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Afin d'éviter cet obstacle psychologique, selon Bloom, les poètes doivent être convaincus que les poètes précédents se sont trompés quelque part et ont échoué dans leur vision, laissant ainsi ouverte la possibilité qu'ils aient quelque chose à ajouter à la tradition. L'amour des poètes pour leurs héros se transforme en antagonisme à leur égard : "''L'amour initial pour la poésie du précurseur se transforme assez rapidement en conflit révisionnel, sans lequel l'individuation n'est pas possible''"<ref>''Map of Misreading'', p. 10.</ref>. Le livre qui a suivi ''Yeats'', ''The Anxiety of Influence'', que Bloom a commencé à écrire en 1967, s'est appuyé sur l'exemple de ''The Burden of the Past'' et ''The English Poe''t de [[Walter Jackson Bate]] et a refondu sous une forme psychanalytique systématique le récit historicisé de Bate sur le désespoir que les poètes des XVIIe et XVIIIe siècles ont ressenti face à leur incapacité à égaler leurs prédécesseurs. Bloom a tenté de retracer le processus psychologique par lequel les poètes se sont libérés de leurs précurseurs pour réaliser leurs propres visions poétiques. Il a établi une distinction nette entre les "''poètes forts''", qui effectuent des "''relectures fortes''" de leurs précurseurs, et les "''poètes faibles''", qui se contentent de répéter les idées de leurs précurseurs comme s'ils suivaient une sorte de doctrine. Il a décrit ce processus en termes d'une séquence de "''ratios de révision''", par lesquels les poètes forts passent au cours de leur carrière.
Afin d'éviter cet obstacle psychologique, selon Bloom, les poètes doivent être convaincus que les poètes précédents se sont trompés quelque part et ont échoué dans leur vision, laissant ainsi ouverte la possibilité qu'ils aient quelque chose à ajouter à la tradition. L'amour des poètes pour leurs héros se transforme en antagonisme à leur égard : "''L'amour initial pour la poésie du précurseur se transforme assez rapidement en conflit révisionnel, sans lequel l'individuation n'est pas possible''"<ref>''Map of Misreading'', p. 10.</ref>. Le livre qui a suivi ''Yeats'', ''The Anxiety of Influence'', que Bloom a commencé à écrire en 1967, s'est appuyé sur l'exemple de ''The Burden of the Past'' et ''The English Poe''t de [[Walter Jackson Bate]] et a refondu sous une forme psychanalytique systématique le récit historicisé de Bate sur le désespoir que les poètes des XVIIe et XVIIIe siècles ont ressenti face à leur incapacité à égaler leurs prédécesseurs. Bloom a tenté de retracer le processus psychologique par lequel les poètes se sont libérés de leurs précurseurs pour réaliser leurs propres visions poétiques. Il a établi une distinction nette entre les "''poètes forts''", qui effectuent des "''relectures fortes''" de leurs précurseurs, et les "''poètes faibles''", qui se contentent de répéter les idées de leurs précurseurs comme s'ils suivaient une sorte de doctrine. Il a décrit ce processus en termes d'une séquence de "''ratios de révision''", par lesquels les poètes forts passent au cours de leur carrière.

=== Addenda et développements de sa théorie ===
Le texte ''A Map of Misreading'' reprend là où ''The Anxiety of Influence'' s'est arrêté, en apportant plusieurs ajustements au système de rapports de révision de Bloom. ''Kabbalah and Criticism'' tente d'invoquer le système d'interprétation [[Ésotérisme|ésotérique]] de la kabbale lurianique, tel qu'expliqué par l'érudit [[Gershom Scholem]], comme système alternatif de cartographie du chemin de l'influence poétique. ''Figures of Capable Imagination'' rassemble des pièces bizarres que Bloom a écrites au cours du processus de composition de ses livres "d'influence".

Bloom a continué à écrire sur la théorie de l'influence tout au long des années 1970 et 1980, et a écrit peu de choses par la suite qui n'invoquaient pas ses idées sur l'influence.

=== Expérimentation romancière ===
La fascination de Bloom pour le roman fantastique de [[David Lindsay (écrivain)|David Lindsay]], ''A Voyage to Arcturus'', l'a amené à interrompre brièvement ses activités de critique pour en écrire la suite en 1979<ref>{{Ouvrage|prénom1=Harold|nom1=Bloom|titre=The Flight to Lucifer: a gnostic fantasy|éditeur=Farrar, Straus, Giroux McGraw-Hill Ryerson|date=1979|isbn=978-0-374-15644-2|consulté le=2023-06-01}}</ref>. Ce roman, ''The Flight to Lucifer'', est la seule œuvre de fiction de Bloom.

=== Critique religieuse ===
Bloom est ensuite entré dans une phase de ce qu'il a appelé la "''critique religieuse''", en commençant par ''Ruin the Sacred Truths : Poetry and Belief from the Bible to the Present'' en 1989). Dans ''The Book of J'' rédigé en1990 avec David Rosenberg qui a traduit les textes bibliques, ils présentent l'un des documents anciens supposés à l'origine des cinq premiers livres de la [[Bible]] comme l'œuvre d'un grand artiste littéraire qui n'avait pas l'intention de composer une œuvre dogmatiquement religieuse. Ils ont envisagé cet auteur anonyme comme une femme attachée à la cour des successeurs des rois israélites [[David (roi d'Israël)|David]] et [[Salomon (roi d'Israël)|Salomon]] - une spéculation qui a fait couler beaucoup d'encre. Plus tard, Bloom a déclaré que ces spéculations n'allaient pas assez loin et qu'il aurait peut-être dû identifier J avec la [[Bethsabée]] biblique<ref>{{Chapitre|prénom1=Lee|nom1=Morrissey|titre chapitre=Harold Bloom (1930–) from “An Elegy for the Canon,” The Western Canon: The Books and the School of Ages (1994)|titre ouvrage=Debating the Canon: A Reader from Addison to Nafisi|éditeur=Palgrave Macmillan US|date=2005|isbn=978-1-4039-6820-3|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1007/978-1-137-04916-2_38|consulté le=2023-06-01|passage=241–257}}</ref>. Dans ''Jesus and Yahweh : The Names Divine'' écrit ''en'' 2004, il revisite une partie du territoire couvert dans ''The Book of J'' en discutant de la signification de [[Yahweh|Yahvé]] et de [[Jésus de Nazareth]] en tant que personnages littéraires, tout en jetant un regard critique sur les approches historiques et en affirmant l'incompatibilité fondamentale entre le [[christianisme]] et le [[judaïsme]].

En 1992, dans ''The American Religion'', Bloom a passé en revue les principales variétés de religions protestantes et post-protestantes nées aux États-Unis et a soutenu que, en termes d'emprise psychologique sur leurs adeptes, la plupart d'entre elles avaient plus en commun avec le gnosticisme qu'avec le christianisme historique. Les [[Témoins de Jéhovah]], que Bloom considère comme non gnostiques, constituent l'exception. Il a également prédit que les souches [[mormones]] et [[Pentecôtisme|pentecôtistes]] du christianisme américain dépasseraient en popularité les principales divisions protestantes au cours des prochaines décennies<ref>Rust, Richard Dilworth (1993). "Book review". ''Journal of Mormon History''. '''19''' (2): 144–147.</ref>. Dans ''Omens of Millennium,'' en 1996, Bloom identifie ces éléments religieux américains comme étant à la périphérie d'une tradition religieuse gnostique ancienne - et non intrinsèquement chrétienne - qui invoque un ensemble d'idées et d'expériences concernant l'[[angélologie]], l'[[interprétation des rêves]] comme [[prophétie]], les [[Expérience de mort imminente|expériences de mort imminente]] et le [[millénarisme]]<ref>Bloom (1996), p. 5.</ref>.

Dans son essai sur l'[[Évangile selon Thomas|Évangile de Thomas]], Bloom écrit qu'aucune des paroles araméennes de Thomas n'a survécu dans la langue originale<ref>Bloom, Harold. "A Reading", in ''The Gospel of Thomas: The Hidden Sayings of Jesus''. English translation and critical edition of the Coptic text by Marvin W. Meyer. San Francisco: HarperSanFrancisco, 1992, pp. 115 and 119.</ref>. Marvin Meyer est généralement d'accord et confirme que les versions antérieures de ce texte ont probablement été écrites en araméen ou en grec<ref>Mayer, Marvin. "Introduction". The Gospel of Thomas. San Francisco: HarperSanFrancisco, 1992, p. 9.</ref>.


Les auteurs contemporains qui l'ont marqué sont [[John Banville]], [[Peter Ackroyd]], [[Will Self]], [[A. S. Byatt]], [[José Saramago]], [[Thomas Pynchon]], [[Philip Roth]], [[Cormac McCarthy]], [[Don DeLillo]], [[John Crowley]], [[Robert Penn Warren]], [[James Merrill]], [[John Ashbery]], [[Elizabeth Bishop]], [[A.R. Ammons]], [[Henri Cole]], [[Anne Carson]], [[Jay Wright]], [[Nathanael West]], [[Bud Powell]].
Les auteurs contemporains qui l'ont marqué sont [[John Banville]], [[Peter Ackroyd]], [[Will Self]], [[A. S. Byatt]], [[José Saramago]], [[Thomas Pynchon]], [[Philip Roth]], [[Cormac McCarthy]], [[Don DeLillo]], [[John Crowley]], [[Robert Penn Warren]], [[James Merrill]], [[John Ashbery]], [[Elizabeth Bishop]], [[A.R. Ammons]], [[Henri Cole]], [[Anne Carson]], [[Jay Wright]], [[Nathanael West]], [[Bud Powell]].

Version du 1 juin 2023 à 21:56

Harold Bloom, né le à New York (État de New York) et mort le à New Haven (Connecticut)[1], est un critique littéraire et professeur américain. Il a été le "Sterling Professor of Humanities" de l'université de Yale[2]où il a fait ses études ainsi qu'à celles de Cambridge et celle Cornell. En 2017, Bloom a été qualifié de "probablement le critique littéraire le plus célèbre du monde anglophone"[3]. Après avoir publié son premier livre en 1959, Bloom a écrit plus de 50 livres[4], dont plus de 40 livres de critique littéraire, plusieurs livres traitant de la religion et un roman. Il a édité des centaines d'anthologies concernant de nombreuses figures littéraires et philosophiques pour la maison d'édition Chelsea House[5],[6]. Les livres de Bloom ont été traduits dans plus de 40 langues. Bloom a été élu à l'American Philosophical Society en 1995[7].

Bloom était un défenseur du canon occidental traditionnel à une époque où les départements littéraires se concentraient sur ce qu'il appelait avec dérision "l'école du ressentiment" (multiculturalistes, féministes, marxistes et autres)[8],[9].

Il a notamment défendu les poètes du XIXe siècle à une époque où ils étaient méconnus. Grand amateur de Shakespeare, il a préconisé une approche esthétique de la littérature contre les méthodes marxistes, féministes, néo-historicistes et post-modernistes. Avec David Rosenberg, il a écrit un ouvrage significatif à propos de l'hypothèse documentaire.

Biographie

Jeunesse

Harold Bloom est né à New York[8], fils de Paula (née Lev) et de William Bloom. Il a vécu dans le Bronx à 1410 Grand Concourse[10],[11]. Il a été élevé dans le judaïsme orthodoxe au sein d’une famille d’origine ashkénaze parlant le yiddish, où il a appris l'hébreu littéraire[12] ; il a appris l'anglais à l'âge de six ans[10]. Le père de Bloom, un ouvrier du vêtement, est né à Odessa et sa mère, une femme au foyer, près de Brest Litovsk, dans l'actuelle Biélorussie[12]. Harold avait trois sœurs aînées et un frère aîné ; il était le dernier frère vivant[12].

Dans son enfance, Harold Bloom a lu "Collected Poems" de Hart Crane, un recueil qui l'a inspiré tout au long de sa fascination pour la poésie[13]. Bloom est allé à la Bronx High School of Science (où ses notes étaient médiocres mais ses résultats aux tests standardisés étaient élevés[14]), et avait ensuite obtenu un B.A. dans Classics de Cornell en 1951, où il était étudiant du critique littéraire anglais M. H. Abrams et titulaire d'un doctorat de Yale en 1955[15]. En 1954-1955, Bloom était boursier Fulbright au Pembroke College, à Cambridge[16].

Harold Bloom était un étudiant remarquable à Yale, où il s'est heurté à la faculté de New Critics, dont William K. Wimsatt. Plusieurs années plus tard, Bloom dédie son premier livre majeur, The Anxiety of Influence, à Wimsatt[17].

Carrière d'enseignant

Harold Bloom est membre du département d'anglais de Yale de 1955 à 2019. Il reçoit une bourse MacArthur en 1985. De 1988 à 2004, Bloom est professeur d'anglais Berg à l'Université de New York, tout en conservant son poste à Yale. En 2010, il devient l'un des fondateurs du Ralston College, une nouvelle institution basée à Savannah, en Géorgie, qui se concentre sur les textes primaires[18],[19]. Aimant les mots affectueux, Bloom s'adressait à ses étudiants et à ses amis, hommes et femmes, en les appelant "my dear"[8]. Harold Bloom donne son dernier cours à Yale le , quatre jours avant sa mort le [8].

Vie personnelle et décès

Bloom a épousé Jeanne Gould en 1958[20] et a eu deux enfants[21]. Lors d'une interview en 2005, Jeanne a déclaré qu'elle et Harold étaient tous deux athées, ce que ce dernier a nié : "Non, non, je ne suis pas athée. Ce n'est pas drôle d'être athée"[22].

Bloom a fait l'objet en 1990 d'un article dans GQ intitulé "Bloom in Love", qui l'accusait d'avoir des liaisons avec des étudiantes diplômées. Il a qualifié l'article de faire dans l'"assassinat de caractère dégoûtant". L'ami et collègue de Bloom, le biographe R. W. B. Lewis, a déclaré en 1994 que "l'errance de Bloom, je crois, appartient au passé. Je déteste le dire, mais il s'en est plutôt vanté, et ce n'était donc pas très secret pendant un certain nombre d'années"[23]. Dans un article paru en 2004 dans le New York Magazine, Naomi Wolf a écrit qu'alors qu'elle était étudiante à l'université de Yale en 1983 : "Bloom s'est rendu à un dîner avec elle en lui disant qu'il discuterait de ses écrits. Au lieu de cela, elle affirme qu'il l'a draguée, plaçant sa main sur l'intérieur de sa cuisse"[24]. Bloom a "vigoureusement nié" l'allégation[8],[25].

Bloom n'a jamais pris sa retraite de l'enseignement, jurant qu'il devrait être retiré de la salle de classe "dans un grand sac mortuaire". Il a subi une opération à cœur ouvert en 2002 et s'est cassé le dos après une chute en 2008[21]. Il est décédé à l'hôpital de New Haven, dans le Connecticut, le 14 octobre 2019. Il était âgé de 89 ans[8].

Carrière d'écrivain

Défense du romantisme

Bloom a commencé sa carrière avec une série de monographies très appréciées sur Percy Bysshe Shelley notamment Shelley's Myth-making publié au Yale University Press, à l'origine de la thèse de doctorat de Bloom[26]. Il en a rédigé d'autres sur William Blake (Blake's Apocalypse, Doubleday), W. B. Yeats (Yeats, Oxford University Press)[27] et Wallace Stevens (Wallace Stevens : The Poems of Our Climate, Cornell University Press)[28]. Dans ces ouvrages, il défend les grands romantiques contre les critiques néo-chrétiens influencés par des écrivains tels que T. S. Eliot, qui est devenu un bouc émissaire intellectuel récurrent. Bloom avait une approche controversée : son premier livre, Shelley's Myth-making, accusait de nombreux critiques contemporains de négligence pure et simple dans leur lecture du poète.

Théorie de l'influence

Après une crise personnelle à la fin des années 1960, Bloom s'est profondément intéressé à Ralph Waldo Emerson, à Sigmund Freud et aux anciennes traditions mystiques du gnosticisme, de la kabbale et de l'hermétisme. Lors d'une interview de Bloom en 2003, Michael Pakenham, rédacteur en chef du Baltimore Sun, a noté que Bloom se qualifiait depuis longtemps de "gnostique juif". Bloom a répondu : "J'utilise le terme "gnostique" dans un sens très large. Je ne suis rien d'autre que juif... Je suis vraiment un produit de la culture yiddish. Mais je ne peux pas comprendre un Yahvé, ou un Dieu, qui pourrait être tout-puissant et omniscient et qui autoriserait les camps de la mort nazis et la schizophrénie"[29]. Influencé par ses lectures, il a commencé une série de livres qui se concentrent sur la façon dont les poètes luttent pour créer leurs visions poétiques individuelles sans être dépassés par l'influence des poètes qui les ont inspirés à écrire.

Le premier de ces livres, Yeats, remet en question la vision critique conventionnelle de la carrière poétique de William Butler Yeats. Dans l'introduction de ce volume, Bloom énonce les principes de base de sa nouvelle approche de la critique : "L'influence poétique, telle que je la conçois, est une variété de la mélancolie ou du principe d'anxiété. Les nouveaux poètes sont inspirés pour écrire parce qu'ils ont lu et admiré les poètes précédents, mais cette admiration se transforme en ressentiment lorsque les nouveaux poètes découvrent que les poètes qu'ils idolâtraient ont déjà dit tout ce qu'ils souhaitaient dire. Les poètes sont déçus parce qu'ils "ne peuvent pas être Adam tôt le matin. Il y a eu trop d'Adams, et ils ont tout nommé"[30].

Afin d'éviter cet obstacle psychologique, selon Bloom, les poètes doivent être convaincus que les poètes précédents se sont trompés quelque part et ont échoué dans leur vision, laissant ainsi ouverte la possibilité qu'ils aient quelque chose à ajouter à la tradition. L'amour des poètes pour leurs héros se transforme en antagonisme à leur égard : "L'amour initial pour la poésie du précurseur se transforme assez rapidement en conflit révisionnel, sans lequel l'individuation n'est pas possible"[31]. Le livre qui a suivi Yeats, The Anxiety of Influence, que Bloom a commencé à écrire en 1967, s'est appuyé sur l'exemple de The Burden of the Past et The English Poet de Walter Jackson Bate et a refondu sous une forme psychanalytique systématique le récit historicisé de Bate sur le désespoir que les poètes des XVIIe et XVIIIe siècles ont ressenti face à leur incapacité à égaler leurs prédécesseurs. Bloom a tenté de retracer le processus psychologique par lequel les poètes se sont libérés de leurs précurseurs pour réaliser leurs propres visions poétiques. Il a établi une distinction nette entre les "poètes forts", qui effectuent des "relectures fortes" de leurs précurseurs, et les "poètes faibles", qui se contentent de répéter les idées de leurs précurseurs comme s'ils suivaient une sorte de doctrine. Il a décrit ce processus en termes d'une séquence de "ratios de révision", par lesquels les poètes forts passent au cours de leur carrière.

Addenda et développements de sa théorie

Le texte A Map of Misreading reprend là où The Anxiety of Influence s'est arrêté, en apportant plusieurs ajustements au système de rapports de révision de Bloom. Kabbalah and Criticism tente d'invoquer le système d'interprétation ésotérique de la kabbale lurianique, tel qu'expliqué par l'érudit Gershom Scholem, comme système alternatif de cartographie du chemin de l'influence poétique. Figures of Capable Imagination rassemble des pièces bizarres que Bloom a écrites au cours du processus de composition de ses livres "d'influence".

Bloom a continué à écrire sur la théorie de l'influence tout au long des années 1970 et 1980, et a écrit peu de choses par la suite qui n'invoquaient pas ses idées sur l'influence.

Expérimentation romancière

La fascination de Bloom pour le roman fantastique de David Lindsay, A Voyage to Arcturus, l'a amené à interrompre brièvement ses activités de critique pour en écrire la suite en 1979[32]. Ce roman, The Flight to Lucifer, est la seule œuvre de fiction de Bloom.

Critique religieuse

Bloom est ensuite entré dans une phase de ce qu'il a appelé la "critique religieuse", en commençant par Ruin the Sacred Truths : Poetry and Belief from the Bible to the Present en 1989). Dans The Book of J rédigé en1990 avec David Rosenberg qui a traduit les textes bibliques, ils présentent l'un des documents anciens supposés à l'origine des cinq premiers livres de la Bible comme l'œuvre d'un grand artiste littéraire qui n'avait pas l'intention de composer une œuvre dogmatiquement religieuse. Ils ont envisagé cet auteur anonyme comme une femme attachée à la cour des successeurs des rois israélites David et Salomon - une spéculation qui a fait couler beaucoup d'encre. Plus tard, Bloom a déclaré que ces spéculations n'allaient pas assez loin et qu'il aurait peut-être dû identifier J avec la Bethsabée biblique[33]. Dans Jesus and Yahweh : The Names Divine écrit en 2004, il revisite une partie du territoire couvert dans The Book of J en discutant de la signification de Yahvé et de Jésus de Nazareth en tant que personnages littéraires, tout en jetant un regard critique sur les approches historiques et en affirmant l'incompatibilité fondamentale entre le christianisme et le judaïsme.

En 1992, dans The American Religion, Bloom a passé en revue les principales variétés de religions protestantes et post-protestantes nées aux États-Unis et a soutenu que, en termes d'emprise psychologique sur leurs adeptes, la plupart d'entre elles avaient plus en commun avec le gnosticisme qu'avec le christianisme historique. Les Témoins de Jéhovah, que Bloom considère comme non gnostiques, constituent l'exception. Il a également prédit que les souches mormones et pentecôtistes du christianisme américain dépasseraient en popularité les principales divisions protestantes au cours des prochaines décennies[34]. Dans Omens of Millennium, en 1996, Bloom identifie ces éléments religieux américains comme étant à la périphérie d'une tradition religieuse gnostique ancienne - et non intrinsèquement chrétienne - qui invoque un ensemble d'idées et d'expériences concernant l'angélologie, l'interprétation des rêves comme prophétie, les expériences de mort imminente et le millénarisme[35].

Dans son essai sur l'Évangile de Thomas, Bloom écrit qu'aucune des paroles araméennes de Thomas n'a survécu dans la langue originale[36]. Marvin Meyer est généralement d'accord et confirme que les versions antérieures de ce texte ont probablement été écrites en araméen ou en grec[37].

Les auteurs contemporains qui l'ont marqué sont John Banville, Peter Ackroyd, Will Self, A. S. Byatt, José Saramago, Thomas Pynchon, Philip Roth, Cormac McCarthy, Don DeLillo, John Crowley, Robert Penn Warren, James Merrill, John Ashbery, Elizabeth Bishop, A.R. Ammons, Henri Cole, Anne Carson, Jay Wright, Nathanael West, Bud Powell.

Œuvres

  • Shelley's Mythmaking. New Haven: Yale University Press, 1959.
  • The Visionary Company: A Reading of English Romantic Poetry. Garden City, N.Y.: Doubleday, 1961. Rev. and enlarged ed. Ithaca: Cornell University Press, 1971.
  • Blake's Apocalypse: A Study in Poetic Argument. Anchor Books: New York: Doubleday and Co., 1963.
  • Yeats. New York: Oxford University Press, 1970. (ISBN 0-19-501603-3)
  • The Ringers in the Tower: Studies in Romantic Tradition. Chicago: University of Chicago Press, 1971.
  • Poetry and Repression: Revisionism from Blake to Stevens'. New Haven: Yale University Press, 1976.
  • Figures of Capable Imagination. New York: Seabury Press, 1976.
  • Wallace Stevens: The Poems of our Climate. Ithaca, N.Y.: Cornell University Press, 1977.
  • Deconstruction and Criticism. New York: Seabury Press, 1980.
  • The Flight to Lucifer: Gnostic Fantasy. New York: Vintage Books, 1980. (ISBN 0-394-74323-7)
  • The Breaking of the Vessels. Chicago: University of Chicago Press, 1982.
  • The Book of J: Translated from the Hebrew by David Rosenberg; Interpreted by Harold Bloom. New York: Grove Press, 1990 (ISBN 0-8021-4191-9)
  • Ruin the Sacred Truths: Poetry and Belief from the Bible to the Present. Cambridge, Mass.: Harvard University Press, 1989.
  • The American Religion: The Emergence of the Post-Christian Nation; Touchstone Books; (ISBN 0-671-86737-7) (1992; )
  • The Anxiety of Influence: A Theory of Poetry. New York: Oxford University Press, 1973; 2d ed., 1997. (ISBN 0-19-511221-0)
  • A Map of Misreading. New York: Oxford University Press, 1975.
  • Kabbalah and Criticism. New York : Seabury Press, 1975. (ISBN 0-8264-0242-9)
  • Agon: Towards a Theory of Revisionism. New York : Oxford University Press, 1982.
  • The Western Canon: The Books and School of the Ages. New York: Harcourt Brace, 1994.
  • Omens of Millennium: The Gnosis of Angels, Dreams, and Resurrection. New York: Riverhead Books, 1996.
  • Shakespeare: The Invention of the Human. New York: 1999. (ISBN 1-57322-751-X)
  • Stories and Poems for Extremely Intelligent Children of All Ages. New York: 2001.
  • How to Read and Why. New York: 2001. (ISBN 0-684-85906-8)
  • El futur de la imaginació (The Future of the Imagination). Barcelona: Anagrama / Empúries, 2002. (ISBN 84-7596-927-5)
  • Genius: A Mosaic of One Hundred Exemplary Creative Minds. New York: 2003. (ISBN 0-446-52717-3)
  • Hamlet: Poem Unlimited. New York: 2003.
  • The Best Poems of the English Language: From Chaucer Through Frost. New York: 2004. (ISBN 0-06-054041-9)
  • Where Shall Wisdom Be Found? New York: 2004. (ISBN 1-57322-284-4)
  • Jesus and Yahweh: The Names Divine 2005. (ISBN 1-57322-322-0)
  • American Religious Poems: An Anthology By Harold Bloom 2006. (ISBN 1-931082-74-X)

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Harold Bloom » (voir la liste des auteurs).
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  35. Bloom (1996), p. 5.
  36. Bloom, Harold. "A Reading", in The Gospel of Thomas: The Hidden Sayings of Jesus. English translation and critical edition of the Coptic text by Marvin W. Meyer. San Francisco: HarperSanFrancisco, 1992, pp. 115 and 119.
  37. Mayer, Marvin. "Introduction". The Gospel of Thomas. San Francisco: HarperSanFrancisco, 1992, p. 9.

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