Ordre canonial régulier du Saint-Sépulcre

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L’ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem est un ordre religieux créé par Godefroy de Bouillon après la prise de Jérusalem en 1099. Constitué de chanoines, cet ordre a pour fonction la protection du Saint-Sépulcre mais aussi la vie liturgique du sanctuaire. Avec l'extension des conquêtes en Terre sainte, l'ordre se développe en étendant sa mission de protection des lieux saints sur l'ensemble du Royaume franc de Jérusalem.

Avec la perte des États latins d'Orient, l'ordre se replie sur l'Europe. C'est en 1489 que Innocent VIII décide la suppression de l'ordre canonial et son incorporation à l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

Histoire

Certains historiens-antiquaires du XIXe siècle à la suite des historiographes de l'ordre du Saint-Sépulcre voulaient bien attribuer à l'ordre une origine quasi-mythique alors que la relecture des sources en fait un ordre créé en Terre sainte par Godefroy de Bouillon au mieux en 1099.

Des fondateurs mythiques

Plan du premier niveau de l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem

Section sourcée avec A. Damien[1]

De retour de Terre sainte après la perte des États latins d'Orient, les premiers historiens de l'ordre lui trouvent trois glorieux personnages comme fondateurs : l'apôtre Jacques, l'impératrice Hélène et l'empereur Charlemagne ; tous trois liés d'une façon ou d'une autre au Saint-Sépulcre.

Jacques le Juste, que les Évangiles appellent le « frère du Seigneur », devient, après la mort de Jésus, le responsable de la communauté chrétienne de Jérusalem, dont il est considéré comme le premier évêque. Les chanoinesses du Saint-Sépulcre le tiennent pour leur fondateur et lui attribuent la désignation d'une garde du tombeau de Jésus.

L'impératrice Hélène, mère de Constantin, séjourne à Jérusalem en 326 avant de se retirer en Bithynie. La tradition catholique en fait la volonté constructrice de l'église du Saint-Sépulcre en faisant abattre un temple à Vénus que l'empereur Hadrien avait fait construire sur le site. C'est à cette occasion qu'Hélène fait une découverte importante pour la religion chrétienne avec l'invention de la Vraie Croix. Elle est donc tout naturellement désignée comme fondatrice de l'ordre par les chevaliers au XVIe siècle. Elle est d'ailleurs fréquemment représentée en costume de chanoinesse du Saint-Sépulcre.

Charlemagne envoie deux ambassades auprès du calife de Bagdad, en demandant un protectorat franc sur la Terre sainte. La geste du roi, une chanson de geste, raconte ses aventures légendaires en Méditerranée et son pèlerinage à Jérusalem. Il était tout aussi naturel d'en faire un fondateur de l'ordre.

Création par Godefroy de Bouillon

Godefroy de Bouillon en tenue de Héraut aux armes du royaume de Jérusalem

Lors de la première croisade, le duc de Basse-Lotharingie, Godefroy de Bouillon, est au premier rang lors de la prise de Jérusalem en 1099.Le premier sur les remparts est Bernard de Saint-Valery, suivi de Letold et Gilbert de Tournai, puis vient Godefroy et son frère Eustache[2]. Après la prise de la ville, les croisés lui proposent la couronne de roi de Jérusalem mais il refuse au motif qu'il ne peut porter une couronne d'or là où Jésus Christ a dû porter une couronne d'épines[Note 1]. Il accepte alors la charge d'avoué du Saint-Sépulcre avec le titre de baron[4].

C'est comme avoué du Saint-Sépulcre, qu'il constitue, sur le modèle d'un chapitre de chanoines qu'il avait fondé à Anvers avant son départ en croisade, un chapitre du Saint-Sépulcre pour protéger le tombeau du Christ et organiser la vie spirituelle en assistant le patriarche[4].

Autour de ce chapitre se regroupent en une fraternité des hommes et des femmes dévoués qui forme comme un tiers-ordre. Des croisés, restés en Terre sainte, mettent spontanément leurs armes au service des chanoines pour protéger et défendre le Saint-Sépulcre et le chapitre avec le statut de donat, c'est-à-dire de laïc « donné » à la religion[4].

Le chapitre est composé de vingt chanoines séculiers qui vivent en communauté. En adoptant la règle de saint Augustin en 1114, le chapitre devient ordre régulier sous le nom d'ordre du Saint-Sépulcre avec la reconnaissance du pape Pascal II. Les milites sancti Sepulcri, les donats gens d'armes, ont alors une double dépendance, une dépendance religieuse envers les chanoines et une dépendance charitable envers les Hospitaliers qui les entretiennent[5].

Développement de l'Ordre en Terre sainte

Dans un premier temps, le succès des croisés francs permet le développement de tous les ordres de Terre sainte comme l'ordre hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem créé par frère Gérard vers 1080 et officialisé par une bulle de Pascal II en 1113[6] ou l'ordre militaire du Temple créé par Hugues de Payns en 1120 lors du concile de Naplouse[7]. Avant de créer les « pauvres chevaliers du Christ et du temple de Salomon », Hugues de Payns a très certainement fait partie des milites sancti Sepulcri dès 1115[5]. Comme ces ordres, l'ordre du Saint-Sépulcre, d'un côté, et les milites sancti Sepulcri, de l'autre, se développèrent en implantations et en nombre.

Confirmé comme ordre religieux, l'ordre du Saint-Sépulcre essaime dans tous les États latins d'Orient en s'installant à Jaffa, à Acre, au mont des Oliviers, à Bethléem, au mont Thabor, entre autres ; les patriarches de Jérusalem, que servaient les chanoines, étaient parmi les plus gros propriétaires terriens du royaume de Jérusalem, plus du quart de la ville sainte leur appartenait[8]. Comme possédants, ils se devaient de fournir un contingent de gens d'armes à la réquisition du roi de Jérusalem. C'est cette obligation militaire, dérivée d'obligations féodales, qui fit longtemps penser aux historiens que l'ordre du Saint-Sépulcre était, à tort, un ordre militaire[8].

La notoriété de Jérusalem permit à l'ordre de se répandre en Occident dans tous les pays de la chrétienté. Ces chapitres du Saint-Sépulcre établis en France, Allemagne, en Pologne, en Angleterre, en Espagne et aux Pays-Bas, étaient tous rattachés à la maison mère hiérosolymitaine, ils observaient la même règle de saint Augustin et ils avaient la même liturgie[8]. De la même manière et pour les mêmes raisons, de jeunes pèlerins s'engageaient dans la confraternité des milites sancti Sepulcri, les chanoines leur prodiguaient les bienfaits de la religions et en échange ils apportaient à l'ordre la force de leurs armes.

Avec la défaite à la bataille de Hattin, le 4 juillet 1187, les francs vont perdre une grande partie des États latins avec Jérusalem[9]. L'ordre du Saint-Sépulcre rejoint alors Saint-Jean-d'Acre. C'est la négociation entre Richard Cœur de Lion et Saladin à la fin de la troisième croisade qui permit aux pèlerins d'avoir accès Jérusalem[10] et à l'Ordre de continuer sa mission apostolique. Les papes continuèrent à favoriser l'ordre qui gagne encore en importance, Urbain IV lui accorde l'exemption en 1262 permettant ainsi à l'ordre de s'affranchir de toute tutelle, étant seulement rattaché au Saint-Siège[8]. Mais la prise définitive de Saint-Jean-d'Acre le 18 mai 1291 oblige l'ordre à se replier sur l'Occident[11].

La fin de l'ordre en Occident

Obligé de quitter la Terre sainte, l'ordre du Saint-Sépulcre se replie principalement au prieuré de Saint-Luc à Pérouse[8] ou dans divers établissements d'Occident comme celui d'Orléans fondé par Louis le Jeune à son retour de la deuxième croisade. Le grand prieur de Saint-Luc prit alors le titre de maître de l'ordre.

Mais en 1330, quand Jean XXII officialise la présence chrétienne en Terre sainte, c'est aux franciscains et non à l'ordre du Saint Sépulcre qu'il en confie la charge. En effet. depuis Chypre où ils s'étaient repliés les franciscains ont plus ou moins été régulièrement présents à Jérusalem. Et c'est logiquement qu'est instituée la Custodie franciscaine de Terre sainte.

Le développement de la chevalerie en Europe au XIVe siècle est à l'origine d'une nouvelle coutume sur le tombeau du Christ à Jérusalem. Pour attirer des pèlerins sur les lieux saints, la custodie franciscaine prend l'initiative « d'armer chevalier » les nobles pèlerins. Cette coutume donne naissance à la création de groupes confraternels plus informels qu'institutionnels[12]. À différentes périodes, il y eut une volonté de création d'un ordre militaire du Saint-Sépulcre, comme celle du roi d'Espagne Philippe II, mais toutes échouèrent du fait de l'opposition systématique de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem[12].

Chanoine du Saint-Sépulcre

En effet, pour favoriser l'esprit de croisade et la reconquête du tombeau du Christ, Innocent VIII décide de regrouper les ordres militaires, l'ordre du Saint-Sépulcre et supprimé pour le rattacher à l'ordre des Hospitaliers avec dévolution de tous les biens. Cette décision est officialisée par la bulle Cum solerti meditatione qui est fulminée le 28 mars 1489, faisant ainsi disparaitre l'ordre du Saint Sépulcre[12].

En 1847, le pape Pie IX décide de créer un ordre de chevalerie sous le nom de milites Sancti Sepulcri pour aider à la recréation du patriarcat latin de Jérusalem. Mais l'opposition de l'ordre souverain de Malte et de son grand maitre qui était officiellement détenteur du titre dura jusqu'en 1868. Ce n'est que vingt ans après la recréation du patriarcat latin de Jérusalem qu'en janvier 1868 peut être créé un autre ordre l’Equestris Ordo Sancti Sepulcri Hierosolymitani (ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem)[12].

L'habit de l'ordre

Leur premier habit était blanc, mais, après la perte de tous leurs établissements de l'Orient, ils prirent, en signe de deuil, l'habit noir qu'ils ont conservé par la suite. Les chanoines portaient une croix cousue sur leur habit, c'est la croix patriarcale latine à double traverse écarlate[8],[13].

Notes

  1. Depuis Guillaume de Tyr, la tradition historique relate le refus de Godefroy d'être roi par le refus d'être couronné « Après sa promotion, son extrême humilité le porta à ne point vouloir être distingué dans la Cité sainte par une couronne d'or semblable à celle que portent les rois ; il se contenta, avec un pieux respect, de cette couronne d'épines que le Rédempteur du genre humain porta dans le même lieu pour opérer notre salut, et qui l'accompagna jusque sur le bois où il subit le supplice[3]. »

Références

  1. Damien 2003, chap. 1.1
  2. Heers 1995, p. 223-225. Et l'Histoire de Tancrède par Raoul de Caen.
  3. G. de Tyr et F. Guizot, 1824, p. 17
  4. a b et c Demurger 2008, p. 25
  5. a et b Demurger 2008, p. 26
  6. Galimard Flavigny 2006, p. 13
  7. Cerrini 2007, p. 86-87
  8. a b c d e et f Jaspert 2009, p. 826
  9. Maalouf 1983, p. 222-223
  10. Maalouf 1983, p. 246
  11. Maalouf 1983, p. 294
  12. a b c et d Jaspert 2009, p. 825
  13. Tiron 1845

Bibliographie

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Orientation bibliographique

  • Alain Demurger, Chevaliers du Christ - les ordres religieux-militaires au Moyen âge (IXe-XVIe siècle), (ISBN 2-02-049888-X), p. 31, 34 à 39
  • Jean-Pierre de Gennes (1995) Les chevaliers du Saint-Sépulcre de Jérusalem, vol. I, Mémoire et Documents, Versailles,

Articles connexes