Cimmériens

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Les Cimmériens (en grec ancien, Κιμμέριοι, « Kimmerioi » ; Gimirraya pour les Assyriens) sont un peuple de l'Antiquité, d'origine indo-européenne, apparentés aux Thraces ou aux peuples iraniens, installé en Tauride et sur le pourtour de la mer d'Azov avant de déferler aux VIIIe et VIIe siècles av. J.-C. sur l'Asie Mineure.

Dénominations

Selon l'hypothèse des Kimris, leur nom a été rapproché d'autres dénominations antiques comme Κύμβριοι (Cymbrioi) donné aux habitants de l'actuel pays de Galles, comme Κίμϐριοι (Cimbrioi)[1] donné à un peuple germanique ou celtique, ou bien encore comme les cités de Kumaïri (aujourd'hui Gumri en Arménie) et de Κυμή (Cymè en Italie), ce qui a fait supposer des liens entre les Cimmériens et ces peuples ou lieux[2], mais le phénomène de « polynymie » (présence d'une même dénomination ou de noms proches, pour plusieurs peuples différents) est fréquent dans l'Antiquité, comme en témoignent Hérodote et Strabon[3] : on trouve, sans pouvoir prouver de filiation, des Albains en Italie et dans le Caucase ; des Ibères en Hispanie et dans le Caucase et aussi des Hibernes dans l'actuelle Irlande ; des Taurisques en Norique (actuelle Autriche) et en Tauride (actuelle Ukraine) ; des Vénètes en Armorique, en Italie du nord, en Germanie (Wendes) et dans l'actuelle Ukraine ; des Volques en plusieurs endroits de l'Europe occidentale et centrale... et on pourrait multiplier les exemples ; cette polynymie peut s'expliquer dans certains cas par une signification commune de quelques dénominations (Cymbrioi, Cimbrioi et Cimmerioi pourraient provenir de « Kimme » = "bord, marge, rivage" : à titre d'exemple, à l'époque de Ptolémée, l'actuel Danemark s'appelait Κιμϐρική χερσόνησος = « Kimbrikē chersonēsos », la "péninsule du bord, des rivages"[4]) mais dans la plupart des cas, il s'agit d'hellénisation ou de latinisation tardive des noms de peuples ou de lieux initialement différents, et provenant de langues très variées, aboutissant à des ethnonymes grecs ou latins très proches phonétiquement, qui, à l'origine, n'entretenaient pas le moindre rapport sémantique, donc ethnique.

Histoire

Des sources fragmentaires

Les Cimmériens étaient un peuple cavalier nomade (Reitervolk en allemand) initialement signalé dans la steppe pontique, au nord de la mer Noire, comme ce sera aussi le cas, après eux et successivement, des Scythes, des Sarmates, des Roxolans, des Huns, des Avars, des Alains et de nombreux Peuples turcs. Les Cimmériens étant les plus anciens, les sources écrites (des passages d'Hérodote et de Strabon, des tablettes assyriennes...) sont très succinctes et ce sont les fouilles archéologiques et les recherches linguistiques qui contribuent à mieux faire connaître ce peuple : nous sommes là davantage dans la protohistoire, que dans l'histoire.

On ignore presque tout de leur vie religieuse, sur laquelle les renseignements proviennent de quelques tumulus retrouvés en Ukraine, en Bulgarie et en Russie méridionale. On y a trouvé des représentations de déités anthropozoomorphes, centaures, chimères, dragons ourobores.

Les Cimmériens de Chersonèse

Dans l'Antiquité, la Chersonèse ("presqu'île" en grec) était la Crimée. Probablement originaires de l'Europe orientale (culture Sintachta et culture de Srubna), les Cimmériens sont installés vraisemblablement dès 1200 av. J.-C. au nord de la Mer Noire et dans le territoire qu'Hérodote appelle le "Bosphore cimérien" de la culture de Novotcherkassk.

Vers 700 av. J.-C., les Cimmériens sont soumis à la pression des Scythes, eux-mêmes soumis à celle des Massagètes[5], à la suite de la crise climatique de cette période dite Subatlantique[6]. La noblesse cimmérienne tente de résister mais le peuple finit par se disperser, une partie se dirigeant vers le centre de l'Europe, une autre vers l'Anatolie. Les tribus parties vers l'Europe sont peut-être, partiellement, parmi les ancêtres des peuplades celtiques et germaniques, identifiées par les Romains sous le nom de Cambriens et de Cimbres. Ces derniers habitaient également une autre péninsule, la Chersonèse Cimbrique. L'orfèvrerie du Hallstatt aurait ses origines dans les contrées thraces que les Cimmériens ont occupées, de même que la présence des chevaux dans les tombes des princes dont les coutumes proviendraient de ce peuple cavalier proto-slave ayant séjourné dans les steppes.

Il semble que les Cimmériens ont été assimilés par les populations au milieu desquelles ils se sont établis[réf. nécessaire] (ex: les Thraco-phrygiens), et par les Scythes. Hérodote rapporte qu'il subsistait encore des murs cimmériens dans le pays des Scythes et qu'une région porte le nom de Cimmérie, qui serait la Crimée. La principale différence connue entre ces deux groupes ethniques concerne l'art, dominé par des symboles géométriques chez les Cimmériens tandis que l'art des Scythes est zoomorphe.

Les Cimmériens du Proche-Orient

Les Grecs de l'Antiquité les disaient Peuples de la Nuit[7]. Homère dit que leur pays est couvert de nuées et de brumes que les rayons du soleil ne perce jamais : Éphore de Cymé rapporte que la légende de cette nuit éternelle se rattache à leurs habitations dans des grottes, et de longues galeries creusées dans la roche volcanique. Un autre groupe franchit le Bosphore et/ou le Caucase[8] vers 708 av. J.-C. et établit une colonie dans la région de Sinope[5]. Les Cimmériens vivent alors de piraterie et de pillage, et poursuivent leur progression jusqu'à l'Assyrie. Ils commencent par s'attaquer au royaume d'Urartu, dans la région du lac d'Ourmia. Le roi Rusa Ier puis son fils Argishti II ne parviennent pas à les contenir et subissent de lourdes défaites. Les Cimmériens sont alors crédités d'une réputation de redoutables guerriers dans toute la région.

Arrêtés en Cappadoce par Assarhaddon en 679 av. J.-C.(ou -695), ils se dirigent vers le royaume de Phrygie, où ils battent le roi Midas, puis vers la Lydie où ils livrent bataille vers 660 av. J.-C. contre le roi Gygès qui doit demander l'aide d'Assurbanipal dont la mort en 644 av. J.-C. leur laissera le champ libre. Les Cimmériens envahissent alors le pays, mettent à sac la ville de Sardes, incendient le Temple d'Artémis à Éphèse et dévastent la campagne. Entre 650 et 630 av. J.-C., ils sont signalés en Cappadoce, en Cilicie et dans le Pont.

Après la mort du roi des Cimmériens Lygdamis, vers 620 av. J.-C., les rapports de combats sont de moins en moins nombreux. Selon les auteurs grecs, le roi lydien Alyatte II chassa les envahisseurs et mit un terme définitif à la menace cimmérienne vers 610 av. J.-C.[9].

Les Cimmériens dans la littérature

  • Selon Etienne de la Boétie dans son Discours de la servitude volontaire, les Cimmériens vivent aux pôles car ils sont six mois dans l'obscurité complète : "comme le dit Homère de celui des Cimmériens, où le soleil se montre tout différent qu’à nous, où après les avoir éclairés pendant six mois consécutifs, il les laisse dans l’obscurité durant les six autres mois".
  • Dans sa fameuse "Prière sur l'Acropole" (Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883), Ernest Renan évoque les Cimmériens : "Je suis né, déesse aux yeux bleus, de parents barbares, chez les Cimmériens bons et vertueux qui habitent au bord d'une mer sombre, hérissée de rochers, toujours battue par les orages. On y connaît à peine le soleil ; les fleurs sont les mousses marines, les algues et les coquillages coloriés qu'on trouve au fond des baies solitaires. Les nuages y paraissent sans couleur, et la joie même y est un peu triste ; mais des fontaines d'eau froide y sortent du rocher, et les yeux des jeunes filles y sont comme ces vertes fontaines où, sur des fonds d'herbes ondulées, se mire le ciel."
  • L'américain Herbert W. Armstrong, fondateur de la secte Eglise universelle de Dieu, considère dans son livre Les Anglo-Saxons selon la Prophétie (1982, 196 p.) que les Cimmériens ne sont autres que les fameuses dix tribus perdues déportées vers le nord par les Assyriens au VIIIe siècle avant notre ère.
  • Les Cimmériens sont également décrits comme un peuple guerrier, des barbares envahisseurs "prêts à croiser le fer" dans la chanson La tribu de Dana du groupe de rap français Manau (mai 1998).

Bibliographie

Sources antiques
  • Hérodote, Histoires, Les Belles Lettres, 1997
  • Strabon, Géographie, Les Belles Lettres, 1989
Travaux récents

Liens externes

Notes et références

  1. Le peuple vaincu par le général romain Caius Marius est apparenté aux Cimmériens
  2. Elizabeth Hazelton Haight, « Cumae in Legend and History », dans The classical journal', 130.8, mai 1918, p. 565-578 (p. 567).
  3. V, 4 & 5
  4. Henri Martin, Histoire de France et « Sur les Celtes et les anciens habitants de l'Europe méridionale », dans Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris, 1877, vol. 12, p. 483-493, plus particulièrement page 487, disponible en ligne sur le site Persée et Amédée Thierry : Histoire des Gaulois.
  5. a et b Hérodote, Histoires, IV
  6. Atlas historique universel, p.29, éd. Minerva, 1997, Genève
  7. Homère, Odyssée [détail des éditions] [lire en ligne], XI
  8. Selon Jean-Paul Roux : Histoire de l'Iran et des Iraniens - Fayard 2006
  9. Hérodote, Histoires, I