Jean Jules Jusserand

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Jean Jules Jusserand
Jean Jules Jusserand ambassadeur de France aux États-Unis, 1919.
Fonction
Ambassadeur de France aux États-Unis
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Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 77 ans)
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Elise Richards Jusserand (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Jean Jules Jusserand, né à Lyon le et mort à Paris le , est un diplomate[2] et historien français, ambassadeur de France aux États-Unis pendant 22 ans, de 1902 à 1924.

Naissance et formation

Jean Adrien Antoine Jules Jusserand, fils de Jean Jusserand et Marie Adrienne Tissot, est né en 1855[3]. Il était l'aîné d'une fratrie de deux sœurs et un frère.

Descendant d'une vieille famille lyonnaise, son père était un avocat, qui perdit sa première femme et le seul fils qu'il eut d'elle. Après quelque temps, il se maria de nouveau, son épouse étant sa cadette par 27 ans. De ce second mariage naquirent deux fils et deux filles, Jean-Jules, Étienne, Jeanne et Francica en l'espace de quatre ans. Il fut baptisé le à l’église Saint François de Salesson. Son parrain fut Jean Louis Rombeau et sa marraine fut Antoinette Laurençon. Son père était propriétaire, à cette époque, du 7 rue des Marronniers, près de la place Bellecour, à Lyon, France.

Il commença ses études secondaires en 1865, aux Chartreux, un établissement prestigieux de Lyon. Il les termina en avec un bon bilan scolaire. Grâce à ses excellentes notes, il obtint différents prix avec un palmarès assez riche. Au total, il fut applaudi et nommé 10 fois, ce qui est un record à l'époque. Lors de son baccalauréat, il confirme les mêmes appréciations mais avec un palmarès, toutefois, moins riche. Il ne fut nommé que deux fois pour deux second accessits (philosophie et littérature)[4].

De 1872 à 1876, il a fréquenté la faculté de lettres de Lyon pour perfectionner ses fortes connaissances en langues latines et anglaises. De plus, il a obtenu un doctorat de lettres (diplôme peu commun à cette époque). Dans ce cadre, il a soutenu deux thèses, une en français et une en latin. Sa thèse principale écrite, d’un style alerte et clair, a été validée par le recteur Dareste de la Chavanne, qui lui a permis de l'imprimer le . Elle a été communiquée aux facultés extérieures et lui a valu les flatteuses appréciations de l’illustre Hippolyte Taine, historien et critique littéraire. Sa deuxième thèse a aussi été soutenue devant la Faculté de Lettres de Lyon[4].

À la fin de ses études, il a décidé de se consacrer à une carrière diplomatique, qui sera particulièrement brillante.

Début de carrière

Sa carrière diplomatique commence en 1878, lorsqu’il se présente au concours national des affaires étrangères, où il est reçu à l’âge de 23 ans. Il débute comme élève-consul et devient rapidement aide-consul à Londres, sous la direction de M. Langlet, qui le félicitera pour son travail remarquable.

En 1880, il devient sous-chef du cabinet de Barthélemy-Saint-Hilaire, ministre des affaires étrangères. Ses ouvrages lui permettent de décrocher le poste d’adjoint de Paul Cambon, Ministre de France en Tunisie, en 1882. Il sera responsable de l’organisation administrative du protectorat. Cette nomination témoigne de ses compétences. Il contribuera à la bonne humanisation du protectorat. Il revient au Quai d'Orsay en 1887 dans un moment très délicat où il travaillera dans le secteur politique.

En 1898, il exerce un rôle d'émissaire auprès du Saint-Siège et auprès du Ministre de France au Danemark.

Ambassadeur aux États-Unis

Avant-guerre

En 1902, sous la présidence de Loubet, Jean Jules Jusserand est nommé ambassadeur français aux États-Unis. Il succède ainsi à Jules Cambon qui, en Espagne, remplace son frère Paul Cambon, nommé au Royaume-Uni. Jusserand rejoint son poste le [4].

Il gagna très rapidement l'amitié de Theodore Roosevelt et la sympathie de ses successeurs. Ainsi, pendant 22 ans, Jusserand est le porte-parole de la politique française auprès de cinq présidents des États-Unis (Roosevelt, Taft, Wilson, Harding et Coolidge)[5],[3].

En , lors de la crise du Maroc entre la France et l’Allemagne pour la domination du Maroc, qui faillit conduire à la guerre, Jusserand utilisa son influence sur Roosevelt pour jouer un rôle efficace dans les négociations de la Conférence d'Algésiras. L'appui accordé par les États-Unis et la Grande-Bretagne à la France ouvrit à la France les portes de l'Empire chérifien (maintenant le Royaume du Maroc). Cette négociation fut efficace, et plusieurs personnalités, américaines comme françaises, jugèrent que l’ambassadeur français avait « sauvé la paix. »

Pendant les dix premières années de son poste à Washington, Jusserand a énormément voyagé. Par exemple, il est allé à New York pour dévoiler la statue du scientifique lyonnais André-Marie Ampère et à Annapolis, dans le Maryland, pour dévoiler la statue du soldat et marin français inconnu.

Pendant la guerre

Il joua un rôle important dans l’entrée en guerre des États-Unis puisque dès 1914, il milita pour l'entrée en guerre auprès de la France. Ce fut une période difficile pour lui, l'opinion publique américaine étant très divisée. Il fallut plus de trois ans pour que le pays entre en guerre, à la suite de la guerre sous-marine à outrance lancée par l’Allemagne et le télégramme Zimmerman dans lequel l'Allemagne offrait au Mexique des territories américains s'il joignait la guerre aux côtés de l'Alliance.

Le , la Chambre des Représentants autorise à faire armer les navires de commerce. À la suite de l'attaque de deux bateaux américains par des U-Boats allemands, le président américain constate le que l'État de guerre existe avec l'Allemagne et que les États-Unis ne peuvent limiter leurs dispositions défensives au seul domaine naval. Le , il annonce au Congrès qu’il souhaite l'entrée en guerre des États-Unis aux côtés de l’Entente, qui se traduit par l'envoi de troupes pour combattre sur le sol français, prenant ainsi une part directe au conflit[3]. Le Sénat américain approuve cette résolution par 182 voix contre 6. Le , les États-Unis sont officiellement en guerre. Le , la première division américaine débarque sur le sol français, à Saint-Nazaire. Jean Jules Jusserand déclare à cette occasion : « Pour la première fois, une nation neutre s’est décidée à entrer dans le conflit sans marchandage préalable, sans avoir posé de condition. »

Le , le président du conseil français, Georges Clemenceau, lui envoie un câble (télégramme) pour le féliciter de son action : « Tout ce que vous avez dit est excellent. » Le les États-Unis d'Amériques participent à une première offensive contre l'Allemagne. Le , alors que les Américains sont sur le point de remporter une victoire, l'armistice est déclaré, et la guerre finit.

Après-guerre

Après la guerre, il continue de se battre pour conserver la paix, obtenue avec tant d’efforts et de sacrifices.

Le , à Paris, commence la Conférence de paix. Dans le cadre des négociations, le président Woodrow Wilson se fait accompagner en France par Jusserand en qui il a confiance. Wilson est le premier président américain en exercice à venir en Europe. Cette conférence aboutit à la signature du traité de Versailles, le . Les conditions de sortie de la guerre sont dictées, et la paix définitive semble établie.

Peu de gens ne pensaient alors que cette période de paix ne durerait qu'une vingtaine d'années avant l'avènement de la Seconds Guerre mondiale.

Lorsque l'armée polonaise envahit l'Ukraine, une contre-offensive russe atteint Varsovie, où un mouvement révolutionnaire fait surface. Jusserand est envoyé à la tête d'une mission diplomatique et militaire par la France pour sauver la Pologne.

Il reste ambassadeur de la France aux États-Unis pendant cinq ans de plus sous les Présidents Warren G. Harding et Calvin Coolidge. Pendant ces années, il publie une dizaine d’ouvrages en français et en anglais sur des sujets variés. Plus tard, il prend des congés en France, où il fait un séjour avec son épouse à Saint-Haon-le-Châtel, leur propriété, dans le Forez.

En 1923, il préside et délivre un discours lors de la cérémonie d'inauguration du monument aux morts des États-Unis.

Retraite

À 70 ans, il prend sa retraite. C'est Émile Daeschner qui lui succède en 1924, et Henry Bérenger prend sa place le [3].

Le , un banquet d’adieu lui est offert par le gouvernement américain pour montrer son estime et sa gratitude. Cette cérémonie réunit les plus hautes personnalités politiques, scientifiques et culturelles des États-Unis. Une médaille d'or lui est aussi offerte.

En 1930, il publie un dernier ouvrage : L’évolution du sentiment américain pendant la guerre.

C’est en 1932 que Jean Jules Jusserand meurt à Paris, à 77 ans[3]. Ses funérailles nationales se font à la Cathédrale Notre-Dame de Paris, et son corps est déposé dans le caveau de famille à Saint-Haon-le-Châtel.

Un des fondateurs de l'Alliance française

Jean Jules Jusserand a participé à la fondation de l'Alliance française. Cette alliance fut créée le à l'initiative de Paul Cambon, lui-même ambassadeur. Son comité se compose de Philippe Berthelot, Jean-Jules Jusserand, Ferdinand de Lesseps, Louis Pasteur, Ernest Renan, Jules Verne, Félix Charmetant et Armand Colin. Son nom est inspiré de l’Alliance israélite universelle, et son objectif est de défendre et de promouvoir la culture et la langue française, notamment après la défaite de 1870-1871 contre l'Allemagne.

Cette association n'est soumise à aucune influence politique ou encore religieuse. Elle compte en effet parmi ses fondateurs des personnalités de toutes religions.

La Fondation de l'Alliance française est « la référence morale et juridique » des Alliances françaises. Elle reconnaît les nouvelles Alliances françaises en approuvant leur statut. Elle accompagne les Alliances dans la formation du personnel et les conseille dans l'extension de leurs activités ou encore lorsqu'elles traversent des difficultés.

L'Alliance française possède des établissements partout dans le monde et est la plus grande organisation non gouvernementale (ONG) culturelle du monde, avec près de 1000 établissements dans plus de 136 pays différents.

À Lyon, l'Alliance française a été mise en place en 1984 et a obtenu de nombreux labels depuis sa création. Elle est la 1re école de langues de Lyon ainsi que la 3e Alliance française en France. Elle a une équipe multiculturelle de 40 personnes. Elle accueille 2 500 élèves par an avec 130 nationalités différentes dans 2 500 m2 de locaux modernes avec 17 salles de classes spacieuses et climatisées dédiées à l'apprentissage des langues. Elle perpétue encore l'esprit des fondateurs comme Jean-Jules Jusserand.

Saint Haon-le-Châtel

Parmi les lieux qui ont marqué sa vie, le Forez, ou, plus précisément, la bourgade de Saint Haon-le Châtel, tient une place toute particulière. En effet, c'est là que le futur ambassadeur de France aux États-Unis passait ses vacances dans sa maison secondaire. Il avait ses habitudes dans ce village médiéval dans lequel il aimait tant passer du temps.

Il effectuait le trajet vers Saint-Haon depuis Lyon par le train. Il partait pour cela de la Gare Saint Paul. Cette gare, qui date de 1876, se situe à l'Ouest du centre de Lyon, au pied des pentes de la colline de Fourvière, au niveau de la place des Terreaux. On peut admirer sa  façade sur la photographie ci-dessous. C'est ainsi que via la ville de Roanne il gagnait son cher village.

Il reste encore des traces à Saint Haon du passage de ce grand homme. En effet, une rue et une des tours du château de cette bourgade médiévale portent son nom. Il y possédait sa résidence préférée.

Ouvrages et publications

En français

  • Le Théâtre en Angleterre depuis la conquête jusqu'aux prédécesseurs immédiats de Maarten Bax (1878)
  • Le Théâtre en Angleterre, depuis la conquête jusqu'aux prédécesseurs immédiats de Shakespeare (1878)
  • Les Anglais au Moyen Âge: la vie nomade et les routes d'Angleterre au XIVe siècle (1884), prix Marcelin Guérin de l’Académie française en 1885.
  • Le Roman au temps de Shakespeare (1887)
  • Histoire littéraire du peuple anglais (vol. 1, 1893; vol. 2, 1904; vol. 3, 1909).
  • L'Épopée de Langland (1893).
  • Les Anglais au Moyen Âge. L'Épopée mystique de William Langland (1893)
  • Le Roman d'un roi d'Écosse, (1895)
  • Histoire abrégée de la littérature anglaise (1896)
  • Shakespeare en France sous l'ancien régime (1898)
  • Les Sports et jeux d'exercice dans l'ancienne France (1901), prix Thérouanne de l’Académie française en 1902.
  • Ronsard (1913)
  • Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France depuis les traités de Westphalie jusqu'à la Révolution française. XXIV-XXV, Angleterre, publié sous les auspices de la commission des archives diplomatiques au ministère des affaires étrangères, avec une introduction et des notes par J. J. Jusserand (1929)

En anglais

  • With Americans of Past and Present Days (1916)[6] pour lequel il a remporté un prix Pulitzer.
  • What Me Befell : The Reminiscences of J. J. Jusserand, 1933.
  • A French Ambassador at the Court of Charles II, 1892.
  • English Essays from a French Pen (1895)
  • A Literary History of the English People from the Origins to the Civil War (1907)
  • Piers Plowman, the Work of olOne or of Five (1909)
  • The School for Ambassadors and other Essays (1925)
  • The evolution of the American Sentiment during the War (1930)

Collaborations

  • « La Tunisie », texte inséré dans La France coloniale, histoire, géographie, commerce, Paris : A. Colin, ouvrage publié sous la direction de M. Alfred Rambaud.
  • « Les Grands Écrivains français. Études sur la vie, les œuvres et l’influence des principaux auteurs de notre littérature », texte inséré avec pagination à part dans Jules Simon, Victor Cousin, Paris: Hachette, 1887.

Correspondances

  • Jean-Jules Jusserand, [Lettre à Anatole France], ou 1889, Correspondance d'Anatole France, Bibliothèque Nationale.
  • Jean-Jules Jusserand, [Lettres à Ferdinand Brunetière], 11 et , , Correspondance de Ferdinand Brunetière, Bibliothèque Nationale.
  • Jean-Jules Jusserand, [Lettre à Gaston Paris], , Correspondance de Gaston Paris, Bibliothèque Nationale.
  • Jean-Jules Jusserand, [Lettre à Joseph Reinach], , Correspondance de Joseph Reinach, Bibliothèque Nationale.
  • Jean-Jules Jusserand, [Lettre à Arvède Barine], , Correspondance d'Arvède Barine, Bibliothèque Nationale.

Postériorité et commémoration

Jean Jules Jusserand reçoit le premier prix Pulitzer d'histoire en 1917 pour la publication de son recueil d'études historiques : « With Americans of Past and Present Days ». Il reçoit également la Grande Croix de la Légion d'Honneur et crée la Société américaine de la Légion d'Honneur.

Plusieurs monuments en France et aux États-Unis commémorent encore son rôle diplomatique.

À sa mort, le président Roosevelt a souhaité garder la mémoire de Jusserand en disant qu'il a représenté les « normes les plus strictes d'éthique diplomatique ». En 1935, un banc, construit en granit et en marbre, a été érigé pour commémorer les liens d'amitié qui l'unissaient à Roosevelt. Ce banc marque l'endroit où les deux hommes s'asseyaient lors de leurs promenades au Rock Creek Park, à Washington[7].

La tour Jusserand l, à Saint-Haon-le-Châtel, constitue un monument érigé à sa mémoire puisqu'il s'y était retiré. Elle est l’œuvre de Joanny Durand et fut inaugurée en [3].

Une rue portant son nom a été ouverte à Lyon à peu près en 1990, dans le 3e arrondissement, près de l'avenue Félix Faure.

Notes et références

Notes

Références

  1. « https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/93paap_cle48d5dd__papiers_jean-jules_jusserand.pdf » (consulté le )
  2. « St-Romain-la-Motte « Ils ont vécu en Côte Roannaise » et dans les Monts de la Madeleine. », Le Progrès,‎ , p. 23
  3. a b c d e et f Kevin Triet, « Jusserand, artisan de l’entrée en guerre des Etats-Unis. », Le Progrès,‎ , p. 18
  4. a b et c H. Cogoluenhe, « Un lyonnais injustement oublié : Jules Jusserand », La Revue Rive Gauche,‎ , p. 3
  5. « L'un des Lyonnais les plus célèbres aux Etats-Unis (en dehors de Paul Bocuse) n'est autre que Jean-Jules Jusserand, qui fut ambassadeur à Washington de 1902 à 1925. », Le Progrès,‎ , p. 1
  6. (en) Jean Jules Jusserand, With Americans of Past and Present Days, New York, Charles Scribner's Sons, (lire en ligne)
  7. (en) « Jean Jules Jusserand Memorial », sur atlasobscura.com (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes