Théodore Géricault

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Théodore Géricault
Théodore Géricault par Horace Vernet, vers 1822-1823.
Naissance
Décès
Sépulture
Cimetière du Père-Lachaise (depuis ), Grave of Théodore Géricault (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Période d'activité
Nom de naissance
Jean-Louis André Théodore GéricaultVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
Formation
Maître
Lieux de travail
Mouvement
Influencé par
A influencé
Enfant
Georges-Hippolyte Géricault (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Œuvres principales
Vue de la sépulture.

Théodore Géricault, né le à Rouen[1] et mort le à Paris, est un peintre, sculpteur, dessinateur et lithographe français.

Incarnation de l’artiste romantique, il a eu une vie courte et tourmentée, qui a donné naissance à de nombreux mythes. Son œuvre la plus célèbre est Le Radeau de La Méduse (1818-1819). Il est également connu pour sa passion pour les chevaux, à l'écurie ou en action sur les champs de bataille napoléoniens, outre ses peintures à l’huile, Géricault réalise des lithographies, des sculptures, rares mais remarquables, et des centaines de dessins.

Biographie

Jeunesse

Un portrait d'enfant (ici Alfred de Dreux) v. 1816.

Théodore Géricault naît dans une famille aisée de Rouen, originaire de la Manche, à Saint-Cyr-du-Bailleul où un lieu-dit du même nom, l’« Hôtel Géricault » existe toujours. Il y reviendra régulièrement pendant de nombreuses années, notamment chez ses cousins à Saint-Georges-de-Rouelley. C’est là qu’il découvre le milieu équestre, future source d’inspiration et qu’il y peint sa première œuvre connue : son autoportrait (1808). De nombreux tableaux du peintre sont restés dans cette famille. Mais une majorité d’entre eux ont été détruits lors des bombardements de 1944. Géricault y a fait également le portrait de son oncle normand, le conventionnel Siméon Bonnesœur-Bourginière (Minneapolis Institute of Arts[2]), et de son cousin Félix Bonnesoeur-Bourginière.

Le père du peintre, Georges (1743-1826), magistrat et riche propriétaire terrien, tient une manufacture de tabac. Sa mère, Louise Caruel (1753-1808), fille d'un procureur du parlement de Normandie, descend d’une vieille et riche famille normande. Vers 1796, la famille Géricault s’installe à Paris, 96 rue de l'Université. Élève médiocre « paresseux par délices[3] ». En 1806, il entre au Lycée Impérial, où il a pour professeur de dessin le prix de Rome Pierre Bouillon. En 1807 son oncle maternel Jean-Baptiste Caruel de Saint-Martin (1757-1847), banquier et collectionneur, épouse Alexandrine-Modeste de Saint-Martin (1785-1875)[4], qui a 28 ans de moins que lui.

Le couple encourage Théodore Géricault à suivre des études artistiques. Peintre fortuné, Théodore ne connaît pas de problèmes d’argent et n’a pas besoin de vendre ses œuvres pour vivre, excepté à la fin de sa vie, à la suite de mauvais placements[5].

Apprentissage et succès au Salon

Portrait équestre du lieutenant Dieudonné ou Officier de chasseurs à cheval de la garde impériale chargeant (1812).
Un des deux Cavalier blessé de 1814.

Théodore Géricault étudie en 1810 dans l’atelier du peintre Carle Vernet, spécialiste de scènes de chasse. Il y fait la connaissance de son fils, Horace Vernet. Il étudie ensuite avec Pierre-Narcisse Guérin, avant de s’inscrire, le , à l’École des Beaux-Arts de Paris. Géricault pratique alors assidûment la copie au musée Napoléon (le Louvre), où il copie les tableaux, rassemblés alors par Napoléon Ier, qu'ils soient Italiens, comme le La Mise au tombeau et l'Assomption d'après Titien, Français d'après Jean Jouvenet, Eustache Le Sueur, Rigaud, Prud'hon, ou Flamands La Peste de Milan d'après Jacob van Oost, Portrait d'après Rembrandt, Van Dyck ou Rubens[6].

Il alterne les études, des Académies de nus masculins, où l'influence de Michel-Ange se remarque avec de nombreux portraits de chevaux aux écuries, dont celui de Tamerlan, le cheval de l'empereur. Ses camarades d'atelier notent son goût pour les textures épaisses et riches et le surnomment : « le Cuisinier de Rubens ». Guérin voit en lui « l'étoffe de trois ou quatre peintres[7] ». En mai 1812, Vivant Denon, le directeur du musée Napoléon, exclut Géricault pour inconduite. Géricault loue une arrière-boutique sur le boulevard Montmartre et peint Officier de chasseurs à cheval de la garde impériale chargeant (Portrait équestre du lieutenant Dieudonné) en cinq semaines, d'un jet, qu'il présente au Salon. Dans cette toile aux couleurs sombres et vibrantes, on voit toute la virtuosité du jeune peintre, notamment dans le choix de la position héroïque et du dessin du cheval. La toile est accrochée à côté du Portrait de Murat du Baron Gros. Le peintre Jacques-Louis David, en découvrant l'œuvre de Géricault, aurait dit : « D'où cela sort-il ? Je ne reconnais pas cette touche ! ». Géricault reçoit la médaille d'or du Salon à 21 ans. Célèbre désormais, il s'installe au 23 de la rue des Martyrs, non loin de Carle et Horace Vernet. Il peint de nombreuses scènes militaires. Il est entouré de nombreux peintres et amis, Delacroix, Léon Cogniet, Ary Scheffer, son élève Louis-Alexis Jamar[8], et de Dedreux-Dorcy[9].

Deux ans plus tard, Géricault présente Cuirassier blessé quittant le feu (1814, musée du Louvre) qui forme un contraste saisissant avec la toile de 1812. Elle représente un officier sur une pente avec son cheval, s’éloignant de la bataille. Son regard, tourné vers la tuerie qu’il vient de quitter, traduit le désarroi, la défaite. Une autre toile présente un cuirassier à terre désarçonné. Dramatiques et monumentaux, ces deux portraits suscitent un intérêt distant lors du Salon de 1814, dans un Paris occupé par les Alliés.

Les soldats de L'Empire de 1812 à 1818

Un amour romantique et impossible

En 1814, Théodore Géricault s'éprend de sa tante Alexandrine, qui n'a que 6 ans de plus que lui. De cette liaison, qui va durer plusieurs années et qui s’avère désastreuse pour l’artiste, naîtra le un fils Georges-Hippolyte[10], déclaré à sa naissance comme le fils de la bonne Suzanne et de père inconnu. À la mort de Géricault, l'enfant sera reconnu par le père de l'artiste, Georges-Nicolas[11].

Sans doute pour fuir cet amour partagé, Géricault s'engage dans la "Compagnie des mousquetaires[12] gris du Roy" Louis XVIII. Il accompagne le Roi à Gand, pendant les Cent Jours et le retour de Napoléon. Il revient en France fin 1815, caché par son oncle Bonnesoeur-Bouguinière, dont il fait alors le portrait.

Une fois le scandale familial étouffé, Géricault se présente au concours du grand prix de Rome où il échoue. Il décide alors, en 1816, de partir pour l’Italie à ses propres frais. Il est durablement impressionné par les peintres de la Renaissance italienne, en particulier Michel-Ange, Titien qu'il copie ainsi que par Pierre Paul Rubens, par le mouvement qu’il donne à ses œuvres. Son ami le peintre Schnetz lui fait rencontrer Ingres à la Villa Médicis. Géricault quitte Rome en 1817 pour Paris.

Parmi ses contemporains, Géricault porte une admiration particulière à Antoine-Jean Gros dont il copie les œuvres à plusieurs reprises[13]. Delacroix explique : « Géricault aussi avait l'admiration de Gros. Il n'en parlait qu'avec enthousiasme et respect. Il lui était beaucoup redevable dans son talent, quoique leurs deux talents fussent dissemblables. C'est surtout dans la représentation des chevaux que Gros a été son maître. Géricault a mieux rendu la force dans les chevaux, mais il n'a jamais su faire un cheval arabe comme Gros. Le mouvement, l'âme, l'œil du cheval, sa robe, le brillant de ses reflets, voilà ce qu'il a rendu comme personne."[14] »

Peignant des portraits (Louise Vernet, Portrait d'Alfred et Élisabeth Dedreux), mais aussi des scènes de genre comme Le marché aux bœufs, Géricault semble toujours hanté par l'Italie et Michel-Ange et Titien ou Jules Romain tant il accentue les effets dramatiques du clair-obscur et l'anatomie. Il peint de nombreuses scènes militaires : Le train d'artillerie ou L'artillerie changeant de position avec une étonnante économie de moyens.

Pour le salon, Géricault cherche un sujet.

Le Radeau de la Méduse

Portrait de Joseph par Théodore Géricault, v. 1818-1819, Getty Center

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Portrait présumé de Lebrun, étude pour la figure du « père » dans le Radeau de La Méduse musée des beaux-arts et d'archéologie, Besançon.

En 1819, un nouveau Salon s’ouvre au Louvre. Géricault veut réaliser une œuvre immense, spectaculaire. Cherchant son inspiration dans les journaux, il y découvre l’« affaire de la Méduse », catastrophe maritime peu glorieuse que la monarchie restaurée avait tenté d’étouffer. Le fait-divers que le peintre évoque par sa toile est celui du naufrage d’une frégate, la Méduse, le , au large des côtes du Sénégal. Le moment culminant choisi par Géricault dans cette dérive qui dura treize jours, est celui où une partie des naufragés survivants sur un radeau, voient au loin le navire qui vient les sauver, le brick Argus. Géricault peint cet instant dramatique, où les hommes encore valides, qui ont pratiqué le cannibalisme pour survivre[15], se lèvent pour faire signe au navire, qui point, à peine visible, à l’horizon.

Le peintre a trouvé son inspiration. Soucieux d’ancrer son œuvre dans la réalité, il prend connaissance du récit de deux survivants : Alexandre Corréard, l’ingénieur géographe de la Méduse, et Henri Savigny, le chirurgien du bord. Il fait construire une maquette grandeur nature du radeau dans son atelier et demande à sept rescapés de la dérive du radeau de venir poser pour lui. Il va jusqu’à exposer dans son atelier des restes humains. Grâce à l’entremise d’un ami médecin à l’ancien hôpital Beaujon, proche de son atelier, Géricault peut obtenir des bras et des pieds amputés afin de les étudier. De même, il dessine plusieurs fois une tête coupée, obtenue à Bicêtre, où se trouvait une institution tout à la fois hospice, prison et asile d’aliénés. Selon Charles Clément, son biographe, une puanteur étouffante régnait parfois dans son atelier de la rue du Faubourg-du-Roule. Géricault travaille avec acharnement, pendant une année entière, à une œuvre de cinq mètres sur sept qui est, selon l’expression de Michel Schneider, « une leçon d’architecture autant qu’une leçon d’anatomie ».

Le Radeau de La Méduse est présenté au musée du Louvre en 1819. Lors de l’accrochage, le tableau est placé beaucoup trop haut, à côté d’autres œuvres immenses.

La toile est reçue difficilement par la critique qui feint l'incompréhension : "L'auteur n'a pas cru devoir indiquer la nation ni la condition de ses personnages. Sont-ils grecs ou romains ? Sont-ils turcs ou français ? Sous quel ciel naviguent-ils ? À quelle époque de l'histoire ancienne ou moderne se rapporte cette horrible catastrophe ?"[16] ou encore " ce cadre immense et ces dimensions colossales qui semblent réservés pour la représentation des événements d'un intérêt général, tels qu'une fête nationale, d'une grande victoire, le couronnement d'un souverain ou un de ces traits de dévouement sublimes qui honorent la religion, le patriotisme ou l'humanité."[17]. En effet, le sujet (l'anthropophagie) est connu de tous, et n'est pas considéré comme un crime par le Code Civil de 1810 ; elle a été régulièrement pratiquée par les soldats affamés des armées du Premier Empire, en Espagne, en Andalousie, au Portugal, pendant la retraite de Russie[18].

Pour Jules Michelet en 1847, dans ses cours au Collège de France, Géricault peint « le naufrage de la France, ce radeau sans espoir, où elle flottait, faisant signe aux vagues, au vide, ne voyant nul secours[19]. »

Géricault reçoit néanmoins la commande d'une toile, dont il confie la réalisation à Delacroix.

Séjour en Angleterre

Mazeppa, une des dernières toiles de Géricault avant sa mort, La légende de Mazzeppa. Le jeune amant surpris avec la reine est condamné à être attaché nu sur un cheval fou dans la steppe jusqu'à sa mort.

Éreinté par la critique française, et en conflit avec sa famille, Géricault quitte Paris pour l’Angleterre où le Radeau de la Méduse est présenté. La toile est applaudie par la presse anglaise - pour les raisons inverses, en miroir des critiques françaises - et le public, avec plus de 40 000 visiteurs.

L'architecte anglais Cockerill témoigne dans son journal intime de son admiration pour le peintre français, et nous livre son portrait : « Admiration pour son talent et sa modestie (..) son profond sentiment de pitié, son pathétique, à la fois la vigueur, le feu et la vitalité de son œuvre. (...) à la fois profond et mélancolique, sensible, vie singulière, comme celles des sauvages américains dont on parle dans les livres, baignant dans la torpeur pendant des jours et des semaines puis se livrant à des actions violentes, chevauchant, se précipitant se lançant s'exposant à la chaleur, au froid, à toutes sortes de violences (...) Géricault n'a pas présenté dix œuvres au public, pourtant sa réputation est grande. »[20].

Le thème du cheval

D’avril 1820 à novembre 1821, il voyage en Angleterre et découvre à la fois les grands paysagistes anglais, dont Constable et Turner, et les courses de chevaux ; d'où derechef toute une nouvelle série d’œuvres inspirée par « la plus grande conquête de l’homme » dont notamment le Derby d’Epsom (musée du Louvre). Le thème du cheval est un sujet central de son œuvre au début et surtout à la fin de sa vie. Il copie en particulier les œuvres de George Stubbs et de Ward, et réalise de nombreuses lithographies de chevaux et de scènes de rues de la vie londonienne.

Géricault peint depuis son apprentissage chez Guérin, des chevaux à l'écurie, sur des champs de bataille, au travail, qu'ils soient de traits ou de halages, cob ou selles français, dans plus d'une centaine de scènes de genre, et pour lesquels il réalise même une série de gravures et de tableaux suivant la nationalité flamande, anglaise ou française du maréchal ferrant. Pour Théophile Gautier, le cheval permet à Géricault d'exprimer "les plus hautes aspirations de l'esprit". Pour Bruno Chenique, le cheval dans l'art de Géricault, "c'est surtout l'âme de l'homme, ses instinct, sa douceur, sa violence, ses pulsions sexuelles et mortifères"[21], il "est le miroir de la psyché avec la complicité duquel peut se vivre des passions insensées".

Dernières années

En décembre 1821, le peintre revient à Paris, après être tombé malade en Angleterre. Il ne se débarrasse pas de son état[22]. Son ami médecin-chef de la Salpêtrière et pionnier en études psychiatriques Étienne-Jean Georget, lui propose de peindre les portraits de dix malades mentaux. De cette série, nous restent cinq toiles dont le monomane du Vol[23].

On associe souvent à cette série le Vendéen, portrait d'un saisissant réalisme d'un homme traumatisé par la Guerre civile de Vendée, mais qui est sans doute plus ancien[24].

Portrait d'homme dit le Vendéen', vers 1820, huile sur toile, Musée du Louvre, Paris.
La mort de Géricault, par Ary Scheffer. À son chevet, figurent ses amis le colonel Bro de Comères et le peintre Pierre-Joseph Dedreux-Dorcy.
Géricault mourant, lithographie de Léon Cogniet (1794-1880) de 1823.

En 1822, il a une relation suivie avec une certaine « Madame Trouillard », à qui il confie être malade[25]. Bien qu'épuisé, Géricault continue de vivre « comme s'il était dans la plénitude de ses forces alors que les ravages d'une maladie dont le ferment était depuis plusieurs années dans son sang réapparurent »[26].

Il tombe plusieurs fois de cheval, et se brise le dos en août 1823 en tombant rue des Martyrs, à Paris. Il est alité, paralysé. Les médecins diagnostiquent une phtisie de la colonne vertébrale[27].

Il meurt, le , après une longue agonie due officiellement à cette chute de cheval[28] mais plus probablement à une maladie vénérienne[29],[30], ce qui fit dire au philosophe et critique d'art Élie Faure que « Géricault est mort d'avoir trop fait l'amour »[31].

Dans son Journal, Eugène Delacroix décrit ainsi Géricault qu'il a connu : « Il a gaspillé sa jeunesse ; il était extrême en tout ; il n'aimait à monter que des chevaux entiers, et choisissait les plus fougueux. Je l'ai vu plusieurs fois au moment où il montait en selle ; il ne pouvait presque le faire que par surprise ; à peine en selle, il était emporté par sa monture. Un jour que je dînais avec lui et son père, il nous quitte avant le dessert pour aller au bois de Boulogne. Il part comme un éclair, n'ayant pas le temps de se retourner pour nous dire bonsoir, et moi de me remettre à ta table avec le bon vieillard. Au bout de dix minutes nous entendons un grand bruit : il revenait au galop ; il lui manquait une des basques de son habit ; son cheval l'avait serré, je ne sais où, et lui avait fait perdre cet accompagnement nécessaire. Un accident de ce genre fut la cause déterminante de sa mort. Depuis, plusieurs années déjà, les accidents, suite de la fougue qu'il portait en amour comme en tout, avaient horriblement compromis sa santé ; il ne se privait pas pour cela tout à fait du plaisir de monter à cheval. Un jour dans une promenade à Montmartre, son cheval s'emporte et le jette à terre. (...) Cet accident lui causa une déviation dans l'une des vertèbres[32]. »

Puis lors de sa dernière visite à Géricault, le mardi 30 décembre 1823, Delacroix écrit : « Il y a quelques jours, j'ai été le soir chez Géricault. Quelle triste soirée. Il est mourant ; sa maigreur est affreuse. Ses cuisses sont grosses comme mes bras. Sa tête est celle d'un vieillard mourant. Je fais des vœux bien sincères pour qu'il vive, mais je n'espère plus. Quel affreux changement. Je me souviens que je suis revenu tout enthousiasmé de sa peinture : surtout une étude de tête de carabinier. S'en souvenir. C'est un jalon. Les belles études. Quelle fermeté. Quelle supériorité. Et mourir à côté de cela, qu'on a fait toute la vigueur et la fougue de la jeunesse, quand on ne peut se retourner sur son lit d'un pouce sans le secours d'autrui[33]! »

Géricault est enterré au cimetière du Père-Lachaise à Paris dans le caveau des Isabey en 1824, puis, après la mort de son père, déplacé dans le tombeau familial avec celui-ci en 1828.

Alexandrine Caruel de Saint-Martin meurt en 1875, dans sa propriété au Chesnay.

Un mythe romantique

Tombeau de Théodore Géricault (1791-1824), réalisé par Antoine Étex en 1839-1840 – soit quinze ans après la mort du peintre – et financé par son fils naturel, Georges-Hippolyte Géricault.

La figure plus ou moins extravagante de Géricault - cavalier - héroïque - amant - vu par ses contemporains devient une des figures du romantisme une vingtaine d'années après sa mort[34]. Jules Michelet écrit sa vie dans son Journal 1828-1848 et consacre un long passage au peintre dans son Cinquième Cours au Collège de France. Il voit dans le peintre un « peintre-magistrat », un juge sévère du Premier empire qui « dans les mélanges bâtards de la Restauration, conserva ferme et pure la pensée nationale.Il ne subit pas l'invasion, ne donna rien à la réaction ». Géricault est un homme seul, génie pathétique et désespéré, pris dans des amours éphémères et des amitiés légères et envieuses alors que la France fait naufrage[19]. Prosper Mérimée copie les figures de chevaux d'après Géricault[35], Alexandre Dumas écrit sur lui[36]. Delacroix écrit ses souvenirs de Géricault. Son fils Georges-Hippolyte Géricault lui consacre alors une tombe particulière au Père-Lachaise en 1840.

L'homme-cheval

La tombe est surmontée d'une statue de bronze ainsi qu’un bas-relief représentant Le Radeau de La Méduse, tous deux signés Antoine Étex. Pour ce dernier, Géricault est l'unique artiste depuis Phidias et l'Antiquité grecque à avoir su dessiner les chevaux, jusqu'à proposer une étrange psycho-physionomie de l'artiste. Il affirme dans sa sixième leçon de son Cours de dessin : « Deux hommes ont peint le cheval, Gros y a largement touché : mais un seul l'a bien rendu, dans ses mouvements, dans sa fougueuse vie, dans ses mouvements, c'est Géricault (...) Géricault, c'est le cheval incarné.(...), il semble que l'âme d'un cheval soit venue se loger dans le corps d'un homme. Tous ses chevaux sont si vivants dans sa peinture, et de vraies races chevalines ! Il y a une chose singulière; j'ai sculpté Géricault, j'ai étudié son type; si on regarde sa tête, son masque moulé sur nature après sa mort, on trouve qu'il y a quelque chose qui se rapproche un peu de l'anatomie de la tête du cheval : il n'a pas le nez, les pommettes d'un homme ordinaire[37]. »

À la fin du XXe siècle, la vie de Géricault est lue au travers de la psychanalyse, des interactions des pulsions de mort et de vie, du romantisme comme scandale, de la figure de l'inceste entre Géricault et sa tante Alexandrine en vis-à-vis du Radeau de la Méduse, singulièrement mis en avant par l'écrivain Hervé Guibert, mort du sida[38].

Œuvre

Peinture

Sculptures

  • Cheval écorché ;
  • Cheval arrêté par un homme ;
  • Nymphe et Satyre ;
  • Bœuf terrassé par un tigre ;
  • Nègre brutalisant une femme ;
  • Statue équestre de l’empereur Alexandre ;
  • Lion au repos ;
  • Cavalier Antique ;
  • Écorché.

Estampes

Références en littérature

Dans Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne, le Nautilus est décoré de peintures, dont des Géricault : « Les diverses écoles des maîtres anciens étaient représentées par une madone de Raphaël, une vierge de Léonard de Vinci, une nymphe du Corrège, une femme du Titien, une adoration de Véronèse, une assomption de Murillo, un portrait d’Holbein, un moine de Vélasquez, un martyr de Ribeira, une kermesse de Rubens, deux paysages flamands de Téniers, trois petits tableaux de genre de Gérard Dow, de Metsu, de Paul Potter, deux toiles de Géricault et de Prud'hon, quelques marines de Backuysen et de Vernet. » (chapitre IX)

Théodore Géricault est le personnage principal du roman de Louis Aragon, paru en 1958, La Semaine Sainte.

Galerie

Notes et références

  1. Rue de l'Avalasse.
  2. Fiche du Portrait de Siméon Bonnesoeur-Bourginière sur le site du Minneapolis Institute of Arts.
  3. Philippe Grunchec, Tout Géricault, Paris, Flammarion, 1981, p. 3.
  4. Petite-fille de Didier de Saint-Martin, gouverneur des Îles de France (Maurice) et Bourbon (Réunion) puis syndic de la Compagnie des Indes, de parents créoles, elle est orpheline de père Étienne de Saint-Martin, (né à l'Île Maurice en 1729), officier gendarme des gardes du Roy puis lieutenant des Gardes Françaises (mort sans doute vers 1800) et de mère Alexandrine Jeanne Émilie de Vermonet (morte le 19 janvier 1801 à Paris, mariée à la Réunion en 1778).
  5. Son agent de change fit faillite : Eugène Delacroix, Journal, éditions José Corti 2009, p. 1741.
  6. voir la liste descriptives des copies in Chapitre Copies d'après les Maîtres in Charles Clément, Géricault, étude biographique, avec le catalogue raisonné de l'œuvre du maître, Paris, 1879, pp 319-324.
  7. Eugène Delacroix, Journal, éditions José Corti 2009, p. 4.
  8. Qui a posé nu pour Le Radeau de la Méduse, seul modèle vivant au milieu des cadavres prêtés par l'hôpital Cochin.
  9. Le modèle de la toile Artiste dans son atelier.
  10. Il est mort le , à Bayeux.
  11. Ainsi Georges-Hippolyte retrouvait son nom et l'héritage de son père et grand-père !
  12. crée le et dissoute le , la compagnie était constituée de 15 personnes !
  13. Voir par exemple le Portrait équestre de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie (1784-1814), vers 1812-1814, huile sur toile, 48 × 38 cm, musée national Eugène-Delacroix, Paris, d'après le tableau éponyme d'Antoine Jean Gros, cité par Dominique de Font-Réaulx, Un Géricault chez Delacroix, in Grande Galerie - Le Journal du Louvre, mars/avril/mai 2014, no 27.
  14. in Eugène Delacroix, Journal, , éditions José Corti 2009, p. 1470.
  15. Jacques-Olivier Boudon, Les naufragés de la Méduse, Éditions Belin 2016, Paris.
  16. Le Journal de Paris cité voir note 2.
  17. Les Annales du Musée de Landon cité, voir note 2.
  18. en particulier le témoignage de Jacques Labeaume : Relation circonstanciée de la Campagne de Russie, dans Jacques-Olivier Boudon, Les naufragés de la Méduse, Editions Belin 2016,Paris.
  19. a et b Jules Michelet, Cours professé du Collège de France, 1847-1848, p. 140-141.
  20. André Guyaux, Sophie Marchal, La vie romantique : hommage à Loïc Chotard, Paris, Presse Universitaire de la Sorbonne, 2003, p. 161.
  21. in Bruno Chenique, Les chevaux de Géricault, Bibliothèque de l'Image, Paris, 2202 p7
  22. Soigné par « des vétérinaires anglais la tâche déplorable de déraciner un mal déplorable » in Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne: supplément, ou Suite..., Volume 65 París, 1838, p. 298 (lire en ligne).
  23. Le docteur Georget meurt peu de temps après Géricault. A la vente Georget, cinq de ses études sont achetées par le docteur Lachèze et sont les monomanes que nous connaissons aujourd'hui. Cinq études sont achetées par le docteur Maréchal qui les emportent en Bretagne et sont perdues à ce jour. in Charles Clément, Géricault, étude biographique, avec le catalogue raisonné de l'œuvre du maître, Paris, 1879
  24. in article Gericault, Dictionnaire de la Peinture, Encyclopédie Larousse, à lire sur https://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/G%c3%a9ricault/152315
  25. « En 1985 apparaissaient à Drouot cinq lettres d'amour de Géricault et neuf réponses de Mme Trouillard » in Italo Rota, Jean-Thierry Bloch, Géricault, Éditions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 1991, 409 p.
  26. Sainte-Preuve, Biographie universelle et portative des contemporains: ou dictionnaire..., 1834, p. 1862 (lire en ligne).
  27. C'est-à-dire une tuberculose osseuse, voir Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne: supplément, ou Suite..., Volume 65, Paris, 1838, p. 298 (lire en ligne).
  28. Dictionnaire de conversation à l'usage des dames et des jeunes filles..., Volume 6, p. 210 (lire en ligne).
  29. « David et son école », Revue étrangère de la littérature, des sciences et des arts, Volume 6, p. 104 (lire en ligne).
  30. « Géricault n'était point toujours difficile sur la qualité de ses conquêtes : « Nous deux, X., nous aimons les grosses fesses.» » in article Gericault, Dictionnaire de la Peinture, Encyclopédie Larousse, à lire sur https://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/G%c3%a9ricault/152315
  31. Charles Clément, Géricault, Paris, Didier, 1868, p. 8.
  32. Eugène Delacroix, Journal, éditions José Corti, 2009, p. 1740.
  33. Eugène Delacroix, Journal, éditions José Corti, 2009, p. 110.
  34. Eliane Reynold de Seresin, Théodore Géricault, le père du romantisme français: La fougue et la passion...50 minutes, p. 13.
  35. Robert Baschet, Du romantisme au second empire, Mérimée: (1803-1870), Nouvelles éditions Latines, 1958 p. 37.
  36. Alexandre Dumas, Mes mémoires, 1863.
  37. Antoine Etex, Sixième leçon, Beaux Arts: Cours public fait à l'association polytechnique... Dix leçons..., p. 133 (lire en ligne).
  38. Bruno Chenique, Actes du colloque La vie romantique: Hommage à Loïc Chotard, PUS, 2003, p. 166.
  39. d'après le tableau éponyme d'Antoine Jean Gros, acquis par le musée en novembre 2013, auparavant dans une collection particulière.
  40. Présenté au Salon de Douai en 1823.
  41. Il s'agit d'une copie exécutée d'après une lithographie de Léon Cogniet, elle-même reproduisant en l'inversant le tableau peint par Géricault conservé au Louvre Chevaux de poste à la porte d'une écurie, dans laquelle la composition est complétée d'un postillon abreuvant ses chevaux avec un seau.
  42. « Cheval gris », notice no 07290021834, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  43. https://www.photo.rmn.fr/archive/17-510452-2C6NU0ATWX9_R.html.

Annexes

Bibliographie

  • Denise Aimé-Azam, La Passion de Géricault, Paris, 1970.
  • Aldaheff, Albert, The Raft of the « Medusa », Munich, Berlin, Londres, New York, Prestel, 2002.
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  • Jean Clay, Le romantisme. Hachette Réalités, 1980.
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  • George Oprescu, Géricault, monographie, 1927, édition française : Paris, La Renaissance du Livre, collection À travers l'Art français, 1927, 217 p.
  • Léon Rosenthal, Du Romantisme au Réalisme. Paris, réédition Macula, 1987.
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  • Jean Sagne, Géricault, Biographie, Fayard.
  • Géricault, Catalogue rétrospective du Grand Palais, 1991-1992, éd. Musées nationaux.

Roman

Bande dessinée

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