Yellow Submarine (chanson)

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Yellow Submarine

Single de The Beatles
extrait de l'album Revolver
Face A Eleanor Rigby/Yellow Submarine (double face A)
Sortie
Enregistré 26 mai et
Studios EMI, Londres
Durée 2:38
Genre Pop, chanson enfantine
Format 45 tours
Auteur-compositeur John Lennon
Paul McCartney
Producteur George Martin
Label Parlophone (Royaume-Uni)
Capitol Records (États-Unis)
Classement No 1 (Royaume-Uni)
No 2 (États-Unis)

Singles de The Beatles

Pistes de Revolver

Yellow Submarine est une chanson des Beatles parue le . Composée pour Ringo Starr, il s'agit d'une chanson pour enfants ébauchée par McCartney et complétée par les autres membres du groupe, en studio. Comme toutes les chansons de l'un ou de l'autre, elle est créditée Lennon/McCartney. Les Beatles l'ont travaillée en studio les 26 mai et 1er juin 1966, la deuxième séance faisant appel à de nombreux amis du groupe, pour les chœurs et divers effets sonores.

Elle paraît, le même jour, sur l'album Revolver et en single « double face A », avec Eleanor Rigby. En dépit de sa forme peu conventionnelle et de son ton enfantin, la chanson parvient en tête des hit-parades. Elle devient une des chansons les plus connues du groupe, bien qu'elle soit parfois décriée.

La chanson figure aussi dans le film Yellow Submarine, qui sort sur les écrans en 1968, ainsi que sur sa bande sonore sortie en 1969. On la trouve également sur plusieurs compilations. De nombreuses reprises ont été enregistrées, notamment en français sous le titre Le sous-marin vert.

Historique

Conception

Une représentation du sous-marin jaune, à Liverpool.

Yellow Submarine est une idée de Paul McCartney, qui voulait écrire une chanson pour enfants, dans le but de la confier à Ringo Starr, puisque la « tradition » était que le batteur du groupe chante un titre par album. Les mots utilisés sont simples, et le fameux refrain « We all live in a Yellow Submarine », facile à retenir et à chanter. Cette chanson marque en effet la période où les Beatles renversent le code établi voulant que seules des chansons d'amour arrivent dans les charts : après Paperback Writer qui initiait ce courant, cette nouvelle chanson fait également figure d'OVNI dans le monde de la pop britannique[1].

« J'étais allongé sur mon lit chez les Asher », la maison de la famille de ma petite amie de l'époque, Jane, raconte Paul McCartney, « et il y a, juste avant que l'on tombe dans le sommeil et juste après que l'on en est sorti, un agréable instant un peu irréel ; j'ai toujours aimé cette zone, vous dormez presque, vous vous êtes délesté de vos soucis de la journée et il y a ce petit moment de bonheur juste avant de sombrer dans le sommeil. Je me souviens de m'être dit, dans un de ces moments, qu'une chanson pour enfants serait une bonne idée, j'ai pensé à des images et la couleur jaune m'est apparue, puis un sous-marin, et je me suis dit « tiens, c'est pas mal, comme un jouet », une sorte de sous-marin jaune très enfantin, je pensais la donner à Ringo, ce qui s'est effectivement passé, alors je ne lui ai pas donné une étendue vocale immense. J'ai fait une petite mélodie dans ma tête et ai commencé à inventer une histoire de vieux marin qui raconterait à des gamins qu'il arrivait d'un endroit où il s'occupait d'un sous-marin jaune. Autant que je me souvienne, c'est une chanson de moi, écrite pour Ringo dans ce moment bizarre. Je crois que John a un peu contribué ; les paroles deviennent de plus en plus obscures au fur et à mesure que la chanson avance, mais le refrain, la mélodie et les couplets sont de moi[2]. »

Comme l'explique McCartney, en effet, si la trame venait de lui, les paroles et le fond ont été approfondis en studio durant l'enregistrement, chacune des personnes présentes apportant sa pierre à l'édifice. Peu avant d'achever la chanson, Paul a également rendu visite à son ami le musicien Donovan, qui l'a aidé à terminer les paroles en lui suggérant le vers « Sky of blue, and sea of green, in a Yellow Submarine »[3]. Lennon explique ainsi son point de vue : « Donovan a aidé pour les paroles, et moi aussi j'ai aidé aussi pour les paroles. On a virtuellement donné naissance au morceau dans le studio, mais c'était fondé sur l'inspiration de Paul, l'idée de Paul, le titre de Paul — je la considère donc comme une chanson de Paul[4]. »

Enregistrement

Donovan avec une guitare verte, en 2007
Donovan a aidé à l'écriture d'un vers et a été au nombre des amis appelés à participer à la chanson.

L'enregistrement débute le 26 mai 1966 aux studios EMI d'Abbey Road. Le producteur habituel du groupe, George Martin, absent à cause d'une intoxication alimentaire, envoie donc celle qui doit devenir un mois plus tard son épouse, Judy, pour s'assurer que la séance se passe bien et que les Beatles disposent de tout ce dont ils ont besoin. L'ingénieur du son Geoff Emerick raconte : « ils se conduisaient comme des écoliers avec un prof remplaçant ». Il en découla beaucoup de facéties — que George Martin n'aurait pas tolérées — et les répétitions prirent donc plus de temps que la séance elle-même[5]. La journée est consacrée à l'enregistrement d'une piste rythmique avec les guitares et la batterie, qui est bouclé en quatre prises. Le chant principal de Ringo Starr et les harmonies vocales des trois autres Beatles sont ensuite enregistrés en superposition[6]. Une maladresse du batteur, appréciée par les autres membres du groupe, est conservée durant l'enregistrement ; c'est ainsi que le vers « every one of us has all he needs » (« chacun de nous à ce qu'il lui faut ») devient « every one of us has all we need » (« chacun de nous a ce qu'il nous faut »)[7].

Le travail se poursuit le 1er juin, avec la participation de Brian Jones, Marianne Faithfull et Donovan. Parmi les chœurs et les percussions, on retrouve notamment Mal Evans et Neil Aspinall, deux employés et proches du groupe[8]. La séance de cette journée a pour but d'ajouter les effets sonores divers et variés sous la houlette de George Martin. Le tout se déroule dans une ambiance particulièrement débridée, avec tous les instruments sortis des placards, ainsi que diverses bandes, tandis que les musiciens fument en cachette de la marijuana[9]. Alf Bicknell, le chauffeur des Beatles, agite de vieilles chaînes, tandis que Brian Jones des Rolling Stones tapote sur un verre. John Lennon fait des bulles avec une paille dans un seau d'eau et Paul et lui improvisent, dans le plus pur esprit nonsense, des mots comme « À toute berzingue, Monsieur Bosun ! ». Un très grand nombre d'effets sont ainsi enregistrés, même si beaucoup n'apparaissent pas dans la version finale de la chanson, par exemple un passage parlé de Ringo Starr qui devait ouvrir le morceau[10]. De même, Geoff Emerick raconte comment, pour donner un air sous-marin à la voix de Lennon, ils ont tenté de placer un micro étanchéisé avec un préservatif dans une bouteille remplie d'eau, sans grand succès, et au risque d'électrocuter le chanteur, ce dont ils n'ont pris conscience que bien après[11].

Les techniciens des studios Abbey Road assistent à une scène délirante, une fois l'enregistrement achevé : Mal Evans, tapant sur une grosse-caisse en bandoulière, marchant à la tête d'une joyeuse troupe en rang qui s'époumone en chantant « We all live in a yellow submarine »[10].

Le lendemain, tandis que le groupe enregistre I Want to Tell You, George Martin, Geoff Emerick et son assistant Phil McDonald réalisent un mixage mono de la chanson[10]. Ce travail se poursuit dans les jours qui suivent, et est achevé en version stéréo le 22 juin[12]. Par erreur, McDonald supprime les chœurs des débuts de couplets. La fureur de Lennon n'est évitée que par un mensonge de Martin qui parvient à compenser le problème[13].

Parution et réception

Ringo Starr en 1964
Yellow Submarine est la seule face A d'un single des Beatles à avoir été interprétée par Ringo Starr.

Yellow Submarine sort au Royaume-Uni en single double face A avec Eleanor Rigby, le . Il s'agit ainsi de la seule face A des Beatles chantée par Ringo Starr[14]. Le même jour sort également l'album Revolver, sur lequel la chanson figure en sixième position. Il s'agit de la première fois que les Beatles publient le même jour un album et un single issu de celui-ci[15]. Les deux disques atteignent le sommet de chacun des charts courant août[16].

Aux États-Unis, les deux disques sortent trois jours plus tard, le 8 août. Bien que l'album présente une configuration différente, la chanson y est toujours présente. La montée dans les charts est légèrement moins glorieuse qu'en Grande-Bretagne, puisque le single n'atteint que le deuxième place, derrière You Can't Hurry Love des Supremes. Un argument parfois avancé, pour expliquer ce recul des ventes, concerne la phrase de John Lennon au sujet de Jésus Christ qui avait entraîné une importante vague de protestation dans le pays[17].

Du point de vue critique, c'est l'auteur Mark Lewisohn qui explique le mieux l'opposition qui se crée autour de la chanson, entre ceux qui l'admirent et ceux qui la détestent : « C'est soit une chansonnette faiblarde digne d'un groupe de l'Armée du salut, soit un morceau subtil et contagieux de musique pop qui est certain de plaire aux enfants, aux grands-mères et à plein d'autres en plus[6]. » Comme ce fut le cas pour de nombreuses autres chansons atypiques des Beatles (Fixing a Hole, Lucy in the Sky with Diamonds, etc.), le public et la presse se sont aussi interrogés sur d'éventuelles références à la drogue. En effet, peu après la sortie de la chanson, des capsules de nembutal, un barbiturique, commençaient à être connues sous le nom de « yellow submarines ». Paul McCartney, s'il n'a jamais nié sa consommation de drogues à l'époque et l'aide créative qu'elle a apporté au groupe, a toujours réfuté cette idée : « Il s'agit vraiment d'une chanson pour enfants »[3].

Yellow Submarine apparaît également sur plusieurs compilations officielles du groupe, ainsi que sur l'album de la bande originale du film du même nom, qui paraît début 1969. On la trouve notamment sur l'album rouge, qui retrace les hits du groupe de 1962 à 1966[18], ainsi que sur 1, qui reprend tous les singles numéro un des Beatles[19]. Aucune version alternative de la chanson n'apparaît sur les albums de la série Anthology parus en 1996, mais une prise est cependant sortie à la même époque sur le CD single de la chanson Real Love, présentant de nouveaux effets, notamment la partie parlée de Ringo Starr[20].

Analyse musicale

Yellow Submarine adopte une forme assez classique, d'un point de vue strictement musical. Comme le note le musicologue Allan Pollack, la structure des parties de guitare tend au simplisme, avec des suites d'accord majeurs basiques : sol, ré, do sur les couplets, ré et la pour les refrains. Les guitares sont accordées de façon à sonner un demi-ton en dessous de la note jouée[21]. Selon lui, c'est une force de cette chanson que d'avoir utilisé cette forme basique pour mettre en valeur le reste. Après un début où Ringo Starr commence à chanter seul, les instruments se joignent progressivement à lui, ainsi que des bruitages comme celui de la mer, puis des bruits de fête et de fanfare, pour finir par un dernier refrain repris en chœur accompagné d'une forte grosse caisse et d'une avalanche d'effets[22].

Geoff Emerick, qui a assisté d'un bout à l'autre à la naissance de la chanson, explique à quel point le processus créatif a été totalement anarchique, donnant lieu à un amas de différentes sections, même si le résultat final semble particulièrement organisé. « Même si le morceau paraît très construit, il s'est en réalité fait sur l'inspiration du moment — John et les autres tout bonnement en train de s'éclater. Et, malgré le chaos, cela a fonctionné[23]. » Il explique ainsi que le passage joué par une fanfare de cuivres a été placée pour combler un vide entre deux mesures destinées à un solo de guitare. Le producteur George Martin n'ayant pas envie de passer trop de temps à attendre que George Harrison ait élaboré son solo, a décidé de le remplacer par autre chose. Paul McCartney a suggéré l'idée d'une fanfare. Martin et Emerick ont alors, selon ce dernier, découpé en morceaux la bande d’enregistrement des cuivres copiée d'un disque de marches militaires, puis les ont recollés aléatoirement, afin de ne pas avoir à payer de droits d'auteurs[24]. Le producteur raconte pour sa part qu'une réelle fanfare a joué pour l'enregistrement[25].

Le morceau entier est porté par son refrain repris en chœur, accompagné de sons divers évoquant un moteur de sous-marin, et notamment Lennon criant des ordres d'une voix lointaine comme dans la marine ancienne, ainsi que des bruits de repas festif et de vagues. Le tout donne un ensemble qu'Allan Pollack juge particulièrement audacieux : « Quelqu'un d'autre que les Beatles aurait pu s'en sortir comme ça ? Essayez d'imaginer Yellow Submarine comme première ou deuxième chanson d'un groupe anonyme[22]. » Avec les chansons innovantes de ce single et de l'album Revolver les Beatles quittent en effet les codes du rock'n'roll de leurs débuts et poursuivent la percée dans le monde de l'art et des expérimentations musicales qu'ils avaient initiées avec l'album Rubber Soul[26].

Postérité

carte dédicacée de Chevalier
Maurice Chevalier est l'auteur d'une des reprises de la chanson.

Beaucoup de reprises de Yellow Submarine ont été enregistrées : Daniel Ichbiah cite le nombre de 200, dont beaucoup par des artistes peu connus[27]. De nombreuses ont vu le jour dans les mois qui ont suivi la sortie de la version des Beatles. C'est notamment le cas de l'adaptation française de la chanson par Jean Broussole, Le sous-marin vert, chantée par Maurice Chevalier et par Les Compagnons de la chanson. Parmi les autres reprises, on compte également celle de Cathy Berberian sur l'album Beatles Arias (1967), Stu Phillips & The Hollyridge Strings sur The Beatles Songbook vol. 4 (1967), Arthur Fiedler and the Boston Pops sur Plays the Beatles (1971), The Allen Toussaint Orchestra sur Beatles Songbook (1989) et Chris Eckman du groupe The Walkabouts sur Revolver Reloaded (2006)[28]. Les Bidochons l'ont parodié sous le titre Seau d'eau sous-marine[29].

Le sous-marin jaune est également entré dans les mémoires : lorsque l'idée de réaliser un dessin animé sur les Beatles a germé en 1967, c'est ce thème qui est retenu. Le film raconte donc le périple du groupe dans cet engin, et innove particulièrement par son psychédélisme[30]. Une sculpture du sous-marin orne par ailleurs le parking de l'aéroport John Lennon de Liverpool[31].

Fiche technique

Interprètes

Équipe technique

Notes et références

  1. Steve Turner 1999, p. 124
  2. (en) Yellow Submarine, The Beatles Ultimate Experience. Consulté le 26 août 2011
  3. a et b Steve Turner 1999, p. 125
  4. The Beatles 2000, p. 208
  5. Geoff Emerick 2009, p. 158
  6. a et b Mark Lewisohn 1988, p. 80
  7. Guesdon et Margotin 2013, p. 334
  8. « Fiche technique de Yellow Submarine », Yellow-sub.net. Consulté le 2 août 2011
  9. Geoff Emerick 2009, p. 160
  10. a b et c Mark Lewisohn 1988, p. 81
  11. Geoff Emerick 2009, p. 161 - 162
  12. Mark Lewisohn 1988, p. 82
  13. Geoff Emerick 2009, p. 158 - 159
  14. Mark Lewisohn 1988, p. 84
  15. (en) Graham Calkin, « Revolver », Graham Calkin's Beatles Pages. Consulté le 28 août 2011
  16. (en) Graham Calkin, « Eleanor Rigby », Graham Calkin's Beatles Pages. Consulté le 28 août 2011
  17. (en) Robert Fontenot, « Yellow Submarine », About.com. Consulté le 28 août 2011
  18. (en) « 1962 - 1966 », Allmusic. Consulté le 31 août 2011
  19. (en) « 1 », Allmusic. Consulté le 31 août 2011
  20. Geoff Emerick 2009, p. 159
  21. (en) « The Beatles - Yellow Submarine », Hartwood Guitar Instruction. Consulté le 6 juin 2014
  22. a et b (en) « Notes on Yellow Submarine », Soundscapes. Consulté le 31 août 2011
  23. Geoff Emerick 2009, p. 163
  24. Geoff Emerick 2009, p. 163 - 164
  25. Guesdon et Margotin 2013, p. 335
  26. Daniel Ichbiah 2009, p. 104
  27. Daniel Ichbiah 2009, p. 287
  28. (en) « Yellow Submarine », Second Hand Songs. Consulté le 31 août 2011
  29. (en) « Les Bidochons », Zizic & Zizine. Consulté le 31 août 2011
  30. Daniel Ichbiah 2009, p. 120
  31. (en) « Recent History and Current Developments », Friends of Liverpool Airport. Consulté le 31 août 2011

Bibliographie

Sur les autres projets Wikimedia :

  • (fr) Daniel Ichbiah, Et Dieu créa les Beatles, Les Cahiers de l'Info, , 293 p. (ISBN 978-2-9166-2850-9)
  • (en) Mark Lewisohn, The Beatles Recording Sessions, New York, Harmony Books, , 204 p. (ISBN 0-517-57066-1)
  • (fr) Steve Turner, L'Intégrale Beatles : les secrets de toutes leurs chansons, Hors Collection, , 288 p. (ISBN 2-258-04079-5)