Politique en Libye

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La politique en Libye est actuellement en phase de transition, à la suite de la guerre civile qui a renversé le régime dictatorial de Mouammar Kadhafi en août 2011. Depuis cette date, le Conseil national de transition (CNT) est internationalement reconnu comme l'autorité étatique de la Libye. L'autorité transitionnelle a annoncé l'organisation d'élections démocratiques en avril 2012 et espère mettre en place une démocratie constitutionnelle vers 2013.

Avant l'indépendance

La Libye n'accède au statut d'État indépendant qu'en 1951 : avant cette date, le pays est successivement un territoire de l'Empire ottoman, puis une colonie du Royaume d'Italie.

Sous les Ottomans, le gouvernement de la Régence de Tripoli est assuré par un pacha, assisté d'un divan (conseil de gouvernement) composé d'officiers expérimentés. Les Janissaires et les dynasties locales exercent une forte influence[1]. En 1771, Ahmad, chef de la famille Karamanli, s'empare du pouvoir avec le soutien d'un mouvement populaire et du divan de Tripoli; il finit par être reconnu par le gouvernement de Constantinople[2]. La famille Karamanli gouverne le territoire de l'actuelle Libye avec une grande autonomie, jusqu'en 1835, date à laquelle l'Empire ottoman dépose la dynastie et reprend le contrôle direct de la régence. L'administration est réorganisée, sous les ordres d'un Wali, lui-même aidé d'un commandant des troupes, d'un intendant aux finances, et de cinq responsables de Sandjaks sous les ordres directs de l'administration centrale. Le gouvernement ottoman doit cependant affronter l'opposition de divers mouvements tribaux et religieux, dont celui de la confrérie de la famille al-Sanussi.

En 1911, la régence est conquise par les troupes italiennes au cours de la guerre italo-turque. La Tripolitaine et la Cyrénaïque sont décrétées parties intégrantes du Royaume d'Italie. Dans les années suivantes, les Italiens hésitent quant au statut de la Libye italienne : deux protectorats autonomes, la République de Tripolitaine et l'Émirat de Cyrénaïque (ce dernier étant sous l'autorité des Sanussi), sont proclamés en son sein en 1918 et 1919, mais dès 1922, les Italiens reprennent le contrôle direct des territoires libyens. Dans les années 1920, Benito Mussolini renforce l'orientation coloniale du régime; les indigènes reçoivent en 1927 un nouveau statut, celui de la « citoyenneté italienne libyque ».

Italo Balbo, nommé en 1934 gouverneur général, réorganise la Libye italienne en la dotant d'une administration unifiée et en relançant l'implantation de colons. Les villages coloniaux sont chacun dotés d'une Casa del fascio (Maison du faisceau), représentation locale du Parti national fasciste, le parti unique alors au pouvoir en Italie[3].

Formation de l'État libyen

Après l'éviction des Italiens durant la Seconde Guerre mondiale, le territoire de la Libye est divisée en deux parties : l'une (Tripolitaine et Cyrénaïque) administrée par les Britanniques et l'autre (Fezzan) par les Français. Divers partis politiques se forment sur le territoire libyen, principalement en Cyrénaïque. En novembre 1947, l'émir Idris, chef de la famille Sanussi, rangé aux côtés des Alliés durant la guerre, revient définitivement se fixer en Cyrénaïque ; il ordonne rapidement aux deux partis politiques existant en Cyrénaïque, le Front national et le Comité Omar al-Muktar, de fusionner au sein d'un parti unique, le Congrès national, officiellement fondé le 10 janvier 1948. En Tripolitaine, divers partis politiques s'organisent et doivent se décider sur le futur avenir national de la Libye : soit un mandat international confié à l'Italie, ancienne puissance coloniale, soit une monarchie confiée à l'émir Idris, soit une nouvelle République Tripolitaine. La première solution est rejetée par la population, son annonce provoquant des manifestations de rue à Tripoli, tandis que la seconde a les faveurs des occupants britanniques[4]. Le 1er mars 1949, l'émir Idris proclame l'indépendance de l'Émirat de Cyrénaïque, recevant ensuite le soutien des Britanniques.

Le 21 novembre 1949 de la même année, l'Assemblée générale des Nations unies vote une résolution stipulant que la Libye devra devenir un État unifié, indépendant et souverain avant le 1er janvier 1952[5],[6].

Après un processus laborieux, un comité préparatoire de 21 membres (7 pour chaque région du pays) est formé le 25 juillet 1950 et chargé de baliser le terrain pour former une Assemblée nationale. Celle-ci se réunit en novembre et offre la couronne de Libye à Idris, les étapes suivantes étant la formation d'un gouvernement et la rédaction d'une constitution. Le , le premier gouvernement libyen, présidé par Mahmud al-Muntasser, est formé avec l'accord du roi. La constitution, qui prévoit la création d'un royaume fédéral, est adoptée le 7 octobre[7]. Le roi, dont la personne est inviolable et irresponsable, nomme les ministres. Le parlement se compose de deux chambres; la Chambre des députés, composée de 35 représentants de la Tripolitaine, 15 de la Cyrénaïque et 5 du Fezzan et le Sénat, dont les 24 membres sont pour moitié élus et pour moitié nommés par le roi. Chacune des trois provinces dispose d'un vali nommé par le roi, d'une assemblée législative et d'un conseil exécutif de 8 ministres. Une cour suprême fédérale arbitre les conflits entre les wilayas et le pouvoir fédéral. Le 24 décembre, l'indépendance du Royaume uni de Libye est officiellement proclamée[8].

Période monarchique

L'unité nationale de la Libye demeure cependant très imparfaite, du fait des divisions entre provinces. Le 19 mai 1951, la première visite à Tripoli du futur roi Idris n'a déclenché que peu d'enthousiasme dans la population[9]. Deux mois après l'indépendance de la Libye, le pays doit affronter une crise politique sérieuse : lors de ses premières élections libres et multipartites, le . Le Congrès national tripolitain, dirigé par Béchir Saadawi, remporte en effet les élections à Tripoli, mais partout ailleurs la victoire revient aux candidats gouvernementaux. L'opposition crie alors à la fraude et des manifestations tournent à l'émeute : si les troubles ne sont que superficiels, le gouvernement en profite pour expulser Béchir Saadawi, privant ainsi la Libye d'une figure politique d'envergure, et pour dissoudre tous les partis politiques[10],[11],[12].

Désormais dépourvue de réelle vie politique intérieure, la monarchie libyenne est de surcroît troublée par un problème dynastique. Le 5 octobre 1954, un cousin du roi, Cherif Muhi el-Din, assassine le conseiller royal Ibrahim Chelhi. Le meurtrier est condamné à mort et exécuté : cet épisode a de lourdes conséquences politiques, car le roi prive de droits dynastiques toute une partie de la famille royale, jugée trop liée au condamné. Le souverain, vieillissant et sans héritier direct, délaisse progressivement Benghazi pour s'installer à Tobrouk, qu'il ne quitte plus qu'à de rares occasions. Si la personne du roi, homme pieux et sans affectation, demeure respectée, le poids politique de la famille royale et son emprise sur la vie politique s'en trouvent réduits. Un malaise s'installe entre Idris Ier et ses plus fidèles soutiens en Cyrénaïque[13].

En 1959, l'économie de la Libye est bouleversée par la découverte de puits de pétrole. Il apparaît alors nécessaire, pour répartir les nouvelles richesses pétrolières, d'unifier le pays en mettant un terme au fédéralisme. C'est d'autant plus souhaitable qu'au début des années 1960, malgré les ressources tirées du « boom pétrolier », les inégalités sociales demeurent fortes en Libye et le mécontentement s'accroît, entretenu par les partisans des Frères musulmans, du Parti Baas ou du nassérisme. Une grève générale a lieu le 10 septembre 1961, entraînant une série d'arrestations et de condamnations. Le 25 avril 1963, une nouvelle Constitution est promulguée : la structure fédérale est abandonnée, le pays prenant le nouveau nom de Royaume de Libye[14]. Les assemblées et les gouvernements provinciaux disparaissent, et les vali deviennent de simples préfets. La réforme vise à moderniser l'administration économique du pays, ainsi qu'à réduire le poids politique des Tripolitains, qui demeurent considérés avec méfiance par le gouvernement royal[15]. Le gouvernement s'appuie sur les idées du nationalisme arabe pour renforcer l'unité nationale du pays. L'adoption d'une nouvelle administration centralisée ne change cependant pas les structures sociales de la Libye dont la vie politique, faute de partis politiques, demeure centrée sur les structures familiales et tribales.

Le facteur tribal demeure notamment le principal facteur de désignation des responsables, primant sur la compétence et le mérite[16]. Par le terme « tribu », les Libyens désignent un groupe se reconnaissant dans l'appartenance commune à un ancêtre éponyme, dont ils descendent par une filiation fondée sur l'ascendance paternelle. La tribu, en tant que groupe, constitue un espace de solidarité et de médiation. Le représentant du groupe, qui porte le titre de cheikh, appartient généralement à une famille qui se transmet le titre de père en fils et dispose d'un rôle de représentation et d'une autorité morale. Sur le plan politique, il est l'interlocuteur privilégié du pouvoir central. Cette structure tribale, particulièrement forte en Cyrénaïque, est l'héritière du mode de vie des bédouins, mais n'a plus grand-chose de commun avec la société antérieure à la colonisation italienne, alors marquée par le nomadisme. Pilier de tous les pouvoirs centraux pour administrer le pays, les tribus sont, depuis le XXe siècle, essentiellement urbaines. Sous la monarchie, les représentants des tribus de Cyrénaïque tiennent une place prépondérante au sein du pouvoir central, surclassant les tribus de Tripolitaine dont le poids démographique est pourtant supérieur. Cette inégalité contribue à susciter la rancœur des Tripolitains envers la monarchie[17].

Le gouvernement tente de remédier au mécontentement par une série de grands travaux, mais les tensions sociales demeurent vives et sont particulièrement soulignées par l'agitation populaire au moment de la guerre des Six Jours[18].

Le régime de Kadhafi

Dans la nuit du 31 août au , le mouvement des « officiers unionistes libres », dirigé notamment par le jeune officier Mouammar Kadhafi, réalise un coup d'État, renversant la monarchie et proclamant la république. Le 11 décembre 1969, une « proclamation constitutionnelle », fortement influencée par les principes du nationalisme arabe, du panarabisme et du socialisme arabe, fixe le mode de gouvernement de la République arabe libyenne. Le pouvoir exécutif est confié au Conseil de commandement de la révolution (CCR), son président Mouammar Kadhafi étant chef de l'État; le CCR compte parmi ses prérogatives la nomination du Conseil des ministres[19]. Le 16 janvier 1970, Kadhafi devient lui-même Premier ministre, cumulant les postes de chef de l'État (en tant que président du CCR) et de chef du gouvernement. Cinq des douze membres du CCR sont nommés à des postes ministériels, mais Kadhafi semble avoir surtout cherché à les isoler ainsi de l'armée, où se situent les vrais enjeux du pouvoir[20]. Le 11 juin 1971, un parti unique, l'Union socialiste arabe, calqué sur le parti égyptien du même nom, est créé, pour canaliser la « mobilisation révolutionnaire » souhaitée par le régime, qui s'inspire alors largement de la politique suivie en Égypte par Gamal Abdel Nasser, tout en s'en distinguant par une identité musulmane fortement revendiquée. Le régime de Kadhafi se signale également par un panarabisme militant, mêlé de panafricanisme[21].

Dans l'optique panarabe et panafricaine, une charte commune est signée dès décembre 1969 avec l'Égypte et le Soudan. En 1971, la République arabe libyenne officialise sa fusion avec l'Égypte et la Syrie, au sein d'une fédération du nom d'Union des Républiques arabes. Approuvée par référendum dans les trois pays, le projet tourne néanmoins court dans les faits, malgré le volontarisme de Kadhafi : le président égyptien Anouar el-Sadate, inquiet des surenchères de son jeune homologue libyen, choisit de s'éloigner de la fédération qui devient rapidement une coquille vide tout en continuant d'exister sur le papier. De nombreuses autres tentatives d'union avec des pays arabes et africains, notamment avec la Tunisie en 1974, tournent également court dans les années suivantes.

Au début de 1973, Mouammar Kadhafi est confronté à une situation d'échec sur le plan extérieur et intérieur, du fait de la fin de ses projets d'union panarabe et des résistances de l'appareil administratif et des autres membres du CCR. Kadhafi annonce son intention de démissionner mais, le , il prononce un discours dans lequel il passe au contraire à la contre-offensive, rejetant la légitimité institutionnelle de l'appareil révolutionnaire et appelant les « masses populaires » à « monter à l'assaut de l'appareil administratif »[22]. La « subversion » interne et externe devient progressivement le mode d'action privilégié de Kadhafi. Au cours des années 1970, il lance un long processus d'« assaut » (zahf) des institutions, que les citoyens sont invités à contrôler, sans autres intermédiaires que des congrès et des comités théoriquement censés les représenter[23]. Kadhafi publie en 1975 la première partie de son Livre vert, bref ouvrage doctrinal fixant les bases de sa doctrine personnelle, la « troisième théorie universelle », et dans lequel il expose les principes d'une forme de démocratie directe dont il prône l'instauration en lieu et place de la démocratie parlementaire. Le 5 janvier 1976, un Congrès général du peuple est formé pour constituer le nouveau parlement monocaméral. Le 2 mars 1977, le Congrès général du peuple, réuni pour la seconde fois, proclame « l'avènement du Pouvoir du Peuple » et l'instauration de la démocratie directe en Libye. Plus aucun parti politique n'est autorisé (toute forme de contribution à l'activité d'un parti étant punie de mort[24]) et la « Déclaration sur l'avènement du pouvoir du peuple » fait désormais office de constitution. Le mode de gouvernement est officiellement exercé directement par le peuple libyen, via des Congrès populaires, eux-mêmes représentés par les Comités populaires, qui ont pour rôle officiel de transmettre les desiderata du peuple au Congrès général du peuple. Le pouvoir exécutif est désormais détenu par le Secrétariat général du Congrès général du peuple, dont les membres font également partie du Comité populaire général, qui fait office de gouvernement. La fonction de chef de l'État est désormais détenue par le Secrétaire général du Congrès général du peuple : Mouammar Kadhafi détient lui-même ce poste jusqu'en 1979; il se détache ensuite officiellement de toute responsabilité et n'exerce plus aucune fonction officielle, tout en demeurant aux commandes de l'État libyen. À partir de 1980, il est désigné du titre de « Guide de la révolution ». Dès la fin de 1977, des Comités révolutionnaires sont créés pour prendre en main le fonctionnement des Comités populaires dont ils « animent » les séances et, à partir de 1979, sélectionnent les délégués[25].

Le régime de Mouammar Kadhafi connaît avec le temps diverses réformes, parfois présentées sans souci apparent de cohérence entre elles et entretenant la confusion quant aux réelles attributions des pouvoirs publics. Bien que n'exerçant aucune fonction officielle, Kadhafi dirige dans les faits les travaux du Congrès général du peuple qu'il ne fait officiellement que « conseiller ». Les décisions politiques sont prises dans des conditions arbitraires, par Kadhafi lui-même ainsi que par son entourage familial et tribal. S'appuyant sur les tribus, entre lesquelles il s'efforce de maintenir un certain équilibre pour conserver leur soutien, Kadhafi demeure le maître absolu de la Libye par-delà la confusion institutionnelle qu'il entretient parfois sciemment. Le chercheur Antoine Basbous résume la stratégie de politique intérieure de Kadhafi par une volonté d'« instaurer un maquis institutionnel indéchiffrable pour l'étranger et lui permettant de verrouiller le système et de privatiser pour l'éternité la Libye à son seul profit »[26]. Sortie du système tribal, la société civile demeure particulièrement faible et peu structurée en Libye, où ne peut se développer aucune opposition politique efficace[27].

À la fin des années 1980, la Libye tente de résoudre les problèmes nés de son isolement international par une certaine libéralisation économique et une relative ouverture politique. Mais la politique d'ouverture ne dure pas et les prisons sont vite regarnies par de nouveaux prisonniers politiques, notamment islamistes. Les réformes administratives annoncées au début des années 1990 s'avèrent cependant inapplicables, ou demeurent tout simplement lettre morte. Tout en se revendiquant constamment de l'islam, Kadhafi propose par ailleurs de la religion musulmane et des questions de société une lecture très personnelle, souvent progressiste, voire iconoclaste. Néanmoins, en 1994, pour se prémunir d'une contestation de son régime au nom de principes religieux, il proclame l'application de la charia en Libye[28].

À la fin des années 1990 et au début des années 2000, la Jamahiriya parvient à sortir de son isolement diplomatique. Acteur de l'ouverture diplomatique à la tête de la Fondation Kadhafi, Saïf al-Islam Kadhafi se fait également l'avocat de réformes sur le plan de la politique intérieure, tout en tentant de se positionner en successeur potentiel de son père, qui lui accorde un soutien inégal; il doit cependant faire face à d'importantes résistances au sein de l'élite conservatrice du régime. Au début des années 2000, la Libye n'a toujours pas de représentants librement élus, ni de véritable constitution, ni d'instrument de contrôle de l'utilisation des fonds publics, ni de système juridique équitable.

Chute de Kadhafi et transition politique

En février 2011, dans le contexte du « Printemps arabe », des mouvements de protestation éclatent en Libye. Violemment réprimés par les forces armées, ils dégénèrent en véritable insurrection. Le soulèvement de Benghazi aboutit à faire passer la plus grande ville de l'est du pays dans le camp de la rébellion. Le , les principaux leaders de l'opposition, d'anciens officiers militaires, des chefs tribaux, des universitaires et des hommes d'affaires se réunissent à El Beïda; ils constituent trois jours plus tard un Conseil national de transition (CNT) sous la présidence de Moustafa Abdel Jalil, ancien ministre de la justice de la Jamahiriya. Le 23 mars, le Conseil établit un Comité exécutif, présidé par Mahmoud Jibril, pour faire office de gouvernement de transition. Le CNT annonce l'évolution de la Libye vers la démocratie et le multipartisme. Au fil des mois, alors que la guerre civile fait rage dans le pays, le CNT fait l'objet d'une reconnaissance internationale accrue. La formation de nouveaux partis politiques est annoncée à partir de l'été 2011, comme le Parti de la nouvelle Libye[29],[30] ou le Mouvement socialiste libyen[31]; Abdessalam Jalloud, ancien numéro deux de Kadhafi, annonce pour sa part la création d'un «Parti de la Justice et de la liberté de la patrie» [12].

En août 2011, le CNT rend public un calendrier de transition démocratique prévoyant, dans un délai de huit mois, l’élection d’une « Conférence nationale », faisant office d'assemblée nationale de transition et comportant 200 membres, destinée à devenir la représentation légitime du peuple libyen. Le CNT s'engage quant à lui à quitter le pouvoir dès la première session de cette assemblée. L'assemblée devra désigner un nouveau gouvernement et instituer un comité chargé de rédiger une nouvelle constitution, laquelle devra être soumise à référendum[32]. Une « déclaration constitutionnelle » provisoire, adoptée le 3 août, définit la Libye comme « un État démocratique indépendant où tous les pouvoirs dépendent du peuple » et prévoit de garantir le pluralisme politique et religieux, tout en fondant la législation sur la charia[33].

Le , après la mort du colonel Kadhafi et la proclamation de la « libération » totale de la Libye, le président du CNT Moustafa Abdeljalil annonce lors d'un discours que la charia constituera la base de la législation libyenne. Il déclare : « Nous avons adopté la charia comme loi essentielle et toute loi qui violerait la charia est légalement nulle et non avenue », citant la loi sur le divorce et le mariage qui, sous le régime de Kadhafi, restreignait le nombre d'épouses, laquelle n'est selon lui « plus en vigueur » car contraire à la charia[34]. Ces déclarations provoquent l'inquiétude de l'Union européenne et des États-Unis vis-à-vis du respect des droits de l'homme[35],[36] et sont vivement contestées par certaines organisations politiques libyennes[37]. Pour apaiser la polémique, Moustafa Abdeljalil déclare : « Je veux rassurer la communauté internationale, nous sommes des Libyens musulmans modérés… L’exemple de [la révision] des lois du mariage et du divorce [restauration de la polygamie] n’est qu’un simple exemple »[38]. Pour le chercheur Saïd Haddad, Moustafa Abdeljalil a surtout visé à se positionner politiquement dans un contexte de transition et à donner des gages aux islamistes qui ont rallié la révolution : « avec la constitution prochaine du gouvernement de transition, une sorte de compétition s'est mise en place pour se placer politiquement. Chez certains conservateurs, le durcissement sémantique peut permettre de faire oublier qu'ils ont servi pendant très longtemps le régime libyen ». Le chercheur Baudoin Dupret souligne que la Libye reste un pays « très conservateur et tribal. Les dernières décennies de dictature n'ont pas amené les habitants à débattre et à s'ouvrir sur le monde »[39].

Le 24 novembre, Abdel Rahim Al-Kib remplace Mahmoud Jibril, démissionnaire depuis un mois, à la tête d'un nouveau gouvernement de transition, réservant au moins deux ministères régaliens aux ex-rebelles ayant combattu le régime de Kadhafi[40]. En décembre 2011, la situation de la Libye reste instable, du fait de la prolifération des armes à travers le pays et du poids des milices constituées durant la guerre civile auxquelles le CNT peine à imposer son autorité[41].

Participation aux organisations internationales

Le conseil national de transition a promis d'honorer les engagements internationaux pris par la Libye jusqu'aux élections prévues en 2012.

La Libye est membre des organisations suivantes :

Articles connexes

Sources

  1. Pierre Pinta, La Libye, Karthala, 2006, page 208
  2. Pierre Pinta, La Libye, Karthala, 2006, page 209
  3. François Burgat, André Laronde, La Libye, Presses universitaires de France, 2003, pp. 46-48
  4. François Burgat, André Laronde, La Libye, Presses universitaires de France, 2003, pp. 52-53
  5. Mahmoud Azmi, La question de Libye, Politique étrangère, année 1949, volume 14, n°6
  6. François Burgat, André Laronde, La Libye, Presses universitaires de France, 2003, page 52
  7. Constitution libyenne de 1951, site de l'université de Perpignan
  8. François Burgat, André Laronde, La Libye, Presses universitaires de France, 2003, pages 54-55
  9. Patrick Haimzadeh, Au cœur de la Libye de Kadhafi, JC Lattès, 2011, page 45
  10. François Burgat, André Laronde, La Libye, Presses universitaires de France, 2003, page 55
  11. Patrick Haimzadeh, Au cœur de la Libye de Kadhafi, JC Lattès, 2011, page 46
  12. a et b Quels partis pour la Libye d’après Kadhafi?, Slate Afrique, 28 septembre 2011
  13. François Burgat, André Laronde, La Libye, Presses universitaires de France, 2003, pages 56-57
  14. Constitution libyenne de 1963, site de l'université de Perpignan
  15. François Burgat, André Laronde, La Libye, Presses universitaires de France, 2003, pages 56-58
  16. Patrick Haimzadeh, Au cœur de la Libye de Kadhafi, JC Lattès, 2011, page 47
  17. Patrick Haimzadeh, Au cœur de la Libye de Kadhafi, JC Lattès, 2011, pages 90-91
  18. François Burgat, André Laronde, La Libye, Presses universitaires de France, 2003, page 58
  19. Proclamation constitutionnelle libyenne de 1969, site de l'université de Perpignan
  20. François Burgat, André Laronde, La Libye, Presses universitaires de France, 2003, page 61
  21. François Burgat, André Laronde, La Libye, Presses universitaires de France, 2003, pages 61-67
  22. François Burgat, André Laronde, La Libye, Presses universitaires de France, 2003, pages 67-68
  23. Moncef Djaziri , État et société en Libye : islam, politique et modernité, L'Harmattan, 1996, pages 148-151
  24. Geoff L. Simons, Libya and the West: From Independence to Lockerbie, I. B. Tauris, 2004, pages 112-115
  25. François Burgat, André Laronde, La Libye, Presses universitaires de France, 2003, page 72
  26. Antoine Basbous, Le Tsunami arabe, Fayard, 2011, page 200
  27. François Burgat, André Laronde, La Libye, Presses universitaires de France, 2003, pages 4
  28. Luis Martinez, Quels changements en Libye ?, ceri-sciences-po.org, février 2002
  29. Libye : un premier parti politique voit le jour à Benghazi, Le Monde, 27 juillet 2011
  30. Site officiel
  31. Site officiel
  32. Le calendrier de la transition démocratique en Libye, La Croix, 31 août 2011
  33. Déclaration constitutionnelle, texte traduit en français sur le site de l'Université de Perpignan
  34. La Libye libre fonde ses lois sur la charia, L'Express, 24 octobre 2011
  35. Libye : la charia sera à la base de toute loi, FranceSoir, 24 octobre 2011
  36. Libye, charia et inquiétude internationale, Metro France, 24 octobre 2011
  37. Inquiétudes sur la réintroduction de la charia en Libye, L'Express, 24 octobre 2011
  38. La charia, base de la nouvelle Constitution ?, Courrier international, 27 octobre 2011
  39. La Libye, un pays «fondamentalement conservateur et tribal», Libération, 24 octobre 2011
  40. La Libye se dote d'un nouveau gouvernement de transition, La Libre Belgique, 22-11-2011
  41. La loi des milices règne sur la Libye, Le Nouvel observateur, 15 décembre 2011

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