Miss.Tic

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Miss.Tic
Miss.Tic, à la galerie Lelia Mordoch, à Paris, en juillet 2012, lors d'un tournage d'un portrait d'elle par la réalisatrice Agnès Varda.
Naissance
Décès
Période d'activité
Nom de naissance
Radhia AounallahVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonyme
Miss.TicVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
Lieu de travail
Père
Mohammed Aounallah (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mère
Ginette Baudin (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Site web

Miss.Tic est une artiste plasticienne et poète d'art urbain née le à Paris. Ses œuvres apparaissent dans le paysage pictural et urbain à partir de 1985.

Biographie

Née à Montmartre d’un immigré tunisien, tantôt ouvrier, tantôt fort des Halles, et d’une mère « paysanne éclairée »[1], Miss.Tic grandit sur la Butte, le quartier des poètes, des peintres et des prostituées ; plus tard, devenue une figure de l'art de la rue, elle utilisera souvent la référence à ce quartier dans ses œuvres et ses performances.

En 1964, changement de décor, sa famille s’installe à la Cité des aviateurs à Orly. En 1966, sa mère, son frère et sa grand-mère meurent dans un accident de voiture ; les séquelles de ce drame feront d’elle une « gauchère obligée »[2]. En 1972, son père décède d’une crise cardiaque ; elle a seize ans. À la fin de ses études secondaires, elle se forme pendant plusieurs années au gré de travaux d’arts appliqués – décor de théâtre[3], maquette, photogravure[4] –, puis part s'installer en Californie au début des années 1980.

Ses débuts

De retour en France , à la suite d’un dépit amoureux, Miss.Tic décide d’utiliser ce dissentiment comme une pratique artistique, avec le pochoir à la bombe comme technique, et les murs comme support[5]. Bien que n’ayant suivi aucune formation en école d’art, cette aventurière en poésie ne manque pas de prétentions plastiques. Ses autoportraits, encore sommaires, sont rehaussés d’épigrammes à base de jeu de mots, de calembours, qui composent une chronique de son existence.

Le pseudonyme qu'elle se choisit, emprunté au personnage de sorcière railleuse Miss Tick[2] du Journal de Mickey, est dans l’esprit de ces années-là. Beaucoup de jeunes peintres s’affublent en effet de surnoms puisés dans les bandes dessinées, tels Placid et Muzo, les frères Ripoulin, les Musulmans fumants, Blek le rat, Speedy Graphito ou encore Paëlla Chimicos. Cette tendance « gros bêta » et irrévérencieuse est en rupture avec l’intellectualisme abstrait ou métaphysique des décennies précédentes.

En 1985, Miss.Tic a donc trouvé son style mais aussi ses lieux d’intervention : les quartiers de Ménilmontant, Montmartre, le Marais, Montorgueil, la Butte-aux-Cailles[6]. Elle est surtout la première à utiliser les murs pour raconter sa vie, ses désirs, ses ruptures sentimentales, ses travers, ses fantasmes, comme lieu d’expression directe et synthétique[5].

Bien que vite repérée pour sa singularité, Miss.Tic reste pourtant en marge du milieu de l’art. Le pochoir est alors perçu comme un mode mineur ; au mieux une œuvre éphémère, au pire une dégradation de bâtiments. Mais Miss.Tic n’est pas la seule à subir cet ostracisme. Les jeunes graffitistes sortis des années 1980, comme leurs prédécesseurs que sont Ernest Pignon-Ernest, Ben, ou encore des artistes classés dans le Nouveau Réalisme tels Jacques Villeglé ou Raymond Hains, sont mal considérés. Il faudra longtemps avant que ce préjugé du milieu de l’art ne s’inverse[n 1].

Jouer avec les stéréotypes

Fichier:Paris Miss.Tic.JPG
Miss-Tic: Street Art à Paris 2008 "Quand le vain est tiré il faut le boire"

Miss.Tic affirme une déclinaison bien à elle, en jouant sur les stéréotypes de la femme séductrice : le fétichisme, où se croisent la robe fourreau, le décolleté, les porte-jarretelles, les bas, les lanières, le fouet, les gants montants, vient percuter ses épigrammes poétiques. Ce contraste fait imploser l’expression aguicheuse du dessin. Son œuvre provoque un questionnement, foulant aux pieds les archétypes de la « femme marchandise »[2].

Déjouant la fausse perfection de la publicité et les redondances du slogan, Miss.Tic interpelle, ce qui est l’essence même d’une œuvre : « Les images de femmes que je représente sont issues des magazines féminins, je les détourne. Je développe une certaine image de la femme non pour la promouvoir mais pour la questionner. Je fais une sorte d’inventaire des positions féminines. Quelles postures choisissons-nous dans l’existence ? »[5].

En 1992, un incendie ravage son atelier, détruisant les matrices des années 1980. Miss.Tic n’en poursuit pas moins son activité, avec sa charte noire et rouge, ses silhouettes et ses phrases. C’est aussi le temps des premières expositions régulières. Au cours des années 1990, on en dénombre une vingtaine, personnelles ou collectives, dans de petites galeries parisiennes ; des expositions associées parfois à des performances déclamatives, qu’il s’agisse de ses propres textes, de mémoires de prostituées, ou de poésies de Jacques Prévert… Cette décennie se conclut par l’édition d’un premier livre, Je ne fais que passer, édité en 1998.

Toutefois, en ville, la multiplication des tags et des bombages est perçue par les autorités comme l’une des expressions de l’insécurité. Cette situation génère des complications : « Dire que la poésie est un sport dangereux est tout sauf accessoire »[5]. En 1997, Miss.Tic n’échappe pas à une arrestation et à un procès pour détérioration d’un bien par inscription, signe ou dessin, qui se conclut, en janvier 2000, devant la cour d’appel de Paris[5] par une amende de 4 500 .

Revoir ses classiques

La fin de la décennie 1990 et le début des années 2000 sont marqués par la suprématie de l’art conceptuel, de l’installation, du land art, de la vidéo et du multimédia. Miss.Tic subit toujours, comme les autres figures de l’art mural, le scepticisme des marchands et des musées. En 1999, elle se retrouve sur presque tous les murs de France en signant l'affiche de la Fête de l'Humanité ce qui gonfle conséquemment sa notoriété. Cependant, en 2002, son exposition à la fondation Paul Ricard, « Muses et Hommes », amorce un nouvel élan. Avec un brin d’arrogance et comme pour signifier une continuité avec les maîtres de la peinture, elle y réinterprète un certain nombre d’œuvres de maîtres anciens (Le Caravage, Rubens, Raphaël, Delacroix, David, Gauguin, Manet, Toulouse-Lautrec, Gustave Moreau[4]…), rehaussées de charges critiques, de jeux de mots scabreux, « Femme au bord d’elle même » qui rappellent Marcel Duchamp[Quoi ?].

Miss.Tic l’artiste éphémère démontre qu’elle est devenue une authentique artiste plastique, maîtresse de son trait et de son style. Le graphisme de la signature a aussi évolué : « l’ensemble combine obliques dynamiques, ondulations variables et équilibre global »[5]. En 2003, un nouveau livre aux éditions Alternatives, avec une préface de Régine Deforges, vient confirmer la persévérance, sinon la maturité, de « femme mur »[2].

Incarner la femme libre

Ce n’est qu’à partir du milieu des années 2000 que Miss.Tic se défait d’une marginalité jusqu'alors inconfortable : « Ce qui était dans les années 1980 de la culture underground ou de la contre-culture est devenu une référence socioculturelle. Miss.Tic et la génération d’artistes qui l’accompagnent ayant modifié peu ou prou nos repères esthétiques et moraux (p. 157[5]) ». Les institutions commencent donc à accréditer certains artistes de ce mouvement, essentiellement masculin, dans lequel Miss.Tic incarne la femme libre et indépendante, en syntonie avec l’évolution des mœurs. « Contrairement à beaucoup d'artistes qui viennent de la rue, Miss.Tic a su créer un langage et le faire évoluer », remarque le commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint Cyr[n 2],[3].

La presse nationale se met à lui consacrer de longs articles[7]. Un fan-club[8] est créé et soutient sa campagne « Miss.Tic Présidente » où elle aborde la politique[n 3] par anti-slogans.

Des marques s’intéressent à son travail, à son image de Parisienne et de sorcière ludique : loueur automobile, maroquinier, couturier, papetier[9]

Les expositions dans des galeries de renom se font plus fréquentes. Des foires d'art contemporain l’invitent, à Venise ou à Miami. En 2007, Miss.Tic entre dans la collection du Victoria and Albert Museum de Londres. Le cinéaste Claude Chabrol lui demande de réaliser l’affiche de son film La Fille coupée en deux.

Des commandes publiques surviennent : à Lyon, le ministère du Logement et de la Ville; sous la tutelle de Christine Boutin; lui commande plusieurs pochoirs en 2007, sous l'intitulé Réunions de chantier. La même année, la ville d’Orly[5] lui commande une œuvre pour la façade de la résidence d’étudiants Léo-Ferré ; une consécration, en même temps qu’un émouvant retour aux sources.

Si son travail présenté en galerie évolue, les couleurs et les supports aussi : toiles, plaques d’acier rouillé, parpaings, papiers déchirés et collés donnent une nouvelle dimension plastique à son œuvre. Ses compositions comme son trait affichent une pleine maîtrise, d'un niveau jamais atteint.

Les éditions Grasset publient, en novembre 2008, un recueil de ses phrases et de ses dessins, sous le titre Je prête à rire mais je donne à penser. En mai 2010, une rétrospective de son œuvre est organisée à Singapour[n 4] avec le soutien de l’Alliance française. Fin 2010, a lieu à Paris[n 5] une grande exposition dans laquelle l'artiste présente, sur de nouveaux supports d'affiches lacérées et de palissades de bois blanc, une variation sur le thème de l'amour, entre passion et illusion. Parallèlement, est publié un livre d'images et de textes personnels[n 6], parfois intimes, écrits par Miss.tic.

Le 8 mars 2011, La Poste émet lors de la Journée des femmes des timbres reproduisant des œuvres de Miss.Tic, inspirées de ses pochoirs[10],[11]. Au cours de l'été 2011, l'Institut français de Berlin expose pendant dix semaines, sous le titre « Bomb it », une quarantaine de ses œuvres produites ces dix dernières années[12].

Le 18 octobre 2013, l'Agglomération de Montpellier choisit Miss. Tic pour la réalisation du design de la 5e ligne de tramway de son réseau[13], prévue en 2017. Elle succède ainsi à Garouste et Bonetti (design lignes 1 et 2), et à Christian Lacroix (design lignes 3 et 4).

Principales expositions personnelles

  • 1986 : Première exposition, librairie Épigramme, Paris
  • 1987 : « Miss.Tic au Marienbad », Saint-Étienne
  • 1989 : « Fragments et Multiples », galerie Couleur, Paris
  • 1990 : « Miss.Tic », galerie Christophe, Paris
  • 1991 : « Miss.Tic », galerie Sanguine, Paris
  • 1994 : « Tout achever sauf le désir », EPITA, Paris
  • 1995 : « Je ferai les trottoirs de l'histoire de l'art », FIAP, Paris
  • 1997 : « L’art me ment », galerie Sacha Tarasoff, Paris
  • 1999 : « Je ne fais que passer », galerie La Pochade, Paris
  • 2000 : « Muses et Hommes », espace Paul Ricard, Paris
  • 2000 : « Dangereuse sous tous rapports », palais de justice, Lyon
  • 2001 : « Les actes gratuits ont-ils un prix ? », galerie Artazart, Paris
  • 2001 : « Je t’aime temps », rétrospective 1985/2001, espace Envie d’art, Paris
  • 2001 : « Héroïne », galerie Bernard Guillon, Paris
  • 2002 : « Muses et Hommes », château de Cadillac, monuments nationaux, Cadillac
  • 2002 : « Miss.Tic Erotic », galerie Artitude, Paris
  • 2003 : « Vain cœur vain cul », galerie Au-dessous du Volcan, Paris
  • 2003 : « Une Nuit avec Miss.Tic », galerie Artazart, Paris
  • 2003 : « Miss.Tic », galerie Papegoyen, Oslo, Norvège
  • 2004 : « Femme mur », Nuts Gallery, Paris
  • 2004 : « Miss.Tic Attak », galerie Fanny Guillon-Laffaille, Paris
  • 2005 : « Maudites sorcières », galerie W, Paris
  • 2005 : « Quand on aime, on a toujours 20 ans », galerie W, Paris
  • 2006 : « Parisienne », galerie Lélia Mordoch, Paris
  • 2006 : « Femmes capitales », mairie du XIIIe, Paris
  • 2007 : « Miss.Tic Présidente », galerie de la Butte aux Cailles, Paris
  • 2007 : « Toi et Moi » (avec Jean Faucheur), galerie Chappe, Paris
  • 2008 : « Je crois en l'éternel féminin », galerie Fanny Guillon-Laffaille, Paris
  • 2008 : « Je t'ai fait marcher. Je t'ai fait courir. Je te ferai tomber », Le M.U.R.
  • 2008 : « Je prête à rire, mais je donne à penser », galerie W, Paris
  • 2009 : « Go Homme », galerie Lélia Mordoch, Paris
  • 2010 : « Folle à délier », galerie Fanny Guillon-Laffaille, Paris
  • 2010 : « Parisienne », Ion Art Gallery, Singapour
  • 2011 : « À la Vie A l'Amor », galerie W, Paris
  • 2011 : « Bomb it », Institut français, Berlin
  • 2012 : « Secret d'atelier », galerie Lélia Mordoch, Paris ;
  • 2012 : « L'Étoffe des Eros », livre d'artiste numéroté, joint aux trente tableaux de « Secret d'atelier »
  • 2013 : « Les Uns et les Unes », galerie W, Paris
  • 2014 : « Miss.Tic », Institut français de Barcelone, Espagne
  • 2014 : « Miss.Tic », galerie Bertheas Les Tournesols, Saint-Étienne
  • 2014 : « Les Uns et les Unes (suite) », galerie L'Œil 0uvert, Paris

Collections et commandes publiques

  • 1989 : Fonds municipal d'art contemporain, Paris
  • 2005 : Victoria and Albert Museum, Londres
  • 2007
    • Ministère du logement et de la ville, place Bellecour, Lyon
    • Mairie d'Orly, mur de résidence d'étudiants Léo-Ferré
  • 2013 : Aménagement intérieur et extérieur du tramway de la ligne no 5 de la ville de Montpellier, France

Foires d'art contemporain

  • 2007
    • Art Miami, galerie Lélia Mordoch, Miami, USA
    • Palmbeach 2, galerie Leila Mordoch, Palm Beach, USA
    • Venice international art fair, galerie Leila Mordoch, Venise, Italie
    • Les Élysées de l'art, galerie Lélia Mordoch, Paris, France
    • Bridge Art art fair, galerie Lélia Mordoch, Miami, USA
  • 2008
    • Palmbeach 3, galerie Leila Mordoch, Palm Beach, USA
    • Slick Art Fair, galerie Lélia Mordoch, Paris, France
  • 2009
    • Les Élysées de l'art, galerie Lélia Mordoch, Paris, France
    • Slick Art Fair, galerie Lélia Mordoch, Paris, France
  • 2010
    • Art Miami, galerie Lélia Mordoch, Miami, USA
    • Les Élysées de l'art, galerie Lélia Mordoch, Paris, France

Publications

Ouvrages sur Miss.Tic

Notes et références

Notes

  1. Jacques Villeglé voit sa première exposition, « La comédie urbaine », au Centre Georges-Pompidou, en septembre 2008 ; il est alors âgé de 82 ans.
  2. Pierre Cornette de Saint-Cyr a été président du Palais de Tokyo
  3. Ses pochoirs sont publiés régulièrement dans deux hebdomadaires satiriques, Siné Hebdo (qui disparaît en mars 2010), puis La Mèche (dont le premier numéro paraît en septembre 2010).
  4. ION Art Gallery, Singapour, mai 2010.
  5. Exposition à la galerie W, rue Lepic, où sont aussi présentées des œuvres récentes.
  6. À la vie A l'amor, Critères éditions, collection Opus Délits, Grenoble, 2010. Textes et photos Miss.Tic, préface Pierre-François Moreau.

Références

  1. Éléments biographiques notamment dans Libération (article de Luc Le Vaillant, 17 novembre 2005) et dans Le Monde (article de Véronique Cauhapé, 17 avril 2009).
  2. a b c et d Luc Le Vaillant, « Une femme mur », Libération,‎ (lire en ligne)
  3. a et b Véronique Cauhapé, « Du Théâtre de rue, au sein de la troupe Zéro de conduite », Le Monde, 17 avril 2009.
  4. a et b Miss.Tic in Paris, Critères éditions, collection Urbanité, en coédition avec Paris Musées, 2005.
  5. a b c d e f g et h Christophe Genin, Miss.Tic, femme de l'être, Les Impressions Nouvelles, 2008.
  6. Miss.Tic, Parisienne, préface de Leila Mordoch, éditions Alternatives, 2006.
  7. Libération, Le Monde, Le Figaro, L'Humanité, un portrait sur Canal+
  8. Fan-club ayant pour président Henri Kaufman : Fan-club MissTic.
  9. Madame Figaro, décembre 2008.
  10. Pierre Jullien, « Miss.Tic timbrée pour la Journée de la femme », lemonde.fr, 22 février 2011
  11. « Des héroïnes urbaines sur les timbres pour la Journée de la Femme », menly.fr, 30 janvier 2011.
  12. Reportage et interview lors l'exposition à l'Institut français de Berlin sur la chaîne allemande Das Erste.
  13. Article du MidiLibre, 18 octobre 2013.

Voir aussi

Article connexe

Liens externes

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