Château de La Haye-du-Puits

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Château de La Haye-du-Puits
Tour-porte du Shell-Keep de La Haye-du-Puits. Le renflement à l'angle de la tour atteste de la présence de l'escalier à vis.
Présentation
Type
Fondation
XIe siècleVoir et modifier les données sur Wikidata
Style
Patrimonialité
État de conservation
Localisation
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Le château de La Haye-du-Puits est un ancien château fort, des XIe et XIIe siècles, érigé sur motte, dont les ruines se dressent sur le territoire de l'ancienne commune française de La Haye-du-Puits, dans le département de la Manche, en région Normandie. Le château fut le siège d'une importante baronnie normande.

Les ruines de l'ancien château sont classées aux monuments historiques.

Localisation[modifier | modifier le code]

Les vestiges du château sont situés à l'entrée nord du bourg de La Haye-du-Puits, au sein de la commune nouvelle de La Haye, dans le département français de la Manche.

Historique[modifier | modifier le code]

Dans la première moitié du XIe siècle[1] il est fait mention du bourg fortifié et du château de La Haye-du-Puits. Ce dernier aurait, selon l'érudition normande, été fondé par Richard Turstin Haldup[note 1], baron de La Haye-du-Puits et du Plessis, et également probable fondateur en 1056, avec sa femme Anne ou Emma[note 2], et son fils Odon ou Eudes au Capel ( 1098), de l'abbaye de Lessay près de Coutances[note 3]. Toutefois rien ne permet de confirmer cette tradition[3]. Le château est attesté dans les textes en 1082, date à laquelle le comte Robert de Mortain, frère utérin de Guillaume le Conquérant, effectua une donation portant sur les revenus du tonlieu, sur le « moulin placé devant la porte » et sur la laine des bergeries du château de La Haye-du-Puits. La prise de contrôle du fief par les héritiers de Tustin Haldup n'est pleinement avérée qu'au milieu du XIIe siècle, lorsque Richard de La Haye est en mesure de concéder à son tour des droits sur l'église, le tonlieu et la foire de la Haye-du-Puits[3].

Robert de La Haye dit Senior († v. 1154/1155), fils de Raoul, et neveu d'Odon mort sans postérité, hérite de la seigneurie. Robert, qui sera sénéchal d'Henri Ier d'Angleterre, et son épouse Muriel de Colswein de Lincoln, eurent deux fils : Raoul, seigneur de Montchaton, dont descendance et Richard[4], baron de La Haye. Ils furent tous eux à la défense de Cherbourg contre Geoffroy Plantagenêt[5].

Richard de La Haye ( 1169), fils de Robert et de Muriel, sera connétable de Normandie, sénéchal du roi d'Angleterre Henri II d'Angleterre. Il épouse, en 1140, Mathilde de Reviers-Vernon, dame de Varenguebec, et fondent en 1154 l'abbaye de Blanchelande[6]. Ils eurent trois filles, dont l'aînée, Gillette de La Haye, épousera Richard II du Hommet, faisant passer la baronnie de La Haye dans la famille du Hommet[4], qui passera ensuite dans celle de Mortemer[7],[note 5]. Les Mortemer[note 6] conserveront la baronnie de La Haye-du-Puits jusqu'en 1356[9]. Jean II de Mortemer, fait prisonnier à la bataille de Poitiers en 1356, fut contraint de vendre la baronnie pour payer sa rançon. C'est son neveu, Mathieu Campion, fils de sa sœur, qui lui acheta La Haye-du-Puits[9]. La sœur de Mathieu, Jeanne Campion héritière de la baronnie la transmit à son époux Henri de Colombière[6],[note 7]. Par quittance du , Henri de Colombières reçu du roi Charles V une somme de 200 francs or « pour lui aidier à faire redrecier et reparer son chastel de la Haie du Puis ». Le le chevalier Roger de Bricqueville rend aveu de sa baronnie « où il y a chastel, chastellenie où il est dû service de gens d'armes pour la garde de la porte d'iceluy ». Dans la seconde phase de la guerre de Cent Ans, Henri de Colombières, fidèle au roi de France, se vit dépouiller de son domaine que le roi d'Angleterre donna en fief d'abord au duc de Bedfort puis au duc de Gloucester[6]. Par ordonnance du la forteresse qui n'est plus en état d'offrir « aucune résistance contre les ennemis et adversaires du Roy », est à nouveau réparée « tant de machonneries, carpenterie, couvertures de pierre que aultres choses appartenantes a ladicte reparaction et emparement ». Un « Journal de la recette de la Haie du Puits » pour l'année 1454, mentionne le devoir qui était imposé à certains tenanciers de « nettoier les chambres et la salle du château à Noël, Paque, Saint-Jean et Saint-Michel »[3].

En 1491[9], François de Colombières, après avoir affermée la seigneurie, il la vend à Guillaume de Cerisay, pour son fils Christophe de Cerisay, futur bailli du Cotentin[6]. En 1511[9], Jean de Magneville acheta à Christophe de Cerisay, époux de Françoise de Magneville, la baronnie. C'est à son fils et héritier, Arthur de Magneville ( 1556 en son château, et inhumé dans l'église du lieu)[note 8], qu'il convient d'attribuer la phase Renaissance de réaménagement de la basse-cour au début du XVIe siècle, et telle qu'elle subsiste partiellement aujourd'hui.

Le château est ensuite entre les mains de Pierre de Sortosville (1648), Louis du Fay, magistrat au Parlement de Rouen, Pierre de Motteville, dont les descendants le conserveront jusqu'en 1759. À cette date, c'est le marquis de Thieuville (Hervé-Charles-François de Thieuville) qui en fait l'acquisition. Au moment de la Révolution c'est le marquis Caillebot de la Salle (Marie-Louis Caillebot de la Salle) qui en est le propriétaire[6]. Le château fut largement démoli et arasé au début des années 1830[11].

Description[modifier | modifier le code]

Le château, des XIe et XIIe siècles[12] était bâti sur une motte féodale en tronc de cône très endommagée, d'une hauteur variant entre 6 et 7 mètres, aménagée en petites terrasses, et dont la base est flanquée d'un imposant monument aux morts[13]. Il n'en subsiste que des vestiges, la plupart des murailles se sont écroulées dès 1850, et les restes du château ont également subi des destructions pendant la bataille de La Haye-du-Puits en 1944. Les élévations antérieures nous sont connus uniquement par les dessins réalisés vers 1820 pour Charles de Gerville et par une lithographie de Godefroy Engelmann, parue dans l'atlas des Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, en 1825.

Seul la tour-porte quadrangulaire, haute de trois étages, est encore visible de nos jours. Elle fut remaniée aux XVe et XVIe siècles[12] avec le percement des baies et son couronnement de mâchicoulis reposant sur d'imposant corbeaux. C'est une tour massive carrée d’environ 5 mètres de côté pour une hauteur totale de plus de 20 mètres à partir de la route. Outre une tourelle octogonale d'époque Renaissance, des arrachements de courtines présents sur les deux flancs de l'imposante tour-porte laisse suggérer une haute chemise aujourd'hui disparue, de plan grossièrement circulaire qui englobait toute la superficie sommitale de la motte. Selon Christian Corvisier[14], nous serions donc en présence d'une motte fortifiée du type shell-Keep de l'époque ducale, type peu courant dans la région[1],[15]. Seule la comparaison avec d'autres Shell-Keeps normands mieux documentés tels que ceux d'Argentan et de Vatteville-la-Rue, permet d'en rattacher la construction à l'époque ducale. Les deux autres donjons annulaires en Cotentin, Carentan et Néhou, qui ont malheureusement disparu comprenaient comme attribut commun une haute tour-porte, contrôlant l'accès à des bâtiments résidentiels regroupés à l'intérieur de l'enceinte[16].

La tour est percée d'un passage piétonnier, large porte en arc brisé, précédée d'une herse dont on voit encore le système de relevage, et qui donnait accès à l'intérieur de l'enceinte. Deux des quatre étages supérieurs, desservis par un escalier à vis, qui compte 72 marches, étaient dotés de cheminées et communiquaient avec les bâtiments adjacents, adossés à l'intérieur du rempart. Selon Charles de Gerville, ces bâtiments étaient encore, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, toujours habités noblement et comportaient « une immense salle qui occupait presque entièrement le rez-de-chaussée ». La tour-porte telle qu'elle se présente à nous semble dater de la première moitié du XVe siècle, résultant des travaux de reconstruction ordonnés par l'occupant anglais. Au siècle suivant, elle bénéficia d'autres aménagements (percements de baies, insertion de nouvelles cheminées…). La salle du rez-de-chaussée a conservée en partie son plafond voûté[17].

Il reste par contre en face de la rue un « second château », ancien manoir, qui fut construit par Arthur de Magneville au début du XVIe siècle et remanié au XVIe – XVIIe siècle[1]. L'ensemble fut construit de l'autre côté des douves et donne par sa composition une impression de « basse-cour ». L'édifice comporte plusieurs tours et une cave avec des voûtes. Une porte Renaissance ouvragée permet d'accéder à la tourelle flanquant l'un des bâtiments.

Honneur de La Haye[modifier | modifier le code]

Au XIIe siècle, l'honneur de la famille de La Haye comprend vingt-six fiefs que se partagent les deux chefs-lieux d'honneur, celui de La Haye et celui du Plessis. Neuf seigneurs se partagent les vingt-six paroisses de l'honneur, les fiefs de chacun d'entre eux sont souvent groupés[4].

De Plessis jusqu'à la côte ouest, l'honneur, comprend les paroisses de Gorges, Laulne, Vesly, Angoville-sur-Ay, Mobecq, Montgardon, Glatigny, Surville et Bretteville-sur-Ay. Au nord les paroisses de Sainte-Suzanne, Varenguebec, Doville, Cretteville, Coigny, Appeville et Blosville, puis dispersés, plus au nord, sur la côte ouest du Cotentin, Portbail, Fierville-les-Mines, Les Moitiers-d'Allonne, et encore plus au nord, près de la côte est : Ravenoville et Anneville-en-Saire, et enfin à la lisière et dans la forêt de Brix qui occupe tout le centre nord : Le Mesnil-au-Val, Saussemesnil, Tamerville, Martinvast et Sideville. Outre les deux mottes de La Haye-du-Puits et du Plessis, on dénombrait six mottes sur l'ensemble des fiefs, dont une est encore visible[4].

Possesseurs[modifier | modifier le code]

  • Richard Turstin Haldup (XIe siècle)
  • Odon ou Eudes au Capel, fils du précédent
  • Robert de La Haye dit Senior, neveu du précédent
  • Richard de La Haye ( 1169), fils du précédent
  • Gillette de La Haye, fille du précédent
  • Famille du Hommet (par mariage)
    • Richard II du Hommet (v. 1200), époux de la précédente
    • Guillaume III du Hommet (1200)
    • Jean Ier du Hommet ( 1253)
  • Famille de Mortemer
    • Robert Ier de Mortemer (1271-1277)
    • Robert II de Mortemer (1277)
    • Guillaume de Mortemer
    • Guillaume de Mortemer
    • Robert III de Mortemer
    • Jean II de Mortemer (vend en 1356)
  • Mathieu Campion (1356), neveu du précédent
  • Jeanne Campion, sœur du précédent
  • Henri de Colombières (1375), époux de la précédente
  • Intermède anglais
    • duc de Bedfort
    • duc de Gloucester
  • François de Colombières (vend en 1491)
  • Christophe de Cerisay (1491-1511)
  • Famille de Magneville (achat en 1511)
    • Jean de Magneville
    • Arthur de Magneville, fils du précédent
  • Pierre de Sortosville (1648)
  • Louis du Fay
  • Pierre de Motteville
  • Hervé-Charles-François de Thieuville (achat en 1759)
  • marquis Caillebot de la Salle (1775-Révolution)

Protection aux monuments historiques[modifier | modifier le code]

Les ruines de l'ancien château sont classées au titre des monuments historiques par liste de 1840[18].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Ou encore Thorsten Haldup, Turstin Haloup dit « Richard ».
  2. Tante de Guillaume le Conquérant, nommée aussi : Emme, ou Anna.
  3. Ce qui laisse supposer que le château est antérieur à cette date[2].
  4. Michel Pinel donne le nom de Gilbert de Canville[8].
  5. Richard, accorda une autre de ses filles, Nicole ou Nicolasse de La Haye, au baron anglo-normand membre de la noblesse anglaise, Gérard de Canville[note 4], également châtelain du château de Lincoln dans le Lincolnshire. Les titres ont été confirmés par une charte du roi Richard Cœur de Lion en 1189.
  6. Les Mortemer portaient fascé d'or et de simple à 24 fleurs de lys de l'un en l'autre.
  7. Selon André Davy, la baronnie passa dans la famille de Colombières en 1414[9].
  8. Son monument funéraire, classé à titre d'objet aux monuments historiques[10] se dresse dans l'église Saint-Jean-l'Évangéliste de La Haye-du-Puits. Arthur de Magneville portait « de gueules à l'aigle aux ailes éployées d'argent becqué et nimbé de gueules ».

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Charles-Laurent Salch, Dictionnaire des châteaux et des fortifications du Moyen Âge en France, Strasbourg, Éditions Publitotal, , 28e éd. (1re éd. 1979), 1304 p. (ISBN 2-86535-070-3, OCLC 1078727877), p. 605.
  2. Florence Delacampagne, « Seigneurs, fiefs et mottes du Cotentin (Xe – XIIe siècle) : Étude historique et topographique », dans Archéologie médiévale, t. 12, (lire en ligne sur Persée.), p. 179.
  3. a b et c Deshayes 2022, p. 35.
  4. a b c et d Delacampagne 1982, p. 185.
  5. André Davy, Les barons du Cotentin, Condé-sur-Noireau, Éditions Eurocibles, coll. « Inédits et introuvables du patrimoine Normand », , 319 p. (ISBN 978-2-91454-196-1), p. 56.
  6. a b c d et e Michel Hébert et André Gervaise, Châteaux et Manoirs de la Manche, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, , 176 p. (ISBN 978-2-847-06143-7), p. 42.
  7. Georges Bernage, « La presqu'île du Cotentin - Le Bauptois », dans La Normandie médiévale : 10 itinéraires, Éditions Heimdal, coll. « La France Médiévale », , 174 p. (ISBN 2-902171-18-8), p. 20.
  8. Michel Pinel, Le château et les seigneurs de La Haye-du-Puits : Mille ans d'histoire en Normandie, Valognes, Éditions Michel Pinel, , 207 p. (ISBN 2-9516723-14), p. 18.
  9. a b c d et e Davy 2014, p. 59.
  10. « Monument funéraire d'Arthur de Magneville, baron de la Haye-du-Puits », notice no PM50000528, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  11. Deshayes 2022, p. 36.
  12. a et b Norbert Girard et Maurice Lecœur, Trésors du Cotentin : Architecture civile & art religieux, Mayenne, Éditions Isoète, , 296 p. (ISBN 978-2-913920-38-5), p. 70.
  13. Delacampagne 1982, p. 195.
  14. Christian Corvisier, « Les Shell-Keeps ou donjons annulaires, un type architectural anglo-normand ? » dans Bulletin trimestriel de la Société de Géologie de Normandie et des Amis du Muséum de Havre, t. 84, fasc. 3 et 4, 1997, p. 71-82.
  15. Damien Bouet, « Châteaux romans de Normandie », Moyen Âge, no 131,‎ novembre-décembre 2022, janvier 2023, p. 8 (ISSN 1276-4159).
  16. Deshayes 2022, p. 37.
  17. Maurice Lecœur, Le Moyen Âge dans le Cotentin : Histoire & Vestiges, Isoète, , 141 p. (ISBN 978-2-9139-2072-9), p. 29.
  18. « Ruines de l'ancien château », notice no PA00110428, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Julien Deshayes, « Le château de La Haye-du-Puits », Moyen Âge, no 131,‎ novembre-décembre 2022, janvier 2023, p. 34-37 (ISSN 1276-4159).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]