Suzy Solidor

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Suzy Solidor
Description de cette image, également commentée ci-après
Suzy Solidor en 1938.
Informations générales
Nom de naissance Suzanne-Louise-Marie Marion
Naissance
Saint-Servan (Ille-et-Vilaine)
Décès (à 82 ans)
Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes)
Genre musical Chanson

Suzy Solidor, nom de scène de Suzanne Marion, est une chanteuse, actrice et romancière française née le à Saint-Servan (Ille-et-Vilaine) et morte le à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes).

Nommée « la Madone des matelots »[1], est une figure emblématique des années 1930. Symbole de la garçonne des « Années folles », elle a contribué à populariser auprès du grand public, le milieu lesbien parisien, célébrant par l'interprétation de plusieurs chansons les amours saphiques (par exemple : Ouvre, ou Obsession)[2].

Biographie[modifier | modifier le code]

Suzy Solidor naît de père inconnu à Saint-Servan-sur-Mer (commune aujourd'hui rattachée à Saint-Malo) dans le quartier de la Pie. Sa mère, Louise Marie Adeline Marion, âgée de près de trente ans, est alors domestique de Robert Henri Surcouf, avocat, député de Saint-Malo et armateur, descendant de la famille du célèbre corsaire (selon Suzy Solidor, le député serait son père biologique).

Pour échapper à sa condition de fille-mère, Louise Marion épouse le Eugène Prudent Rocher qui reconnaît la petite Suzanne, alors âgée de sept ans. Celle-ci prend dès lors le nom de Suzanne Rocher. La famille s'installe dans le quartier de Solidor à Saint-Servan, qui va inspirer plus tard son nom de scène, à Suzy. Elle est à cette époque, la voisine de Louis Duchesne, chemin de la Corderie, sur la cité d'Aleth.

Une « garçonne »[modifier | modifier le code]

Suzy Solidor sur la plage de Deauville en 1929.

Suzy Solidor apprend à conduire en 1916 et passe son permis l'année suivante, ce qui à l'époque est exceptionnel pour une femme. Peu avant l'armistice de 1918, promue chauffeur des états-majors, elle pilote des ambulances sur le front de l'Oise puis de l'Aisne[3],[4].

Après la guerre, elle s'installe à Paris. À cette époque, elle rencontre Yvonne de Bremond d'Ars, célèbre et très mondaine antiquaire, laquelle devient sa compagne pendant onze ans. « Ce fut Bremond d'Ars qui la première lança Solidor en tant qu’œuvre d'art et qui la présenta au public comme image / icône (...) Elle m'a sculptée, déclare elle-même, Solidor »[5].

Après leur séparation en 1931, Suzy Solidor entretien plusieurs liaisons avec d'autres femmes. L'artiste noue une aventure amoureuse avec l'aviateur Jean Mermoz[4] qui lui offre un magnifique bijou, cœur de diamants traversé par une flèche de rubis. Le pilote fait également réaliser d'elle, un portrait par Paul Colin[6]...

Elle se tourne vers la chanson en 1929 et adopte peu après, le pseudonyme sous lequel elle devient célèbre. Elle fait ses débuts à Deauville, au cabaret Le Brummel[7]. Son répertoire se compose essentiellement de chansons de marins et d’œuvres plus sensuelles, équivoques et audacieuses. Sa voix grave, quasi masculine (« une voix qui part du sexe » selon Jean Cocteau[8]), son physique androgyne, ses cheveux blonds et sa frange au carré marquent les esprits. Surnommée « l'Amiral », icône de la chanson maritime, elle se produit en 1933 avec succès à L'Européen puis ouvre rue Sainte-Anne « La Vie parisienne », un cabaret « chic et cher », lieu de rencontres homosexuelles, où chante entre autres le jeune Charles Trenet.

Muse et modèle[modifier | modifier le code]

Sa réputation lui vaut d'apparaître en 1936 dans l'adaptation cinématographique du roman sulfureux de Victor Margueritte, La Garçonne. Elle devient parallèlement l'égérie des photographes des magazines de mode et des peintres, sa silhouette sculpturale inspirant plus de 200 d'entre eux[9], parmi lesquels Jean-Denis Maillart, Raoul Dufy, Maurice de Vlaminck, Yves Brayer, Francis Picabia, Man Ray, Jean-Gabriel Domergue, Jean-Dominique Van Caulaert, Kees van Dongen, Arthur Greuell, Foujita, Suzanne Van Damme, Marie Laurencin, Francis Bacon et Jean Cocteau. Son portrait le plus célèbre est signé par l'artiste peintre Tamara de Lempicka en 1935, laquelle accepte la commande sollicitée par Yvonne de Brémond d'Ars, dans l'hypothèse où Suzy pose nue. La chanteuse la plus croquée du siècle a dit d'elle-même, avec humour : « Je suis plus à peindre qu'à blâmer »[1].

L'Occupation[modifier | modifier le code]

Durant l’Occupation, son cabaret La Vie Parisienne, rouvre en [10]. Le lieu est fréquenté par de nombreux officiers allemands. Suzy Solidor ajoute à son répertoire une adaptation française de Lili Marleen, chanson allemande adoptée par les soldats de la Wehrmacht, avant de l'être par les armées alliées, qu'elle interprète de façon régulière à l'antenne de la station Radio-Paris.

On retrouve Suzy Solidor parmi les vedettes régulièrement invitées à l'antenne de la chaîne de télévision allemande Fernsehsender Paris, jusqu'à la libération de la capitale[11].

Selon André Halimi, « elle mériterait un brevet d'endurance pour l'inlassable activité qu'elle mena pendant l'Occupation, car elle passe d'un cabaret à l'autre, d'une radio à l'autre, d'un music-hall à l'autre »[12]. Ces activités lui valent d'être traduite à la Libération, devant la commission d'épuration des milieux artistiques, laquelle lui inflige un blâme et lui impose une interdiction d’exercer de 5 ans[13]. Elle cède alors la direction de son cabaret à la chanteuse Colette Mars laquelle y a fait ses débuts et part chanter aux États-Unis.

L'après-guerre[modifier | modifier le code]

De retour à Paris, Suzy Solidor ouvre en le cabaret « Chez Suzy Solidor », rue Balzac à proximité près des Champs-Élysées, qu'elle dirige jusqu'au début de l'année 1960, avant de se retirer sur la Côte d'Azur. Elle s'installe à Cagnes-sur-Mer où elle inaugure la même année un nouveau cabaret, « Chez Suzy », décoré avec 224 de ses portraits.

Elle s'y produit jusqu’en 1967 avant de prendre la direction d'un magasin d'antiquités, place du château du Haut de Cagnes où elle accueille un temps Michèle Mochot, la jeune maitresse du couple Debord-Bernstein.

Continuant sa collection de portraits, elle en commande un nouveau à Francis Bacon, lequel accepte de la peindre en 1957, pour rembourser une dette de jeu. Elle déteste ce tableau et le met en vente en 1970; Bacon le rachète et le détruit[14].

En , elle offre une quarantaine de ses portraits à la ville de Cagnes-sur-Mer, figurant depuis parmi les œuvres remarquables du musée-château Grimaldi dans le Haut de Cagnes[15].

Mort[modifier | modifier le code]

Suzy Solidor meurt à l'âge de 82 ans, le à Cagnes-sur-Mer et est inhumée au cimetière ancien de la même ville[16].

Postérité[modifier | modifier le code]

Suzy Solidor est le sujet principal de la chanson Sad Songs du groupe The Christians et de la pièce All I Want is One Night écrite par Jessica Walker[17].

Répertoire[modifier | modifier le code]

  • Dans un port (Suzy Solidor)
  • C'est à Hambourg
  • Je t'espère
  • La Fille des bars
  • Ohé capitaine
  • La Brume sur le quai
  • Le Matelot de Bordeaux
  • Une fille dans chaque port
  • Le Bateau espagnol (Léo Ferré)
  • Tout comme un homme
  • Comme une feuille au vent
  • Obsession, 1933 (Edmond Haraucourt - Laurent Rualten)
  • La Belle Croisière, 1934
  • Une femme, 1934
  • Ouvre, 1934 (Edmond Haraucourt - Laurent Rualten)
  • La Maison des marins, 1934
  • Les Filles de Saint-Malo, 1934
  • La Fille des bars, 1934
  • La Belle Escale, 1935
  • Le Doux Caboulot, 1935
  • Si l'on gardait, 1935
  • La Belle d'Ouessant, 1935
  • Mon légionnaire, 1936
  • Sous tes doigts, 1936
  • La Tonnelle des amoureux, 1936
  • Hawaï nous appelle, 1936
  • La Java du clair de lune, 1936
  • La Chanson de la belle pirate, 1936
  • Nuit tropicale, 1937
  • Mon secret, 1938
  • Johnny Palmer, 1938
  • Si j'étais une cigarette, 1938
  • Escale, 1938
  • La danseuse est créole, 1938 (Jacques Plante - Louiguy)
  • On danse sur le port, 1939
  • J'écrirai, 1939 (Suzy Solidor)
  • Mon cœur est triste sans amour, 1940
  • Je ne veux qu'une nuit, 1941
  • Lily Marlène, 1942
  • La Jolie Julie, 1942
  • À quoi songes-tu ?, 1943
  • Le Soldat de marine, 1943
  • Trois lettres de toi, 1943
  • Le Petit Rat, 1947
  • Un air d'accordéon, 1947
  • Un refrain chantait, 1947
  • Amours banales, 1947
  • L'amour commande, 1948
  • Saïgon, 1948
  • Congo, 1948
  • Nature boy, 1948
  • L'Inconnue de Londres, 1948 (Léo Ferré)
  • Soir de septembre, 1948
  • J'aime l'accordéon, 1949
  • Casablanca, 1949
  • Valsez, Laurence, 1950
  • La Foule, 1951
  • Brasileira, 1951
  • Judas, 1952
  • La Brume, 1952
  • Danse de la corde, 1952
  • La Dame qui chante, 1952
  • Si le Rhône rencontrait la Seine, 1952
  • Amor y mas amor, 1952

Romans[modifier | modifier le code]

  • Térésine, éditions de France, Paris, 1939 (220 p.)
  • Fil d'or, éditions de France, Paris, 1940 (217 p.) - roman dédié « à ceux du large et à ceux du bled, à tous ceux des avant-postes, à ceux qui tiennent les portes de l'Empire... »
  • Le Fortuné de l'Amphitrite, éditions de France, Paris, 1941 (213 p.)
  • La vie commence au large, éditions du Sablon, Bruxelles-Paris, 1944 (242 p.)

Théâtre[modifier | modifier le code]

Filmographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Jacqueline Strahm, Montmartre, Beaux jours... et belles de nuit, Cheminements, Paris, 2001, p. 215.
  2. « Ces deux poèmes d’Edmond Haraucourt (publiés pour la première fois en 1882) n’étaient pas destinés à être dits par une femme. Mais Suzy Solidor, qui a demandé à Laurent Rualten d’en composer la musique, y met une telle flamme sensuelle, avec sa belle voix grave, que l’on pourrait croire qu’ils ont été écrits pour elle » Cf. Martin Pénet, « L'expression homosexuelle dans les chansons françaises de l'entre-deux-guerres : entre dérision et ambiguïté », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 4/2006 (n° 53-4), p. 106-127.
  3. Jean Forget, Louis Libert, Édouard Menguy, Un demi-siècle à Saint-Servan, Dinard, Danclau, 1998.
  4. a et b Alain Gallet, Suzy Solidor, un étrange destin, documentaire.
  5. (en) Tirza True Latimer, Women Together / Women Apart, Portraits of Lesbian Paris, Rutgers University Press, 2005, p. 108.
  6. Coutau-Bégarie et Associés, « Portrait de Suzy Solidor par Paul Colin », catalogue Chanson française et internationale, Hôtel Drouot, 25 mars 2017.
  7. « Isadora, Cécile et Suzy, stars de la Côte fleurie », Le Calvados, no 117, automne 2014.
  8. Cité dans Pascal Sevran, Dictionnaire de la chanson française, Carrère, Paris, 1986.
  9. Suzy Solidor et ses portraitistes : Deux cents peintres, un modèle, éd. La Nef de Paris, Paris, 1940. Le « modèle » est évidemment Suzy Solidor.
  10. « Nuits de Paris : Chez Suzy Solidor »Paris-Soir, 27 septembre 1940 lire en ligne sur Gallica.
  11. Emmanuel Lemieux, On l'appelait Télé-Paris, Paris, éditions L'Archipel, « L'Histoire secrète des débuts de la télévision française (1936-1946) », page 143, 2013, 259 p. (ISBN 2809811296)
  12. André Halimi, Chantons sous l'Occupation, L'Harmattan, 2003, p. 101.
  13. Arrêtée en septembre 1944, elle est placée en détention au camp de Drancy. Cf. « La vie dans Paris libéré : Cortot, Ginette Leclerc et Suzy Solidor sont arrêtés », Ce soir, 9 septembre 1944 lire en ligne sur Gallica.
  14. (en-US) « "A Painted Lady" », sur Stew Ross Discovers, (consulté le )
  15. 43 portraits de la Donation Suzy Solidor au Château-musée Grimaldi, Peintures des Musées de France, 29 novembre 2010.
  16. Cimetières de France et d'ailleurs
  17. « All I Want is One Night », sur wiltons.org.uk (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Véronique Mortaigne, « Solidor, furieux baisers », Le Monde, no 19 552 du mardi
  • Marie-Hélène Carbonel, Suzy Solidor : Une vie d'amours, Aubagne, Autres Temps, coll. "Temps mémoire", 2007, 352 p. (ISBN 978-2-84521-295-4)
  • Marc Tardieu, Le corsaire de Rio : et autres histoires malouines. Saint-Malo : Grand West éditions, coll. "Grand West poche : récits historiques", 2013, 106 p. (ISBN 978-2-35593-259-5)
  • Didier Eribon (dir.), Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Larousse, 2003.
  • Charlotte Duthoo, Les Nuits Solidor : Mémoires imaginaires d'une égérie, Le Cherche midi, , 448 p. (ISBN 9782749171807).

Discographie[modifier | modifier le code]

  • Martin Pénet (éd.), Chansons interlopes, 1906-1966, Labelchanson, 2006 (2CD)
  • Martin Pénet (éd.), Suzy Solidor au cabaret, enregistrements rares et inédits (1933-1963), Labelchanson, 2007

Documentaires[modifier | modifier le code]

  • Alain Gallet, Suzy Solidor, un étrange destin, documentaire, 52 min, Aligal Production et France 3 Ouest (DVD).
  • Interview à la radio de Suzy Solidor, vers 1980 , Archives Départementales des Alpes-Maritimes, Documents sonores isolés, 1AV62/1. Mis en ligne le 18 juin 2012. Consulté le 19 mars 2017

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]