Francis Carco

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Francis Carco
Francis Carco en 1923,
agence de presse Meurisse.
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
François Marie Alexandre Carcopino-TusoliVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonymes
Jean d'Aiguières, Francis CarcoVoir et modifier les données sur Wikidata
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Œuvres principales
Vue de la sépulture.

François Marie Alexandre Carcopino-Tusoli dit Francis Carco, né le à Nouméa (Nouvelle-Calédonie) et mort le dans le 4e arrondissement de Paris, est un écrivain, poète, journaliste et parolier français.

Connu également sous le pseudonyme de Jean d'Aiguières[1], il est le cousin de l'historien et homme politique Jérôme Carcopino.

Peintre des rues obscures[modifier | modifier le code]

Carco passe ses cinq premières années en Nouvelle-Calédonie, où son père travaille comme Inspecteur des domaines de l'État. Chaque jour, il voit passer, sous les fenêtres de la maison familiale de la rue de la République, les bagnards enchaînés en partance pour l'île de Nou. Il restera marqué toute sa vie par ces images qui lui donneront le Goût du Malheur. Son père est nommé en Métropole.

Il réside alors avec sa famille à Châtillon-sur-Seine. Confronté à l'autoritarisme et à la violence paternelle, il se réfugie dans la poésie, où s'exprime sa révolte intérieure.

En 1901, la famille s’installe au no 31 de l'avenue de la République, à Villefranche-de-Rouergue, puis, au gré des mutations du père, à Rodez de 1905 à 1907. Il fait de fréquents séjours chez sa grand-mère au no 4 de la rue du Lycée, à Nice. Il fait quelques séjours à Agen, où il est surveillant durant quatre mois avant de se faire renvoyer par le proviseur, ayant été surpris laissant sans surveillance les élèves dont il avait la charge, puis à Lyon et Grenoble, des villes dont il parcourt et observe les bas-fonds. Au cours de ces séjours, il rencontre les jeunes poètes qui fonderont avec lui, dès 1911, l'École fantaisiste : Robert de la Vaissière, qui est son collègue au lycée d'Agen, Jean Pellerin, Léon Vérane, Tristan Derème, entre autres.

Carco s'installe à Paris en . Il commence à fréquenter Montmartre. Un bon de consommation en poche, qu'il a découpé dans une revue, il se rend au cabaret du Lapin Agile, où il croise notamment Pierre Mac Orlan, Maurice Garçon et Roland Dorgelès. Après avoir poussé avec succès la « goualante » (chantant des chansons des Bat d'Af) à l'invitation du père Frédé, maître des lieux, il est immédiatement accueilli à la grande table où se réunissent les bohèmes de ce temps. Il est aussi l'ami de Guillaume Apollinaire, Max Jacob, Maurice Utrillo, Gen Paul, Amedeo Modigliani, Jules Pascin, Paul Gordeaux. Il assure également la critique artistique dans les revues L'Homme libre et Gil Blas. Sentant qu'il risque sa perte dans ce « Montmartre des plaisirs et du crime », il rejoint Nice où sa grand-mère lui « donne la croûte et fournit un ameublement soigné ».

Il publie son premier recueil, La Bohême et mon cœur, en 1912. Début 1913, Carco retourne à Paris. Il s'installe au no 13 du quai aux Fleurs. Il rencontre Katherine Mansfield, compagne de John Middelton Murry, journaliste londonien. « Rebelle et pure jeune fille » originaire de Nouvelle-Zélande. Elle quitte quelques mois le domicile conjugal et il entame avec elle une relation troublante, inaboutie, un « amour voué au désastre », comme il le disait lui-même, qui le marquera jusqu’à la fin de ses jours. Il prête son appartement à Katherine Mansfield pendant qu'il effectue son service militaire à Gray, près de Besançon. Il dira que cette dernière, dans les lettres qu'elle lui adressera alors de Paris, lui a donné toute l'inspiration et les descriptions de Paris qu'il utilisera lorsqu'il publiera Les Innocents en 1916. L'année suivante, elle fait de lui un portrait sinistre à travers le narrateur cynique et désabusé Raoul Duquette dans sa nouvelle Je ne parle pas français[2].

En 1914, il publie au Mercure de France, grâce à l'appui de Rachilde, femme d'Alfred Valette le patron de la revue, Jésus-la-Caille, histoire d’un proxénète homosexuel, dont il a écrit la plus grande partie lors de son exil-refuge chez sa grand-mère à Nice. Ce premier roman est applaudi par Paul Bourget. Mobilisé en novembre 1914 à Gray en tant qu'intendant des postes (il a pour habitude d'écrire des poèmes sur les enveloppes des courriers qu'il distribue aux soldats), il rejoint, grâce à l'aide de Jean Paulhan, un corps d’aviation à Avord, près de Bourges, puis à Étampes et enfin à Longvic près de Dijon. Il aura très peu l'occasion de voler et de mettre en valeur son brevet d'aviateur (brevet no 5016) obtenu le , se blessant au genou gauche et étant assez vite démobilisé.

Il rencontre l'écrivaine Colette dans les couloirs du journal L'Éclair en 1917 : « J'ai rencontré une grrrande dame » écrira-t-il à son ami Léopold Marchand. Leur amitié durera jusqu'à la mort de Colette. Ils passeront des vacances ensemble en Bretagne. Il la conseillera pour ses achats de tableaux.

D'autres livres suivront, notamment L'Homme traqué (1922) distingué, grâce au soutien de Paul Bourget, par le grand prix du roman de l'Académie française. Exprimant dans une langue forte et riche des sentiments très violents, L'Homme traqué est un des romans les plus émouvants de Carco. Viendront ensuite L’Ombre (1933), Brumes (1935) dont il dira à la fin de sa vie que ce fut son meilleur roman. Citons également l'Équipe, Rue Pigalle, Les Innocents, Rien qu'une femme, Perversité, Vérotchka l'étrangère, La Lumière noire, L'homme de minuit, Surprenant procès d'un bourreau.

Il a aussi écrit des livres de souvenirs, notamment sur Toulet et Katherine Mansfield ; Maman Petitdoigt (illustré par le peintre et graveur André Deslignères), De Montmartre au Quartier latin, À voix basse, Nostalgie de Paris, des reportages sur le Milieu, et des biographies romancées de François Villon, Maurice Utrillo (1938) et Gérard de Nerval (1955). Sa biographie de Paul Verlaine (1948) est particulièrement réussie, tant dans le portrait d'un écrivain profondément lâche, le récit de sa relation avec Arthur Rimbaud, mais aussi avec Lucien Létinois, que dans la description du monde interlope et bohème dans lequel Verlaine évolue.

Son œuvre est riche d'une centaine de titres, romans, reportages, souvenirs, recueils de poésie, mais aussi pièces de théâtre comme Mon Homme qui lancera la rue de Lappe à la Bastille.

Il réside successivement à Cormeilles-en-Vexin où il rachète le Château Vert, domaine d'Octave Mirbeau, avec les droits d'auteurs gagnés avec Mon Homme, puis revient au pied de la Butte, au no 11 rue de Douai[3], puis au no 79 du quai d'Orsay.

En 1932, à l'occasion de conférences qu'il donne à Alexandrie, en Égypte, il fait la connaissance d'Éliane Négrin, épouse du prince du coton égyptien Nissim Aghion. Sur ce coup de foudre, il quitte sa première femme, Germaine Jarrel (ils divorcent le ), au grand dam de ses amis de la Butte, pour accueillir à ses côtés Éliane Négrin, qui laisse son mari, ses richesses et ses trois enfants en Égypte. Sans rancune, Aghion leur adressera un télégramme de félicitations lors de leur mariage le .

En septembre 1939, le couple emménage à L'Isle-Adam, avant de s'exiler (Éliane Négrin étant d'origine juive), à Nice, puis en Suisse où il retrouve son ami le peintre Maurice Barraud, qui a illustré en 1919 Au coin des Rues, et se lie d'amitié avec Jean Graven, valaisan, poète à ses heures, et éminent criminologue « dans la vie publique », qui représentera la Suisse au procès de Nuremberg, puis inventera, à la conférence de Rome qui suivra la Seconde Guerre mondiale, le terme de « crime contre l'humanité ». Après la guerre, il s'installe à nouveau à L'Isle-Adam.

Plaque commémorative 18 quai de Béthune (Paris).

De 1948 à son décès dû à la maladie de Parkinson, Francis Carco habitera au no 18 du quai de Béthune, hôtel de Comans d'Astry, sur l'île Saint-Louis, à Paris, où une plaque commémorative lui rend hommage. Il meurt le à 20 heures. Il est inhumé au cimetière parisien de Bagneux. Son frère, le poète et parolier Jean Marèze, qui s’est suicidé en novembre 1942 à Lyon (asphyxié au gaz pour une femme selon Hervé Mille et Jean Rigaux), et sa seconde femme, Éliane Négrin, morte en 1970, reposent à ses côtés.

Carco a été élu membre de l'académie Goncourt le au fauteuil de Gaston Chérau. Surnommé « Le romancier des Apaches », il réalisa certains des plus forts tirages d'édition de l'entre-deux-guerres.

Sources d'inspiration[modifier | modifier le code]

Il définit lui-même son œuvre comme « un romantisme plaintif où l’exotisme se mêle au merveilleux avec une nuance d’humour et désenchantement ». Dans ses livres transparaît l'aspiration à un ailleurs : « Des rues obscures, des bars, des ports retentissant des appels des sirènes, des navires en partance et des feux dans la nuit ». L'enfant battu par son père corse consacra sa vie aux minorités et en fera souvent le sujet de ses romans : Canaques, témoins de ses premières années à Nouméa, prostitués, mauvais garçons.

Œuvres[modifier | modifier le code]

Romans[modifier | modifier le code]

  • Jésus-la-Caille, 1914.
  • Les Innocents, 1916.
  • Badigeon aviateur, 1917.
  • Les Malheurs de Fernande (ce livre, remanié, est intégré à partir de 1920 dans Jésus-la-Caille, constituant son livre troisième), 1918.
  • Les Mystères de la morgue ou les Fiancés du IVe arrondissement, écrit en collaboration avec Pierre Mac Orlan, 1919.
  • Scènes de la vie de Montmartre, 1919.
  • Bob et Bobette s'amusent, 1919.
  • L’Équipe, 1919.
  • Boudebois ou le Roman comique d'un aviateur, 1919.
  • Rien qu'une femme, 1921.
  • L'Homme traqué (grand prix du roman de l'Académie française), 1922, réédition Arthème Fayard, 1927, 1941, impr. Louis Bellenand et Fils, 39 bois originaux de Morin-Jean.
  • Verotchka l'étrangère ou le Goût du malheur, 1923.
  • Perversité, 1925.
  • Le Couteau, Paris, À l'Enseigne de la Porte Étroite, 1925.
  • Rue Pigalle, 1927.
  • La Rue, 1930.
  • L'Ombre, 1933.
  • La Lumière noire, 1934.
  • Brumes, 1935.
  • Ténèbres, 1935.
  • Blümelein 35, 1937.
  • L'Homme de minuit, 1938.
  • Surprenant procès d'un bourreau, 1943.
  • Les Belles Manières, 1945.
  • Morsure, 1949.
  • Compagnons de la mauvaise chance, 1954.

Biographies romancées[modifier | modifier le code]

  • Le Roman de François Villon, Albin Michel, 1926.
  • La Légende et la Vie d'Utrillo, 1928.
  • Gérard de Nerval, Albin Michel, 1953.
  • Utrillo, Grasset, 1956.

Chansons[modifier | modifier le code]

  • Le Doux caboulot, musique de Jacques Larmanjat, chanté par Marie Dubas en 1931, Jean Sablon et Suzy Solidor en 1935.
  • L'Orgue des amoureux, musique de Varel et Bailly, chanté par Édith Piaf en 1949.
  • Chanson tendre, musique de Jacques Larmanjat, chanté par Fréhel en 1935. Carco chanta lui-même cette dernière chanson au au Lapin Agile en 1952.

Souvenirs[modifier | modifier le code]

  • Maman Petitdoigt, 1920.
  • Francis Carco raconté par lui-même, 1921.
  • Promenade pittoresque à Montmartre, 1922.
  • De Montmartre au Quartier latin, 1926.
  • Complémentaires, 1929.
  • Mémoires d'une autre vie, 1934.
  • Amitié avec Toulet, 1934.
  • Souvenirs sur Katherine Mansfield, 1934.
  • À voix basse, 1938.
  • Montmartre à vingt ans, 1938.
  • Souvenirs de Montmartre et d'ailleurs, 1938.
  • Bohème d'artistes, 1940.
  • Nostalgie de Paris, 1941.
  • Mémoires d'une autre vie, 1943.
  • L'Ami des peintres, 1944.
  • Ombres vivantes, 1947.
  • Francis Carco vous parle, 1953.
  • Rendez-vous avec moi-même, 1957.

Reportages[modifier | modifier le code]

  • L'Amour vénal, 1927.
  • Panam, 1927.
  • Images cachées, 1929.
  • Printemps d'Espagne, 1929.
  • Prisons de femmes, 1931.
  • Traduit de l'argot, 1932.
  • Palace-Égypte, 1933.
  • La Dernière Chance, 1935.
  • Les Hommes en cage, 1935.
  • La Route du bagne, 1936, édition en 1942 (« Le Livre moderne illustré ») illustrée par Henry E. Burel.
  • Heures d'Égypte, 1940.

Poésie et Varia[modifier | modifier le code]

  • Instincts, 1911.
  • La Bohème et mon cœur, 1912.
  • Chansons aigres douces, 1913.
  • Au vent crispé du matin, 1913.
  • Petits airs, 1920.
  • Messieurs les vrais de vrai, 1924.
  • Suite espagnole, 1931.
  • La Route du bagne, 1936.
  • La Rose au balcon, 1936.
  • Petite Suite sentimentale, 1936.
  • À l'amitié, 1937.
  • Verlaine, 1939.
  • Poésies (recueil de poèmes dans lequel figurent des poèmes comme À Éliane), 1939.
  • Poèmes en prose, 1948.
  • Morte Fontaine, 1949.
  • La Romance de Paris, 1949.
  • Poésies complètes ( édition illustrée d'aquarelles et dessins par P. Berger, Yves Brayer, Dignimont, A. Dunoyer de Segonzac, Fontanarosa, Thevenet, Villeboeuf, M. Vlaminck), 1955.
  • 1952 : Au pied des tours de Notre-Dame[4], 1952.

Scénario[modifier | modifier le code]

Adaptation[modifier | modifier le code]

Distinctions[modifier | modifier le code]

Hommages[modifier | modifier le code]

Pour approfondir[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Joseph Peyré, Francis Carco, Éditions de Pau-Pyrénées, 1923.
  • Jean-Jacques Bedu, Francis Carco au cœur de la bohème, éditions du Rocher, 2001 (ISBN 2-268-03982-X).
  • Jean-Jacques Bedu et Gilles Freyssinet, Douze romans de Francis Carco, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2004 (ISBN 2-221-10192-8).
  • Gilles Freyssinet, Le Paris de M'sieur Francis, Arcadia, 2005 (ISBN 2-913019-31-5).
  • André Négis, Mon ami Carco, Albin Michel, 1953 (rééd. 1986).
  • André Nolat, Romances de la rue : Notes sur quatre écrivains : Mac Orlan, Carco, Simonin, Boudard, Éditions Baudelaire, 2009.
  • Philippe Chabaneix, Francis Carco, Éditions Seghers, coll. « Poètes d'aujourd'hui », no 13, 1949.
  • André Nolat, « La vie tourmentée de Francis Carco », dans Némésis ou les vies excessives, Saint-Denis, Publibook, 2017.
  • Jean Serroy (éd.), Les Poètes fantaisistes. Une anthologie, Paris, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèque de littérature du XXe siècle », 2021.

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (es) « Francis Carco »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur Cabaret Voltaire (consulté le )
  2. (en-US) Elizabeth Wassell, « Katherine Mansfield: the radiant touch of genius », The Irish Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. CARCO (Francis) Lettre autographe signée adressée à Joseph Kessel.
  4. Francis Carco, Gilles Freyssinet, Le Paris de M'sieur Francis, Arcadia Editions, 2005, p. 337
  5. « Dossier dans l’ordre de la Légion d'honneur de François Marie Alexandre Carcopino-Tusoli, non communicable », base Léonore, ministère français de la Culture