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=== Apprentissage interspécifique ===
=== Apprentissage interspécifique ===
Les chevaux peuvent acquérir de nouvelles compétences par observation de l'être humain, ce qui explique que des chevaux domestiques soient capables d'apprendre à ouvrir la porte de leur box, voire de manier la poignée d'une [[clôture électrique]]<ref group="P">{{Lien web|langue=fr|auteur1=Amélie Tsaag Valren|titre=Les chevaux apprennent en nous observant !|url=http://www.cheval-savoir.com/2097-chevaux-apprenent-en-nous-observant|site=www.cheval-savoir.com|périodique=Cheval Savoir|date=2016-12-21|consulté le=2017-01-12}}.</ref>{{,}}<ref group="S">{{Article|langue=en|auteur1=|prénom1=Aurelia|nom1=Schuetz|prénom2=Kate|nom2=Farmer|prénom3=Konstanze|nom3=Krueger|titre=Social learning across species: horses (Equus caballus) learn from humans by observation|périodique=Animal Cognition|date=2016-11-19|issn=1435-9456|pmid=27866286|doi=10.1007/s10071-016-1060-8|lire en ligne=https://link.springer.com/article/10.1007/s10071-016-1060-8|format=pdf|accès url=payant|consulté le=2017-01-12|pages=}}.</ref>.
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== Applications des connaissances de la cognition chevaline ==
== Applications des connaissances de la cognition chevaline ==

Version du 9 septembre 2023 à 22:04

Dressage d'un cheval en liberté, faisant appel à sa réponse au conditionnement.

L'intelligence du cheval, longtemps considérée à tort comme limitée, est étudiée depuis le début du XXe siècle, notamment grâce à l'engouement populaire autour du cas de Hans le Malin, qui a donné lieu à une longue controverse autour de ses capacités cognitives. La découverte de l'effet Hans le Malin et le développement des études d'éthologie ont peu à peu permis de mettre en lumière la grande intelligence sociale de cette espèce. La discipline scientifique qui l'étudie, au croisement de l'éthologie équine et de la psychologie animale, s'appelle l'éthologie cognitive.

Grâce à leur mode de vie sauvage en troupeaux, les chevaux disposent de capacités cognitives avancées dans la compréhension de l'interaction avec d'autres individus. Ils sont capables de reconnaître un être humain à partir des traits de son visage, de communiquer avec celui-ci à travers du langage corporel, et d'apprendre de nouvelles compétences à partir de l'observation du comportement d'une personne. En termes d'intelligence au travail, les chevaux répondent bien à l'habituation, à la désensibilisation, au conditionnement classique et au conditionnement opérant.

Comprendre le fonctionnement des capacités cognitives du cheval permet des applications concrètes dans les relations entre les chevaux et les êtres humains, notamment pour mieux y intégrer la capacité d'apprentissage du cheval, ce qui peut améliorer le bien-être du cheval, son entraînement, son élevage et sa gestion quotidienne. L'intelligence du cheval est souvent mise en scène dans des romans, des films et des séries destinés à la jeunesse, comme l'illustrent L'Étalon noir, Spirit et Black Beauty.

Histoire

Dessinj d'un homme tenant la tête de son cheval à côté d'une peau de bovin mort.
Exemple de désensibilisation d'un cheval à l'odeur d'une peau de bovin mort, 1876.

Le cheval joue un grand rôle socio-économique à travers sa présence aux côtés de l'être humain dans le travail, le sport, la thérapie, la consommation et les cultes[1],[S 1], mais il est longtemps resté peu connu pour lui-même, de nombreux mythes et légendes circulant à son sujet[2],[S 2].

« La nature a donné la vélocité au cheval, et à l'homme, la raison et des mains pour dompter le cheval »

— Galien, De l'usage des parties, livre III[3]

Des influences culturelles et religieuses ont entraîné la propagation d'idées subjectives et de tentatives pour démontrer une infériorité des animaux par comparaison à l'être humain[4]. Le sens commun a perpétué de fausses croyances ; l'une des plus « saugrenues », selon la journaliste équestre Maria Franchini, est la croyance qui veut que l'obéissance du cheval aux êtres humains proviendrait du fait qu'il voit les humains sept fois plus grands qu'ils ne le sont en réalité, propagée au moins à partir de 1898[5].

D'après la zootechnicienne et sociologue française Jocelyne Porcher, les zootechniciens des XIXe et XXe siècles ont appliqué l'hypothèse de l'animal-machine au cheval en s'appuyant sur les idées de Descartes, Malebranche et Bacon, déniant que les chevaux puissent penser, souffrir, ou bien avoir une conscience et des sentiments[S 3]. Cependant, les personnes qui à l'époque côtoient des chevaux au quotidien constatent leurs capacités de communication, leur sensibilité et leurs sentiments[S 3]. Le zoologiste Ernest Menault reconnaît chez le cheval « les signes de l'intelligence », cependant davantage à travers des déclarations poétiques que par une démonstration scientifique[S 4]. La pression sociale a longuement freiné les chercheurs qui craignaient une mauvaise réception de leurs découvertes, l'idée de l'animal-machine étant plus simple à défendre dans un contexte d'« exploitation industrielle des animaux de ferme »[4],[S 3].

Affaire Hans le Malin

Pour répondre à des questions d'arithmétique, Hans le Malin interprète en réalité le langage corporel de la personne qui l'interroge.

Le journaliste Remy de Gourmont signale en 1912 un engouement autour de l'intelligence du cheval, dans un contexte où jusqu'alors, « les chevaux n'avaient jamais passé pour être particulièrement intelligents »[6]. Le New York Times publie en 1913 un article posant la question de savoir si les chevaux peuvent « penser »[S 5].

C'est notamment l'affaire de Hans le Malin (Kluger Hans) qui illustre cet intérêt[6],[7]. Ce cheval noir, éduqué en Allemagne, devient une vedette internationale au début du XXe siècle, car il semble doué de facultés cognitives avancées en calcul, et répond à des questions arithmétiques complexes en frappant du sabot sur le sol[8],[9],[S 1] :

« La foule se presse chaque jour dans la cour intérieure de la rue Griebenow, dans le nord de Berlin, où son maître le fait travailler, pour assister à l'extraordinaire performance de celui qui sera désormais nommé « Hans le malin » »

— Vinciane Despret, Hans : le cheval qui savait compter[10]

La philosophe belge Vinciane Despret souligne le long débat scientifique qui s'ensuit, autour de la question de savoir si le cheval possède ou non une intelligence conceptuelle[10]. Certains individus estiment jusque dans les années 1970 que les chevaux seraient doués de talents télépathiques[S 6]. Le psychologue allemand Oskar Pfungst démontre que Hans « triche » car il ne sait pas calculer ; il interprète en réalité le langage corporel humain d'une façon très fine afin de savoir quand arrêter de taper du sabot, ce qui donne lieu à la conceptualisation de l'effet Hans le Malin[11],[S 7].

Conséquences du cas Hans le Malin sur la recherche en cognition chevaline

Le psychologue et biologiste anglais Lloyd Morgan, théoricien du canon de Morgan.

Le primatologue et éthologue néerlandais Frans de Waal souligne que la validité du principe scientifique nommé le canon de Morgan (« Nous ne devons en aucun cas interpréter une action animale comme relevant de l'exercice de facultés de haut niveau, si celle-ci peut être interprétée comme relevant de l'exercice de facultés de niveau inférieur ») est illustrée de façon quasi-parfaite dans cette affaire Hans le Malin[12]. D'après Porcher, le canon de Morgan influence ensuite longuement la recherche sur la cognition animale[S 3].

Frans de Waal note que le résultat des expériences sur Hans le Malin a été interprété à l'époque de manière à rabaisser son intelligence, alors que ces résultats démontrent son exceptionnelle faculté de compréhension du langage corporel humain[13]. Ce que souligne aussi l'éthologue Léa Lansade, qui rappelle qu'à cette époque et jusque dans les années 1960, un animal devait développer les mêmes capacités que les êtres humains (calculer, apprendre la langue des signes...) pour être considéré comme « intelligent », alors que ces capacités ne lui sont d'aucune utilité[P 1].

L'affaire Hans le Malin a aussi pour conséquences de rendre les études subséquentes portant sur la cognition animale beaucoup plus rigoureuses dans leurs protocoles[14]. La recherche est dominée par le béhaviorisme pendant toute la première moitié du XXe siècle, puis se scinde en deux courants, avec d'un côté l'éthologie, et de l'autre la psychologie cognitive animale[S 8]. Ces deux courants donnent naissance à l'éthologie cognitive[S 8].

Mises en évidence des facultés cognitives du cheval

Petite fille touchant le bas de la tête d'un grand cheval en s'appuyant sur lui.
Une enfant câlinant un cheval de trait.

L'hypothèse béhavioriste qui faisait du cheval une « machine » réafissant à des stimuli est devenue totalement caduque, entre autres grâce au livre de Maurice Hontang Psychologie du cheval publié en 1954, puis aux travaux scientifiques plus récents[15]. Le cheval ne fait pas qu'obéir à des « routines préprogrammées », mais manifeste une « intelligence » grâce à des processus cognitifs qu'il met lui-même en œuvre[S 9]. Les publications scientifiques relatives aux facultés mentales du cheval restent cependant peu nombreuses[S 10], tout particulièrement jusqu'en 2005[S 2]. De plus, beaucoup n'étaient que des constats d'anecdotes ou des interprétations spéculatives[S 10].

Le nombre de publications scientifiques portant sur l'intelligence animale augmente à partir des années 2000[S 3]. C'est à cette époque que la discipline de l'éthologie cognitive intègre le cheval à ses sujets d'étude[S 11].

Des connaissances encore lacunaires

Le psychologue et docteur en neurosciences Michel-Antoine Leblanc constate en 2022 qu'il reste de nombreuses inconnues dans les connaissances des facultés mentales du cheval[S 10]. Les chevaux restent individuellement peu étudiés par comparaison à d'autres espèces, et particulièrement par comparaison aux Primates, qui ont bénéficié des travaux de Jane Goodall[S 12]. En 2016, Lauren Brubaker et Monique A.R. Udell soulignent qu'il existe sept fois plus d'études portant sur la cognition du rat que d'études portant sur la cognition du cheval[S 13]. Il existe aussi très peu d'études comparatives menées sur l'intelligence des chevaux en fonction de leur race, Budiansky postulant que le Quarter Horse démontre peut-être des facultés supérieures à celles du Pur-sang[16]. Parmi les questions soulevées, celle de savoir si les chevaux disposent ou non d'une conscience reste ouverte[S 9].

Un premier ouvrage consacré à l'intelligence des chevaux au travail est publié en français en 2023 par les Éditions Quæ[P 2]. Jocelyne Porcher y explique que les relations de travail constituent un terrain privilégié pour observer l'intelligence des animaux, mais que ce domaine est longuement resté sous-investi par les chercheurs[S 14].

Définition de l'intelligence du cheval

La zootechnicienne et sociologue française Jocelyne Porcher a travaillé sur l'intelligence du cheval.

Michel-Antoine Leblanc rappelle qu'historiquement, la question de l'intelligence du cheval a suscité des réponses à la fois variées et contradictoires[S 4], et qu'il n'existe pas de réponse ni de définition simple ou univoque[17],[S 15]. Pour Stephen Budiansky, décrire l'intelligence du cheval implique de définir au préalable ce qu'est l'intelligence elle-même, car cette définition varie fortement au cours de l'histoire[18].

Dans l'acceptation moderne, l'intelligence est définie comme la faculté à résoudre des problèmes, à mettre des éléments en relation les uns avec les autres, et à assimiler de nouvelles informations, davantage qu'à la démonstration d'une bonne mémoire[18]. Michel-Antoine Leblanc rappelle aussi que les manifestations d'intelligence peuvent varier très fortement chez un même individu[17] et à l'échelle d'une même espèce, par exemple avec des appétences différentes pour les relations sociales ou pour l'abstraction[S 16]. Tenter de mesurer un quotient intellectuel chez le cheval n'aurait à ce titre pas de sens[19]. Des comportements instinctifs des chevaux sont parfois qualifiés à tort d'« intelligents », par exemple sa lutte contre les insectes piqueurs, ou bien l'adaptation aux conditions climatiques (rechercher la fraîcheur en se réfugiant sur une ligne de crêtes, etc)[20].

Jocelyne Porcher rappelle que les chevaux ont « l'intelligence que les chercheurs veulent bien leur prêter », dans la mesure où ce sont ces mêmes chercheurs qui définissent les expériences et les conditions des expériences portant sur leurs capacités cognitives[S 12]. Les chercheurs sont donc juges et parties, en tant qu'êtres humains, lorsqu'ils évaluent la cognition du cheval par comparaison aux autres espèces de mammifères[21].

En raison de ces difficultés de définition, certains chercheurs préfèrent donc décrire les processus cognitifs du cheval, sans évaluer ses performances intellectuelles[S 17]. Leblanc refuse ainsi de définir si le cheval est « plus » ou « moins » intelligent que d'autres espèces animales, telles que le chien et le chat [19],[S 18]. Le cheval ayant évolué à partir d'animaux herbivores et proies au contraire des animaux domestiques tels que le chien et le chat, sa cognition et son comportement soulèvent des questions scientifiques uniques[S 1].

Une intelligence étudiée à travers l'interaction avec l'humain

Parmi les animaux domestiques, les chevaux occupent une place unique dans la mesure où leur mode de vie domestique moderne diffère fortement du mode de vie sauvage d'une part ; d'autre part, ils sont souvent entraînés de façon intensive pour accomplir des tâches dans le domaine du sport, du travail ou de la compagnie[S 13]. Le cheval est non-seulement entraîné à ignorer sa tendance naturelle à fuir les situations qui l'effraient, mais aussi à communiquer et coopérer avec une autre espèce, l'humain, qui pourrait être classée dans la catégorie de ses prédateurs[S 13].

D'après les résultats d'une enquête de la sociologue Vanina Deneux – Le Barh menée en France, et publiés en 2023, les professionnels du monde équestre parlent décrivent leurs chevaux comme des « partenaires »[S 19]. Ils reconnaissent chez leurs chevaux une intelligence situationnelle et des capacités à s'« adapter » et à prendre des « initiatives »[S 20]. La mise en avant de qualités mentales va de pair avec la difficulté du travail demandé à l'animal[S 20].

Les professionnels du secteur équestre interrogés pour cette étude insistent aussi sur l'importance des récompenses à donner aux chevaux afin de susciter de leur part une envie de collaborer, et ainsi développer leur intelligence[S 21]. L'intelligence des chevaux peut être un reflet de celle de la personne qui les forme, si cette personne mobilise efficacement des techniques de conditionnement et de renforcement positif pour former chaque animal à la manière qui correspond le mieux à ses inclinations naturelles[P 3].

Les résultats du travail entre l'humain et le cheval permettent de mettre en évidence « l’investissement et l’intelligence des chevaux dans l’activité »[S 22]. Vanina Deneux – Le Barh décrit les humains et les chevaux comme des communautés de pratiques permettant la « reconnaissance des subjectivités et des intelligences »[S 22].

« L'attelage, le dressage, la monte western, et j'en passe, sont des disciplines qui demandent non seulement une maîtrise exceptionnelle de chaque mouvement, mais aussi une compréhension synthétique et immédiate des messages du meneur ou du cavalier »

— Maria Franchini, De l'intelligence des chevaux[22]

Enfin, les diverses études menées sur la cognition équine mettent en évidence que le degré de familiarité du cheval avec l'être humain ou un autre partenaire joue un rôle important dans la manifestation de ses facultés cognitives[S 23].

Conditions d'expérience et limites

Cheval alezan examinant un chat.

Comme tout mammifère, le cheval construit sa représentation du monde à partir des informations transmises par ses sens[23],[S 24]. Cependant, le cheval expérimente le monde différemment d'un être humain[24],[25].

Les chevaux ne sont pas toujours scientifiquement testés dans des conditions d'expérience adaptées à leur espèce[26]. Budiansky et Leblanc soulignent que la tendance à comparer l'intelligence d'une espèce par rapport à celle d'une autre (le cheval est par exemple perçu comme « moins intelligent » qu'une pieuvre, ou bien comparé à un enfant de trois ans) est soumise à de nombreux biais culturels, et souffre de non-prises en compte des capacités de perception sensorielle ou des capacités de manipulation des objets[26],[S 25]. Les équidés comme le cheval n'ont pas un corps adapté à la manipulation des objets[27].

Une autre limite récurrente dans ces études réside dans le manque de prise en compte de l'état émotionnel du cheval, un animal stressé ou souffrant obtenant de moins bons résultats[28]. L'éthologue Martine Hausberger et son équipe soulignent que les conditions de vie et le respect du bien-être du cheval entrent également en considération, de mauvaises conditions de vies se traduisant par de moins bonnes performances cognitives[S 26].

L'anthropomorphisme, longtemps considéré comme « sacrilège », peut être ponctuellement utile lorsqu'il s'agit de comparer les capacités cognitives du cheval à celles de l'être humain, afin de mieux les comprendre[29]. Il serait cependant erroné de plaquer systématiquement un équivalent humain sur les comportements des chevaux, en leur prêtant des émotions et des raisonnements complexes telles que la jalousie ou la préméditation d'un acte malveillant[30].

Aptitudes cognitives du cheval

Un cerveau de couleur rose vu de profil, dans du formol.
Cerveau d'un cheval.

Comme le rappelle l'instructeur d'équitation Nicolas Blondeau, un cheval dispose de facultés d'apprentissage et d'adaptation comparables à celles d'un être humain[15]. Une formation lui permet d'acquérir des savoir-faire[15].

Il n'existe pas de preuve que les chevaux dominants dans la hiérarchie sociale de leur groupe seraient, d'une façon ou d'une autre, plus intelligents que les autres membres de leur groupe[31]. Les chevaux domestiques tendent à savoir résoudre des problèmes plus complexes que les chevaux sauvages, parce qu'ils vivent dans un environnement artificiel qui inhibe leur comportement instinctif tout en apprenant des tâches non-naturelles[S 27]. Les chevaux font preuve d'intelligence dans la résolution d'un certain nombre de tâches quotidiennes, incluant la recherche de nourriture et la gestion de l'organisation sociale[P 4].

Maria Franchini pose l'hypothèse que certains chevaux perçoivent les insectes et autres petits animaux vivants présents sur leur passage ; elle cite l'exemple d'une jument qui évitait de piétiner les insectes vivants, mais qui piétinait les insectes morts[32].

Performances des chevaux en résolution de problèmes

D'après Budianky, les chevaux ne sont pas particulièrement doués pour la résolution de problèmes[33]. La plupart des animaux carnivores, ainsi que les singes, obtiennent de meilleurs résultats, notamment pour ce qui est d'éviter des obstacles placés sur leur chemin[33].

Il pose l'hypothèse que ces performances moyennes découlent de différences entre les animaux carnivores, et les animaux herbivores comme le cheval[33]. En effet, un herbivore n'est pas habitué à anticiper les réactions d'une proie[33].

Performances des chevaux lors de tests du labyrinthe

Exemple de petit labyrinthe en forme de « T » utilisé pour les expériences sur la cognition animale.

D'après Budiansky, le cheval présente des performances honorables, mais non brillantes, dans la plupart des tests du labyrinthe[34]. Ces tests prennent typiquement la forme d'un labyrinthe en forme de « T » avec deux choix, l'un débouchant sur un cul de sac, et l'autre sur un accès à de la nourriture, de l'eau, ou des contacts sociaux avec d'autres chevaux, sans que le cheval ne puisse voir par avance ce qui se trouve au bout d'un des deux embranchements du labyrinthe[34]. Les performances d'apprentissage des chevaux soumis à ce test sont comparables à celles des poissons tropicaux, des pieuvres et des cochons d'Inde[34]. Dans l'expérience citée par Budiansky, après cinq essais, 20 % des chevaux se trompent encore de sortie[34].

Maria Franchini cite le test du labyrinthe comme un exemple de biais : les rats y obtiennent de meilleurs résultats que les chevaux, mais les rats sont des espèces souterraines habituées à se déplacer dans des environnements clos, alors qu'à l'état sauvage, le cheval vit dans de grands espaces extérieurs[28].

Mémoire

L'excellente mémoire des chevaux est l'un des rares constats qui fassent consensus à la fois chez les écuyers du XIXe siècle et chez les chercheurs modernes[35]. En 1892, le sociologue Gustave Le Bon écrit :

« La caractéristique fondamentale de la psychologie du cheval est la mémoire. Peu intelligent, il paraît doué d'une mémoire représentative fort supérieure à celle de l'homme »

— Gustave Le Bon, L'équitation actuelle et ses principes[35],[S 4]

Dans le monde équestre, de nombreuses histoires circulent à propos du souvenir que les chevaux gardent des personnes qui les ont maltraitées, au point de s'en rappeler plusieurs années plus tard[36]. Cependant Michel-Antoine Leblanc note que les travaux scientifiques ont longtemps été peu nombreux et peu pertinents, et que le consensus autour de l'excellente mémoire chevaline reposait sur des collections d'anecdotes[S 28],[35].

Le Dr R. M. Miller a posé en 1995 l'hypothèse que le cheval ait une excellente mémoire en raison de son histoire évolutive, mais sans l'associer à des preuves[S 29]. En 2009, une étude d'Evelyn Hanggi et de Jerry Hingersol met en évidence pour la première fois l'existence d'une mémoire à long terme chez le cheval, avec des souvenirs complexes (souvenirs de règles d'apprentissages et de tâches mentales élaborées) pouvant remonter jusqu'à dix ans en arrière[S 28],[S 30],[37]. Les chevaux se souviennent aussi des personnes qu'ils côtoient dans le cadre de leurs soins et de leur travail, et des interactions passées avec ces personnes, qu'elles soient positives ou négatives[S 13]. L'éthologue Marthe Kiley-Worthington témoigne d'avoir appris environ deux-cent mots différents à deux chevaux entraînés depuis qu'ils sont des poulains[38].

Concernant la mémoire à court terme, le cheval se situe dans la moyenne d'autres espèces de mammifères telles que l'âne, le chat et le chien, avec une capacité à retenir des informations sur au moins 30 secondes[39].

Visualisation spatiale

Femme Dagomba du Ghana et son cheval. Contrairement à une croyance populaire, le cheval perçoit la plupart des couleurs.

En dépit de fausses croyances relatives à une mauvaise perception visuelle[S 31], les chevaux disposent d'une bonne vue, adaptée à leur vie en milieu ouvert[S 32]. Ils sont également doués de bonnes habilités de visualisation spatiale[P 4], ce qui paraît logique dans la mesure où le cheval se repose beaucoup sur sa vue lors de ses rapports sociaux[S 32]. Leur capacité à se repérer témoigne d'un accès à une sorte de carte cognitive de leur environnement[S 33].

Les chevaux montrent de très bonnes performances sur les taches de discrimination visuelle spatiales[S 31]. Il n'existe aucun fondement scientifique au mythe qui voudrait qu'un cheval doive se faire présenter le même objet une fois devant son œil droit, puis devant son œil gauche, avant de pouvoir l'identifier[S 34],[S 35], une partie des fibres du nerf optique de chaque œil étant reliées à l'hémisphère cérébral opposé[S 35].

Hanggi cite de nombreux exemples dans lesquels des chevaux ont remarqué le déplacement d'objets de leur environnement[S 31]. Leur réaction notable lorsqu'un objet a été déplacé prouve une aptitude à identifier des modifications survenues dans leur environnement visuel[S 34]. Ces capacités de discrimination visuelle portent à la fois sur des objets concrets tels que des jouets, des portes ou des seaux, que sur des objets plus abstraits tels que des figures et des motifs rayés[S 34].

Enfin, de nombreuses anecdotes de cavaliers font part d'un sens de l'orientation poussé chez le cheval ; d'après la psychologue Sara J. Shettleworth, ce sens de l'orientation s'appuie vraisemblablement beaucoup aussi sur sa mémoire[40].

Dénombrement et catégorisation

Les chevaux sont capables de résoudre des problèmes cognitifs avancés qui impliquent la catégorisation et l'apprentissage de concepts[S 27]. La chercheuse Evelyn Hanggi et son équipe ont mis en évidence la capacité du cheval à assimiler le concept relationnel de taille, en classant des objets de taille différente[41].

L'étude de la capacité des chevaux à compter fait écho à l'affaire Hans le Malin ; il est difficile de savoir si les chevaux ont une capacité de dénombrement[42]. Il est suggéré qu'ils soient capable de dénombrer une pomme par rapport à deux et deux par rapport à trois, mais pas quatre pommes par rapport à six[43].

Toutes ces études démontrent cependant que le cheval peut accéder à une représentation mentale et effectuer des dénombrements simples[43].

Intelligence sociale du cheval

Une femme présentant la paume de sa main devant le nez d'un cheval.
Exemple de communication interspécifique par du langage corporel : ici, la femme demande au cheval de cesser son interaction.

De nombreux travaux ont mis en évidence une grande intelligence sociale chez le cheval[P 5],[S 36], les apprentissages sociaux faisant partie des apprentissages complexes[S 37].

D'après Michel-Antoine Leblanc, ces travaux prouvent que le cheval « possède une représentation riche et complexe des individus avec lesquels il se trouve en relation »[S 23]. La communication sociale visuelle, qui prédomine chez le cheval, est plus difficile à étudier que chez les espèces communiquant par le son[44].

Celle-ci découle de leur mode de vie sauvage, qui implique une vie en groupe[P 5]. Le cheval peut, par exemple, expérimenter de la contagion émotionnelle à partir du visionnage d'un film[P 5]. Il est aussi capable d'interpréter le langage corporel humain[P 6]. Maria Franchini cite l'exemple de la capacité du cheval à différencier un geste humain qui lui est bénéfique car visant à tuer un insecte posé sur lui d'un geste humain visant à le frapper, face auquel il se révolte ou tente de fuir[45].

Reconnaissance des visages et des voix humaines

Klaus Ferdinand Hempfling avec le cheval Queijo dans son école équestre, au Danemark.

Les chevaux sont capables de reconnaître individuellement les humains qui les côtoient (et de se reconnaître entre eux[S 33]. ) à partir du simple son d'une voix ou des traits d'un visage[P 7],[S 23],[46]. Une expérience a mis en évidence leur capacité à discriminer des visages sur des photographies ou dans des films[S 12], et à faire le lien entre un visage vu en photographie et la personne réelle[46]. Leurs capacités de reconnaissances du visage humain sont très fines, puisque les chevaux sont capables de différencier des photographies de jumeaux[S 38],[46]. Ils ont aussi la capacité de se souvenir de visages familiers qu'ils n'ont pas vus depuis six mois, et de les reconnaître sur photo[46],[S 39]. Il semble que la reconnaissance des visages par les chevaux soit holistique (ils reconnaissent chaque visage comme un ensemble), comme chez l'être humain[46].

Les chevaux sont aussi capables de différencier les voix humaines, et de faire le lien entre une voix entendue uniquement par haut-parleur et la voix de la personne réelle lorsqu'ils l'entendent[46]. Ils associent les voix aux expériences passées qui leur sont liées, que ces expériences soient positives ou négatives[S 40].

Différences de comportement du cheval à l'écoute d'une voix humaine associée à des expériences positives, et d'une voix humaine associés à des expériences négatives.
Étude de Serenella d’Ingeo, Angelo Quaranta, Marcello Siniscalchi, Mathilde Stomp, Caroline Coste, Charlotte Bagnard, Martine Hausberger & Hugo Cousillas, Horses associate individual human voices with the valence of past interactions: a behavioural and electrophysiological study (Les chevaux associent les voix humaines individuelles à la valence des interactions passées : une étude comportementale et électrophysiologique).

Enfin, les chevaux ont une représentation mentale intermodale de leurs congénères[S 41] et des êtres humains, associant leur visage, leur odeur et leur voix[46],[S 42],[S 43]. Les chevaux privés d'un sens disposent encore probablement à ce titre de la capacité à reconnaître les personnes, en faisant appel à leurs autres sens[S 42].

Communication interspécifique

Photographie en couleur d'un cheval de couleur rousse et blanche et d'une femme qui lui touche la tête.
Une femme et un cheval en interaction.

Les chevaux peuvent communiquer de manière interspécifique avec l'être humain s'ils en ressentent le besoin[P 8],[S 44]. Ils sont capables d'attirer l'attention de l'humain pour obtenir un accès à une source de nourriture, notamment en utilisant leur regard, éventuellement en entrant en contact physique[S 44],[S 45]. Le cheval est à ce titre la seconde espèce animale domestique, après le chien, chez laquelle cette capacité a pu être démontrée[S 46].

Une étude a mis en lumière une « amorce de communication symbolique » entre l'humain et le cheval, en donnant aux chevaux un moyen de communiquer leur préférence de porter une couverture ou non[S 47]. D'après cette étude publiée en 2016, les chevaux sont capable d'apprendre le sens de symboles par le renforcement positif (un symbole pour se faire mettre une couverture, un pour rester en l'état et un pour se faire ôter la couverture), puis de communiquer leurs préférences à un être humain en faisant appel à ces symboles[S 48],[S 49].

Dans sa communication interspécifique, le cheval peut prendre en compte le point de vue d'un être humain : mis en présence de deux personnes dont une seule sait où est cachée de la nourriture qui lui est inaccessible, il va spontanément demander de l'aide à la personne qu'il sait capable d'accéder à cette source de nourriture[P 5]. Cette capacité, considérée comme complexe à acquérir, n'a longtemps été attribuée qu'aux grands primates et aux chiens[P 5].

Les expériences sur sa sensibilité au pointage d'un objet par un être humain (désigner un objet contenant de la nourriture avec le doigt) ont permis de conclure que les chevaux accordent de l'importance au geste de pointage, mais pas de savoir s'ils l'interprètent comme un signal de communication qui leur est adressé[S 50]. Les jeunes chevaux ne semblent pas particulièrement prédisposés à tenir compte des manifestations d'attention témoignées par les êtres humains, ce qui implique que les chevaux suivent un apprentissage ultérieur pour utiliser les signaux d'attention émis par les humains[S 51].

Apprentissage interspécifique

Les chevaux peuvent acquérir de nouvelles compétences par simple observation de l'être humain[S 52]. Cela explique que des chevaux domestiques soient capables d'apprendre à ouvrir la porte de leur box, voire de manier la poignée d'une clôture électrique[P 9],[S 53].

Applications des connaissances de la cognition chevaline

Cheval du Cadre noir monté et sautant un obstacle atypique, ici une table, en suivant les instructions transmises par son cavalier.

Il existe une abondante littérature portant sur les différentes manières d'entraîner les chevaux pour l'équitation, ainsi qu'une grande diversité de méthodes d'entraînement à leur appliquer[S 13]. L'ensemble de l'industrie du cheval repose sur les apprentissages de cet animal sous contrôle humain[S 54]. L'apprentissage chez le cheval relève toutefois de modalités complexes et multifactorielles, dont le temps investi, les chevaux répondant mieux à des séances d'apprentissage quotidiennes et courtes[S 55]. D'autres facteurs à prendre en compte sont la génétique, la motivation, et l'humeur du cheval[S 56]. Le tempérament individuel de chaque cheval semble jouer un rôle dans ses facultés d'apprentissage, un animal moins émotionnel et plus calme apprenant plus rapidement[31]. La personnalité peut aussi jouer un rôle pour déterminer comment un animal donné répond à des expériences diverses[P 3].

La compréhension des capacités cognitives du cheval permet toutefois des applications concrètes pour mieux intégrer sa capacité d'apprentissage, facilitant ainsi les relations entre les chevaux et les êtres humains, ce qui peut améliorer le bien-être du cheval, son entraînement, son élevage et sa gestion quotidienne[S 7].

Réponses au conditionnement

Principes du conditionnement opérant.

La notion de « conditionnement », souvent galvaudée, désigne l'association entre un stimulus et une réponse (jusqu'à donner naissance à des habitudes), et n'implique pas que le sujet conditionné soit comparable à une machine[47]. Le conditionnement simple du cheval peut être volontaire ou bien involontaire, à l'exemple des chevaux qui s'agitent et hennissent au moment de leur repas parce qu'ils ont associé une heure spécifique ou bien un bruit dans une salle de stockage de nourriture à l'imminence de leur nourrissage[S 57].

Une série d'expériences pratiques montrent que les chevaux répondent très bien aux formes d'apprentissages simples que sont le conditionnement classique (ou conditionnement pavlovien) et le conditionnement opérant[S 2]. Ces résultats sont logiques, dans la mesure où ces techniques (récompenser le cheval ou supprimer une contrainte après un exercice réussi) sont couramment employées par les humains afin d'entraîner les chevaux aux tâches qu'ils attendent d'eux[S 2]. Le renforcement peut être positif ou négatif[S 27]. L'apprentissage par renforcement négatif chez le cheval ne devrait jamais impliquer de lui infliger volontairement une douleur, mais simplement de le placer temporairement dans une situation inconfortable (par exemple, lui faire ressentir la pression d'un licol derrière ses oreilles) jusqu'à ce qu'il modifie de lui-même son comportement afin de retrouver la sensation de confort (dans cet exemple, suivre le mouvement de la personne qui tient la longe de son licol)[S 58].

Quel que soit le mode de renforcement utilisé pour entraîner un cheval, il est important d'appliquer des techniques cohérentes à long terme[S 59]. De toutes les techniques de conditionnement opérant applicables chez le cheval, la plus efficace est le renforcement positif[S 60]. Cette efficacité dépend cependant beaucoup du maintien d'un lien entre le comportement recherché et la récompense : la récompense doit être donnée très vite après la réussite d'un exercice[S 60]. Lorsqu'un apprentissage par renforcement positif est maîtrisé, les récompenses sont raréfiées, mais il est important de solliciter cet apprentissage chez le cheval régulièrement, afin d'éviter son extinction[S 59].

Lorsqu'un renforcement négatif survient spontanément (à l'exemple du cheval qui touche une clôture électrique), il peut en résulter une mémorisation à long terme de l'expérience[S 59]. C'est pourquoi certains chevaux paniquent à la vue d'une seringue : il associent la vision de la seringue à la douleur de la piqûre qui s'ensuit[S 59].

Les chevaux sont capables d'apprendre par essai-erreur, à l'exemple de ceux qui découvrent l'usage des gros ballons (initier un léger choc sur le côté du ballon) après avoir infructueusement tenté de sauter dessus[S 61]. Certains éleveurs font appel au conditionnement par empreinte d'apprentissage, en habituant le poulain tout jeune à la présence d'êtres humains et de chiens[S 61]. Le recours au chainage peut aussi être utile dans l'apprentissage du cheval[S 62], par exemple pour lui apprendre des mouvements complexes tels que la révérence, étape par étape[S 63].

Réponses à l'habituation et à la désensibilisation

Jeune cheval islandais désensibilisé à un sac plastique.

Les chevaux répondent également bien à l'habituation et à la désensibilisation[S 27].

L'habituation est un processus d'apprentissage qui consiste à permettre au cheval de filtrer des perceptions dans son environnement en ne les assimilant plus à des dangers potentiels (par exemple, des sacs plastique qui volent ou bien des cordes qui flottent au-dessus de sa tête)[S 64].

La désensibilisation consiste à exposer régulièrement le cheval à un stimulus qui déclenche chez lui une réaction, jusqu'à l'extinction de cette réaction[S 65].

Polémiques et idées reçues

Un homme âgé aux cheveux gris est assis souriant.
L'essayiste et généticien Axel Kahn.

La Dr en biologie du comportement animal Evelyn B. Hanggi souligne la perpétuation de fausses croyances qui attribuent au cheval des capacités limitées, postulant par exemple qu'il réagirait uniquement par instinct ou ne répondrait qu'à des conditionnements, sans démontrer d'aptitudes cognitives ; ces fausses croyances existent toujours dans certains milieux professionnels équestres[S 2]. La journaliste équestre Maria Franchini témoigne en 2009 de ce qu'elle entend souvent évoquer de très faibles capacités intellectuelles chez le cheval, que ce soit dans des écuries ou dans de grands médias[21]. L'un des arguments fallacieux les plus fréquemment utilisés voudrait que l'intelligence soit incompatible avec le fait de se laisser chevaucher ou bien maltraiter par des humains, quand bien même la maltraitance existe aussi entre les êtres humains, sans avoir pour cause une intelligence réduite[48].

Invité lors de l'émission La Tête au carré du , le généticien Axel Kahn a soutenu que les chevaux ont des capacités intellectuelles beaucoup plus limitées que les poulpes, les Primates et les Cétacés, en citant l'exemple d'un test du miroir durant lequel les chevaux ont attaqué le miroir placé face à eux[49]. Maria Franchini déplore que cette déclaration lors d'une émission à grande écoute ait pu donner naissance à des idées reçues[28]. Leblanc rappelle que le seul test du miroir n'est peut-être pas suffisant pour permettre d'affirmer ou non qu'une espèce accède à la conscience de soi[S 66]. Il cite l'étude de Paul Baragli et de ses collègues publiée en 2017, dans laquelle les chevaux soumis au test du miroir ont manifesté des signes clairs de distinction entre ce qu'ils voyaient dans le miroir et un animal réel, mais aucun signe pouvant permettre de conclure qu'ils se reconnaissaient eux-mêmes dans ce miroir[S 67].

L'intelligence du cheval dans la culture

Couverture verte d'un livre sur laquelle est dessinée la silhouette de la tête d'un cheval noir.
Dans le roman Black Beauty d'Anna Sewell, le cheval-narrateur est présenté comme un être intelligent.

La Pr Sylvine Pickel-Chevalier et la Dr Gwenaëlle Grefe identifient un modèle archétypal du cheval dans la littérature d'enfance et de jeunesse et le cinéma jeunesse, qu'elles nomment « cheval-amour », et dont des exemples représentatifs sont les productions culturelles autour de L'Étalon noir, Crin-Blanc, Black Beauty, Crinière au vent, les romans films et séries Mon amie Flicka et Cheval de guerre, et les films Spirit et Whisper[S 68]. Dans ce type de scénario « focalisé sur l’histoire d’amour réciproque entre un protagoniste humain, généralement un enfant, et un équidé », elles notent que le cheval, « élevé au rang de héros de l’épopée jusqu’à en devenir parfois le narrateur », est singularisé par des caractéristiques physiques et comportementales, dont font partie l'intelligence[S 68]. Cependant, la description des capacités du cheval y est souvent teintée d'anthropomorphisme[S 68].

« Après tout, peut-être l'étalon n'est-il pas entré dans le parc et se cache-t-il dans quelque coin de la ville ?... Mais non ! Black est bien trop intelligent pour rester dans les rues ! »

— Walter Farley, L'Étalon noir[50]

Dans son livre pour la jeunesse Le cheval savant (1991), Laurent Cresp raconte l'histoire d'un cheval intelligent qui vit à Istanbul, et qui souhaite être traité comme un être sensible[P 10].

Notes et références

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Annexes

Articles connexes

Bibliographie

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Sources de vulgarisation