Paul Erdős

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Paul Erdős
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 83 ans)
VarsovieVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Nom dans la langue maternelle
Erdős PálVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Domiciles
Manchester (à partir de ), États-Unis (à partir de ), Varsovie (jusqu'en ), Hongrie, Israël, Royaume-UniVoir et modifier les données sur Wikidata
Formation
Lycée Saint-Étienne de Budapest (d) (-)
Université Loránd-Eötvös (doctorat) (-)Voir et modifier les données sur Wikidata
Activité
Père
Lajos Erdős (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Membre de
Directeur de thèse
Distinctions
Œuvres principales

Paul Erdős, né Pál Erdős (/ˈpaːl ˈɛrdøːʃ/[1]) le à Budapest et mort le à Varsovie, est un mathématicien hongrois.

Célèbre pour son excentricité, le nombre de ses publications scientifiques (environ 1 500) et de ses collaborateurs, son œuvre prolifique a donné naissance au concept de nombre d'Erdős représentant le degré de séparation (en termes de collaborations successives) entre un chercheur donné et le mathématicien hongrois.

Biographie

Une vie de recherche

La vie de Paul Erdős est tout entière consacrée à ses travaux de recherche. Vivant dans un grand dénuement (il n’a pas de femme, pas d’emploi, pas même une maison pour l’attacher quelque part ; il vit avec une vieille valise et un sac plastique orange de supermarché ; la seule possession qui compte pour lui est son petit calepin[2]), Paul Erdős est un chercheur très prolifique, toutes disciplines confondues, avec plus de 1 500 articles de recherche publiés. En particulier, nombre de ses articles vise à étudier ses domaines de prédilection (théorie des graphes, théorie des nombres, combinatoire) sous des angles différents, et à améliorer sans cesse l'élégance des démonstrations. Parmi ses contributions se distingue, en particulier, le développement de la théorie de Ramsey et de l'application de la méthode probabiliste.

Enfance et études

Âgé d'un an lorsque survient la Première Guerre mondiale, Erdős voit son père capturé par l'armée russe[réf. souhaitée]. Sa mère, redoutant de ne pouvoir veiller sur ses enfants hors du foyer, préfère dès lors engager un précepteur ; professeur de mathématiques, elle transmet à son fils le goût de cette discipline, ce qui amène le jeune Erdős à s'intéresser très tôt à des problèmes mathématiques.

En 1932, encore étudiant, il redémontre le postulat de Bertrand (aussi appelé théorème de Tchebychev)[3], ce qui le fait connaître de la communauté mathématique[4]. Il obtient de ce fait son doctorat de mathématiques à 21 ans sans même finir le cursus habituel.

Exil et recherche

Il est contraint par ses origines d'origine juives à s'exiler dans un premier temps à l'université de Manchester, puis aux États-Unis. Il travaille à l'université de Princeton ; il est ensuite invité par Stanislaw Ulam à l'université de Wisconsin. C'est à cette époque qu'il parvient, avec le mathématicien Atle Selberg, à établir une preuve élégante du théorème des nombres premiers. Mais Selberg signe seul le document et obtient la médaille Fields l'année suivante[5].

Installé à l'université Purdue en Indiana, Erdős est invité, en 1943, à rejoindre le projet Manhattan de développement de la bombe atomique américaine, mais sa candeur le fait échouer lors des entretiens. Ce n'est qu'en 1948 qu'il peut retourner en Hongrie pour retrouver sa famille revenue de déportation. Quelques années plus tard, en 1950, le maccarthysme bat son plein aux États-Unis, et il est accusé de communisme. En conséquence, il n'est plus autorisé à circuler aux États-Unis.

Erdős reçoit le prix Frank Nelson Cole en 1951 et il est fait membre étranger de la Royal Society en 1989.

Professeur itinérant et décès

Terence Tao à 10 ans avec Paul Erdős en 1985 à Adélaïde.

Installé durant les années 1960 en Israël, Erdős ne peut à nouveau fouler le sol américain qu'en 1963.

Il entreprend dès lors une carrière de chercheur et professeur itinérant, et finit par décéder d’une crise cardiaque (durant une conférence) à l'âge de 83 ans[réf. souhaitée].

Personnalité

Un autre toit, une autre preuve.
(en) Another roof, another proof.

Paul Erdős, citation reprise dans au moins 20 livres[6].

La possession de biens signifiait peu pour Erdős ; la plupart de ses biens étaient contenus dans une valise, comme l'exigeait son style de vie itinérant. Les récompenses et autres gains reçus furent généralement donnés aux personnes dans le besoin, ainsi qu'à diverses causes charitables. Il passa la majeure partie de sa vie comme un vagabond, voyageant de conférences scientifiques en universités et accueilli par des collègues, partout dans le monde. Il gagna assez d'argent lors de conférences en tant qu'invité dans des universités, reçut diverses récompenses mathématiques pour financer ses voyages et ses besoins vitaux. L'argent qu'il a laissé a été utilisé pour financer des prix en espèces pour des preuves des « problèmes d'Erdős » (voir ci-dessous).

Il avait son propre vocabulaire idiosyncrasique : bien qu'il fût un athée agnostique[7], il parlait du « Livre », la visualisation d'un livre dans lequel Dieu avait écrit les meilleures et plus élégantes démonstrations pour les théorèmes mathématiques[8]. En 1985, il a dit : « Vous n'avez pas à croire en Dieu, mais vous devez croire en Le Livre ». Il doutait lui-même de l'existence de Dieu, qu'il appelait le « Fasciste Suprême » (S. F.)[9],[10]. Il a accusé S. F. de cacher ses chaussettes et ses passeports hongrois, et de garder pour Lui les plus élégantes démonstrations mathématiques. Quand il voyait une démonstration mathématique particulièrement belle, il s'exclamait : « Celle-ci vient du Livre ! ». Cela a ensuite inspiré un livre intitulé Raisonnements divins (Proofs from The Book).

D'autres éléments idiosyncrasiques du vocabulaire d'Erdős incluent[11] :

  • Les enfants étaient appelés « epsilons » (car, en mathématiques, une quantité positive arbitrairement petite est communément désignée par la lettre grecque (ε))
  • Les femmes étaient des « patrons ».
  • Les hommes étaient des « esclaves ».
  • Les personnes ayant cessé de faire des mathématiques étaient des « morts ».
  • Les personnes qui étaient mortes physiquement avaient « quitté ».
  • Les boissons alcoolisées étaient des « poisons ».
  • La musique (excepté la musique classique) était du « bruit ».
  • Les personnes mariées ont été « capturées ».
  • Les personnes divorcées étaient « libérées ».
  • Donner une conférence mathématique était « prêcher ».
  • Donner un examen oral à un étudiant était « le torturer ».

Il a donné des surnoms à de nombreux pays, par exemple : les États-Unis étaient surnommés « samland » (d'après l'oncle Sam), l'Union soviétique était « joedom » (d'après Joseph Staline), et l'Israël était surnommé « isreal ».

Contributions mathématiques

Parmi ses contributions, le développement de la théorie de Ramsey et de l'application de la méthode probabiliste est la plus remarquable. Les praticiens des théories combinatoires lui doivent une approche entière, dérivée de l'analyse de la théorie des nombres.

Erdős démontra le postulat de Bertrand de façon plus simple que ne l'avait fait Tchebychev. Il fit également une démonstration élémentaire du théorème des nombres premiers en collaboration avec Atle Selberg, qui montra combien les théories combinatoires étaient une méthode efficace pour compter les collections.

Erdős apporta aussi sa contribution dans des domaines pour lesquels il n'avait qu'un faible intérêt, tels que la topologie où il est considéré comme la première personne à donner un exemple d'espace topologique totalement discontinu qui ne soit pas de dimension zéro.

Approche des mathématiques

Au point de vue « style mathématique », Erdős fut plus un « résolveur de problèmes » qu'un « développeur de théories ». Selon Joel Spencer, « sa place dans le panthéon des mathématiques du XXe siècle est sujette à controverse, car il s'est résolument concentré sur des théorèmes particuliers et des conjectures au cours de son illustre carrière ».

Un auteur très prolifique

Erdős fut l'un des plus prolifiques auteurs d'articles dans l'histoire des mathématiques, avec Léonard Euler[4] ; il publia environ 1 525 articles en collaboration avec 511 mathématiciens. Le caractère particulièrement prolifique d'Erdős amena la création du « nombre d'Erdős », signalant le degré de collaboration d'un chercheur avec Erdős. Ce dernier a par définition le nombre 0. Les mathématiciens ayant publié un papier de recherche cosigné par lui ont pour nombre d'Erdős 1. Les chercheurs ayant publié avec ces derniers ont un nombre d'Erdős de 2 (comme Albert Einstein), et ainsi de suite par récurrence. Les personnes non reliées à Erdős de la manière décrite ci-dessus ont un nombre d'Erdős égal à l'infini. En 2008, le plus grand nombre d'Erdős connu d'un mathématicien en activité était 13[12].

Problèmes d'Erdős

Paul Erdős, Ronald Graham et sa femme Fan Chung en 1986.

Au cours de sa carrière, Erdős offrait parfois différents prix pour trouver des solutions à des problèmes non résolus. Ceux-ci allaient de 25 dollars pour des problèmes dont il pensait qu'ils étaient seulement hors de portée de la pensée mathématique actuelle, jusqu'à plusieurs milliers de dollars pour ceux qui étaient à la fois difficiles à résoudre et importants pour les mathématiques. On pense qu'il existe au moins un millier de prix de cet ordre, bien qu'il n'existe pas de liste officielle. Ces prix restent actifs malgré la mort d'Erdős ; Ronald Graham est l'administrateur (non officiel) des solutions. Les gagnants peuvent recevoir soit un chèque signé d'Erdős (pour encadrer) ou un chèque encaissable de Graham.

Le plus célèbre des problèmes associés à un prix Erdős est probablement la conjecture de Collatz, aussi connue sous le nom de « problème 3N+1 », ou encore « conjecture de Syracuse » ; sa solution vaut 500 dollars. Mais le problème le plus fondamental (qui vaut actuellement 5 000 dollars) est sans doute la conjecture d'Erdős sur les progressions arithmétiques qui s'énonce ainsi :

« Si la série des inverses d'une séquence de nombres entiers diverge, alors la séquence contient des progressions arithmétiques de longueurs arbitraires. »

Si cette assertion est vraie, elle résout plusieurs autres problèmes ouverts de la théorie des nombres. Il ne s'agit encore en 2014 que d'une conjecture, mais l'une de ses implications principales, selon laquelle la suite des nombres premiers contient des suites arithmétiques arbitrairement longues, a été démontrée de façon indépendante en 2004 par Green et Tao.

Distinctions et hommages

Erdős ne gagna jamais la médaille Fields, mais il gagna le prix Wolf pour ses nombreuses contributions à la théorie des nombres, à l'analyse combinatoire, aux probabilités, à la théorie des ensembles et à l'analyse, et pour avoir personnellement stimulé les mathématiciens autour du monde.

Une des courtes nouvelles de Sonates de bar de l'oulipien Hervé Le Tellier est un hommage à Paul Erdős, que l'écrivain avait rencontré peu avant sa mort.

Trois récompenses en mathématiques portent son nom : le prix Anna et Lajos Erdős en mathématiques décerné par l'Union mathématique israélienne, le Paul Erdős Award décerné par la World Federation of National Mathematics Competitions, et le prix Paul Erdős remis par l'Académie hongroise des sciences.

Anecdotes

  • Lorsque Hardy et Erdős se rencontrèrent, Hardy avait 57 ans et sentait ses capacités mathématiques diminuer. Il aimait dire que les mathématiques appartiennent à la jeunesse : « Galois est mort à vingt et un ans, Abel à vingt-sept […]. Riemann à quarante […]. Je ne connais pas d'exemple d'un progrès majeur en mathématiques dû à un homme de plus de cinquante ans. » Erdős, qui n'avait que 20 ans, était trop jeune pour savoir qu'il deviendrait l'un des plus célèbres contre-exemples de cette opinion de Hardy.
  • Erdős continua de voyager et de donner des conférences jusqu'à sa mort. Interrogé sur son désir de continuer à faire des mathématiques malgré son grand âge, il répondit : « Les premiers signes de la sénilité sont quand un homme oublie ses théorèmes. Le deuxième signe, c'est quand il oublie de fermer sa braguette. Le troisième, c'est quand il oublie de l'ouvrir ! » (D'après Paul Hoffman[13], Erdős citait ici son ami Stanislaw Ulam, qui serait l'auteur du mot.)
  • Pour le débarrasser de sa dépendance aux amphétamines, addiction datant de la mort de sa mère en 1971 en dépit des préoccupations de ses amis, l'un d'eux (Ron Graham) paria avec lui 500 $ qu'il ne pouvait pas arrêter de prendre le psychotrope pendant un mois[14]. Erdős gagna le pari, mais se plaignit que pendant son abstinence, les mathématiques avaient pris un mois de retard : « avant, lorsque je regardais une feuille blanche, mon esprit était plein d'idées. Aujourd'hui, tout ce que je vois c'est une feuille blanche. » Après avoir gagné le pari, il reprit rapidement sa consommation d'amphétamines.
  • Paul Erdős entendit un jour que les géologues estimaient l'âge de la Terre à quatre milliards et demi d'années. Se souvenant que, dans sa jeunesse, on n’en attribuait à la planète que deux milliards, il donna pour titre à une conférence autobiographique : Mes Deux Premiers Milliards d'années et demi en mathématiques
  • Au jour de ses soixante ans, Paul Erdős décida de signer toutes ses lettres par Paul Erdős L.D. (« L.D. » pour living dead, « mort vivant »).
  • La conversation d'Erdős était plutôt ésotérique (voir supra). Quand on lui demanda à partir de quel moment les epsilons [les enfants] masculins deviennent des esclaves [des hommes], il répondit « quand ils commencent à courir après les patrons » [les femmes][13].
  • Une des maximes favorites de Erdős était : « Il faut parfois compliquer un problème pour en simplifier la solution ».
  • Une autre phrase célèbre souvent attribuée incorrectement à Erdős[15], mais provenant en réalité d'Alfréd Rényi[16],[17] : « un mathématicien est une machine à transformer le café en théorèmes ».

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Paul Erdős » (voir la liste des auteurs).
  1. Prononciation en hongrois retranscrite selon la norme API.
  2. Hoffman 2000, p. 60.
  3. (de) P. Erdős. Beweis eines Satzes von Tschebyschef. Acta Szeged 5 (1932), 194-198 (lire en ligne).
  4. a et b (en) Krishnaswami Alladi, Steven Krantz, László Lovász, Vera Sós, Ronald Graham, Joel Spencer, Jean-Pierre Kahane et Mel Nathanson, « Reflections on Paul Erdos on His Birth Centenary (I) », Notice of the AMS,‎ , p. 121-126 (lire en ligne).
  5. (en) John J. O'Connor et Edmund F. Robertson, « Paul Erdős », sur MacTutor, université de St Andrews..
  6. [1].
  7. (en) Jack Huberman, Quotable Atheist: Ammunition for Nonbelievers, Political Junkies, Gadflies, and Those Generally Hell-Bound, Nation Books, (ISBN 9781568584195), p. 107 :

    « I kind of doubt He [exists]. Nevertheless, I'm always saying that the SF has this transfinite Book ... that contains the best proofs of all theorems, proofs that are elegant and perfect.... You don't have to believe in God, but you should believe in the Book. »

    Citation reprise par (en) Colm Mulcahy (en), « Centenary of Mathematician Paul Erdős -- Source of Bacon Number Concept », Huffington Post, .
  8. (en) Mathematics and the Aesthetic: New Approaches to an Ancient Affinity, Nathalie Sinclair, William Higginson, (ISBN 9780387305264), p. 36 :

    « Erdös, an atheist, named 'the Book' the place where God keeps aesthetically perfect proofs. »

  9. (en) Bruno Schechter, My Brain is Open: The Mathematical Journeys of Paul Erdős, New York, Simon & Schuster, (1re éd. 1998) (ISBN 0-684-85980-7, lire en ligne), p. 70-71.
  10. (en) Varadaraja Raman, Variety in Religion And Science: Daily Reflections, iUniverse, (ISBN 9780595358403), p. 256.
  11. (en) Hoffman, chapitre 1. As included with the New York Times review of the book.
  12. (en) « Facts about Erdös Numbers and the Collaboration Graph », sur le site The Erdös Number Project.
  13. a et b Hoffman 2000.
  14. J. Hill, Paul Erdos, Mathematical Genius, Human (In That Order).
  15. Schechter 2000, p. 155.
  16. (en) John J. O'Connor et Edmund F. Robertson, « Alfréd Rényi », sur MacTutor, université de St Andrews..
  17. (en) Paul Erdős, « Child Prodigies », Mathematics Competitions, vol. 8, no 1,‎ , p. 7-15 (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

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Bibliographie

Articles connexes

Liens externes