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Appellation d'origine

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Exemple d'un certificat d'appellation d'origine en russe : de la dentelle de Vologda (Вологодское кружево).

L’appellation d'origine (AO) est un terme générique, initialement administratif, permettant de désigner une production, une transformation ou une fabrication dans un lieu déterminé. Si cette appellation d'origine fait l'objet d'une préservation dans le cadre d'échanges commerciaux, c'est un élément important de la propriété intellectuelle dans les secteurs économiques de l'agriculture, de l'industrie agroalimentaire ou de l'artisanat.

En 1716, Cosme III de Médicis définit les territoires où l'appellation chianti peut être utilisée, premier exemple de protection d'une appellation d'origine[1]. En France, la loi du (dite loi Chaptal) condamne le fait d'apposer sur un produit « le nom d'un lieu autre que celui de la fabrication »[2]. La loi du reconnait comme fraude une « origine faussement attribuées » (article 1er) et utilise les termes d'« appellations régionales et de crus particuliers » (article 11)[3]. La loi du emploi, elle, les notions de « dénominations des boissons » et d'« appellation de provenances »[4]. Dans les décrets de délimitation des années 1908 à 1911, il s'agit d'« appellation régionale » (pour le champagne), de « dénominations » ou de « qualifications ». C'est avec le projet de loi du du ministre Jules Pams qu'apparaissent les « appellations d'origine » (AO), reconnues officiellement par la loi du [5]. Depuis son introduction[6],[7], le terme s'est popularisé dans le langage courant, et est employé aussi bien par l'administration, la population ou pour le marketing et la commercialisation[8].

Les cinq traités de paix clôturant en 1919-1920 la Première Guerre mondiale intègrent des clauses de protection des appellations alliées : articles 274 & 275 du traité de Versailles[9] pour l'Allemagne ; articles 226 & 227 du traité de Saint-Germain[10] pour l'Autriche ; articles 154 & 155 du traité de Neuilly pour la Bulgarie[11] ; article 210 du traité de Trianon pour la Hongrie[12] ; articles 266 & 267 du traité de Sèvres pour l'État ottoman[13].

Le , un décret-loi créé en France la notion d'appellation d'origine contrôlée (AOC), reconnaissant la validité des AO antérieures[14]. La loi du impose les AOC en remplacement des AO (ne subsistent que les AO d'eau-de-vie). En 1958 est adopté l'arrangement de Lisbonne, un traité international pour l'harmonisation, la protection, et l'enregistrement des AO. L'Arrangement définit les AO comme « dénomination géographique d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus exclusivement ou essentiellement au milieu géographique, comprenant les facteurs naturels et les facteurs humains »[15],[16]. Dans le cadre de l'harmonisation européenne, sont créé en 1992 les appellations d'origine protégée (AOP) ; de 2009 à 2011, toutes les AOC françaises deviennent des AOP européennes, les deux pouvant coexister comme équivalentes. En 2014-2015, les dernières AO (les rhums) ainsi que les appellations d'origine réglementée (AOR du décret du , utilisées pour les eaux-de-vie), sont remplacées par des AOP ou des indication géographique protégée (IGP)[17].

Protections légales

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L'« appellation d'origine protégée » (AOP) est un label de l'Union européenne, mais aussi de Suisse. L'« appellation d'origine contrôlée » (AOC) est un label français.

L'arrangement de Lisbonne signé le et revu à plusieurs reprises, ainsi que son acte de Genève le , sont deux traités internationaux qui établissent un système d'enregistrement, de reconnaissance et de protection mutuelles des appellations d'origine, entre les États signataires.

« Constitue une appellation d'origine la dénomination d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains. »

— Article L115-1 (créé par la loi no 66-482 du )[18], puis article L431-1 (créé par l'ordonnance no 2016-301 du ) du Code de la consommation[19].

Cette définition est reprise dans la réglementation européenne[20]. Dans le cas des vins et spiritueux, l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l'Organisation mondiale du commerce peut procurer certaines protections aux AO.

Propriété intellectuelle et agriculture sont deux éléments clés des négociations dans le cadre de l'OMC.

Exemples de produits protégés comme AO

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Un certain nombre d'AO sont répertoriées dans la base de données[21] du registre international des appellations d'origine et indications géographiques (Système de Lisbonne)[22] administré par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)[23]. Les AO peuvent concerner aussi bien des produits alimentaires que des produits de santé, cosmétiques, produits artisanaux, ou tout type de produit spécifique à une origine et un terroir particuliers.

Alimentation

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Charcuterie

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Coutellerie

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Produits de santé

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Produits cosmétiques

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Produits récréatifs

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Pour le secteur viticole il existe plusieurs niveaux d'appellation en France :

Il en existe deux types :

Tabac, cannabis

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On nomme généralement une appellation d'origine sur le mode :

[type de produit] de (ou du, des…) [nom du lieu]

Ce qui donne : un vin de Champagne.

Mais on utilise souvent une contraction, où le nom du lieu devient le nom du produit même par antonomase : du champagne.

Typographie

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Majuscule et minuscule

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Lorsque le nom désigne l'objet (le produit, le fromage, le vin, etc.), il devient un nom commun et s'écrit avec une minuscule[27],[28],[29] :

On garde la majuscule si le lieu est cité en tant que tel :

Ce qui fait que pour certaines appellations, ces deux règles s'appliquent simultanément :

Pour les références à un nom de marque, la majuscule est conservée :

Trait d'union

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On y ajoute des traits d'union le cas échéant : un vin des coteaux du Languedoc devient un coteaux-du-languedoc.

Genre et accord

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Sous la forme contractée, l'appellation prend le genre du produit, et non du lieu :

  • Masculin pour un vin, un fromage, un jambon, un cigare, un couteau, un vase…
    • un champagne, un côtes-du-rhône, un graves-supérieures, un havane, un chine
  • Féminin pour une saucisse…
    • une francfort, une morteau, une montbéliard

Ces noms communs s'accordent normalement au pluriel :

  • des champagnes, des alsaces, des roqueforts

Cependant, certains ouvrages ne font pas l’accord ou seulement pour certains produits (Girodet 1988, Impr. nat. 1990, Larousse 1992, Lexis 1989, Robert 1985, Robert 1993, Grevisse 1986, Hanse 1987, Thomas 1971)[28].

Dans La majuscule, c'est capital !, Jean-Pierre Colignon indique : « L'usage est très flottant dès qu'il s'agit de noms composés. [Leur] complexité […] fait souvent opter en faveur de l'invariabilité : des saint-pourçain, des pouilly-fuisséetc. »[30].

Notes et références

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  1. François-Régis Gaudry avec Alessandra Pierini, Stephane Solier, Ilaria Brunetti, On va déguster l'Italie, Vanves, Hachette Livre (marabout), , 464 p. (ISBN 978-2-501-15180-1), p. 4.
  2. « Loi du 28 juillet 1824 relative aux altérations ou suppositions de noms sur les produits fabriqués », publiée au Bulletin des lois, 7e série, B. 685, no 17433.
  3. « Loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles », publié au JORF no 0210 du .
  4. « Loi du 5 août 1908 modifiant l'article 11 de la loi du sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles et complétant cette loi par un article additionnel », publié au JORF du .
  5. « Loi du 6 mai 1919 relative à la protection des appellations d'origine », publiée au JORF du .
  6. Delphine Marie-Vivien, La protection des indications géographiques : France, Europe, Inde, Versailles, Éditions Quæ, , 239 p. (ISBN 978-2-7592-1778-6, lire en ligne), 45 - 61.
  7. « Appellations d'origine et indications géographiques - CASALONGA », sur www.casalonga.com (consulté le ).
  8. « Quels sont les labels qui parlent aux millennials ? », sur lsa-conso.fr (consulté le ).
  9. [(fr) Traité de Versailles – Clauses économiques], 28 juin 1919, disponible sur Wikisource.
  10. « Traité de Saint-Germain-en-Laye », sur mjp.univ-perp.fr, .
  11. « Traité de Neuilly », sur mjp.univ-perp.fr, .
  12. « Traité de Trianon », sur mjp.univ-perp.fr, .
  13. « Traité de Sèvres », sur mjp.univ-perp.fr, .
  14. « Décret-loi du 30 juillet 1935 relatif à la défense du marché des vins et régime économique de l'alcool », publié au JORF no 0178 du .
  15. Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, « Résumé de l'Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d'origine et leur enregistrement international (1958) », sur www.wipo.int (consulté le ).
  16. a et b Wiam Markhouss, « Un système de reconnaissance de l’artisanat marocain pour étouffer la contrefaçon - La Vie éco », sur www.lavieeco.com (consulté le ).
  17. Commission Nationale des Boissons Spiritueuses, « Abrogation des Appellations d'Origine réglementées et simples » [PDF], sur bubblyprofessor.com, .
  18. « Loi n° 66-482 du 6 juillet 1966 modifiant et complétant la loi du n° 6 mai 1919 relative à la protection des appellations d'origine », publié au JORF du .
  19. « Article L431-1 » du Code de la consommation.
  20. « Règlement (CEE) no 2081/1992 du , relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires », publié au Journal officiel no L 208 du p. 1-8 (modifié par le règlement no 510/2006 du ).
  21. Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, « Lisbon Express: Recherche dans la Base de dobbées Appellations d'origine », sur www.wipo.int (consulté le ).
  22. Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, « Bulletin "Les appellations d'origine" de l'OMPI », sur www.wipo.int (consulté le ).
  23. Actimage, « L’Union européenne adhère à l’Acte de Genève de l’Arrangement de Lisbonne sur les appellations d'origine et les indications géographiques », sur www.inao.gouv.fr (consulté le ).
  24. Organisation mondiale de la propriété intellectuelle / Lisbon Express, « APPELLATION D’ORIGINE nº1010 notifiée aux administrations compétentes des pays parties à l’Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international, du 31 octobre 1958, révisé à Stockholm le 14 juillet 1967 [article 5.2) de l’Arrangement] », sur www.wipo.int, (consulté le ).
  25. a et b Jean-Baptiste Moreau, Caroline Janvier et Robin Reda, Rapport d'étape sur le cannabis récréatif, établi par la Mission d'Information Commune sur la règlementation et l’impact des différents usages du cannabis, Paris, Assemblée Nationale, , 281 p. (lire en ligne), p. 208.
  26. « La Californie met en place des appellations d'origine pour son cannabis », sur Newsweed, (consulté le ).
  27. Maurice Grevisse (1895-1980), Le bon usage : grammaire française, Bruxelles, Louvain-la-Neuve, , 1600 p. (ISBN 978-2-8011-1404-9 et 2-8011-1404-9, OCLC 300396558, lire en ligne), p. 95, §99, 4°.
  28. a et b Jean-Pierre Lacroux, « Saint » et « Vin », sur orthotypographie.fr.
  29. « Banque de dépannage linguistique - Vins, spiritueux, bières et cocktails », sur bdl.oqlf.gouv.qc.ca (consulté le ).
  30. Jean-Pierre Colignon, La majuscule, c'est capital !, p. 120 et 121, Albin Michel.

Bibliographie

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  • Claudine Wolikow, « De territoires en terroirs du vin : le casse-tête législatif des appellations d'origine (1905-1935) », Crescentis, no 1,‎ (lire en ligne).
  • Norbert Olszak, Droit des appellations d'origine et indications de provenance, Paris, Tec et Doc, , 188 p. (ISBN 2-7430-0492-4).
  • Marcel Plaisant, Traité des noms et appellations d'origine : législation interne, conventions internationales, législation douanière, traités de paix, législation comparée, Paris, Rousseau, , 394 p., lire en ligne sur Gallica.
  • Raymond Guérillon, Les Appellations d'origine (loi du 6 mai 1919), Paris, Jouve, , 163 p., lire en ligne sur Gallica (thèse de doctorat à la fac de droit de l'université de Paris).

Articles connexes

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