Manfra

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Logo du manga français Radiant.

Le manfra, manga français (ou manga à la française)[1], désigne les œuvres de bande dessinée francophones originales inspirés par les codes de la bande dessinée japonaise (ou asiatique en général). Mot-valise formé de « manga » et de « français », le manfra est un néologisme apparu en 2005. On parle également de global manga[2].

Le manga français démarre timidement au début des années années 2000, avant d'exploser fin des années 2010. Genre littéraire très décrié à ses débuts, il rencontre aujourd'hui un réel succès et s'exporte à l'international [3]. De plus en plus de grands éditeurs se lancent dans l'aventure comme Kana, Soleil Manga, Delcourt, Glénat ou Ki-oon[4].

Des titres comme Dreamland de Reno Lemaire (700 000 exemplaires vendus) se démarquent par leur grande popularité. C'est également le cas de Radiant de Tony Valente, manfra adapté en anime sur NHK et en simulcast sur Crunchyroll, Anime Digital Network, puis sur Netflix et sur la chaine J-One[5]. C'est la consécration pour ce jeune auteur français devenu une idole au Japon[6].

Histoire[modifier | modifier le code]

La scénariste française et mangaka Jenny en 2006.

À partir des années 1990, avec le succès populaire du Club Dorothée, de nombreux auteurs français puisent leurs sources d'inspiration dans les manga et l'animation japonaise. De fait, le style artistique, ancré auparavant sur la bande dessinée franco-belge, s'étend et se transforme, important de nouveaux codes visuels et narratifs. Si l'on ne parle encore pas de "manga français", ce nouveau genre peine à rencontrer son public et se limite aux fanzines.

Années 2000[modifier | modifier le code]

Les premiers mangas français apparaissent, d'abord timidement, début des années 2000. Sentaï School de Philippe Cardona et Florence Torta est prépublié dans le magazine mensuel Coyote Mag, de l'éditeur Semic, à partir de juillet 2003 avant de paraître en sept tomes.

En 2005, Tot et Ancestral Z publient Dofus, qui passera le cap du million d'exemplaires vendus[7].

La même année, la dessinatrice Jenny signe Pink Diary pour huit tomes après une rencontre avec Thierry Joor, directeur littéraire des éditions Delcourt[8]. C'est le premier manga français à reprendre les codes du Shōjo, un genre qui cible un public féminin, généralement de jeunes adolescentes scolarisées, et qui expose des sujets graves comme la violence ou l'anorexie.

« Je pense que plusieurs auteurs ont maintenant fait leur preuve et ont simplement prouvé au lectorat français que nous étions capables de faire des œuvres de qualité (...) Beaucoup rêvent de devenir mangaka. Je pense que nous avons ouvert une porte qui leur a permis de croire qu’il était possible pour nous français de faire ce métier comme les Japonais. »

— Interview de Jenny[9].

Années 2010[modifier | modifier le code]

Les années 2010 voient un engouement certain pour le manga français et l'arrivée de nouveaux projets. City Hall de Rémi Guérin et Guillaume Lapeyre, paru en 2012 chez Ankama Éditions[10], de style steampunk, réalise de bonnes ventes en librairies jusqu'en 2015.

L'EIMA (Ecole Internationale du Manga et de l'Animation) à Toulouse[11] se rajoute à la liste des établissements réputés pour former aux métiers de la bande dessinée et du manga (voir Eurasiam à Paris).

En parallèle, les amateurs peuvent publier leurs oeuvres sur des plateformes en lignes comme Amilova ou Mangadraft, qui regroupent une communauté d'artistes. C'est le cas de la dessinatrice Aerinn, qui publiera en 2014 Chronoctis Express[12], projet financé sur Tipeee et Ulule, puis édité par Kotoji, une maison d'édition qui défend l'idée d'une bande-dessinée populaire sans chercher à faire de l'élitisme[13].

En 2016, le manga français Outlaw Players remporte le prix du meilleur manga international lors des Japan Expo Awards[14]. La série est publiée au Japon chez l'éditeur Kodansha[15].

La même année, le youtubeur Kevin Tran de la chaîne Le Rire Jaune publie Ki & Hi, qui connaît un succès immédiat en librairies. 50 000 exemplaires sont vendus en dix jours [16].

De 2014 à 2019, les éditions Ki-oon organisent un grand concours de manga avec un contrat d'édition à la clé. Le "Tremplin Ki-oon", qui rassemble des centaines de participants[17], permet à de jeunes talents comme la suisse Yami Shin de se faire connaître[18].

En 2019, Devil's Relics, co-écrit par le rappeur Maître Gims, est un échec commercial. Tiré à 50 000 exemplaires, il ne se vend qu’à 21 000 unités[19].

La fin des années 2010 voit aussi le développement du néologisme Afro-manga. Ce genre de manfra met en avant des univers inspirés par les cultures africaines ou le patrimoine des Outre-mer[20]. Il est généralement scénarisé et dessiné par des artistes de la Réunion, Guadeloupe, Martinique ou la Guyane. En 2017, les éditions Des bulles dans l'océan, basé à Saint-Denis (La Réunion), publient Redskin de Yvan Soudy alias Staark [21]. L'éditeur Glénat annonce la publication de RedFlower, manga inspiré par les traditions africaines par Loui, auteur franco-ghanéen[22].

Années 2020[modifier | modifier le code]

Le manga français s'impose dans l'Hexagone et s'exporte à l'international. En 2020, le dessinateur Jéronimo Céjudo devient le premier français à remporter le célèbre Prix Tezuka au Japon (section internationale), ce qui lui vaut les félicitations de mangakas comme Kazue Kato (Blue Exorcist).

La même année, l’éditeur Kurokawa et la société luxembourgeoise Tsume s’allient pour donner vie à un nouveau label manga, KuroTsume[23]. Deux premiers titres sont annoncés en grande pompe : Imperium Circus et Ragnafall. Mais devant les faibles ventes sur le marché, aucun des deux titres n'est reconduit. Le label est depuis en pause[24].

En 2021, le retour de Goldorak par Xavier Dorison devient la deuxième plus grosse vente de l'année en librairies derrière Astérix[25].

En 2023, l'éditeur Kana lance son Mankaga Challenge, grand concours national pour les jeunes talents du manga sur le thème du Summer Feeling, à l'occasion de la Japan Expo de Paris[26].

Pour 2024, Kana annonce également de nouveaux titres dans son catalogue de manga français. Les héritiers d’Agïone de Sophie Colin alias Tpiu[27], un rêve pour cette jeune dessinatrice aux débuts difficiles[28]; Myrtis de Elsa Brants, créatrice de Save Me Pythie, dans un monde d'humour et de fantasy[29]. Enfin, La boutique d'artefacts de l'auteur Pacha, situé dans un Paris fantastique de mystère et de magie où le jeune Léo enquête sur le décès de son oncle après un héritage extraordinaire[30].

En parallèle, Christophe Cointault, qui s'est illustré par deux séries de manga parus chez Glénat, annonce Eightfull , un récit inédit de sport de combat consacré au MMA, comme il le confie dans les colonnes du Parisien[31].

Les grands succès[modifier | modifier le code]

Dreamland[modifier | modifier le code]

Logo du manga français Dreamland.

En 2006, Reno Lemaire et son œuvre fantastique Dreamland est publié chez Pika Édition. L'histoire se déroule à Montpellier de nos jours. Terrence Meyer est un élève en terminale STG (Actuel STMG1) qui a perdu sa mère dans un incendie. Depuis, il a une peur panique du feu. Mais un soir, alors qu'il rêve de sa mère, il surmonte sa phobie en contrôlant les flammes qui l'entourent. À partir de cet instant, lors de son sommeil, il se retrouve transporté à Dreamland, le monde des rêves.

Rencontre entre Reno Lemaire et Hiro Mashima au Festival d'Angoulême 2018.

«  Je baignais dans cet univers depuis tout petit et, quand je me suis lancé dans cette aventure, personne ne l’avait encore fait (...)Je me foutais de ce que pouvaient penser les gens. Le plus important, c’était d’embarquer suffisamment de personnes dans mon délire pour pouvoir continuer l’aventure. Au final, je me suis retrouvé sur le devant de la scène, avec la casquette de “précurseur”. Du coup, j’ai été critiqué de tous les côtés. Pour la branche franco-belge, le manga était un envahisseur. Ils le voyaient comme une “sous-BD”. »

— Interview de Reno Lemaire par la Fnac[32].

Dreamland est l'un des rares manga français à perdurer dans le temps avec 21 volumes et un Artbook publiés[33]. À l'été 2022, la plateforme française ADN[34] annonce la production d'une adaptation en anime, prévue pour 2024[35],[36]. Trois saisons d'une dizaine d'épisodes sont d'ores et déjà prévues et seront réalisées par le studio français La Chouette Compagnie[37].

Radiant[modifier | modifier le code]

Tony Valente en dédicace.

Radiant de Tony Valente est le premier manga français publié au Japon, par le biais de l'éditeur Asukashinsha dans la collection Euromanga[38]. Dans un univers fantastique, des sorciers affrontent des monstres appelés Némésis. Seth est un adolescent qui doit trouver le lieu d'origine des Némésis, le légendaire Radiant, tout en évitant l'Inquisition, une organisation opposée aux sorciers.

Radiant est reconnu par Yusuke Murata (One Punch Man) et Hiro Mashima (Fairy Tail)[39]. À l'occasion de l'Anime & Manga Grand Prix, la série reçoit le prix de la meilleure BD au « style manga » de l'année 2014, décerné par le magazine AnimeLand[40]. Elle remporte également le prix BD/Manga Canal BD-J'aime lire Max dans la catégorie « Manga » en 2015[41]. Pour la Japan Expo de 2016, la série reçoit le prix Daruma du meilleur manga international[42].

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Le manga français possède des caractéristiques très proches des mangas japonais. Il est généralement édité en format poche ou semi-poche (A5/B5), broché sous jaquette, avec une pagination importante (180 pages minimum), en noir et blanc, et un récit découpé en plusieurs chapitres. Le format reste le même mais les codes changent, plus centrés sur la société occidentale que japonaise[43].

Classification[modifier | modifier le code]

Au Japon comme à l'international, le manga est classifié en fonction de l'âge et du sexe du lectorat visé : shōnen, seinen, etc. Cependant, les œuvres francophones sont beaucoup moins variées pour des raisons commerciales. Ainsi, on ne retrouve principalement que du Nekketsu, genre très populaire pour les adolescents, calqué sur des récits d'aventure aussi célèbres que Dragon Ball ou One Piece mais aussi des mangas de sport comme Captain Tsubasa. En mettant en avant un produit certain d'attirer les jeunes lecteurs, les éditeurs peuvent ainsi gagner la confiance des libraires.

Cependant, certains manfra font la différence comme Pink Diary de Jenny, série en huit tomes qui reprend les codes du shōjo (manga pour les jeunes filles)[44]. Ou encore Save me Pythie de Elsa Brants, qui narre les mésaventures d'une jeune fille dans la Grèce Antique.

Dessin[modifier | modifier le code]

Le manfra possède un style dynamique, exagération des mouvements et des attitudes. Si les pages sont en noir et blanc, chaque tome démarre avec quelques pages en couleurs, puis bascule vers l'utilisation de trames, une technique de points espacés qui a pour effet de donner visuellement différentes valeurs de gris. Les personnages sont souvent de caractéristiques physiques asiatiques (petits nez, grands yeux en amande expressifs).

Les dessinateurs sont appelés Mangaka comme leurs homologues japonais. Il travaille avec des outils aussi techniques que des plumes à dessin (plumes métalliques de type zebra g pen, tachikawa g pen, etc.). Si au Japon, un mangaka est généralement entouré par des assistants pour dessiner les bulles ou les décors, le mangaka français doit souvent s'occuper de toute la production de son œuvre seul.

Dialogues et textes[modifier | modifier le code]

Il y a présence de bruitages, d'interjections, ou d'onomatopées, le plus souvent en français, bien qu'un auteur puisse utiliser des onomatopées japonaises en kanji, caractères chinois ou sinogramme, dans les dialogues d'un manfra.

Mise en page[modifier | modifier le code]

Le manfra peut posséder des dessins en pleine page, double-pages, cases explosées, cadrage et mise en scène découpant une seule action en plusieurs cases.

Sens de lecture[modifier | modifier le code]

Sens de lecture d'un manga de droite à gauche.

Au Japon, les mangas se lisent de droite à gauche, et à la verticale (de haut en bas), ce qui correspond au sens de lecture traditionnel (tategaki 縦書き, « écriture verticale», aussi tategumi, 縦組み).

En France, bien que la lecture se fasse de gauche à droite, les auteurs de manfra adoptent généralement le sens de lecture japonais de droite à gauche ; probablement par stratégie commerciale. Certaines œuvres se lisent néanmoins à l'occidentale comme dans Talli, Fille de la Lune de Sourya Sihachakr.

Liste d'œuvres[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Pauline Croquet et Alexis Orisini, « Japan Expo : les mangakas français à la conquête du neuvième art nippon », sur Le Monde, (consulté le ).
  2. « Livre-Paris 2019 : où en est le "Global Manga" en France ? », sur actuabd.com, (consulté le )
  3. « Au salon du Livre, le phénomène du "Manfra", le manga français (France 3) ».
  4. « Comment le manga à la française, dit le "manfra", est devenu tendance (France Info) »
  5. « Tony Valente, auteur du manga « Radiant » (Le Monde) ».
  6. Marilys Vallet, « Tony Valente, mangaka français et idole au [[Japon]] », sur Le Point, (consulté le )
  7. Thomas Berthelon et Dominique Molinaro, « Dofus passe le cap du million d’exemplaires vendus », sur Actua BD, (consulté le ).
  8. « Cette dessinatrice de Châteaudun revient sur 14 ans de carrière (L'Écho républicain) »
  9. « Interview de Jenny, créatrice du premier manga Shōjo français »
  10. « Rémi Guérin & Guillaume Lapeyre (City Hall) : « L’avantage du manga est sa grosse pagination. Pour la remplir, autant mettre tout ce qu’on aime dedans ! » », sur Actua BD,
  11. « Dans les coulisses de l'école de mangas (La Depêche) »
  12. « Chronoctis Express Tome 1 " de Aerinn (Science Fiction Magazine) »
  13. « Fiche des éditions Kotoji (Manga news) »
  14. Strafeur, « Japan Expo Awards : Découvrez le palmarès des Daruma 2017 », sur 9emeart.fr, (consulté en )
  15. Hanoko, « Un manga français au Japon », sur shoshosein.com, (consulté le )
  16. « «Ki & Hi» casse la baraque (Le Parisien) ».
  17. « Retour du Tremplin Ki-oon (Manga news) ».
  18. « "Green Mechanic" : la première série issue du Tremplin Manga Ki-oon (Actua BD) ».
  19. « Le manga de Gims, «Devil’s relics», est un échec commercial (Le Parisien) ».
  20. « "Afro-manga" et mangas made in Bourbon (France Info Outre-mer La 1ère ) »
  21. « Des influences réunionnaises dans un manga (France Info Outre-mer La 1ère) »
  22. « "RedFlower", un manga inspiré par les traditions africaines (France Info) »
  23. « Kurokawa et Tsume s'associent pour se lancer dans le manga français (Manga News) ».
  24. « Il réalise son propre manga : Cyril Marchiol, invité de Canal + (Clique) »
  25. « Pourquoi Goldorak a fait un retour fulgurant(Le Parisien) ».
  26. « Mankaga Challenge : le plus gros concours de création de mangas en France (Kana) ».
  27. « Le manga Les héritiers d’Agïone annoncé par Kana »
  28. « «Il y a 20 ans, le manga français n’était pas imaginable» (Ouest France) »
  29. « Myrtis par Elsa Brants (Actua BD) »
  30. « Le manga La boutique d’artefacts édité par Kana »
  31. {{Lien web|url=https://www.leparisien.fr/loiret-45/jai-retrouve-le-feu-sacre-le-mangaka-christophe-cointault-change-tout-et-devient-topher-05-11-2022-457MSJSFTZDDRO2UOWU5NEUWLQ.php%7Ctitre=« J’ai retrouvé le feu sacré » : le mangaka Christophe Cointault change tout et devient Topher !(Le Parisien)
  32. « Reno Lemaire (Dreamland): “Les mangakas français n’ont rien à envier aux japonais” »
  33. « Interview de Reno et Romain Lemaire (9emeArt) ».
  34. « Dreamland en exclusivité sur ADN ! », sur Animation Digital Network.
  35. « Dreamland adapté en anime, premier trailer pour la série d'ADN », sur IGN.
  36. « Fiche anime - Dreamland », sur Nautiljon.
  37. « « Dreamland » : Le manga créé à Montpellier va être adapté en série animée », sur 20minutes.
  38. (en) « Radiant Becomes 1st French Manga Published in Japan », sur Anime News Network, (consulté le ).
  39. Florent D., « Radiant, le manga qui exporte la french touch au Japon », sur ActuaLitté (consulté le ).
  40. « 22e Anime Manga Grand Prix », AnimeLand, no 203,‎ , p. 8-11 (ISSN 1148-0807)
  41. Benjamin Roure, « Radiant et Le Temps des mitaines, prix Canal BD/J’aime lire Max 2015 », sur BoDoï, (consulté le )
  42. « Radiant, Daruma du meilleur manga international - Japan Expo », sur www.japan-expo-paris.com (consulté le )
  43. « comment le manga à la française, dit le "manfra", est devenu tendance (France Info Culture) ».
  44. « Cette dessinatrice de Châteaudun revient sur 14 ans de carrière (L’Écho Républicain) »
  45. « Green Mechanic - Manga série », sur manga-news.com (consulté le ).
  46. « Shin Yami », sur manga-news.com (consulté le ).
  47. Vincent Louvet, « Michel LAFON - Ki & Hi - Tome 1 : Deux frères, Kevin Tran , Fanny Antigny », sur www.michel-lafon.fr (consulté le ).
  48. « Nomad, tome 1 : Mémoire vive », sur Babelio (consulté le ).
  49. « Outlaw Players - Manga série », sur manga-news.com (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]