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Amédée Courbet

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Amédée Courbet
Amédée Courbet
Amédée Courbet, photographie par Eugène Appert, Paris, BNF.

Naissance
à Abbeville, France
Décès (à 57 ans)
à Makung aux îles Pescadores, Taïwan
Origine Drapeau de la France Français
Arme Marine
Grade Amiral
Années de service 18491885
Commandement Escadre d'Extrême-Orient
Conflits Conquête du Tonkin
Guerre franco-chinoise
Faits d'armes Bataille de Thuận An
Campagne de Sơn Tây
Combat naval de Fou-Tchéou
Combat de Shipu
Bataille de Zhenhai
Campagne des Pescadores (1885)
Distinctions Grand officier de la Légion d'honneur
Médaille militaire
Autres fonctions Gouverneur de la Nouvelle-Calédonie

Amédée-Anatole-Prosper Courbet, né le à Abbeville et mort le à Makung aux îles Pescadores, est un officier de marine français.

Biographie

Une enfance abbevilloise

Amédée-Prosper-Anatole Courbet est le deuxième fils du négociant en vins Courbet, qui, de sa femme, née Poulard, a eu aussi deux enfants, une fille Céline (née en 1811), future Mme Cornet, et un fils Alexandre (né en 1815). C'était une famille riche et considérée dans leur ville natale. Son père mourut en 1836. Il resta cependant à Abbeville et y poursuivit ses études à l'institution Speri, d'où il sortit bachelier.

Élève de l'École polytechnique

Après son baccalauréat, il part à Paris à l'institution Favart, et il suit les cours du lycée Charlemagne. À la fin de l'année scolaire 1845-1846, il obtient le second prix de mathématiques spéciales. En 1847, sur 126 élèves reçus, il entre dans les quinze premiers à l'École polytechnique, dans la promotion de Bouquet de la Grye.

Un acteur de la Révolution de 1848

Le , la Révolution éclate. Les polytechniciens s'élancent dans Paris insurgé. Anatole Courbet a le grade de sergent-major, et, à ce titre, entraîne et commande ses camarades.

Le directeur du journal Le National, Armand Marrast, devenu maire de Paris, fait alors la connaissance d'Anatole Courbet. Il lui propose de venir travailler avec lui, à la fois au journal et à l'hôtel de ville. Il devient également le secrétaire du gouvernement provisoire. Observant les hommes politiques changer d'avis régulièrement, Anatole Courbet est déçu. Il comprend qu'il ne sera jamais un homme politique. Il écrit cette phrase bien après ces événements : « Quand je pense qu'il y a aujourd'hui trente-six ans, je risquais ma peau dans les rues de Paris pour préparer l'avènement de ces polichinelles-là… Ce remords me poursuivra jusque dans la tombe… »[réf. nécessaire]

Après cela, Courbet retourne à ses études et sort 56e à l'examen final.Ses examinateurs notent : « goût prononcé pour la Marine : pourra faire un bon officier. »[réf. nécessaire]

Lors de la promotion de 1849, nommé aspirant de 1re classe il est dirigé d'office sur le port de Toulon pour être embarqué sur le navire L’Océan.

Carrière dans la marine française

Un début de carrière prometteur

Il arrive à Toulon en octobre 1849. Son premier vaisseau à embarquer en tant que jeune aspirant est L’Océan. Ensuite, le , il embarque sur une corvette à voiles La Capricieuse. De Toulon il gagne Valparaiso, Gambier, Marquises, Tahiti, Macao

Puis Courbet reçoit l'ordre d'embarquer sur L’Olivier qui a charge de poursuivre les pirates levantins pendant la Guerre de Crimée. Il est nommé enseigne de vaisseau en 1854 et lieutenant de vaisseau le . Sur le Coligny, il participe à une tournée des "presidios" espagnols au Maroc (Peñón de Vélez de la Gomera, Peñón de Alhucemas, Melilla et les îles Zaffarines)[1].

Au début de l'année 1858, un ordre de mission l'envoie à Lorient pour faire du service à terre. Courbet n'aime guère cela. Il embarque sur le vaisseau-école Le Suffren. Ensuite, le , il est promu capitaine de frégate.

Missions aux Antilles et en Nouvelle-Calédonie

En , Courbet embarque sur Le Talisman pour une mission aux Antilles le . Il retourne aux Antilles à bord de La Minerve et, le , il est promu au grade de capitaine de vaisseau.

Nommé chef d'état-major général de l'amiral d'Hornoy, il monte à ce titre à bord du cuirassé Le Richelieu le . Pour la première fois, Courbet a en mains une flotte entière composée de neuf cuirassés et cinq croiseurs. Courbet remplit sa mission avec zèle. L'amiral Jauréguiberry le convoque à son cabinet le pour lui proposer sa nomination à la fonction de gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, contre son gré, puisqu'il ne souhaite pas dépendre d'hommes politiques républicains.

Nommé au poste de gouverneur en juin, il devient à la fois officier colonial et administrateur civil. Il débarque à Nouméa le , est promu contre-amiral en septembre et reste gouverneur de Nouvelle-Calédonie jusqu'au , date à laquelle il remet ses pouvoirs à son successeur, Pallu de la Barrière. Son séjour calédonien, dans une conjoncture politique difficile, est émaillé de conflits avec le conseil municipal de Nouméa et avec une partie de la presse locale.

Les dossiers locaux qu'il a à traiter sont évidents : législation sur la presse, bagne, sauterelles, Malabars, fête nationale, collège de Nouméa, réorganisation de la justice, amélioration du fonctionnement des commissions municipales, opposition constructive au conseil municipal de Nouméa (conseiller Mourot, etc), arrêt de l'émigration des Néo-Hébridais.

Courbet quitte la Nouvelle-Calédonie pour Sydney, puis la France, le surlendemain, heureux d'être débarrassé de « cet odieux gouvernement »[réf. nécessaire].

Mission en Indochine

L'amiral Courbet à la cour de Hué.

Le , Courbet embarque sur le Bayard, dont le nom reste inséparable du sien. Le , une dépêche arrivée d'Indochine bouleverse la France entière : celle du massacre de plusieurs soldats et marins français par les Pavillons noirs.

Courbet part avec sa flotte pour la Cochinchine sur le champ et, le , il arrive devant Saïgon. Les ordres sont simples : agir et vite. Le 18, l'escadre écrase les forts de Thuan-An et le 20, après une bataille féroce, la France emporte la ville contre les Annamites, grâce au contre-amiral Courbet. Le 25, le roi Hiep-Hoa signe un traité en reconnaissant le protectorat français. Le la campagne du Tonkin commence. Courbet se voit confier le commandement en chef des forces de terre et de mer. L'assaut est donné le 13, mais les Tonkinois possédant un armement moderne et étant des combattants valeureux, ils opposent une résistance farouche à l'armée française. Puis, le 16 au matin, la colonne française débouche devant Tonkin, malgré un ennemi supérieur en nombre et bien armé.

Le , Courbet est nommé commandant en chef de la Division navale du Tonkin. Il impose à l'Annam la paix de Hué et enlève Sontay aux Pavillons noirs, après avoir dirigé en personne l'offensive d'un monticule. Visible de tous et soumis au feu nourri des défenseurs chinois, il demeure d'un sang-froid absolu, inspirant le respect y compris aux soldats de l'armée de terre, qui n'ont guère l'habitude d'être commandés par un marin.

Le , nommé vice-amiral, il reçoit le commandement en chef de toutes les forces navales d'Extrême-Orient. Dans cette guerre franco-chinoise, les victoires s'enchaînent le Bac-Ninh est pris ; puis Fou-Tchéou, Keelung, Penghu. Le , la dernière place forte aux mains des Pavillons noirs, Hong-Hoa, succombe à son tour. La victoire est rapide, complète et décisive. Elle est encore la victoire de Courbet.

Le , 600 soldats français, marchant sous le commandant Dugenne vers Lang-Son, sont attaqués par 6 000 réguliers chinois et massacrés. Jusqu'au 1er août, les négociations pour la paix entre la Chine et la France se poursuivent, mais en vain. Le , la guerre contre la Chine commence. Courbet a sous ses ordres un aviso, trois croiseurs, trois canonnières, et deux torpilleurs. Les Chinois ont onze bâtiments de guerre, douze jonques de guerre et sept canots torpilleurs à vapeur.

Le vice-amiral Courbet descend avec sa flotte la rivière de Min, pour détruire toutes les forteresses sur son passage. C'est la « descente de la rivière Min ». Courbet est alors surnommé « le terrible Coupa ». Les forts Mingan, Kimpaï, Blanc et la flotte chinoise sont réduits au silence. Et le la bataille est terminée sur une victoire pour la France.

Honneurs et décès

Chapelle ardente en l'honneur de l'amiral Courbet.
Sépulture de l'amiral Courbet.

Le , le gouvernement lui décerne la médaille militaire. Le , il est promu amiral.

Courbet reçoit l’ordre de s’emparer de Formose ou, à défaut, d’en opérer le blocus. Il tente de convaincre le gouvernement que les forces dont il dispose ne lui permettront pas de se rendre maître d’une île quatre fois plus grande que la Corse. C’est peine perdue, il arrive donc sur place le . Il faut attendre le pour que Courbet, lançant ses canots porte-torpilles, coule plusieurs bateaux chinois dans la rade de Shei Pou. Dans un courrier adressé à son ministre de tutelle, il n’oublie pas de rappeler modestement le rôle des hommes qu’il a sous son commandement : « Avec des officiers et des hommes de cette trempe on peut entreprendre tout ce qui est praticable »[2].

Courbet fait appel au jeune capitaine Joffre[3], le 19 février 1885, et le nomme Chef de Génie du corps de Formose. Joffre sera chargé de reconstruire les fortifications de l'ile.

Courbet prend part de façon décisive à la campagne des îles Pescadores, fin mars 1885, et les Français occupent cet archipel chinois. Courbet est dès lors considéré en France métropolitaine comme un héros national, mais sa santé décline lentement, rongé depuis deux ans par le choléra. Dès le , ses forces diminuent. Le , l'agonie commence ; le soir à 21 h 30, le docteur Doué annonce « Messieurs, l'amiral Courbet est mort »[réf. nécessaire]. Il est mort à bord du Bayard, son navire. Il est grand officier de la Légion d'honneur. Du simple matelot à ses officiers, tous s'inclinent devant sa dépouille. Celle-ci est déposée dans un cercueil de plomb, un de chêne, un troisième en zinc et le dernier en teck.

La dépouille de l'amiral est ramenée en France à bord du Bayard. Le , le navire mouille aux Seychelles et le à Port-Saïd. Le , le cercueil de Courbet arrive à Paris. Les marins du Bayard le transportent dans la cour d'honneur de l'hôtel des Invalides où les honneurs militaires lui sont rendus[4]. Le ministre de la Marine, Charles-Eugène Galiber et le président du Conseil, Henri Brisson lui rendent un hommage officiel à la Chambre et au Sénat.

Le sabre de l'amiral Courbet a été déposé dans la chapelle « Marine » de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre. Par testament, il lègue « ses économies en espèces et ses valeurs mobilières » à la Société de sauvetage en mer de la baie de Somme[5]. Il est enterré au cimetière de la Chapelle d'Abbeville.

Témoignages

Pierre Loti a écrit à propos de l'amiral Courbet :

« Il se montrait très avare de ce sang français. Ses batailles étaient combinées, travaillées d'avance avec une si rare précision, que le résultat, souvent foudroyant, s'obtenait toujours en perdant très peu, très peu des nôtres ; et ensuite, après l'action qu'il avait durement menée avec son absolutisme sans réplique, il redevenait tout de suite un autre homme très doux, s'en allant faire la tournée des ambulances avec un bon sourire triste ; il voulait voir tous les blessés, même les plus humbles, leur serrer la main ; — eux mouraient plus contents, tout réconfortés par sa visite[6]. »

Maurice Loir, officier sur le cuirassé Triomphante, a écrit à propos de l'amiral Courbet :

« La mort de ce chef était faite pour répandre dans toute l'escadre les plus vifs sentiments de regret et de tristesse. Tous ces officiers qui l'avaient vu à l'œuvre, qui avaient eu l'honneur et le bonheur de servir sous ses ordres, mesuraient l'étendue de la perte que faisaient à la fois la Marine et la France […] Cette mort soudaine ne créait pas seulement un vide présent. Elle arrachait une espérance […] »

Et après la descente de la rivière Min :

« Tous s'inclinaient devant la haute valeur de ce chef qui avait exactement reconnu d'un œil infaillible jusqu'où il pouvait tenter la fortune et pousser l'audace […] Du pont du Duguay-Trouin, comme naguère du pont du Volta, il avait suivi toutes les péripéties des quatre dernières journées, transmettant les ordres les plus clairs, les plus nets, les plus précis, questionnant chacun sur les résultats obtenus, poursuivant sa tâche avec autant de méthode et de science que d'énergie et d'intrépidité[7]. »

Ernest Thounens, commandant le croiseur Parseval, a écrit à propos de l'amiral Courbet :

« Comment faisait-il car, il était un chef dur, inflexible pour les autres autant que pour lui-même, ne laissant jamais voir sa sensibilité exquise, ni ses larmes qu'à ceux qui allaient mourir […] N'admettant jamais la discussion de ses ordres, tout en restant parfaitement courtois, il avait sa manière à lui, impérieuse et brève, de les donner : « Vous m'avez compris, mon ami?… Allez. » avec cela un salut, une poignée de main, et on allait n'importe où. »

Extrait du poème qui lui est dédié, par François Coppée[8] :

Courbet, grand et vénéré nom !
Il vient. Il apparut et disparut trop vite,
Et sa gloire brille pour s'éteindre subite,
Ainsi que l'éclair d'un canon.
Ce qu'il fut : un marin. - Un marin c'est-à-dire
L'homme qui n'est heureux qu'en mer, sur le navire
Qui peut devenir son tombeau ;
L'homme qui, pour servir son pays, sacrifie
Et risque chaque jour, à chaque instant, sa vie…
Un marin!… et rien n'est plus beau.
Il eut ces deux amours : la patrie et l'espace…

Hommages posthumes

Notes et références

  1. « Corvettes à roues », sur dossiersmarine.org (consulté le ).
  2. Chailley, Léon, L'Amiral Courbet en Extrême-Orient, notes et correspondance, Paris, Léon Chailley, , 346 p., p. 266.
  3. Claude Colomer, Joffre le colonial, SALS, , p 22.
  4. livre-rare-book.com.
  5. « Biographie de l'Amiral Courbet », sur bstorg.free.fr (consulté le ).
  6. Pierre Loti, La mort de l’amiral Courbet, pp. 191-204, in Lionval (comte de), « La croix et l'épée. Vie illustrée de l'amiral Courbet 1827-1885 », C. Paillart, Abbeville, éditions des brochures illustrées de propagande catholique, 1900, 239 pp.
  7. Maurice Loir, L'escadre de l'Amiral Courbet.
  8. L'Amiral Courbet, strophes dites… à l'assemblée générale de la Société centrale de sauvetage des naufragés, le 12 mai 1886 [1].
  9. Notice sur petit-patrimoine.com.
  10. « Monument funéraire de l’Amiral Courbet – Abbeville », notice sur e-monumen.net.
  11. Tombeau de l'amiral Courbet dans le cimetière d'Abbeville, dessin de Henri Meyer, une du Journal illustré, 31 août 1890.

Annexes

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Bibliographie

  • Charles Marie Chabaud-Arnault, Les combats de la rivière Min en 1884, dans Revue maritime et coloniale, tome 84, , p. 517-547.
  • Émile Ganneron, secrétaire-rédacteur au Sénat, L'Amiral Courbet d'après les papiers de la marine et de la famille, Paris Librairie Léopold Cerf, 1885.
  • Maurice Loir, lieutenant de vaisseau à bord de la Triomphante, L'escadre de l'amiral Courbet, notes et souvenirs, Berger-Levrault, 1886.
  • Maurice Loir, L'escadre de l'amiral Courbet, Berger-Levrault, 1892.
  • Francis Desplantes, L'Amiral Courbet et le Tonkin, avec gravures, éditions Mégard et Cie, Rouen 1893.
  • Charles Lavauzelle, Les Troupes de marine, Paris-Limoges, les Editions Lavauzelle, 1986.
  • Jean-Pierre Rioux, Dictionnaire de la France coloniale, les Editions Flammarion, Paris, 2007.
  • Georges Toudouze, La Vie héroïque de l'amiral Courbet, Paris, les Editions militaires illustrées, 82 rue Lauriston, 1944.
  • Claude Farrère, de l'Académie française, L'Amiral Courbet, vainqueur des mers de Chine, Éditions françaises d'Amsterdam, 1953.
  • Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », .
  • Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, , 427 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7373-1129-2, BNF 35734655).
  • Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, éditions Perrin, , 526 p. (ISBN 978-2-262-03715-4).
  • Étienne Taillemite, Dictionnaire des marins français, Paris, Tallandier, coll. « Dictionnaires », , 537 p. [détail de l’édition] (ISBN 978-2847340082).

Articles connexes

Liens externes