Jean Rousseau (homme politique, 1738-1813)

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Jean Rousseau
Le comte Jean Rousseau, sénateur d'Empire.
Fonctions
Député français
Membre du Conseil des Anciens
Membre du sénat conservateur
Biographie
Naissance
Décès
(à 75 ans)
Châtillon
Sépulture
Nationalité
Française
Activité
Autres informations
Distinction

Jean Rousseau, né le 12 mars 1738 à Witry-lès-Reims et mort le 7 septembre 1813 à Châtillon, est un homme politique français.

Biographie[modifier | modifier le code]

Premières années[modifier | modifier le code]

Jean Rousseau naît à Witry-lès-Reims dans la Marne le . C'est le fils de Jacques Rousseau et Simone Ossonce[1]. Jacques Rousseau est laboureur à Witry, et Jean ne semble vouloir suivre le destin de son père. Il rentre au collège des Bons Enfants de Reims, rue de l'Université, où l'on dispense un enseignement secondaire et supérieur très complet. À 18 ans, il part donc à Paris à l'Oratoire. Il entre à Paris le . De 1758 à 1760, il est professeur de philosophie à Montmorency, puis de 1760 à 1764, au collège de Juilly, il est préfet de chambre commune et suppléant de pension[2].

Porté sur l'enseignement, il devient professeur de mathématiques au collège des Oratoriens de Nantes, puis devient le tuteur privé des enfants du duc d'Aiguillon, qui lui confie également le soin de ses propriétés en Dauphiné.

Il rentre à Paris, mais la date nous est inconnue. Dans de nombreuses biographies, Jean Rousseau semble se diriger vers l’écriture, il semble avoir travaillé pour Jean le Rond d'Alembert, mais actuellement les recherches ont été infructueuses sur ce point.

Jean Rousseau semble avoir écrit plusieurs textes : Ode à M. le Duc d’Aiguillon sur la Bienfaisance, Ode sur le fondation des Empires et Ode au roi du Danemark. Mais ces textes ne sont pas retrouvés. Jean est rédacteur avec Panckoucke et Dusson du journal Politique, fondé par un certain Lingot[3].

Entrée en politique[modifier | modifier le code]

En 1789, on trouve dans les cahiers des États généraux de 1789, bailliage de Reims, le nom des cent soixante-dix députés de la campagne. Parmi eux, Jean Rousseau de Witry et Benoît Boileau sont tous deux de Witry. Il semble que Jean Rousseau a écrit Discours préliminaire du résumé général ou extrait des cahiers de Doléances, mais ce discours n’est pas retrouvé dans les archives parlementaires.

En 1790, Jean semble avoir été électeur, il le rappelle dans un discours à l’assemblée générale de la section de la fontaine de Grenelle : « vous m’avez nommé électeur en 1790, en 1791 et en 1792. » De plus, dans ce même discours, il dit avoir été nommé membre de la Commune du . Toujours dans les archives parlementaires du , nous avons la confirmation de ses dires[4].

Le , Jean est nommé administrateur du département, mais il refuse le poste, et n'est pas remplacé. Cette année 1793 est sombre. Dans la biographie de P. Foillot, il est dit que Jean Rousseau propose un décret sur le Colportage des Journaux[5].

Condamné à mort en 1794, puis libéré[modifier | modifier le code]

Il est arrêté en septembre et passe onze mois en prison, il semblait vouloir se battre contre la tyrannie et la terreur mise en place par Robespierre. Il est libéré par la chute de celui-ci le [6].

De nouveau député[modifier | modifier le code]

Sieyes et Chénier étaient les premiers maillons d’un futur décret qui obligea Merlin de Douai à produire le 20 Ventôse an III un décret qui permit aux députés à reprendre leur place. Il fut voté par une très grande majorité[7]. Dans sa biographie, il est cependant noté : « le 9 ventôse an III (). Jean parut peu, mais il semble que ces nouveaux députés qui venaient de différents horizons se sont réunis, et ont formé avec d’autres députés une imposante majorité pour lutter contre l’odieux régime de la Terreur ».

Le , les habitants se portent en tumulte sur la Convention. Entrés dans la convention, les Thermidoriens, avec une majorité de militaires, font évacuer la salle des séances, 17 députés sont arrêtés tels que Pache, ex-ministre de la guerre, le limonadier Raisson et l’ex-général Rossignol. Toutefois, Jean Rousseau s’oppose à la libération de Rossignol qui est demandée par Legrendre. Le , le Faubourg Saint-Antoine s’enflamme, plus de 30 000 hommes marchent vers la Convention, tout à coup l’une des portes de la salle est enfoncée avec fracas, des flots d’hommes et de femmes entrent. Une lutte parricide s’engage au sein même de la représentation nationale… Dans les jours qui suivent, une « reconquête des quartiers « est confiée sous la direction du général Menou à 20 000 militaires et gardes nationaux … après onze mois d’emprisonnement, quelques mois à retrouver sa place à la Convention, et les deux insurrections Jean Rousseau était toujours là.

Il passe après la session conventionnelle, au Conseil des anciens le 4 brumaire an IV (), Jean s’y occupe des finances et fut l’un des commissaires pour la surveillance de la comptabilité nationale. Nous avons d’ailleurs un texte à la BNF sur un projet de finance du 3 messidor de l’an III au sujet du retrait des assignats.

Il est nommé secrétaire de l’assemblée le , il combat les élections de Saint-Domingue comme inconstitutionnelles, les fait annuler, et appuie, le , la résolution contre les ci-devant nobles et les anoblis, comme nécessaires à la sûreté de l’État.

Il sort du conseil en , il y est réélu presque aussitôt (21 germinal an VI), par le département de la Seine, ou plutôt par la partie de l’assemblée électorale de Paris séant à l’Institut[8].

À cette époque, il publie un article dans Le Moniteur le 30 Germinal an VI où il prétend démontrer, d’après des papiers trouvés chez Durand de Maillanne, l’intelligence qui avait existé en 1793 entre les chefs de l’émigration à Coblence et les membres du tribunal révolutionnaire de Paris.

Soutien de Bonaparte[modifier | modifier le code]

Jean, qui était républicain, se prononce pour le coup d'État du 18 brumaire, et il redevable de Sieyès qui lui avait permis de reprendre sa place dans l’assemblée. C’est l’un des derniers actes de la Révolution. C’est Emmanuel Joseph Sieyès qui souhaite renverser la constitution de l’an III, il va devoir imaginer avec la complicité du Conseil des Anciens et de Jean. Les députés vont se déplacer des Tuileries à Saint-Cloud et ainsi permettre le coup d’État. Les députés prêtent serment à la nouvelle constitution et Napoléon Bonaparte est nommé premier consul. Jean sera membre de la commission intermédiaire composée de onze membres, chargé de présenter la nouvelle constitution ; Pierre Daunou, qui est lui aussi un ancien Oratorien et a été sans doute emprisonné en même temps que Jean Rousseau et pour les mêmes raisons, fait partie de cette commission. Celle-ci se charge d’établir la nouvelle convention.

Dans une réunion du 2 nivôse, aux termes de l’article 24 de la constitution, Siéyès, Ducos, Lebrun et Cambares déclarent soixante membres du Sénat conservateur dont Jean Rousseau. La liste des soixante noms est d’ailleurs dans les archives parlementaires du 5 nivôse an VIII.

Aussitôt, le Sénat est formé, on se hâte de former le Tribunat et les trois cents membres du Corps Législatif. Jean se retrouve en bonne place, il devait être lié avec Sieyès qui permit sa libération après le 9 thermidor et nous savons que Roger-Ducos était son ami, c’est lui qui lira son discours d’entrée au Panthéon. Nous retrouvons d’ailleurs la liste des citoyens qui ont provoqué ou favorisé l’événement du 18 brumaire, Sieyès et Roger-Ducos dans les premiers de la liste suivis de Rousseau du Conseil des anciens. Le premier Sénat Conservateur accueille d’anciens membres des assemblées révolutionnaires, comme Joseph Fouché, Gaspard Monge, Lagrange, Berthollet, et de nouveau Jean Rousseau, qui est élu au sénat conservateur le , le même jour que G. Monge.

Le 25 floréal an X, le projet de la Légion d’honneur est présenté par le conseiller d’État Roederer. Napoléon voulait par cette gratification donner aux civils un équivalent aux médailles et aux batailles des militaires. Le , Jean Rousseau devint commandeur de la Légion d’honneur, on trouve une liste des nommés et là encore le comte Jean Rousseau s’y trouve, il habite d’ailleurs no 20, rue du Regard à Paris.

Sous l'Empire[modifier | modifier le code]

Jean Rousseau est nommé le comte d’Empire. Le titre de comte était donné automatiquement pour les ministres, les sénateurs, les conseillers d’État, présidents de la chambre législative et les archevêques (décret du ) ; il y a eu 2 200 titres dont 251 comtes. Le titre de comte représentait une richesse avec un minimum de 30 000 francs annuel (62 000 euros).

Décès en 1813[modifier | modifier le code]

Il meurt le à Châtillon. L'acte de décès semble prouver cette date, c'est son cousin Pierre Eloi Rousseau qui déclare son décès le 8 à la commune de Chatillon, Jean Rousseau avait dans cette commune une maison de campagne, le chirurgien Jean Baptiste Robert Boudin déclare que sa mort fait suite à une longue paralysie (le tableau trouvé dans le grand escalier de la chambre de commerce de la Marne signale déjà cette paralysie)[9],[10].

Il sera inhumé au Panthéon la même année dans le caveau II, non loin de Gaspard Monge caveau VII.

Sources[modifier | modifier le code]

Pour approfondir

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « marne-archive.com », sur www.marne-archive.com (consulté le )
  2. Ce parcours est décrit dans la biographie de l'abbé E. Bonnardet
    • La biographie de l’Oratoire de France
      • M.M. 607, Ge Catalogue, no 1443
      • M.M. 612, no 1643 de ma copie
      • M.M. 614, page 82 ; no 431
      • M.M. 617, page 96 ; no 4307
      • M.M. 615, no 1331
    • Rable-Boisjoilin et Ste Preuve Diag univ du contemporains, Paris, Bocquet 1839 Gral in 8e TV p. 689
    • Adry : Bibliothèque des écrivains de l’Oratoire, CV p. 55 (Bibl Nle Fond Fn 25.685)
    • Guèrard : France littéraire, Paris Didot, 1836,T VIII p. 191
    • Id. ilid VIII, p. 232
    • Biographie moderne, Leipzick, 1806, T IV p. 202
    • Biographie moderne, Paris, Egenery et Delaussay, 1815, T II p. 462
    • Biographie universelle, Paris Furne 1838, 6 vol in 8 TV p. 306
    • Robinet Dictionnaire de la Révolution T II p. 711
    • Arnault : Biographie nouvelle des contemporains, Paris T XVIII p. 257
  3. Charles-Joseph Panckouke né à Lille en 1736, a suggéré à Denis Diderot de donner une suite à l’Encyclopédie, il va obtenir une licence et édite l’Encyclopédie méthodique, il édite aussi deux revues Le Mercure de France et Le Moniteur Universel. Panckouke meurt à Paris en 1798. C’est ici une zone d’ombre car dans la biographie d’Adry (Bibliothèque des écrivains de l’Oratoire) : Adry nous indique un Pierre Rousseau, dans une thèse de Christophe Rey, université de Provence (équipe DELIC) nous retrouvons un travail sur Charles-Joseph Panckouke et l’histoire de l’Encyclopédisme français : «  Selon l’acte de Bouillon, original du 12 avril 1771, les parts de l'association pour le Supplément sont divisées comme suit : six vingt-quatrièmes à Cramer et Tournes ; six vingt-quatrièmes à Pierre Rousseau ; trois vingt-quatrièmes à Robinet; quatre-vingt-quatrièmes à Panckoucke et deux vingt-quatrièmes à Brunet. Après le désistement des Genevois, leurs parts sont divisées entre Panckoucke et Brunet." (DARNTON, 1982 : 35) » Jean Rousseau était lié à Panckoucke, car il a publié certains articles et lettre dans Le Moniteur Universel, mais était-il rédacteur ? À sa mort, un article est paru dans ce journal ; s’il y avait été rédacteur, le Journal universel aurait fait une déclaration dans ce sens. Par contre l’hypothèse des travaux avec d’Alembert peut être appuyée par sa connaissance de Panckouke. Selon les dates, Jean Rousseau aurait pu travailler sur une partie de l’Encyclopédie Méthodique
  4. 10. FONTAINES-DE-GRENELLE « Pouvoirs.-Pleins pouvoirs pour concourir au salut de la patrie. Commisaies. Xav. Audouin, rue de Saint-Dominique, aux Jacobins ; Rivailler, rue Saint-Dominique, no 28 ; Gaudicahau, rue de Beaume, no 776 ; nommées dans la nuit du 9 au 10 Rousseau, rue de Grenelle, no 680 ; Sabatier, rue de Grenelle, maison Tautin ; Rouval, rue de l’Université, no 384 ; nommés le 10 Audoin fut remplacé par J-M. Defrasne, rue Saint-Martin, no 8. »
  5. Ce décret du 29 mars 1793 n’est pas retrouvé dans les archives, de plus en compulsant les archives du mois de mars 1793 Jean Rousseau ne semble apparaître pas une fois à l’assemblée. Est-il déjà sur ses gardes comme le comte Poutécoulant ? Se cache-t-il ? (à cette époque, de nombreux députés ne dormaient plus chez eux de peur d’être arrêtés).
  6. Dans les mémoires du comte de Poutécoulant, nous pouvons lire que le 3 octobre 1793 qu’Amar, l’un des plus farouches interprètes de la Montagne, demande la parole au nom du comité de sûreté générale sur un rapport intitulé Acte d’accusation contre plusieurs membres de la Convention nationale. Amar monte à la tribune et dit : « Avant tout, je dois prévenir la Convention qu’elle a encore dans son sein des traîtres que la loi doit frapper. Ils sont présents, ils m’entendent ; les lâches, sans doute, méditent leur fuite ; que la Convention la leur ferme et qu’elle se consigne elle-même dans cette salle. » La Convention se lève et rend le décret ; les portes se ferment. 44 députés seront mis en accusation et prévenus de conspiration contre l’unité et l’indivisibilité de la République, puis 74 autres pour avoir signé la pétition du 16 et 19 juin. Cette liste a été retrouvée dans les archives parlementaires, mais le nom de Rousseau n’y est pas présent. Nous pensons que Jean Rousseau appartenait à un de ces députés, car ces 74 députés ont été libérés le 9 thermidor, ils ne durent la vie qu’à quelques différents qui s’élevèrent entre leurs bourreaux, qui retardèrent leur exécution. (page 224) Ces éléments se retrouve dans les archives parlementaires et peuvent être recoupés. Il demanda donc au comité des décrets son admission à la Convention. La section de la Fontaine Grenelle e 25 thermidor vota la perte de confiance au citoyen J. Rousseau, celui-ci répondu dans une brochure et une Lettre de Jean Rousseau, député suppléant de Paris, à la section de la Fontaine-de-Grenelle : « Citoyens, J’apprends que dans votre dernière assemblée j’ai été l’objet d’une discussion, à la suite de laquelle vous avez déclaré que j’ai perdu la confiance de la section … ». À la suite de ces écrits, Raisson, qu’il avait traité de « Robespierrot », répondit par un écrit intitulé Addition et réponse à la lettre de J. Rousseau, député suppléant à Paris, ancien Oratorien et instituteur du ci-devant Duc d’Aiguillon et des mineurs Chabrillant, tous émigrés
  7. Au moment où le président proclamait le résultat, on entendit retentir dans la salle : « Vive la République, vive la Convention ! »
  8. Cette réélection semble être due à l’épuration de floréal. Sous la conduite du directeur Merlin de Douai, la consultation est préparée, les commissaires jouent un rôle d’agents électoraux, ils favorisent les scissions au moment des réunions des assemblées d’électeurs. L’épuration se termine les 22 floréal par l’adoption d’une loi qui autorise les conseils à choisir « le bon élu », il s’agira bien d’un coup d’État masqué qui aboutira à perpétuer les hommes au pouvoir. À ce moment encore, Jean semble tirer son épingle du jeu.
  9. Extrait du Journal de Paris du 26 octobre 1813 : » M. le comte Jean Rousseau, sénateur, l’un des commandants de la Légion d’honneur, est décédé le 7 de ce mois, en sa maison de campagne à Châtillon-sous-Bagneux, il a été transporté en son hôtel à Paris, rue du Regard. Ses Funérailles ont eu lieu hier à l’église Saint-Sulpice, sa paroisse. On a transféré son corps dans la basilique Sainte-Geneviève. Il était âgé de 76 ans. »
  10. On retrouve dans le no 315 du 11 novembre 1813 de la Gazette nationale ou le moniteur Universel un article : « M. le sénateur comte Rousseau, l’un des commandants de la Légion d’honneur, est décédé à Châtillon près de Paris, le 7 de ce mois, après de longues et douloureuses infirmités. Il était âgé de 75 ans. Ses obsèques ont eu lieu aujourd’hui dans l’église Saint-Sulpice, d’où le corps a été transporté à la basilique Sainte-Geneviève, lieu désigné pour la sépulture des sénateurs. Le Sénat accompagnait le convoi, et lors de la présentation à sainte Geneviève, M. le sénateur comte Roger-Ducos, pour l’absence de M. le président du Sénat, a prononcé, au nom de ses collègues le discours suivant : » « M. l’archiprêtre de Sainte-Geneviève, MM. du Chapitre métropolitain, Proclamer sur la tombe, des hommes qui se sont distingués par leurs mérites et leurs services publics, c’est appeler, disposer à leur imitation ceux qui les entendent retracer ; c’est rendre même leur cendre féconde en émules de leurs talens, de leurs vertus, et du degrés d’élévation dont ils sont parvenus à se frayer l’honorable carrière. C’est aussi, ô mes collègues ! sous cet interessant rapport que je viens de rouvrir vos cœurs à la douleur profonde que vous éprouvez encore par la perte de M. le comte Rousseau qui fut si digne de participer à votre estime et à votre affection. M. le comte Rousseau naquit d’une famille qui jouissait d’une considération méritée dans la province, aujourd’hui le département de la Marne. Dès sa première jeunesse, il annonça une vocation décidée pour l’étude libre et indépendante des sciences et des belles lettres. En vain ses parents voulurent le contrarier et le diriger vers une autre destination; mais il fut inébranlable dans ses goûts, hélas ! commandés par la nature qu’il est si difficile de surmonter. Il eut sur-tout un attrait particulier pour les mathématiques et les connaissances astronomiques, et avec cet attrait il fut doué d’une mémoire prodigieuse. Pour se livrer tout entier à son penchant, autant que pour se soustraire aux importunités qui le poursuivaient, il se retira à Nantes au sein de cette congrégation paisible et remarquable en ce qu’aucun vœu n’y engageait ses affiliés, et qu’on n’y exigeait que des talens à utiliser, à perfectionner, et des vertus à pratiquer. M.Rousseau ne tarda pas à s’y distinguer dans les parties de l’enseignement qui lui furent confiées. Il y professa tour à tour les belles lettres, les mathématiques et la philosophie. Il se lia en même temps par une correspondance suivie avec des savans du premier mérite notamment avec le célèbre d’Alembert auquel il fournit plusieurs mémoires importans qui furent appréciés et servirent à l’illustre académicien. M. Rousseau publia aussi quelques opuscules littéraires et des observations sur la physique. Cependant après quelques années de retraites, il voulut se rapprocher de Paris. Il y fit plus remarquer encore des savants qui accueillirent, et dont il ne cessa de cultiver la société jusqu’à des changements politiques que nous avons éprouvés. Il fut alors appelé à des occupations d’un autre genre, et ce fut une nouvelles études pour lui que pour celle du pouvoir concourir à l’administration publique, mais il livra, et parvint à s’y acquitter de ses pouvoirs avec tant de zèle, de sagesse et de justice qu’il ne tarda pas à être désigné pour siéger au Corps-Legislatif. C’est là sur-tout que, par des sages, utiles et nombreux travaux, par son courage et son dévouement, il fit connaître toute la droiture de son esprit, toute sa candeur de son ame, et s’ouvrir modestement (je pourrais ajouter), sans y songer, les portes du Sénat Français ; et vous savez, mes collègues, avec quel zèle, du elle fidélité il y a également empli tous ses devoirs pour le gloire, les plus grands intérêts, le bonheur du souverain et de la patrie, sincère objet de ses vœux comme il l’est de tous les nôtres. Telle fut, Messieurs, la vie publique et politique de M.le comte Rousseau, mais j’ai été son ami particulier pour parler de ses mœurs privées. Il était doué d’un caractère bienfaisant, compatissant et généreux, d’une rare et toujours instructive amabilité, riche de formes douces, attachantes et expansives, très charitable sur-tout, car aucune invocation du besoin n’était repoussée chez lui : « Donnez, j’aime mieux donner (répétait-il souvent) et me tromper en donnant, que de laisser échapper l’occasion de faire bien. » Vous devez penser, Messieurs, qu’avec ces qualités d’un bon esprit et d’un bon cœur, M. le comte Rousseau devait avoir des principes d’une morale pure et religieuse ; oui il eut de la religion, il s’entretenait respectueusement et avec confiance ; c’est par elle sur-tout qu’il s’est consolé de ces longues années qu’ils a passées dans les infirmités, dans les douleurs ; c’est par elle, avec la fermeté du sage, la sérénité de l’homme juste, qu’il a terminé ses jours, et c’est au nom de cette religion que nous déposons sa triste dépouille dans ce temple, et que nous le recommandons à Dieu et à vos saintes prières. »

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