas, 1996, pp. 204-205.
  18. Pour donner une idée de sa prodigieuse grandeur, il nous faut penser que la superbe basilique Saint-Pierre, à Rome, pourrait tenir sur sa surface, et il resterait encore de l'espace. (traduction personnelle), in SALCEDO HIERRO, M., ibid, p. 75.
  19. AUGÉ, Jean-Louis (coor.), L’art en Espagne et au Portugal, Paris, Citadelles & Mazenod, 2000, pp. 77-78.
  20. Certaines de ces interventions, menées par Ricardo Velázquez Bosco ont été l’objet de critiques, dénonçant l’ampleur des restaurations, soupçonnées d’avoir été menées à bien sans respecter l’édifice original. Il est désormais admis que l’archéologue a procédé à leur rénovation selon des études rigoureuses de croquis et de dessins d’époque. À titre d’exemple, les deux portes méridionales de la façade orientale, pour lesquelles il ne disposait pas de la documentation nécessaire, ont d’ailleurs été laissées en l’état. Source : Centro Virtual Cervantes
  21. SALCEDO HIERRO, Miguel, La mezquita…, p. 88.
  22. ibid, pp. 96-101.
  23. ibid, pp. 85-86.
  24. ibid, p. 92.
  25. "Le minaret de la Mosquée de Cordoue fut une authentique merveille. Il finit par être la représentation d’al Andalus […] Pendant plus de deux siècles, le fascinant minaret servit de modèle à tous ceux qui furent érigés en al Andalus et dans les vastes territoires du Maghreb", in ibid, p. 97 (traduction personnelle)
  26. BARRAL i ALTET, L’art espagnol, p. 205
  27. a et b Source : Office du tourisme de Cordoue.
  28. ibid., p. 204
  29. a et b Citation et source : AUGÉ, Jean-Louis, L’art en Espagne…, p. 78.
  30. BARRAL i ALTET, ibid., p. 204.
  31. AUGÉ, Jean-Louis, ibid., p. 79.
  32. Source : AUGÉ, Jean-Louis, ibid., p. 79. « Cette rencontre entre les choix techniques et les orientations esthétiques est sans doute l’un des caractères les plus remarquables de la Mosquée de Cordoue. »
  33. AUGÉ, Jean-Louis, ibid., p. 79.
  34. AUGÉ, Jean-Louis, ibid., p. 79.
  35. Source : Office du tourisme de Cordoue.
  36. Source : Musulmanes a la puerta de la mezquita, reportage publié sur le site internet du quotidien espagnol El País.
  37. La Mosquée de Cordoue a reçu en 2005 1 122 338 visiteurs, source : Observatorio turístico de Córdoba, informe turístico anual 2005.
  38. Patrimoine mondial de l'UNESCO

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • AUGÉ, Jean-Louis (coor.), L’art en Espagne et au Portugal, Paris, Citadelles et Mazenot, 2000, (ISBN 2-85088-076-0).
  • BARRAL i ALTET, Xavier (coor.), L’art espagnol, Paris, Bordas, 1996, (ISBN 2-04-027095-7).
  • LÉVI-PROVENÇAL, Évariste, Histoire de l’Espagne musulmane, 3 t. (I, La conquête et l’émirat hispano-umaiyade ; II, Le Califat umaiyade de Cordoue ; III, Le siècle du Califat de Cordoue), Paris, Maisonneuve et Larose, 1999, (ISBN 2-7068-1386-5, 2-7068-1387-3 et 2-7068-1388-1).
    • L’Espagne musulmane au Xe siècle, Paris, Maisonneuve et Larose, 2002, (ISBN 2-7068-1639-2).
  • MAZZOLI-GUINTARD, Christine, Vivre à Cordoue au Moyen Âge, Solidarités citadines en terre d’Islam aux Xe-XIe siècles, Rennes, Presses universitaires, 2003, (ISBN 2-86847-778-X).
  • MENÉNDEZ-Pidal, Ramón (éd.), Primera Crónica General de España, Madrid, Seminario Menéndez Pidal, Gredos, 1977, tome 2, (ISBN 84-249-3495-4).
  • SALCEDO HIERRO, Miguel, La Mezquita, Catedral de Córdoba, Córdoba, Cajasur, 2000, (ISBN 84-7959-340-7).

Liens internes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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