Révolution tranquille

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Révolution tranquille
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Résultat Adoption des principes de l'État-providence, sécularisation de l'état, début du nationalisme contemporain québécois
Chronologie
Jean Lesage devient premier ministre du Québec
Création de l'Office de la langue française
Création de la Société générale de financement
Deuxième vague de nationalisation de l'électricité
Création du ministère de l'Éducation
Création de la Caisse de dépôt et placement du Québec et de la Régie des rentes du Québec
Ouverture du métro de Montréal
Début de l'Exposition universelle de Montréal
Le président français Charles de Gaulle s'exclame « Vive le Québec libre ! »
et Création des polyvalentes, des cégeps et de l'Université du Québec
Fondation du Parti québécois

Dans l'historiographie québécoise contemporaine, la Révolution tranquille est une période caractérisée par de nombreux changements sociaux et une intervention importante de l'État dans diverses sphères de la société. Cette période succède à celle qui a été nommée « Grande Noirceur », et s'étend des années 1959 jusqu'aux années 1970 environ.

La Révolution tranquille comprend une réorientation de l'État québécois qui adopte les principes de l'État-providence, la mise en place d'une véritable séparation de l'Église catholique et de l'État, et la construction d'une nouvelle identité nationale québécoise, qui s'écarte du nationalisme traditionnel canadien-français[1].

Cette période a été interprétée comme une rupture importante dans l'histoire du Québec, mais résultant d'une évolution entreprise à partir du XIXe siècle par le double processus d'industrialisation et d'urbanisation. La rupture avec la tradition est accélérée par les débats intenses qui ont cours durant les années 1950[2]. La Révolution tranquille débute donc après la mort du premier ministre Maurice Duplessis de l'Union Nationale et l'élection de 1960 qui porte au pouvoir le gouvernement Jean Lesage du Parti libéral du Québec. Elle s'étend sur toute la décennie 1960, voire jusqu'aux années 1970. Durant cette courte période, le Québec comble son retard économique face aux autres nations et se constitue en État moderne.

Origine de l'expression

Dans le contexte des changements sociaux du Québec, l'origine précise de l'expression « révolution tranquille » est incertaine mais elle est une traduction de l'anglais « quiet revolution ». Selon les sources, celle-ci serait apparue pour la première fois, soit dans le Globe and Mail, le Montreal Star, l'Ottawa Citizen ou encore le Telegram Observer de Sherbrooke au tout début des années 1960. Dans le monde anglophone, le terme Quiet revolution était fréquemment utilisé au moins depuis les années 1950 par la presse pour caractériser des bouleversements sociaux prenant place à divers endroits dans le monde[3].

Au Québec francophone, l'expression en anglais est par la suite reprise par divers auteurs, mais la première recension de la traduction « révolution tranquille » remonte à un texte d'André Langevin pour le magazine Maclean's en février 1963. Par la suite, elle est fréquemment utilisée entre guillemets, comme si le concept n'était pas encore pleinement incorporé à l'imaginaire collectif. Par exemple, dans la revue Cité libre d'avril 1964, André Normandeau écrit que « dans une théorie économique de la révolution au Québec, il est désormais convenu de placer sous l’étiquette de "Révolution tranquille" les phénomènes ayant suivi l’élection de Jean Lesage ». L'expression va rapidement imprégner le langage courant (avec ou sans guillemets), et déjà en novembre 1963 le politologue Guy Bourassa déclare que « parler de révolution tranquille au Québec est devenu un slogan, presque une mode »[3].

En 1964, des intellectuels tels que Pierre Maheu ou Dorval Brunelle critiquent l'expression « révolution tranquille », qui serait une contradiction étant donné ses termes opposés, c'est-à-dire un oxymore. Pour Brunelle, « On a l’impression ici d’être berné : comment une révolution peut-elle être tranquille ? Comment la “tranquillité” sur le plan social ou individuel, peut-elle constituer un ferment révolutionnaire ? »[3].

Caractéristiques générales

La Révolution tranquille propose une recomposition de la modernité. Elle s'articule autour de quatre grandes orientations qui marquent un changement de cap par rapport aux orientations traditionnelles qui ont guidé le Québec durant la période précédente appelée « Grande Noirceur ».

D'abord, elle met en place une réorganisation totale de l'appareil étatique québécois, dans tous les secteurs d'activité et dans toutes les régions. Cette réorganisation est caractérisée par la création de nouveaux programmes dans le domaine de la santé et des services sociaux, l'établissement d'un système scolaire plus centralisé, la création d'instruments d'intervention en matière économique, l'établissement d'une politique culturelle ainsi que la mise en place d'une politique étrangère québécoise dans les domaines de compétence qui lui sont reconnus par la constitution canadienne.

Ensuite, la Révolution tranquille marque une réconciliation entre le discours du Parti libéral du Québec (PLQ) et les mouvements nationalistes traditionnels, réfléchie dans le programme politique du PLQ pour les élections générales provinciales de 1960[4]. Le PLQ de Jean Lesage se démarque de celui d'Adélard Godbout en intégrant l'affirmation collective des francophones comme « vecteur principal des transformations de la société québécoise »[2] mises de l'avant durant cette période.

La conversion de l'État québécois aux principes de l'État-providence marque également la fin du cléricalisme dans le domaine social, qui est transformé par le remplacement du clergé de la direction des réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux par une nouvelle technocratie laïque. Cette rupture s'accompagne d'une défection massive au sein du clergé catholique, qui affaiblit encore davantage la position de l'Église dans la société[2].

Enfin, l'ensemble des réformes de cette période est marqué sous le sceau d'une certaine urgence. Les réformes sont menées à un « rythme intense et concentré », mais cette effervescence caractéristique des changements de régime provoque une réaction d'aliénation chez une partie des électeurs, réaction qui sera exploitée par l'Union Nationale lors de la campagne électorale de 1966 et qui provoquera la défaite du Parti libéral. Le gouvernement suivant, celui de Daniel Johnson (père), choisira de ne pas remettre en question les réformes entreprises et de poursuivre leur mise en œuvre[2]. Les femmes défendent leurs intérêts et leurs idéaux et occupent une place grandissante au sein de la société.

Lucia Ferretti, de l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), résume la Révolution tranquille « comme le bref moment pendant lequel, fort d'un large consensus social, l'État québécois, son personnage principal, a été à la fois intensément réformiste et intensément nationaliste. Entre 1959 et 1968 en effet, c'est-à-dire du gouvernement de Paul Sauvé à celui de Daniel Johnson avec un sommet sous Lesage, l'État québécois a poursuivi en même temps un objectif de modernisation accélérée sur le modèle de l'État-providence et un objectif très net de promotion nationale des Québécois francophones »[5].

Certains observateurs tels le politologue Daniel Latouche remettent en cause la notion même de Révolution tranquille[6].

Précurseurs de la Révolution tranquille

L’après-guerre au Québec

  • Marginalisation des Canadiens français dans l'économie d'après-guerre
  • Keynésianisme et volonté centralisatrice du gouvernement fédéral
  • Une église débordée et déjà ébranlée
  • Immobilisme du gouvernement de Duplessis
  • Impatience de moins en moins contenue

La Révolution tranquille est une période de l'histoire du Québec de la seconde moitié du XXe siècle. Selon les auteurs, historiens, sociologues et politologues qui l'ont étudiée, le maître-mot pour la décrire est modernisation. Ses débuts remontent en 1949 lors de la grève de l'amiante, mais elle prend sûrement son envol dans les années 1960.

Le gouvernement d'Adélard Godbout comporte d'importants précédents progressistes, qui portent en germe la Révolution tranquille. Durant son mandat, Godbout fit adopter des lois sans précédent dans l'histoire du Québec, qui accordèrent le droit de vote aux femmes en 1940, rendirent obligatoire les études scolaires jusqu'à l'âge de quatorze ans et instaurèrent la gratuité de l'éducation au primaire. Son gouvernement adopta aussi un nouveau code du travail qui affirma clairement le droit aux travailleurs de se syndiquer, et nationalisa les compagnies électriques à Montréal (dont la très influente Montreal Light, Heat and Power) pour créer Hydro-Québec, l'institution publique qui sera largement étendue par René Lévesque et le gouvernement de Jean Lesage.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les Canadiens français, bien qu'ils forment la majorité de la population du Québec, contrôlent assez peu leur économie. Le gouvernement Duplessis préconise le développement des ressources naturelles et accorde des conditions favorables aux investisseurs étrangers, principalement américains, afin d'exploiter les forêts et le sous-sol en Abitibi, au Saguenay, sur la Côte-Nord et en Gaspésie.

À cette époque, l'anglophone domine les instances économiques, tandis que le Canadien français occupe les postes subalternes. Tout au plus, voit-on quelques francophones à des postes de commande professionnels et culturels, comme l'a constaté Everett Hughes à Drummondville, dans un livre qu'il consacre aux Canadiens français et l'industrialisation, publié en 1943. Ce constat est repris dans de nombreux ouvrages consacrés au Québec au cours des années 1960. Seymour Martin Lipset déclarera le Québec peu propice au développement économique, et le comparera à l'Amérique latine en raison de « son caractère latin et catholique »[7].

Dans son rapport, publié en 1969, la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme confirme l'absence presque complète des francophones dans la direction d'entreprise au Québec. Ainsi, « les sociétés anglophones et étrangères contrôlaient entre 62,5 % et 93,5 % des secteurs clés de l'économie québécoise, allant des transports et du commerce de gros aux finances, à la fabrication et aux mines »[7].

Dans ce contexte, les compétences des Canadiens français sont méprisées sur le marché du travail. À Montréal, 20 % de la population non francophone contrôlait alors 80 % des postes de cadres, rappelle Jacques Parizeau, dans un ouvrage consacré au 40e anniversaire de la Révolution tranquille. « Nous, les francophones, étions souvent considérés comme incompétents »[8]. Dans son essai, le haut fonctionnaire de la Révolution tranquille rappelle l'exemple du secteur minier: l'Université Laval avait une école de Génie minier depuis 1944. Mais, boudés par les sociétés minières étrangères au Québec, ces ingénieurs miniers sont embauchés partout dans le monde. La création de la société québécoise d'exploration minière (SOQUEM) en 1965 permettra de rapatrier bon nombre de ces ingénieurs miniers et géologues qui s'étaient expatriés aussi loin qu'en Afrique du Sud, au Liberia et en Thaïlande[8].

Le contexte occidental des années 1960

La Révolution tranquille est généralement considérée comme un vaste mouvement de libéralisation des mœurs, globalement comparable au phénomène de « contre-culture » aux États-Unis ou à mai 68 en France. La Révolution tranquille et ses politiques économiques keynésiennes sont généralement assimilées à un âge d'or dans l'histoire économique et sociale du Québec et considérées par certains dans la population comme le fondement du « modèle québécois »[9],[10].

Politique

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Logotype du 50e anniversaire de la Révolution tranquille, créé par le gouvernement du Québec en 2010.

La Révolution tranquille est une époque de modernisation de la structure de l'État québécois qui correspond aux transformations connues ailleurs sous le nom des « Trente Glorieuses ». Le gouvernement libéral dirigé par Jean Lesage crée des institutions publiques telles que la Régie des rentes du Québec (gestion des retraites) et la Caisse de dépôt et placement du Québec (gestion des sommes venant de la capitalisation des différents régimes de retraite et autres programmes d'assurances administrés par l'État).

Nationalisme

La Révolution tranquille, par la confiance nouvelle qu'elle donne aux francophones québécois, est caractérisée par une montée fulgurante du nationalisme québécois. Après la Crise d'Octobre de 1970, déclenchée par le Front de libération du Québec, la poussée nationaliste mène à l'arrivée au pouvoir du Parti québécois de René Lévesque en 1976 ; ce sont eux qui ont fait voter à l'Assemblée nationale du Québec la Charte de la langue française, qui affirme le français comme langue de travail, d'affichage, d'éducation et de communication commune. Par la suite, le Parti québécois (PQ) organisera différents référendums sur la question de la souveraineté du Québec. Les référendums de 1980 et de 1995 sur la question nationale indiqueront respectivement 40 % et 49,4 % d'appui à la souveraineté, mais ne permettront pas de résoudre le statut du Québec au sein du Canada.

Société

Le Code civil du Québec est amendé. Pour la première fois, une femme, Marie-Claire Kirkland-Casgrain, est élue députée à l'Assemblée législative.

Religion

Société catholique « tricotée serrée », la majorité francophone délaisse la pratique religieuse. Le nombre d'enfants par famille diminue, les divorces[N 1] augmentent et la révolution sexuelle fait son chemin au grand dam de l'institution catholique qui constate que son interdiction de la contraception orale est peu respectée par certains.

Des organismes se créent afin de combattre les interdictions morales que la religion avait infligées à la société québécoise. Le Centre de planification familiale du Québec, (CPFQ), fut créé dans cette optique en 1967 par un médecin, Serge Mongeau. Cet organisme effectua plusieurs actions sociales afin d’influencer le gouvernement dans son processus de séparation avec l’Église. Composé d’intervenants laïcs, le centre va s’impliquer dans la lutte pour décriminaliser l’avortement auprès des autorités fédérales dès 1968, et participe à l’élaboration du projet de loi sur le droit à l'avortement rendu public le 30 décembre 1968. Cela révèle une perte de confiance de la société envers le clergé au profit de médecins, impliquée dans une lutte sociale et non morale[11].

La baisse de pratique de religion comme processus s'accélère de façon marquée au tournant des années 1960. C'est une véritable sécularisation qui s'opère pour accompagner la distanciation des institutions politiques des institutions religieuses. Ce dernier phénomène politique s'appelle la laïcisation.

La laïcisation, critiquée par certains conservateurs, est aussi accompagnée d’une certaine modernité révolutionnaire qui secoue le monde catholique. Certains religieux tentent de réconcilier modernité et religion avec la revue Maintenant, succédant à la Revue Dominicaine et dont l’optique fut de réconcilier le monde moderne avec les préceptes théologiques[12]. La citation suivante de la première parution de la revue Maintenant en 1962 montre l’ambition d’accorder modernité et religion : « il est temps de sortir de la chrétienté pour entrer dans le christianisme »[13]. On cherche donc à s’insérer dans un mouvement plus ouvert avec le monde et plus centré avec le fondement même de cette religion. Le père Vincent Harvey, assumant la direction de la revue depuis 1965, politise son discours en prenant position, en 1968, pour la déconfessionnalisation des organismes scolaires, et pour la souveraineté du Québec en 1967, soit plusieurs concepts modernes s’inscrivant dans le mouvement de Révolution tranquille. La revue devient indépendante à la suite de ses prises de position en faveur du Parti québécois, parti social-démocrate, en 1970[12].

La relation de la religion avec les médias connaît son plein essor durant la période de la Révolution tranquille avec le développement d’un système de communication publique de l’Église québécoise. On voit l’apparition de quatre bureaux de presse diocésains dans le Canada français (Montréal, Sherbrooke, Trois-Rivières et Québec) ayant pour but donc de rebondir au déclin de son action sur la population et de recentrer ses préceptes sur une communauté visiblement plus restreinte, mais fidélisée[14]. On le voit à Montréal avec le Centre diocésain du cinéma de Montréal où les périodiques affiliés révèlent un engagement de plus en plus important dans la société. Le but étant de former la conscience des chrétiens, ils analysent notamment les œuvres autorisées. On peut voir avec Séquences que l’arrivée de la Révolution tranquille va diversifier les bureaux diocésains de presses et les journaux en faisant intervenir une équipe plus laïque et donc en recherche d’un plus grand auditoire. C’est une des façons d’avoir une empreinte plus importante et ouvrir l’horizon médiatique et communicationnel de l’Église[15]

Plusieurs personnages ecclésiastiques, découlant de l'Action catholique, soit un mouvement progressiste et avant-gardiste influencé par la tradition, politisent leurs discours dans l’optique, non pas de s’opposer aux changements, mais d’y apporter contribution. Jacques Grand'Maison soutient le besoin d’un changement dans la société québécoise, mais critique les modifications que la Révolution tranquille a apportées. Il dénonce le rejet des valeurs chrétiennes et les nouvelles institutions sociales qui oublient l’appartenance identitaire des Québécois. Même si ce prêtre non conformiste appuie l’idée du retrait partiel du clergé dans certaines institutions sociales, au même titre que ses congénères catholiques laïques, le résultat des changements va au-dessous de ces espérances et surtout au niveau de la déconfessionnalisation dans la sphère publique. Un autre personnage, Claude Ryan[N 2], à la tête du quotidien Le Devoir pendant cette période, base ses écrits sur des valeurs laïques inspirées par des préceptes chrétiens, mais adopte également une vision novatrice de l’État à la fois moderne, chrétienne, libérale et laïque[16].

La religion a donc apporté un vent de modernité par l’intermédiaire des médias et de plusieurs personnages politiques. La culture québécoise fut également au service d’une réconciliation entre État et Religion avec l’apparition d’une élite cléricale intellectuelle, qui soutient notamment la sécularisation avec Georges-Henri Lévesque, fondateur de la faculté des sciences sociales de l’Université Laval. Jean-Paul Desbiens avec Les Insolences du Frère Untel, un essai critique, ou plaidoyer, publié en 1960 sans l’accord de l’imprimatur[N 3], prône une vision progressiste et des pistes aux changements possibles au travers de la décennie qui succédera à la publication. L’envie de modernité au Québec vient aussi de l’extérieur avec le Concile lancé par le nouveau pape élu en 1958, Jean XXIII. Celui-ci incite à une ouverture au monde, à une sécularisation et à l’émancipation de certaines populations. Le Québec, d’un côté, reste en attente face aux changements que cela annonce : peu d’articles du côté de la presse ecclésiastique sont apparus malgré une réception positive de la part de la population[17].

Malgré quelques réticences, le changement s’effectue vite, d’où le concept de « sortie de la religion » émis par Marcel Gauchet. Il insiste sur le fait que « la sortie de la religion ne signifie pas sortie de la croyance religieuse, mais sortie d’un monde où la religion est structurante, où elle commande la forme politique des sociétés »[18]. Cependant, la religion veut changer également sa structure interne. Elle coordonne ses actions par l’intermédiaire de l’organisme central de planification et coordination de la pastorale avec une structure administrative semblable à celle de l’administration publique[13]. Par exemple, dans le système éducatif, la place des religieuses, qui avait atteint son apogée en 1961, est exclue, mais laisse une trace dans l’acceptation, auprès de la société, qu’une femme puisse travailler[19]. Enfin, au niveau territorial, certains propriétaires cléricaux de plusieurs terrains et bâtisses négocient avec le gouvernement québécois leurs passations vers le domaine public. Les écoles et les hôpitaux deviennent également publics[20].

Éducation

Le rapport Parent, publié en 1963 et 1964, est à la base des changements intervenus dans le domaine de l'éducation québécoise durant la Révolution tranquille. Jusqu'alors gérée par le clergé catholique (principalement francophone) et protestant (principalement anglophone) québécois, l'éducation est retirée du contrôle ecclésiastique tout en restant confessionnelle, avec des commissions scolaires catholiques et d'autres protestantes. Les écoles juives du Québec étaient entièrement privées. À la suite du rapport, le ministère de l'Éducation est créé, ainsi que les polyvalentes, les commissions scolaires régionales et plusieurs autres changements arrivent par la suite.

L'État québécois prend en charge son administration complète par le biais du ministère de l'Éducation et du Conseil supérieur de l'éducation. Les parents sont également libres de choisir des écoles privées, financées par l'État à 40 % — comparativement à 100 % pour les écoles publiques —, bien que plafonnées aux mêmes dépenses que les écoles publiques.

Les écoles polyvalentes sont créées pour intégrer dans un même établissement l'enseignement secondaire, que ce soit la formation générale ou l'apprentissage des métiers. De même, un niveau collégial et un réseau de CÉGEPs est mis sur pied pour assurer la formation pré-universitaire autant que l'enseignement technique.

Au début des années 1960, au Québec, « seulement le tiers des jeunes adultes de vingt-cinq à trente ans ont un diplôme et seulement 5 % de ce même groupe ont un diplôme universitaire. Le retard qu'accuse le Québec et particulièrement les francophones est tel que leur situation économique n'est guère différente de celle des Noirs américains, le groupe le plus désavantagé aux États-Unis »[21]. Jean Lesage, élu en 1960, avait pour projet politique de corriger cette lacune en rendant l'école gratuite et obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans et en développant l'éducation supérieure. Les résultats seront fulgurants.

Économie

Un des grands acteurs de cette période est René Lévesque qui, à titre de ministre des Richesses naturelles après le remaniement de 1962 dans le gouvernement Lesage, nationalise l'ensemble des sociétés privées de production et de distribution d'électricité, faisant de la société Hydro-Québec un acteur économique et industriel essentiel. L'élection de 1962 se fait essentiellement sur cette question, et donne au gouvernement le mandat de compléter cette nationalisation. Le gouvernement crée aussi des sociétés d'État dans divers domaines économiques : forêts, mines, recherche pétrolière.

Culture

Le gouvernement de Jean Lesage crée en 1961 le ministère des Affaires culturelles dont le premier titulaire est Georges-Émile Lapalme[N 4]. Les arts, les lettres, le théâtre, la chanson, le cinéma, et l'ensemble de la culture québécoise intègrent des formes nouvelles, dans les domaines décrits ci-dessous, entre autres.

Cirque

Littérature

Durant la Révolution tranquille, les écrivains québécois adoptent un style d'écriture engagé et militant qui dépeint les Québécois d’une façon qui se veut plus réaliste. On parle alors d'anti-héros. En effet, on parle des problèmes individuels, soit pour les Québécois de souche ou pour les immigrants qui ont de la difficulté à intégrer la société. Le tout se déroule dans une quête où les personnages tentent de s'assumer[réf. nécessaire].

Musique

Chanson

Carrières internationales
Carrières québécoises

Musique autochtone

Musique instrumentale

Revues

Trois revues québécoises sont notables pour avoir diffusé la remise en question et l'espoir nourri par différentes générations d'intellectuels de cette époque[22] :

  • Liberté était présentée comme un « "centre de discussion des problèmes culturels" rencontrés par la société canadienne française », passant notamment par la création et la critique littéraire.
  • Quand Parti pris est lancée, le RIN existe déjà et le FLQ est opérationnel. La revue continue dans cette voie militante et appelle à la « révolution nationale et économique du Québec », en plus d'affirmer que « notre littérature s’appellera québécoise ou ne sera pas » . À cet effet, un numéro-manifeste intitulé « Pour une littérature québécoise » est publié en 1965, de telle sorte que l'expression littérature québécoise en viendra à remplacer littérature canadienne-française

Théatre

Notes et références

Notes

  1. Encore dans les années 1960, le divorce par consentement mutuel n’était pas reconnu légalement au Canada, ce qui amenait des situations de "fautes", généralement adultérines, simulées devant témoin pour pouvoir obtenir ledit divorce!
  2. Qui deviendra plus tard chef du PLQ et aspirant au poste de Premier ministre du Québec.
  3. Ce qui amena d’ailleurs à l’autodafé de certains exemplaires de l’œuvre, qui furent par la suite rachetés après la levée publique de l’index.
  4. Prédécesseur de Jean Lesage au poste de chef du PLQ.

Références

  1. L'Encyclopédie canadienne : Révolution tranquille.
  2. a b c et d Paul-André Linteau, « Un débat historiographique: l'entrée du Québec dans la modernité et la signification de la Révolution tranquille », dans Yves Bélanger, Robert Comeau et Céline Métivier (dir.), La Révolution tranquille 40 ans plus tard : un bilan, Montréal, VLB éditeur, coll. « Études québécoises », , 316 p. (ISBN 2-89005-753-4), p. 21-41.
  3. a b et c Jean-Philippe Warren, « L’origine d’un nom. D’où vient l’expression « Révolution tranquille » ? », sur Société historique du Canada.
  4. « 1960: Le programme politique du Parti Libéral du Québec », sur Poltext, (consulté le )
  5. Lucia Ferretti, « Dossier: La révolution tranquille », L'Action nationale, vol. LXXXIX, no 10,‎ , p. 59-92 (lire en ligne).
  6. Mathieu Bureau Meunier, Wake up mes bons amis!, Québec, Septentrion, 2019, p. 148.
  7. a et b Philip Resnick, « La vengeance des Huguenots : sur l'héritage de la Révolution tranquille », dans Robert Comeau, Jean Lesage et l'éveil d'une nation, Sillery, Québec, Presses de l'Université du Québec, (ISBN 2-7605-0530-8), p. 322-329.
  8. a et b Jacques Parizeau, « Quand le Canada n'est plus au centre de la scène », dans Yves Bélanger, Robert Comeau et Céline Métivier (dir.), La Révolution tranquille 40 ans plus tard : un bilan, Montréal, VLB éditeur, coll. « Études québécoises », , 316 p. (ISBN 2-89005-753-4), p. 140-156.
  9. Éric Bédard, « Forum public à l'UQAM - Le modèle québécois: recherche des ardeurs nouvelles », Le Devoir,‎ (lire en ligne).
  10. Karim Benessaieh, « Le modèle québécois tient-il encore la route ? », La Presse,‎ (lire en ligne).
  11. Dion, Marie-Pier. 2009. «  Une stratégie tranquille. Serge Mongeau et le Centre de planification familiale du Québec dans la société québécoise, 1965 – 1972 ». Mémoire de Maîtrise. Université du Québec à Trois-Rivières : 74-89. .
  12. a et b Martin Roy, « La foi chrétienne au crépuscule de la Révolution tranquille: une analyse de "Christianisme et nouvelle culture" (1971) de Vincent Harvey », Bulletin d'histoire politique,‎ , p. 77-82.
  13. a et b Robert Mager, Modernité et religion au Québec: où en sommes-nous ?, Québec, Presse de l'Université Laval, , p. 27-28; 48-54.
  14. Proulx, Jean-Pierre. 1979. « L'information religieuse au Québec de 1965 à 1974 : la praxis de quatre bureaux de presse diocésains ». Thèse de Doctorat. Université de Montréal. .
  15. Veilleux, Carl.  2012. « Les conditions d’existence d’un périodique culturel au Québec : la revue  “Sequences” ». Thèse de doctorat. Université du Québec à Trois-Rivières. .
  16. Desautels, Eric. 2010. « Le processus de sécularisation. L’implication des élites catholiques laïques ». Thèse de Maîtrise. Université de Montréal : 64-68 ; 91-130 ; 152-164 .
  17. Gilles Routhier, « L’annonce et la préparation de Vatican II : Réception et horizon d’attente au Québec », Études d'histoire religieuse,‎ , p. 25-43.
  18. Marcel Gauchet, La religion dans la démocratie. Parcours de la laïcité., Paris, Gallimard, , 11-12 p..
  19. Lorraine Duchesne, « Les trajectoires des religieuses au Québec de 1922 à 1971 », Population,‎ , p. 385-413.
  20. Matte, Isabelle. 2013. « Sortir de la religion. Spécificité d’une sécularisation catholique au Québec et en Irlande. Expériences du Celtic Tiger et de la Révolution tranquille ». Thèse de Doctorat. Université Laval à Québec : 152-155.  .
  21. Mathieu Bureau Meunier, Wake up mes bons amis!, Québec, Septentrion, 2019, p. 142.
  22. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, « Dossier : les 50 ans de la Révolution tranquille » [PDF], , p. 19.

Voir aussi

Bibliographie

  • Julie Bélanger et Paul Poirier, « L'apparition de la locution « Révolution tranquille » - 1re partie », Bulletin, Québec, Bibliothèque de l'Assemblée nationale, vol. 36, nos 1-2,‎ , p. 18 (lire en ligne, consulté le ).
  • Julie Bélanger et Paul Poirier, « L'apparition de la locution « Révolution tranquille » - 2e partie », Bulletin, Québec, Bibliothèque de l'Assemblée nationale, vol. 36, nos 3-4,‎ , p. 17 (lire en ligne, consulté le ).
  • Yves Bélanger, Robert Comeau et Céline Métivier, La révolution tranquille: 40 ans plus tard : un bilan, Montréal, VLB, , 316 p. (ISBN 2890057534).
  • Léon Dion, La révolution déroutée, 1960-1976, Montréal, Boréal, , 324 p. (ISBN 2-89052-908-8).
  • Conseil du statut de la femme, Femmes et pouvoir : la Révolution tranquille, Québec, Publications du Québec, , 98 p. (ISBN 2-551-15528-2).
  • Michael Gauvreau (trad. de l'anglais par Richard Dubois), Les origines catholiques de la Révolution tranquille, Montréal, Fides, , 457 p. (ISBN 978-2-7621-2738-6).
  • Xavier Gélinas, La droite intellectuelle québécoise et la Révolution tranquille, Québec, Presses de l'Université Laval, , 486 p. (ISBN 978-2-7637-8509-7).
  • Pierre Godin, La Révolution tranquille (5 vol.), Montréal, Boréal, .
  • Michel-Rémi Lafond (dir.), La Révolution tranquille : 30 ans après, qu'en reste-t-il?, Hull, Éditions de Lorraine, , 236 p. (ISBN 298012494X).
  • Yves Lever, Le Cinéma de la Révolution tranquille de Panoramique à Valérie, Montréal, Y. Lever, , 732 p. (ISBN 2920664085).
  • E.-Martin Meunier et Jean-Philippe Warren, Sortir de la grande noirceur : l'horizon personnaliste de la Révolution tranquille, Sillery, Septentrion, , 207 p. (ISBN 2-89448-335-X).
  • Jean-Charles Panneton, Georges-Émile Lapalme, précurseur de la Révolution tranquille, Montréal, VLB, , 190 p. (ISBN 2-89005-749-6).
  • Jean-Christian Pleau, La révolution québécoise : Hubert Aquin et Gaston Miron au tournant des années soixante, Saint-Laurent, Fides, , 270 p. (ISBN 2-7621-2332-1).
  • Dale C. Thomson, Jean Lesage et la Révolution tranquille, Saint-Laurent, Éditions du Trécarré, , 615 p. (ISBN 2892491061).
  • Gérard Tremblay, La révolution tranquille (2 vol.), Sainte-Anne-de-Beaupré, La Revue Sainte-Anne, .
  • Roger Barrette, De Gaulle et la Révolution tranquille, Vive le Québec libre, préface d'Alain Hartog, Corsaire, 2018.

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