Pictes

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La « pierre de Daniel », appartenant à l'ensemble des pierres pictes de Ross.
La chaîne de Whitecleuch, en argent, date d'entre 400 et 800. Elle a pu être portée comme collier ras du cou pour les cérémonies.

Les Pictes étaient une confédération de tribus brittoniques vivant dans ce qui est devenu l'Écosse du nord et de l'est, présents avant la conquête de l'île de Bretagne par les Romains et jusqu'au Xe siècle lorsqu'ils se réunirent avec les Gaëls. Ils vivaient au nord des fleuves Forth et Clyde, et parlaient le picte, une langue éteinte suggérée comme étant liée aux langues brittoniques parlées par leurs voisins du sud, les Bretons insulaires. Les Pictes sont d'ailleurs désignés comme Brithwr par les Gallois. Les Pictes sont considérés comme étant les descendants des Caledonii et autres tribus identifiées par les Romains ou figurant sur la carte du monde de Ptolémée. Le territoire des Pictes, connu sous le nom de Pictavia, ou Pictland en anglais, se fondit progressivement avec le royaume gaélique de Dál Riata et forma le royaume d'Alba. Alba s'étendit, absorbant les royaumes brittoniques du Strathclyde et de Bernicie. Au XIe siècle, l'identité des Pictes s'est fondue dans un amalgame de peuples identifiés comme « Scots ».

L'archéologie permet d'avoir des éléments quant à la société des Pictes. Bien que très peu d'écrits des Pictes nous soient parvenus, leur histoire depuis la fin du VIe siècle est connue par des sources variées telles que des annales irlandaises, l'Histoire ecclésiastique du peuple anglais de Bède le Vénérable, ou des hagiographies à l'instar de celle de Colomba d'Iona réalisée par Adomnan d'Iona. Bien que l'idée des Pictes dans l'imaginaire populaire puisse être celle d'un peuple mystérieux et obscur, ceci est loin de la réalité. Comparativement au cas de l'Europe centrale, du Nord et de l'Est lors de l'Antiquité tardive ou de la période médiévale du Ve siècle au début du XIe siècle, des témoignages de l'histoire et de la société pictes sont bien présents[note 1].

Étymologie du nom

Le nom par lequel les Pictes eux-mêmes se nommaient est inconnu[note 2]. Le mot latin Picti que l'on peut rapprocher de celui des Pictaves du Poitou apparaît pour la première fois dans un panégyrique écrit par Eumène en l'an 297, qui signifie littéralement « hommes peints » (du latin pingere, peindre[1], et pictus, peint; voir le grec πυκτίς ou puktis, peinture[2]). Leur nom en vieil anglais prit en scots la forme de Pechts, et en gallois le terme de Fichti[note 3]. Dans les écrits irlandais, une pléthore de termes étaient utilisés pour se référer aux Pictes et à un groupe de gens vivant à proximité des Ulaid en Ulster : Cruthin, Cruthini, Cruthni, Cruithni et Cruithini (Cruithne en irlandais moderne)[3]. Il est généralement admis que ces termes dérivent de *Qritani, ce qui est la version gaélique du brittonique *Pritani[4]. De là est venu Britanni, le nom romain utilisé pour ceux qui nous sont maintenant connus comme les bretons insulaires[3],[4],[5]. Il a été suggéré que Cruthin était un nom utilisé pour se référer à tous les Bretons qui n'avaient pas été conquis par les Romains, c'est-à-dire ceux vivant au-delà de la Britannia romaine, au nord du mur d'Hadrien[5].

Histoire

Scène de bataille sur la pierre picte d'Aberlemno, généralement considérée comme mettant en scène la bataille de Dunnichen avec les Pictes à gauche, les hommes de Northumbrie à droite, et le cavalier picte représentant peut-être le roi Brude III.

Les moyens par lesquels la confédération picte s'est formée lors de l'Antiquité tardive à partir de plusieurs tribus sont inconnus. L'union face à la montée en puissance de l'empire romain a été suggérée comme facteur[6]. La terre des Pictes a été décrite auparavant comme le siège des Caledonii[note 4]. Il a été rapporté par Ptolémée Ammien Marcellin que d'autres tribus auraient vécu dans la région, telles les Verturiones, Taexali et Venicones. À l'exception des Calédoniens, les noms pourraient relever d'informations de seconde main, voire de dérivés, peut-être ramenés aux Romains par des locuteurs de langues brittoniques. Caledonii est ainsi vu sur l'indication d'une tombe dans la Bretagne romaine.

Les premiers témoignages historiques des Pictes remontent aux âges sombres. Il apparaît qu'ils ne constituaient pas le pouvoir dominant dans le nord de la Bretagne pour l'ensemble de la période. Les Gaëls de Dál Riata contrôlaient leur propre région un certain moment, mais furent en recul à la suite d'une série de défaites dans le premier tiers du VIIe siècle tels la Bataille de Degsastan dans la première décennie, ou plusieurs événements sous le règne de Domnall Brecc lors de la troisième et quatrième décennie. Les Angles de Bernicie terrassèrent les royaumes britanniques environnants. Le roi Ethelfrith de Northumbrie unifia les royaumes de Bernicie et de Deira, créant une entité formant l'ébauche de Northumbrie, et le plus puissant royaume de Bretagne[7]. Les Pictes étaient probablement tributaires de ce royaume jusqu'au règne de Brude III des Pictes, lorsque les Angles furent vaincus à la bataille de Dunnichen, mettant fin à leur expansion vers le nord. Les hommes de Northumbrie continuèrent de dominer au sud de l'Écosse pour le reste de la période picte.

Lors du règne d'Oengus Ier (729-761), Dál Riata était essentiellement sujet des rois pictes. Bien que dotée de ses propres rois depuis les années 760, Dál Riata ne redevint pas indépendante[8], comme l'atteste le roi Constantin des Pictes (793-820) qui place son fils Domnall mac Caustantín sur le trône de Dál Riata pendant 24 ans[9]. Les tentatives des Pictes d'atteindre un niveau similaire de domination sur les Britons de Strathclyde ne réussirent pas, comme le montrent les échecs d'Óengus.

L'âge des Vikings apporta de grands changements dans l'île de Bretagne et en Irlande, et tout autant en Écosse. Le royaume de Dál Riata appartenant aux Gaëls est mis à mal : grâce à leurs bateaux, supérieurs aux currachs des Gaëls en peaux, les vikings s'imposent[10],[11]. Face à la pression des Vikings, les clans des Gaëls fuient à l'est, chez les Pictes[10]. Les vikings profitent également d'une guerre civile en Northumbrie pour y instaurer le royaume viking d'York, et marquent aussi le royaume de Strathclyde en capturant le château de Dumbarton, tâche à laquelle les pictes avaient échoué. De nombreux rois furent tués dans une bataille majeure contre les vikings en 839, tels Eòganán des Pictes et Áed mac Boanta de Dal Riada[note 5].

Les « royaumes » pictes

En ce qui concerne l'organisation des Pictes, il semble que les « rois pictes » ne régnèrent jamais que sur une confédération de chefferies : il y eut plusieurs « royaumes » pictes contemporains les uns des autres et leur nombre put varier de deux à sept, si l'on en croit les sources postérieures ou les brèves mentions faites par les sources étrangères. L'organisation de ces royaumes demeure largement hypothétique, mais il est possible qu'un « Haut roi » existât. En tous cas, la « royauté » des Pictes devait être clanique et l'on ignore si elle s'exerçait sur un territoire bien délimité.

Au VIe siècle, le royaume de Fortriú dominait peut-être les terres situées autour de Scone et de Dunkeld: son nom est à rapprocher de celui de la tribu des Verturiones, cités au IIe siècle par Claude Ptolémée puis, au IIIe siècle, par Ammien Marcellin. Bède cite encore le royaume de Fib (Fife) à cette époque. La Chronique Picte livre quant à elle une liste de sept royaumes (le caractère symbolique du chiffre peut en avoir dicté le nombre) :

  1. Cait (Caithness et Sutherland modernes) ;
  2. Ce (Mar et Buchan modernes) ;
  3. Circinn (Angus et Mearns modernes) ;
  4. Fib (Fife et Kinross modernes ; Fife est encore connu sous l'appellation de kingdom of Fife) ;
  5. Fidach (Moray et Ross modernes) ;
  6. Fotla (Atholl et Gowrie modernes) ;
  7. Fortriú (Strathearn et Menteith modernes ?).

À l'époque de Bède le Vénérable, et si l'on en croit encore ce dernier, au début du VIIIe siècle, un « royaume des Pictes du nord » et un « royaume des Pictes du sud » étaient établis de part et d'autre des Monts Grampians.

Toujours est-il que, malgré leurs divisions, les Pictes résistèrent toujours à l'Empire romain, puis aux envahisseurs germaniques pendant plusieurs siècles. Finalement, la disparition des royaumes des Pictes fut le résultat d'un processus de fusion qui aboutit, au milieu du IXe siècle, à la création de l'Écosse médiévale. À cet égard, la règle de dévolution du trône en vigueur chez les Pictes joua certainement un rôle important.

On sait grâce à Bède le Vénérable, en effet, que le système de succession royale des Pictes était matrilinéaire, ce qui avait pour résultat que les neveux succédaient à leurs oncles. C'est aussi ce système qui permit à des chefs étrangers de régner sur les Pictes au Moyen Âge, comme le Scot Kenneth mac Alpin. Toutefois « MacAlpin » appartenait au lignage royal du royaume de Dalriada, et son règne sur un peuple unifié fut aussi facilité par le désastre de 839.

Au VIIIe siècle, Unuist mac Uurguist (Œngus) roi de 729 à 761 réussit à unifier temporairement les Pictes. Unuist II mac Uurguist, fils du roi scot Fergus mac Echdach et d'une princesse picte, régna conjointement sur ces deux peuples au début du IXe siècle. À sa mort, en 834, son fils Eòganán lui succède.

Un autre facteur de l'intégration des Pictes et des Scots au sein d'un royaume unique put, enfin, être une trahison. Un document du XIVe siècle, le Polichronicon de Ranulph Higden, contient, en effet, un passage probablement dérivé de la Chronique picte qui mentionne un massacre des nobles pictes par les Scots, lors d'une entrevue organisée par ces derniers, vers 850 il s'agit de la mythique Trahison de MacAlpin.

Culture

La source historique la plus abondante sur les Pictes est à peu près la seule à nous renseigner sur leur culture : il s'agit de L'Histoire ecclésiastique du peuple anglais de Bède le Vénérable.

Selon certains historiens, les Pictes utilisaient peut-être une langue celtique, du groupe brittonique. L'Irlandais saint Colomba, au VIe siècle, ne la comprenait pas. Ils connaissaient l'écriture oghamique, dérivée de l'écriture latine, mais les inscriptions qu'ils ont laissées sont généralement indéchiffrables.

Pierres symboliques pictes d'Aberlemno

Des études plus récentes semblent indiquer que la langue originelle des Pictes — ou du moins un important substrat linguistique de leur langue — ne faisait pas partie du groupe indo-européen, même si la pauvreté du vocabulaire connu ne permet aucune conclusion certaine.

Les Pictes ont laissé de nombreuses pierres dressées ornées de figures géométriques (y compris de croix après leur christianisation), ou figuratives : quadrupèdes, oiseaux, chaudrons, chariots à roues. Ces pierres, dites « symboliques », avaient sans doute un caractère sacré, peut-être associé à des rites funéraires.

On attribue encore aux Pictes certains brochs, ces tours rondes préhistoriques qui constellent l'Écosse.

Chronologie

Antiquité tardive

Haut Moyen Âge

Représentations dans les arts

Représentation d'un Picte dans un livre d'histoire britannique au XIXe siècle.

Littérature

L'écrivain britannique Rudyard Kipling consacre plusieurs histoires aux Pictes dans son recueil de contes pour enfants Puck, lutin de la colline paru en 1906.

L'histoire de la neuvième légion romaine, la Legio IX Hispana, a inspiré à l'écrivaine britannique Rosemary Sutcliff un roman pour la jeunesse, L'Aigle de la Neuvième Légion, paru en 1954. Sutcliff s'inspire librement de ce qui était alors une énigme historique (les circonstances dans lesquelles a disparu cette légion) pour imaginer que la légion a été vaincue et massacrée par les Pictes. Les personnages principaux du roman s'aventurent au delà du mur d'Hadrien autour de 140 apr. J.-C. pour retrouver l'emblème militaire de la légion perdue.

Plusieurs auteurs de fantasy se sont inspirés des Pictes, soit en les mettant en scène directement, soit en les prenant comme base pour inventer des peuples fictifs. Au début du XXe siècle, l'écrivain américain Robert E. Howard met fréquemment en scène des Pictes dans ses nouvelles de fantasy, dont plusieurs mettent en scène Bran Mak Morn, présenté comme le dernier roi picte, dans sa lutte contre l'empire romain. Au début du XXIe siècle, l'écrivaine Juliet Marillier consacre un cycle romanesque, The Bridei Chronicles, à la vie des Pictes et des Gaels (autre tribu de la même région) au VIe siècle apr. J.-C., mais en intégrant des éléments de merveilleux à ses intrigues.

Dans le roman Taltos d'Anne Rice (le troisième livre de la saga des sorcières Mayfair), nous apprenons que les Pictes étaient des Taltos se faisant passer pour des humains.

Bande dessinée

En 2013, un album de la bande dessinée Astérix, Astérix chez les Pictes, fait voyager Astérix et Obélix en Écosse.

Cinéma et télévision

Dans le film le Roi Arthur, les Pictes sont des tribus indigènes dirigés par le sorcier Merlin.

Le roman L'Aigle de la Neuvième Légion (voyez plus haut) a fait l'objet d'une adaptation au cinéma par Kevin Macdonald en 2011.

Le péplum britannique Centurion de Neil Marshall, sorti en 2010, s'inspire également de la disparition de la neuvième légion romaine et suit les aventures de survivants de cette légion traqués par des Pictes farouches.

Jeux

Les Pictes apparaissent dans les jeux de rôle sur table historiques permettant de jouer vers la fin de l'Antiquité, par exemple dans le jeu Pendragon de Greg Stafford, paru en 1985, qui s'inspire à la fois de la période historique réelle et de la légende arthurienne. Les Pictes apparaissent également dans les jeux de rôle inspirés des récits de fantasy de Robert E. Howard, notamment les diverses adaptations de l'univers de Conan le Barbare.

Les jeux vidéo historiques ou historico-fantastiques mettent régulièrement en scène des Pictes. C'est le cas de Civilization V: Gods and Kings, extension sortie en 2012 pour le jeu de stratégie au tour par tour Civilization V de Firaxis Games.

Compléments

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

Notes

  1. Les sources de l'histoire pictes incluent les annales irlandaises d'Ulster, de Tigernach, d'Inisfallen, des quatre maîtres et de Clonmacnoise, qui documentent les événements en Écosse. L'histoire est aussi consignée dans les annales Cambriae, l'Historia Brittonum et sa traduction irlandaise du Lebor Bretnach faisant partie du Lebor na hUidre, ainsi que dans la continuité de l'histoire de Bède, écrite par Siméon de Durham dans l'Historia Regum
  2. Il a été proposé que albidosi, trouvé dans les Chronique des Rois d'Alba sous le règne de Malcolm Ier d'Écosse, puisse être le nom des Pictes dans leur langue, mais ceci est sujet à débats (voir Alba de Broun, p. 258, note 95, et Pictland to Alba de Woolf, pp. 177-181).
  3. La Chronique anglo-saxonne contient pihtas et pehtas.
  4. Par exemple par Tacite et Ptolémée qui désigne la mer à l'ouest de l'Écosse par Oceanus Duecaledonius. De façon similaire, Ammien Marcellin utilise le nom de Dicalydonii.
  5. D'après les annales d'Ulster (s.a. 839), « Les [vikings] remportèrent une bataille contre les hommes de Fortriu, et Eóganán fils d'Aengus, Bran fils d'Óengus, Aed fils de Boanta, et un nombre presque incalculable d'autres, tombèrent aussi ».

Références

  1. (en) Charlton T. Lewis et Charles Short, « A Latin Dictionary », article Pingo, consulté le 13 décembre 2010.
  2. (en) Henry George Liddell et Robert Scott, « A Greek-English Lexicon », article πυκτίς, consulté le 13 décembre 2010.
  3. a et b (en) Dáibhí Ó Cróinín, « A New History of Ireland: Prehistoric and Early Ireland », Oxford University Press, p. 213, 2008.
  4. a et b (en) Hector Munro Chadwick, « Early Scotland: the Picts, the Scots & the Welsh of southern Scotland », CUP Archive, pp. 66-80, 1949.
  5. a et b (en) Paul Dunbavin, « Picts and ancient Britons: an exploration of Pictish origins », Third Millennium Publishing, p. 3, 1998.
  6. Voir la discussion sur la création de la confédération des Francs par Geary, « Before France », chapitre 2.
  7. (en) N. J. Higham, « The Kingdom of Northumbria AD 350–1100 », Sutton, Stroud, 1993, (ISBN 0-86299-730-5).
  8. « Pictish Kings » de Broun essaye de reconstituer l'histoire confuse de Dál Riata. L'absence dans les annales irlandaises est ignorée par Bannerman dans « The Scottish Takeover of Pictland and the relics of Columba ».
  9. Broun, Pictish Kings.
  10. a et b (en) Donald Omand (éditeur), « The Argyll Book », Birlinn, 2006, (ISBN 1841584800). Chapitre The age of sea kings: 900-1300 par Alex Woolf, pp. p. 94-104.
  11. (en) Raymond Campbell Paterson, « The Lords of the Isles », Birlinn, (ISBN 1841587184), p. 2, 2008.