Catastrophisme

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Meteor Crater, Arizona.

Le catastrophisme est une théorie scientifique en rapport avec la biologie et la géologie qui tente de construire rationnellement les croyances sur l'origine du monde et sur l'évolution des espèces en mettant en avant l'impact qu'auraient eu des catastrophes de courte durée, violentes et inhabituelles. Un nom pour ce type de théorie est apparu au XIXe siècle, en opposition à l'uniformitarisme, théorie qui, quant à elle, postule que les processus qui se sont exercés dans un passé lointain s'exercent encore de nos jours. Les fondements du catastrophisme s'opposent partiellement ou totalement à ceux de la théorie de l'évolution.

Par ailleurs, depuis le début du XXIe siècle le catastrophisme quitte le domaine des sciences biologiques et géologiques et fait explicitement l'objet de diverses théorisations tant sur le plan social, philosophique[1], que politique[2] et historique et déborde largement dans le complotisme, l'ufologie ou les pseudo-sciences ainsi que dans la littérature d'anticipation et des thèmes de la science-fiction.

Histoire[modifier | modifier le code]

Développement du catastrophisme[modifier | modifier le code]

Avant l'émergence de la théorie de l'uniformitarisme, la croyance dominante sur la création du monde et l'apparition de la vie relevait essentiellement (et pas seulement dans un contexte chrétien) d'une conception dite irréaliste. En Europe, l'idée d'une grande inondation, popularisée par la Bible, est un exemple typique de ces croyances. Cette théorie s'appuyait par ailleurs sur certaines observations géologiques et paléontologiques.

Georges Cuvier par Mathieu-Ignace Van Brée.

Le partisan scientifique le plus notable du catastrophisme au début du XIXe siècle fut le naturaliste Georges Cuvier (1769 - 1832). Il cherchait à expliquer les extinctions et la présence de successions de faunes différentes sur les divers étages géologiques.

Selon cette théorie, les espèces s'éteignaient à cause de catastrophes locales ou d'échelle planétaire, suivies par la formation de nouvelles espèces ex nihilo, c'est-à-dire que les espèces éteintes étaient retrouvées sous la forme de fossiles et que les espèces nouvelles étaient considérées comme immuables (fixisme). Cette théorie, liée à celle du créationnisme, était en accord avec l'épisode biblique : les fossiles étaient les restes d'espèces n'ayant pas trouvé de place sur l'Arche de Noé, la dernière catastrophe étant le Déluge[3]. Le disciple de Cuvier Alcide d'Orbigny, partisan non plus du créationnisme unique mais répété, justifia le catastrophisme en dénombrant dans les coupures stratigraphiques 28 grandes crises au niveau des fossiles qui s'étaient produites sur 6 000 ans (âge de la Terre selon la Bible)[4].

Dès la fin du XVIIIe siècle, plusieurs nouvelles théories commencèrent à remettre en cause le catastrophisme. Les plus importantes d'entre elles furent le transformisme développé par Jean-Baptiste de Lamarck et publié dès 1802 par le Muséum d'histoire naturelle et l'uniformitarisme formulée par James Hutton. La théorie de l'évolution allait ensuite définitivement supplanter le catastrophisme.

Retour des catastrophes[modifier | modifier le code]

Des années 1850 à 1980, la plupart des géologues ont appuyé les théories uniformitaristes et gradualiste. Cependant, ces deux théories sont à moduler par l'existence d'extinctions massives.

Par exemple, la théorie de Luis Walter Alvarez et son fils pour expliquer l'extinction du Crétacé suppose l'impact d'une météorite géante. Cette théorie explique à la fois la disparition des dinosaures et l'importante radiation évolutive des oiseaux et des mammifères qu'a connu la terre il y a 65 millions d'années. Ces théories, bien que mettant en cause une catastrophe, ne relèvent cependant pas de la théorie catastrophiste, car les fondements du catastrophisme s'opposent par principe à ceux de la théorie de l'évolution.

Scientifiques en biologie et géologie[modifier | modifier le code]

Hypothèse de l'impact géant[modifier | modifier le code]

L’hypothèse de l'impact géant propose que la Lune a été créée à partir de la matière éjectée par une collision entre la jeune Terre et un corps planétoïde (protoplanète) de la taille de Mars nommé Théia. Élaborée dans les années 1970, cette hypothèse demeure la plus robuste pour expliquer la formation de la Lune[5]. Cet impact se serait produit 100 millions d’années après la naissance du Système solaire, soit il y a 4,468 milliards d’années[6].

Extinction Crétacé-Paléogène[modifier | modifier le code]

L'Extinction Crétacé-Paléogène ou extinction K-Pg[7], est une extinction massive et à grande échelle d'espèces animales et végétales qui s'est produite sur une courte période de temps (à l'échelle géologique) il y a 66 millions d'années. La limite Crétacé-Paléogène est datée précisément à 66,043 ± 0,043 Ma[8]. Il s'agit là de l'âge de l'impact de Chicxulub, mais la plupart des extinctions ne se sont ensuite étalées que sur quelques milliers d'années[8].

Mythographes[modifier | modifier le code]

Le point de vue d'Emmanuel Velikovsky[modifier | modifier le code]

Dans les années 1950, Immanuel Velikovsky a proposé le catastrophisme dans plusieurs livres populaires. Il a émis l'hypothèse que la planète Vénus est une ancienne "comète" qui a été éjectée de Jupiter et qui, il y a 3 500 ans, a fait deux passes catastrophiques près de la Terre, à 52 ans d'intervalle, et a ensuite interagi avec Mars, qui a ensuite eu une série de quasi-collisions avec la Terre qui se sont terminées en 687 avant notre ère, avant de s'installer dans son orbite actuelle. Velikovsky a utilisé ceci pour expliquer les Dix plaies d'Égypte bibliques de l'Égypte antique, la référence biblique au "Soleil immobile" pendant un jour (Josué 10:12 et 13, expliqués par des changements dans la rotation de la Terre ) et le naufrage de l'Atlantide. Les scientifiques ont vigoureusement rejeté les conjectures de Velikovsky[9].

Dans la culture populaire[modifier | modifier le code]

  • L'écrivain Zecharia Sitchin, dans son livre La Douzième Planète, décrit la planète X Mardouk (Nibiru) comme étant située sur une orbite longue, elliptique, entrant dans le système solaire tous les 3 600 ans et y causant des modifications des pôles et d'autres catastrophes terriennes.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Pour un catastrophisme éclairé. Quand l'impossible est certain de Jean-Pierre Dupuy, Seuil, 2002; Jean-Christophe Mathias, "Politique de Cassandre - Manifeste républicain pour une écologie radicale", Sang de la Terre, 2009
  2. Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, de René Riesel et Jaime Semprun, Encyclopédie des Nuisances, 2008.
  3. Patrick De Wever, Temps de la Terre, temps de l'Homme, Paris, Albin Michel, , 240 p. (ISBN 978-2-226-20902-3)
  4. Jean Gaudant, « Actualisme, antiprogressionnisme, catastrophisme et créationnisme dans l'œuvre d'Alcide d'Orbigny (1802-1857) », Revue d'histoire des sciences, vol. 37,‎ , p. 305-312 (lire en ligne)
  5. Chloé Durand-Parenti, « Le mystère de la formation de la Lune enfin élucidé ? », sur lepoint.fr, (consulté le ).
  6. (en) Seth A Jacobson, « Highly siderophile elements in Earth's mantle as a clock or the Moon-forming impact », Nature, vol. 508,‎ , p. 84–87 (DOI 10.1038/nature13172)
  7. K est l'initiale du mot allemand Kreidezeit (« Crétacé »).
  8. a et b (en) Paul R. Renne, Alan L. Deino, Frederik J. Hilgen, Klaudia F. Kuiper, Darren F. Mark, William S. Mitchell, Leah E. Morgan, Roland Mundil et Jan Smit, « Time Scales of Critical Events Around the Cretaceous-Paleogene Boundary », Science, vol. 339, no 6120,‎ , p. 684-687 (PMID 23393261, DOI 10.1126/science.1230492, Bibcode 2013Sci...339..684R, lire en ligne).
  9. (en) Lee Krystek, « Venus in the Corner Pocket: The Controversial Theories of Immanuel Velikovsky », Museum of Unnatural Mystery (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jacques Grinevald et Ivo Rens, Pour une histoire qualitative, études offertes à Sven Stelling-Michaud, Genève, Presses Universitaires Romandes, (présentation en ligne), « Réflexions sur le catastrophisme actuel », p. 283-321.
  • Jacques Grinevald, Le Développement de la crise planétaire et le catastrophisme de l’âge nucléaire : repérages bibliographiques 1945-1984, Volume 26 de Itinéraires : Notes et travaux, Institut universitaire d'études du développement, , 78 p. (lire en ligne)
  • Jacques Grinevald, Crise et chuchotements, interrogations sur la pertinence d’un concept dominant, Genève, Paris, Cahiers de l’I.U.E.D., 15, , « Entropologie : le catastrophisme en perspective » », p. 165-195.
  • Jean-Pierre Dupuy : Pour un catastrophisme éclairé, Éditions du Seuil, 2004.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]