Alsacien

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Alsacien
Elsässisch
Pays Drapeau de la France France
Région Drapeau de l'Alsace Alsace
Nombre de locuteurs environ 700.000 Transmission inter-générationnelle très minoritaire depuis les années 1980[1].
Typologie SVO
Classification par famille
Modèle:Hiérarchie début haut-allemandModèle:Hiérarchie fin haut-allemand
Statut officiel
Langue officielle Statut de langue régionale de France [2]

L'alsacien (Elsässisch) est par convention[précision nécessaire], la dénomination donnée aux parlers alémaniques et franciques traditionnels d'Alsace[réf. nécessaire].

L'alsacien est la deuxième langue autochtone parlée en France (en nombre de locuteurs) après le français si on considère l'occitan comme un ensemble de parlers non-homogènes et la troisième si on prend en compte l'hypothèse contraire. Les transcriptions phonologiques basées sur le Schriftbild (les conventions orthographiques) du Hochdeutsch, des œuvres littéraires (poésie, théâtre) rendent compte de la richesse des variantes dialectales. En « krummes Elsass » Alsace Bossue sont des parlers franciques rhénans appartenant au moyen-allemand relativement proches des formes parlées en Lorraine et au Palatinat. Dans la région au nord de l'isoglosse û/au frontalier (Wissembourg - Lauterbourg) on parle un continuum francique méridional proche du Palatin, mais rattaché comme les dialectes alémaniques à l'allemand supérieur. Par ailleurs, des espaces de langue romane, patois dit welches et franc-comtois se retrouvent sur les zones vosgienne et méridionale de l'Alsace. Le Territoire de Belfort « Romandie alsacienne » est un district alsacien séparé après 1871, et rattaché à la Franche-Comté, qui n'a pas retrouvé sa place traditionnelle en marge de la province.

Différents codes orthographiques sont en usage, chaque écrivain adoptant une orthographe plus ou moins personnelle. L’orthographe utilisée cherche plus à rendre compte précisément des coloris locaux de la langue parlée que d'assurer la compréhension pratique, la langue écrite (allemande ou française) suffisant à cette fonction. La prononciation en particulier varie d’une microrégion linguistique à l’autre, voire d’un village à l’autre. Ainsi les différences phonologiques, et dans une moindre mesure morphologiques, entre les parlers du nord au sud de l'Alsace sont importantes. On constate cependant une grande unité dans la syntaxe commune de l'alsacien et la compréhension entre alsaciens est assurée. L'ensemble des dialectes parlés en Alsace sont relativement proches linguistiquement.

Définition

Aire de diffusion des dialectes alémaniques au XIXe et XXe siècles. On notera que l'Alsace bossue et la zone septentrionale autour de Wissembourg ne sont pas comprises.
Cartographie linguistique de l'Alsace en 1910

S'étendant en Alsace, l'alsacien constitue un ensemble de dialectes, essentiellement issus de langues germaniques. Parmi celles-ci, ce sont certaines variantes des langues alémaniques et franciques qui y sont pratiquées. La langue alsacienne n'est pas unifiée et le dialecte pratiqué peut varier d'une commune à l'autre, mais on peut les regrouper en plusieurs familles[3] :

Caractéristiques linguistiques

Parmi les nombreux traits qui séparent l'alsacien de l'allemand standard, l'allemand littéraire « Schriftdeutsch » ou « Hochdeutsch », on peut citer entre autres l'absence de la diphtongaison dite bavaroise : « Wyn ou Wyh » pour « Wein », « Hüs » pour « Haus » ; la palatalisation du « u » long et le maintien d'anciennes diphtongues : « güet » pour « gut » (anciennement «guot»); un certain relâchement articulatoire : « sewa » pour « sieben »; le passage de [rs] intervocalique à [rsch] (le nom du village Schnersheim se prononce sur place Schnarsche) etc.

Dialecte de type germanique, sa tendance est d'accentuer les premières syllabes d'un mot.

L'alsacien est également un dialecte flexionnel, qui comprend trois cas de déclinaison : le nominatif (Sujet), l'accusatif (COD), le datif (COI), contrairement à l'allemand, l'alsacien n'a pas de génitif, il le remplace par une construction employant le datif. On ne compte plus que trois temps dont deux sont des temps composés: le présent, le prétérit (passé composé; le passé simple a disparu comme dans l'ensemble des dialectes alémaniques) et le futur (qui est formé, tout comme en allemand et tous les dialectes germaniques, à l'aide d'un auxiliaire); et peu de modes : indicatif et subjonctif (qui sert également à former le conditionnel), ainsi que deux voix : active et passive. Il est à remarquer que l'alsacien, comme tous les autres dialectes alémaniques, bon nombre d'autres dialectes et langues, peut utiliser un présent progressif[4] en plus du présent conventionnel.

L'appartenance de l'Alsace à la France dès le XVIIe siècle (règnes de Louis XIII et Louis XIV) s'est répercutée sur le plan lexical. Le fait d'être coupé politiquement de la sphère de l'allemand standard a permis la préservation d'un grand nombre d'archaïsmes, inintelligibles de nos jours même au pays de Bade ; d'autre part, le dialecte n'a cessé d'emprunter au français. L'alsacien a aussi été largement enrichi par le parler yiddish, apporté par les populations juives originaires de Pologne et de l'Est de l'Europe. Ces tendances séparent très fortement l'alsacien des parlers alémaniques d'Allemagne et de Suisse.

Prononciation de l'alsacien

Voyelles

Voyelle Voyelle française prononciation française exemple exemple [prononciation]
a o [ɔ] ou [å] mort, sort, or, gore der Mann (l'homme) [d'r monn]
å oo (variante longue) [ɔ:] idem, plus long s' Råd (la roue) [s' rod]
à a [a] salle, barde, salade d'Mànner (les hommes) [d'mann'r]
e a idem en début et fin de mot dans le Haut-Rhin idem Mànele (petits hommes) [manala]
e a idem après une voyelle idem miet (fatigué) [miia't], lüege (regarder) [luuaga]
e é [ɛ] ailleurs pré, été lege (poser) [lééga]
i é Entre [ɛ] et [i] (aucun) der Himmel (le ciel) [d'r hémm'l]
i i [i] lorsque la voyelle est longue île, mille der Rhi (le Rhin) [d'r Rii], der Wi (le vin) [d'r vii]
o o, ô [o] sot, seau, beau der Morge (le matin) [d'r môrga], solle (devoir, avoir l'obligation de) [sôla]
u ou [u] nous, vous, sous d'Wulke (les nuages) [t'voulka]
ü u [y] sûr, dur, mur Nüdle (nouilles) [nuudla]
ie iia [i:a] aucun Biewele (petit garçon) [biiavala]
üe uua [y:a] aucun der Büe (le garçon) [d'r buua]
ei, ài [ai] ail, aïe Meidele (jeune fille) [maïdala]

Consonnes

Consonne Consonne française prononciation française exemple exemple [prononciation]
b b, p entre [b] et [p] aucun bliwe (rester) [bliiva]
p p, b assez rare, rencontré dans les mots d'origine latine passage, pierre prowiere (essayer) [proviiara] (un vrai « p »), passe (aller bien, passer, seoir) [possa/bossa] (entre b et p)
d d, t entre [d] et [t] aucun trinke (boire) [trénka/drénka]
t d, t entre [d] et [t] idem iwertriwe (exagéger) [év'r-triiva]
v f [f] fièvre, filet vergeifre (baver, salir en bavant) [f'r-gaïfra]
f f [f] idem Flàcke (taches) [flaka], fliege (voler dans les airs) [fliiaga]
g gu, g, k entre [g] et [k] toujours comme dans « gare » geifre (baver) [gaïfra/kaïfra]
h h [h] h aspiré, prononcé en expulsant l'air des poumons der Himmel (le ciel) [d'r hémm'l]
j y [j] yeux, yodler jede (chaque) [yééda]
k k, g entre [k] et [g] aucun kuma (venir) [kouma/gouma]
r r [r] roulé ou non, selon les régions rouille, rouler ràgne (pleuvoir) [rag'na]
s s, ch [s] le plus souvent; [ʃ] devant t, d, p et parfois r savon, si (jamais comme un z) ou chat, chien springe (sauter) [chpré-nga], steh (être debout) [chtéé], sewe (sept) [sééva]
w v [v] wagon, voiture, victoire Wage (voiture) [vooga], Wulke (nuage) [voulka]
x kss [ks] exciter, exfolier Wax (aussi écrit Wachs) (cire) [voks]
z ts [ts] tsé-tsé Zahn (dent) [tsoo'n], Zorn (colère) [tsôrn]
sch ch [ʃ] chat, chien schriwe (écrire) [chriiva]
ch rr [x] comme un r grasseyé semblable au r dans cri, croire noch (encore) [nôrr], Büech (livre) [buuarr]
ch ch [ç] comme un ch de chat prononcé avec la langue collée au palais ; particularité retrouvée dans le Bas-Rhin et en allemand Schlüch (tuyau) [chluurr] dans le Haut-Rhin et [chluuch] dans le Bas-Rhin
ch k [k] se prononce k] lorsqu'il se trouve avant un s Wachs (cire) [vɔks], wachse (grandir, croître, pousser) [vɔksa]
ng ng [ng] se prononce ng comme dans parking. Attention ; le « g » final ne s'entend pas, le n est simplement prononcé avec le nez et le fond de la gorge Iewung (iia'vou-ng) (exercice, expérience)

En ce qui concerne les couples (b, p), (d, t) et (g, k) - qui, normalement, ne présentent aucune différence de sonorité - il est en usage de privilégier l'orthographe des mots retrouvés en allemand standard. Par exemple, le mot Biewele (petit garçon) [biiavala] pourrait très bien être écrit Piewele. Toutefois, la racine germanique du mot, Bub, est orthographiée avec un B, ce qui a orienté notre choix.

De même pour les voyelles. Il existe deux a en alsacien. Celui que l'on dit naturel (noté a) et qui se prononce [ɔ] ou [å], et l'autre (noté à), qui se prononce comme le a français de avion. Pourquoi noter a une lettre qui ne se prononce pas du tout comme tel ? Pour la raison que les voyelles des mots apparentés en allemand se prononcent [a]. Par exemple, le mot roue se traduit en allemand par Rad [raad]. En alsacien, il se prononce différemment : [rood]. C'est encore une fois l'orthographe allemande qui prédomine. Le même phénomène est observé pour le e, qui se prononce a presque partout dans le Haut-Rhin, à des positions où, normalement, en allemand, ils sont muets, légèrement prononcés, ou entièrement prononcés é ou eu.

Il faut également noter qu'il existe une disparité dans l'utilisation des articles définis (le, la, les)  : dans le Bas-Rhin, le masculin singulier (le) se dit plutôt de, alors que le Haut-Rhin préférera der. L'article défini féminin singulier demeure d' dans toutes les régions ou presque, alors que l'article défini neutre singulier peut se présenter sous la forme das ou plus généralement s. La subtilité la plus flagrante (voir le début de cette partie) est que, normalement, on admet que l'accusatif (le cas du complément d'objet direct) n'est plus usité en alsacien moderne. C'est vrai dans la majorité de la région, puisque l'accusatif de der/de est der/de, celui de d' est d', et celui de s est s. Par contre, il existe de petites bourgades jouxtant les Vosges, dans lesquelles l'accusatif de der devient de pour le masculin, mais rien ne change au féminin ni au neutre. Ce sont des disparités linguistiques pouvant dérouter le néophyte qui désirerait apprendre cette variante des langues germaniques.

Il faut également signaler, dans le Haut-Rhin, à hauteur de Colmar, d'un auxiliaire particulier servant à former le conditionnel. Là où le reste de l'Alsace utilise l'auxiliaire düe/tüe (faire) (qui sert aussi à former le présent progressif), les Colmariens font volontiers usage de gàtt.

Éléments grammaticaux simples

Les verbes

La syntaxe de l'alsacien est relativement proche de celle de l'allemand (et des langues saxonnes en général). Elle utilise une logique majoritairement rétrograde. Par exemple, les adjectifs se placent avant le nom (la voiture bleue : der blaie Wage [d'r bloïa wooga]) et certaines phrases complexes peuvent inverser le sujet et le verbe. Point plus important, les verbes alsaciens, tout comme les verbes allemands, possèdent souvent des « préverbes ». À l'infinitif, ils se placent devant le verbe (on les sépare du radical de verbe par un trait vertical totalement artificiel pour plus de clarté), tandis que fléchis (conjugués), ils s'en séparent, et migrent à la fin de la proposition, en accord avec la logique rétrograde de la langue. Ces particules peuvent parfois modifier considérablement le sens du verbe.

Les temps en alsacien

Les verbes peuvent se conjuguer à différents temps et modes. En alsacien, il existe trois temps de l'indicatif : le présent (auquel on peut ajouter un présent « progressif » ou « emphatique »), le passé et le futur. Le présent est un temps simple, tandis que le passé et le futur sont des temps composés qui utilisent des auxiliaires.

On peut également rajouter plusieurs modes le conditionnel (2 formes composées) et le subjonctif (2 formes composées).

Morphologie du verbe

Le verbe simple est constitué d'un radical et d'une terminaison.

Par exemple, le verbe stelle (prononcer « chdella ») est constitué du radical « stell » et de la terminaison de l'infinitif -e (qui se prononce « a » dans le Haut-Rhin et « oe » dans le reste de l'Alsace).

Il existe aussi des verbes à préfixe, qu'on appelle des verbes à « particule ». Les verbes à préfixes fonctionnent de la même manière. Il existe cependant des préfixes rattachés au radical et des préfixes mobiles (qui se déplacent pendant la conjugaison). Par exemple, le verbe stelle peut posséder un préfixe non-mobile comme dans « bestelle » (commander) ou mobile, comme dans "umstella" (changer de place). La présence d'un préfixe peut changer le sens du verbe.

Il existe tout une série de préfixes non-mobiles : be-, ver-, zer-, ent-, er-, miss-, qui changent la signification d'un radical.

Il existe aussi des particules mobiles, beaucoup plus nombreuses : a(n), ane ("hinan" ou "heran" selon les localités), ab, awe (encore « hinab » et « herab »), bi, uff, ufe (aussi « hinuff s ou « heruff » selon les localités), bei, dar, fere, her, hin, i(n), ine, mit, no (ou « nach »), owe, um, ume (« herum » et « hinum »), vor, weg/wàg (ainsi que son dérivé « ewàg » ou « awäj » selon les régions), zu, züe. Ces particules se trouvent DEVANT le verbe lorsqu'il est à l'infinitif (comme dans « umstella » (prononcer oum-chdella), qui signifie « déplacer »), mais se déplacent à la fin de la proposition lorsqu'ils sont conjugés (comme en allemand, d'où leur nom de particules MOBILES).

La phrase simple

En temps normal, une phrase simple se construit selon le modèle suivant : sujet + verbe + complément/nom/adjectif.

Quoi qu'il advienne, le verbe doit toujours se trouver en seconde position dans la phrase. De ce fait, si la proposition commence par un complément, le sujet sera déplacé après le verbe, de manière à respecter cet axiome.

Exemples :

  • Aller : géh [géé]
  • Monter : ufe-géh [oufa géé]
  • Poser (verticalement) : stelle [chdella]
  • Déplacer : um-stelle [oum chdella]
  • Diminuer, perdre du poids : ab-neme [opp nemme]
  • Il déplace le verre sur la table
  • Er stellt s'Glas uf'm Tisch um
  • Maintenant, il déplace le verre sur la table
  • Jetz stellt er s'Glas uf'm Tisch um [yets chdellt'r s'Glooss ouf'em téch oum]

Dans le second exemple, la présence d'un élément temporel en début de phrase oblige à déplacer le sujet (ici « er ») après le verbe, de manière à ce que ce dernier demeure en deuxième position. Chose importante : lorsque le verbe est composé (affublé d'un préverbe), c'est le radical (ici « stelle » sous forme conjuguée) qui se place en seconde position, la particule (ici « um ») migrant à la fin.

Conjugaison des verbes au présent

L'Alsacien comporte deux présents : le présent simple (celui qu'on trouve en français) et le présent progressif (être en train de faire quelque chose), qui perd progressivement son sens. Le mode de conjugaison n'est pas compliqué : le verbe à l'infinitif est composé d'un radical sur lequel est graffée une terminaison de l'infinitif -e. Exemples : stelle [chdella] poser, mache [moora] faire, lése [lééssa] lire. La conjugaison se sert uniquement du radical :

Exemple du verbe stelle

  • Ich stell [érr chdell] pas de terminaison
  • dü/de stellsch [duu chdellch] [da/ar chdellt] [da/ (celui-ci) chdellch] terminaison : -sch
  • er/se/es stellt [ar, sa, as chdellt] terminaison : -t
  • mér/mer stelle [méér, m'r chdella] terminaison : -e (forme du radical infinitif)
  • ihr stelle [éér chdella] terminaison : -e (forme du radical infinitif)
  • sé/se stelle [sé, sa chdella] terminaison : -e (forme du radical infinitif)

Les pronoms personnels sont donc : ich [érr/ich selon les régions] (je), [duu] (tu), er [ar] (il), sé/sa [sé, sa] (elle), es [ass] (cela/il/elle, neutre), mér/mer [méér, m'r](nous), ihr [éér] (vous, pluriel de «  » et parfois forme de politesse pour « vous »), sé/se [sé, sa] (ils/elles) (attention, la forme majuscule peut vouloir dire « vous » en tant que forme de politesse).

NOTE : Le pronom dü/de n'est pas obligatoire et peut être négligé. En effet, la terminaison -sch suffit amplement à signaler que le locuteur est «  ». La forme deest ce qu'on appelle la forme atone de . Chaque pronom personnel possède une telle forme atone (le plus souvent utilisées avec l'usage), mais elles ne sont pas toutes indiquées.

Le présent progressif

Le présent progressif se forme à l'aide d'un auxiliaire : düe (faire)

Cette forme peut servir au débutant à former le présent simple, forme par ailleurs assez enfantine, mais tout à fait pardonnable pour une personne non initiée. Elle ne nécessite que de connaître la conjugaison de düe uniquement.

  • ich düe [érr duua]
  • dü/de düesch [duu/da duuasch]
  • er/se/es düet [duuat]
  • mer/ihr/se düe(n) [duua(n)]

Pour former le présent progressif, il suffit d'ajouter derrière la forme conjuguée de düe, l'infinitif du verbe désiré.

  • ich düe stelle
  • dü düesch stelle
  • er/se/es düet stelle
  • mer/ihr/se düe(n) stelle

(Exemple du verbe stelle, poser)

ATTENTION, ici s'applique bien évidemment la règle de la DEUXIEME position du verbe : düe se place en seconde position et le verbe à l'infinitif se déplace à la FIN de la proposition.

  • Cet homme est en train d'observer
  • Dà Mann düet züelüege [da monn duuat tsuua luaka]
  • (züe|lüege : observer)

Il est tout à fait possible de former le présent progressif à l'aide d'une périphrase, telle qu'on peut l'entendre dans certaines régions françaises, et qui se rapproche davantage de ce qu'on retrouverait en Allemand standart. La construction utilise le présent du verbe être (), et l'infinitif substantivé du verbe après la préposition an (à, sur). Le verbe « manger » se dit « àsse » (prononcer « assa »), et son infinitif substantivé est s'Asse (s' étant l'article neutre, et Asse, la forme substantivée, écrite avec une majuscule). La préposition « an » étant suivie du datif (eh oui, une déclinaison : le s devient em), on doit dire « an 'em Asse », qui se contracte toujours en « am Asse ».

Je suis en train de manger : « ich bin am Asse » (err bén om assa) (littéralement « je suis à manger »).

On n'a besoin, ici, que de connaître la conjugaison de « sé » (être), et d'y ajouter « am + infinitif ».

La particularité du « fralsacien »

Toutes ces particularités de prononciation du dialecte alsacien ont conduit ses locuteurs à rencontrer un certain nombre de difficultés lors de l'utilisation du français. Tout d'abord, notons qu'avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, la plupart des Alsaciens vivaient de manière très rurale, et, même pour les citadins, il était d'usage de parler uniquement alsacien à la maison. L'alsacien moyen parlait donc relativement mal le français qu'il devait apprendre à l'école.

Un certain nombre de phonèmes ou de consonnes n'existent pas en alsacien et sont retrouvées dans la langue de Molière, ce qui explique que les j ou les v soient écorchés en ch et f (pourtant existant). De plus, comme nous l'avons expliqué, il n'y a pas de différence entre b et p, d et t, ainsi qu'entre g et k (bopele, bébé; dottel, idiot; grièk, guerre) (pour être plus précis, il y a clairement une différence pour un Alsacien, mais elle est inintelligible pour un non-Alsacien), ce qui ne facilite pas la différenciation des sons par un Alsacien. Ce phénomène n'est plus aujourd'hui rencontré que chez les personnes âgées ou ceux parlant couramment le dialecte, mais plus chez les jeunes. La seule réminiscence de l'alsacien chez les jeunes ne le parlant pas est leur accent traînant, qui résulte de l'allongement de certaines syllabes.

De telles particularités, ainsi que l'apparente dureté des phonèmes ont conduit de nombreux francophones à se moquer des Alsaciens, sentiment exacerbé durant la guerre par la ressemblance auditive entre le parler alsacien et le parler allemand. L'association d'idées a très vite été réalisée, et l'accent alsacien associé au nazisme par les uns, au yiddish par les autres… Beaucoup de réfugiés ont souffert de cet amalgame durant la guerre et après la libération.

Dès 1674, les Français estimaient que les rares Alsaciens à connaître leur langue la prononçaient mal (i.e. avec un accent germanique). Encore au XIXe siècle, le ministre Georges Humann provoquait les railleries des journaux anti-dynastiques de Paris[5]. »

Cette prononciation particulière, ainsi que l'existence d'expressions particulières - nées de la traduction littérale de certaines expressions alsaciennes - ont donné naissance à ce qu'on appelle aujourd'hui le fralsacien, un français coloré d'expression et de tonalités alsaciennes.En 1950, on estime à 80 % le nombre des Alsaciens capables de parler et de comprendre leur dialecte, aujourd'hui cette proportion se situe aux alentours de 45%. La politique française d'après guerre pour la disparition progressive de l'alsacien y est pour beaucoup, puisqu'une répression existait, notamment dans les écoles, pour sanctionner les locuteurs. « C'est chic de parler français » était lisible sur les bus alsaciens juste au sortir de la guerre. C'est ce slogan qui a survécu jusqu'à nos jours et qui a popularisé la croyance selon laquelle l'alsacien est la langue des paysans et des non-instruits… Phénomène qui existe également pour bien d'autres parlers régionaux.

De tout cela, un Alsacien sage dirait : « Wenn jeder vor sinre Tire tàt wische, wàr s'ganze Dorf süffer » (si chacun balayait devant sa porte, le village tout entier serait propre) [vènn yéd'r fôr sinra tééra tatt vécha, var s'gonntsa dôrf suf'r]

Usage

Un panneau d'entrée à Mulhouse, en français et en alsacien.
Certaines municipalités encouragent la pratique de l'alsacien en mettant en place une signalisation bilingue.
Inscription sur une fenêtre à Eguisheim :
Dis Hausz sted in Godes Hand - God be war es vor Feyr u(nd Brand)
(« Cette maison se trouve dans les mains de Dieu - Puisse Dieu la protéger du feu et des incendies »)

Aujourd'hui, on observe une diminution de l'usage de l'alsacien. C'est dans les centres urbains, que le recul est le plus notable. La Révolution française, période durant laquelle les États allemands étaient dans le camp ennemi, a marqué une véritable rupture dans le rapport à la langue alsacienne. Durant l'annexion de l'Alsace à l'Allemagne nazie de 1940 à 1945, l'usage de l'alsacien est interdit par l'occupant et très durement réprimé. Au sortir des Première et Seconde Guerre mondiales les autorités françaises œuvrent pour que l'usage du dialecte disparaisse au profit du français. Ce type de phénomène n'était pas isolé et a été observé pour d'autre dialectes ailleurs en France et en Europe. Durant cette dernière période, il était entre autres dit qu'« il est chic de parler français ». Si le déclin continue, on peut cependant constater que l'alsacien a tendance à mieux résister que d'autres langues régionales, plus isolées, comme le breton. De fait, c'est la langue régionale française qui a le plus résisté  : en 1991, environ 400 000 alsaciens l'avaient léguée à leurs enfants.

Le recul brutal de l'alsacien a commencé au cours des années 1970. Les sexagénaires, et même parfois les quinquagénaires, se rappellent que dans la rue, c'est en dialecte que dans les années 1960, les enfants proposaient des billets de tombola. L'irruption de la télévision dans la vie familiale est pour beaucoup dans ce recul  : il n'existe pas de chaîne en dialecte, à part quelques émissions sur France 3 Alsace.

La proportion de dialectophones croît régulièrement avec l’âge. Ainsi, d’après l’étude OLCA/EDinstitut de 2012, sont dialectophones : 74% des 60 ans et plus ; 54% des 45-59 ans ; 24% des 30-44 ans ; 12% des 18-29 ans ; 3% des 3-17 ans (issu du déclaratif parent).

Culture alsacienne

De grands poètes ont écrit et écrivent en alsacien comme c'est le cas de Claude Vigée et Conrad Winter. Le poète Ehrenfried Stoeber et ses deux fils Auguste Stoeber et Adolphe Stoeber, poètes, dramaturges et folkloristes, ont beaucoup développé le répertoire alsacien. Plus récemment Simone Morgenthaler a longtemps animé la populaire émission Sür un siess (France 3 Alsace), traduit Prévert et écrit des pièces en alsacien.

De nombreux artistes s'expriment aujourd'hui en alsacien, contribuant à une culture spécifique, comme Tomi Ungerer, André Weckmann, René Schickelé, Jean Egen, Roger Siffer, Germain Muller, Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel, René Egles, Isabelle Grussenmeyer, Sylvie Reff, Kansas of Elsass, Christophe Voltz, etc.

Exemples

français allemand prononciation alsacien* prononciation néerlandais anglais
terre Erde [éérde] erd/erde [ard/arda] aarde earth
ciel Himmel [hîm'l] himmel [hém'l] hemel heaven, sky
eau Wasser [vass'r] wasser [voss'r] water water
feu Feuer [foï'r] fir [fîr] vuur fire
homme Mann [mann] mann [monn] man man
femme Frau [fraou] frai [froï/freuy] vrouw woman
manger essen [èss'n] àsse [assa/asse] eten eat (to)
boire trinken [trîng-k'n] trinke [dréng-gue] drinken drink (to)
grand gross [grôss] gross [grôss] groot great
petit klein [klâïn] klein/klen [klaïnn/glèèn] klein/smal little, small
gros/gras dick/fett [dîk/fèt] dick/fàt [dék/fatt] dik/vet thick/fat
nuit Nacht [nârrt] nacht [norrt] nacht night
Bonjour Guten Tag [gout'n tâg] Boschour [bochour] goede morgen hello
Au revoir Auf Wiedersehen [aouf vîd'rzéén] Orùaar [orouaar] Tot ziens Good bye
jour Tag [tâg] däi/dag [deï/dook/deu] dag day
aujourd'hui heute [hoïte] hit/héte [hit/hétt/hééta] vandaag/heden today
hier gestern [g-èst'rn] gescht/geschtert [g-ècht] gisteren/gisterdag yesterday
demain morgen [môrg'n] morm/morne [môrn/môrna] morgen tomorrow
matin Morgen [môrg'n] morje/morge [môrya/môrga/môriè] morgen morning
midi Mittag [mitâg] mitta/mitdag [mét'too/mét'tok/médeu] middag midday
soir Abend [âb'nd] owe/obe [ôva/ôba/ôve] avond evening
être
tu es
sein
du bist
[zâïn]
[dou bîst]
sin
du besch
[sén]
[du béch]
zijn
je bent
be (to)
you are
avoir haben [hâb'n] han/ha [hon/hô/hôn] hebben have (to)
ceci/cela dies/das [dîss/dâss] diss/zal/das [déss/tsal/dôss] dit/dat this/that
oui ja [yâ] jà/jo [ya/yô] ja yes
non nein [nâïn] nee/nà/nej/nài [néé/naa/neï/naï] nee no
parapluie regenschirm [régenchirm] Bàràbli [barabli] paraplu, regenscherm umbrella

*L'alsacien ne possède pas réellement d'écriture officielle, ou alors pas d'écriture admise par toute la région (comme la plupart des dialectes).

La prononciation « phonétique » est indiquée entre crochets.

En Alsacien : « i » se prononce presque toujours [é] (sauf lorsqu'il est long, où il se prononce [i] comme dans « île »), le « a » se prononce [o] comme dans « or » ou dans « bord », le « à » se prononce [a], comme dans « avion » ou « gare », le « e » se prononce [a] après une voyelle ou à la fin des mots (parfois au début) (dans le Haut-Rhin) ou [oe] (partout ailleurs). Le « w » se prononce [v] et le « v » se prononce [f].

Ces écrits ne reflètent de loin pas toutes les sortes de prononciations de l'Alsacien.

De nombreux mots yiddisches ont souvent été adoptés en alsacien.

L'alsacien peut parfois évoquer des sonorités exotiques. Une plaisanterie classique en Alsace[6] rapporte ce dialogue entre deux soldats alsaciens lors de la campagne de Chine de 1860 :

  • Schang, schint d'Sunn seit schun ? [Cho-ng, chiin't d'Soun sèyt choun ?] (Jean, le soleil est-il déjà levé ?)
  • Jo, Schang, d'Sunn schint schun seit lang ! [Yo, Cho-ng, d'Soun chiin't shoun sèyt lo-ng] (Mais oui, Jean, le soleil est levé depuis longtemps !)

ce qui convainquit les autres soldats français que les deux compères parlaient le chinois !

Quelques expressions alsaciennes

  • Nùmme d'tote Fisch schwimme mit'm Strom; [nouma d'tôôta féch chvémma métt'em chtrôôm]
    • Seuls les poissons morts nagent avec le courant.
  • S'Wasser laift nit der Bàrg ufe; [s'woss'r loïfft nétt d'r barg ouffa]
    • L'eau ne coule pas vers le sommet.
  • Iewùng macht der Meischter; [iiavou-ng morrt d'r maïcht'r]
    • L'expérience fait le maître.
  • Wenn der Kopf weg esch, hat der Arsch firowe; [venn d'r kôpff vekk éch hott d'r oorch firoova]
    • Quand la tête est partie, le cul est tranquille.
  • Üss're Muk macht er e Elefant; [uss'ra mouk morrt'r a éléfo-nt]
    • D'une mouche il fait un éléphant.
  • Dàs de kerich em dorf blit; [doss deu kérich ém dorf blit]
    • Que l'église reste dans le village, c'est-à-dire, Que la paix reste dans les chaumières.
  • Wenn jeder vor sinre Tere tàt wische, wàr s'ganze Dorf süffer (prononciation : venn yéderr foor sinnra tééra tatt vécha, vaar s'gonnssa dorff suffer)
    • Traduction : Si chacun balayait devant sa porte, le village entier serait propre.

Publications en alsacien

Bande dessinée

Livres pour enfants

  • E. et M. Sinniger-Wollbrett, s'Zwarichel vom Bàschbarri, ed. Nord-Alsace, 2002. (ISBN 2951754639)

Logiciels

Notes et références

  1. olcalsace.org
  2. [1], Insee Chiffres pour l’Alsace • revue n° 12 • décembre 2002
  3. Bénédicte Keck et Léon Daul (préf. Pierre Kretz), L'alsacien pour les Nuls, Paris, First-Gründ, , 208 p. (ISBN 978-2-7540-1848-7, présentation en ligne), « Introduction », p. 6-7
  4. Cf. français populaire: je suis après (en train de) de manger; allemand populaire: ich bin am essen; anglais: I am eating.
  5. La Revue de Paris, Janvier-Février 1916 où on peut lire : « Le parti conservateur gagna du terrain. Il avait à sa tête un personnage important, Humann, plusieurs fois ministre des finances [sous Louis-Philippe], et grand ami de Guizot. Les journaux opposants de Paris se moquaient de son accent et racontaient que, comme il disait à la tribune "mes projets sont détruits", la Chambre avait compris "mes brochets sont des truites" ».
  6. Ernst Martin und Hans Lienhart, Wörterbuch der elsässischen Mundarten, Straßburg 1899-1907

Voir aussi

Bibliographie

  • Robert Grossmann, Main basse sur ma langue, Éditions La Nuée bleue, 1999
  • Pierre Klein, Comment peut-on être Alsacien? Essai sur l'identité française, préface d'Yves Plasseraud, Postface de Jean-Paul Sorg, SALDE, 2012 (ISBN 9782903850371)
  • Paul Lévy, Histoire linguistique d'Alsace et de Lorraine, éditions Manucius, Houilles, 2004 (rééd., 1re édition 1929).
  • Paul Lévy, Die deutsche Sprache in Frankreich - Band 1: Von den Anfängen bis 1830, Harrassowitz Verlag, 2013, übersetzt aus dem Französischen von Barbara Kaltz, 307 Seiten, * Adolf Paul, dictionnaire comparatif multilingue: Français - Allemand - Alsacien - Anglais, éditions Midgard, Strasbourg, 2006. 372 pages
  • Raymond Matzen, Daul Léon, Wie geht's ? Le dialecte à portée de tous, éditions La Nuée bleue, Strasbourg, 1999. 256 pages
  • Raymond Matzen, Daul Léon, Wie steht's ? Lexiques alsacien et français, Variantes dialectales, Grammaire, éditions La Nuée bleue/DNA, Strasbourg, 2000. 175 pages (ISBN 9783447068970)
  • Alphonse Jenny, Doris Richert, Précis pratique de grammaire alsacienne, ISTRA, 1984 (ISBN 2-219-00364-7)

Articles connexes

Liens externes

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