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Viande d'agneau de prés salés

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Viande d'agneau de prés salés
Image illustrative de l’article Viande d'agneau de prés salés
Prés salés du Mont Saint-Michel, dans la baie du Mont-Saint-Michel en Normandie.

Lieu d’origine Prés salés des baies de bord de Manche
Date Moyen Âge
Type de produit Viande d'agneau

La viande d'agneau de prés salés est un produit agricole d'élevage ovin pastoral traditionnel, élevés dans des pâturages de prés salés d'estrans de bord de Manche essentiellement en France, mais aussi, dans une moindre mesure, au Royaume Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Québec. Recouverts de végétation halophile à forte salinité et teneur en iode, ces prés donnent à cette viande rare et prisée un goût spécifique, en particulier dans la baie du Mont-Saint-Michel[1] et sur la Côte des Havres en Normandie, ainsi que dans la baie de Somme et la baie d'Authie[2],[3] en Hauts-de-France[4].

Le pâturage des marais salés a pu accompagner leur formation. Depuis 9 000 ans, les dépôts sédimentaires qui s'accumulent dans les grandes baies atlantiques ont favorisé le développement de nombreuses activités économiques ou de subsistance : pêcheries et salines néolithiques accompagnent l'agriculture et l'élevage extensif dont celui du pré salé (appelé localement herbu) qui est par exemple avéré dès le IIe siècle sur la rive nord de l'Elbe. Sources de revenus, les schorres sont des terrains convoités dont la propriété revient le plus souvent aux grands seigneurs, au roi ou à l'État. Au haut Moyen Âge, la propriété de ces domaines passe assez fréquemment du pouvoir politique au pouvoir religieux, généralement sous forme de don aux grandes abbayes qui s'implantent dans le « désert » (en bord de mer ou dans les grands massifs forestiers). Ainsi, dès le VIIe siècle, certaines abbayes littorales telle que le monastère de Saint-Bertin mettent en valeur l'estran en y développant l'élevage de vastes troupeaux d'ovins[5].

Les moines du Mont-Saint-Michel possèdent depuis au moins le XIe siècle un droit de brebiage qui leur permet de choisir la meilleure brebis de chaque exploitation de la baie du Mont-Saint-Michel et l'élever entre terre et mer. La peau des moutons de pré salé est notamment destinée à la viande (dont les miquelots contribuent à étendre la réputation) et à la confection des parchemins[6],[7].

« L'élevage ovin en baie de Somme est plus récent : les premiers témoignages de la présence de cet élevage remontent au XVe siècle. À partir du XVIe siècle, une large superficie de pâturages est constituée grâce à des donations de terres par des moines de l'abbaye de Saint-Valery ou par des seigneurs. Puis au XIXe siècle, de petits exploitants agricoles endossaient le rôle de berger après le travail de la terre le matin, et ils faisaient paître leurs animaux sur les talus et des terrains en friches[8] ».

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les terres gagnées sur la mer par poldérisation favorisent l'élevage intensif des vaches laitières et l'élevage extensif des agneaux de pré salé. Cette évolution incite les riverains des baies à vouloir tirer parti du « droit de pacage sur l'herbu », en important parfois des races ovines adaptées aux marais salants. La rusticité et les meilleurs qualités bouchères (conformation musculaire et rapidité de croissance) de ces races permettent de répondre à la consommation croissante de produits carnés à partir de la révolution industrielle, le pré salé restant comme les autres viandes un produit de luxe réservé aux classes les plus aisées à cette époque[9].

Concernant le goût de la viande elle n'a pas un goût salé prononcé, mais sa saveur est reconnue plus fine qu'un agneau de pays classique.

Cette consommation continue à croître tout au long du XXe siècle. Depuis les années 1980, elle « a mené les distributeurs et les bouchers à inciter les éleveurs à augmenter et désaisonnaliser (en) leur production[10]. Pour cela, les races locales ont été partiellement voire totalement remplacées par des brebis et béliers de race Suffolk » qui exigent des rations plus riches… L'augmentation de taille des cheptels, et le surpâturage qui en découle en raison de la non extension des surfaces de pâturage, conduit à la méfiance des organisations environnementales « à l'égard de cette activité traditionnelle, tandis que les gastronomes dénoncent la perte de typicité de la viande. Parallèlement, les conditions administratives sont devenues plus difficiles. Les marais salés font partie du domaine maritime, qui est inaliénable et incessible ». De plus, la loi littoral rend la construction ou l'extension de bergeries sur le littoral quasiment impossible[11].

« Les premières démarches de protection de l'élevage de prés salés remontent aux années 1980 ; il s'agit alors de construire des filières de prés salés autour d'une marques pour empêcher les fraudes, notamment l'usurpation de la désignation “pré salé” » ou de l'indication de provenance “Mont-Saint-Michel”[12] ».

Ces démarches ont conduit les éleveurs à reconquérir le lien entre production et terroir, lesquels s'associent aux autres usagers des herbus pour tenter de mettre en place des politiques de préservation et protection de ce milieu fragile afin de rendre durable l'utilisation des prés salés[13].

Les prés salés sont des étendues naturelles des parties hautes des estrans de bord de mer, périodiquement inondées d'eau de mer uniquement lors des grandes marées[14]. Ils sont recouverts de flore halophyte à forte salinité[15] et teneur en iode (adaptée à la salinité du sol, avec en particulier la puccinellie maritime, les salicornes annuelles, l'obione faux-pourpier, le troscart maritime, le fétuque rouge et la spartine maritime) donnant à leur viande rosée un goût tendre et subtil particulier, avec un faible taux de gras[16],[17],[18].

Les ovins paissent préférentiellement la puccinellie maritime (graminée appelée « herbe à mouton ») mais leur régime alimentaire varie selon la saison et la phénologie des espèces végétales. Le piétinement des moutons entraîne la régression de l'obione et l'extension de la plante dominante des bas marais (la partie la plus jeune), la puccinellie, qui peut alors s'étendre jusqu'aux hauts marais (marais les plus matures, dominés par le chiendent).Le pâturage des moutons, espèce ingénieure, a pour conséquence de transformer les strates végétales. « Paradoxalement, le pâturage maintien des surfaces d'échange avec le milieu marin en diminuant la rugosité de la végétation tout en éliminant le potentiel exportateur de matière organique du marais[19] ».

Gardienne bréhatine de mouton de prés salés de l'île de Bréhat en Bretagne, dans les années 1910.

Les grands troupeaux ovins collectifs quittent traditionnellement les bergeries en mars, après la naissance des agneaux et les grandes marées d'équinoxe, et effectuent de longs parcours[20] à travers les prés salés jusqu'à l'automne, pour trouver leur nourriture, dans des conditions géologiques et climatiques parfois difficiles. Ils sont rassemblés dans des parcelles de repli hors du marais pour lors des marées de vives eaux[21],[22].

Abattu entre 4 et 6 mois, l'agneau de prés salés profite de l'herbe, ce qui lui donne sa chair rouge et le distingue de l'agneau de lait abattu à moins de 90 jours et donnant une viande blanche[23].

Les agneaux de prés salés sont également élevés entre autres, dans une moindre mesure, en Allemagne (Wesselburenerkoog, Hamburger Hallig[24]...), aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, avec en particulier l’appellation AOP Gower Salt Marsh Lamb de la péninsule de Gower du Pays de Galles[25],[26],[27], ainsi que dans l'estuaire du Saint-Laurent au Quebec, en Gaspésie[28], dans le Kamouraska[29], ou à l'île Verte (Québec)[30],[31].

Appellations d'origine protégée (AOP)

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Trois appellations d'origine sont protégées par l'Union européenne :

Autres viandes d'agneau

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Notes et références

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  1. « AOP prés salés Mont Saint Michel », sur www.aop-pressales-montsaintmichel.fr (consulté en )
  2. « Baie de Somme: les agneaux de prés-salés reconnus produits d'Appellation d’Origine Protégée », sur www.france3-regions.francetvinfo.fr (consulté en )
  3. « AOP Agneaux prés-salés de la Baie de Somme », sur www.agneaubaiedesomme.com (consulté en )
  4. « Les moutons de prés salés », sur www.ot-montsaintmichel.com (consulté en )
  5. Nacima Baron-Yellès, Lydie Goeldner-Gianella, Les marais maritimes d'Europe atlantique, Presses universitaires de France, , p. 65-66
  6. « L’agneau de prés salés », sur www.europe1.fr (consulté en )
  7. « La viande d'agneau AOP Prés-Salés du Mont-Saint-Michel », sur www.aop-pressales-montsaintmichel.fr (consulté en )
  8. Brünnhilde Feraud-Lecointre, « Les AOP "Prés-salés du Mont-Saint-Michel" et "Prés-salés de la baie de Somme" », thèse d'exercice de médecine vétérinaire, École nationale vétérinaire d'Alfort, 2017, p. 50
  9. Docteur Judas, « Pré-salé », Manche géographique, économique, touristique, no 1,‎ , p. 86.
  10. Production d'agneaux pour Pâques (agneau pascal), pour Noël, facilitée par des techniques qui permettent d'avancer la saison de reproduction : programme de désaisonnement par traitements hormonaux (induction des chaleurs par des hormones de type progestérone ou mélatonine) ou un traitement lumineux de jours courts. Cf Chemineau, P., B. Malpaux, Y. Guérin, F. Maurice, A. Daveau et J. Pelletier, « Lumière et mélatonine pour la maîtrise de la reproduction des ovins et des caprins », Ann. Zoo., 41, 1992, p.247-261.
  11. Thierry Fabian, « L'AOC agneaux de prés salés », dans Laurence Bérard, Biodiversité et savoirs naturalistes locaux en France, CIRAS, , p. 195
  12. Thierry Fabian, op. cit., p.196
  13. Thierry Fabian, op. cit., p.197
  14. « L'Agneau de prés salés. Une viande à la saveur incomparable », sur www.terroirsdechefs.com (consulté en )
  15. Très salée, cette flore n'est consommée que grâce au dessalement de la surface des plantes sous l'action habituelle des rosées, des pluies et des brouillards le long du littoral atlantique.
  16. « Agneau élevé sur Pré-Salé », sur www.agneaupresale.org (consulté en )
  17. « AOC-AOP prés salés du Mont-Saint-Michel », sur www.savourezlabretagne.com (consulté en )
  18. « Épaule d'agneau de pré salé à la boulangère aux algues », sur www.cuisinedelamer.com (consulté en )
  19. Jean-Claude Lefeuvre, Jean-Pierre Mouton, André Mauxion, L'histoire de la baie du Mont-Saint-Michel et de son abbaye, Ouest-France, , p. 258.
  20. Distances très variables en fonction des secteurs de pâturage, elles peuvent atteindre 10 à 15 kilomètres quotidiennement, ce qui donne le gras ferme et peu abondant de viande. Cf Géraldine Mainguin, « Vers une gestion intégrée des prés salés de la baie du Mont-Saint- Michel », mémoire de DESS « Sciences de l'environnement », Diren Basse-Normandie, 2002, p.60
  21. « Agneau de prés salés de la baie de Somme », sur www.goutezlaqualite.com (consulté en )
  22. « L’agneau de pré salé entre terre et mer », sur www.rungisinternational.com (consulté en )
  23. Laurent Mariotte, Mieux manger toute l'année, Solar éditions, , p. 168.
  24. « Salt Marsh Lamb », sur www.deutsche-delikatessen.de (consulté en )
  25. « Un produit de saison : l'agneau de pré-salé », sur www.editeur-de-gout.com (consulté en )
  26. « Agneau et bœuf britannique », sur www.ilovebeefandlamb.be (consulté en )
  27. « La magie des marais », sur www.wales.com (consulté en )
  28. « Tout ce qu'il faut savoir sur l'agneau », sur www.zeste.ca (consulté en )
  29. « L'agneau de Kamouraska », sur www.lagnelleriekamouraska.com (consulté en )
  30. « L'agneau de pré salé », sur www.grandquebec.com (consulté en )
  31. « L'agneau de prés salés de l'île Verte », sur www.erudit.org (consulté en ).
  32. « Règlement d'exécution (UE) 2023/1547 de la Commission du 26 juillet 2023 enregistrant une dénomination dans le registre des appellations d'origine protégées et des indications géographiques protégées [«Gower Salt Marsh Lamb» (AOP)] », sur European Commission, (consulté le ).

Bibliographie

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Articles connexes

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Liens externes

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