Utilisateur:Paraphernalia/Château de Sainte-Agnès

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Utilisateur:Paraphernalia Sainte-Agnès (Alpes-Maritimes) Bac à sable personnel

Château de Sainte-Agnès
Image illustrative de l’article Paraphernalia/Château de Sainte-Agnès
Donjon, enceinte primaire, vus du plateau
Période ou style Anglo-normand
Type château
Début construction XIIe siècle
Protection Logo monument historique Classé MH (1862)
Coordonnées 43° 48′ 05″ nord, 7° 27′ 44″ est[1]
Pays Drapeau de la France France
Anciennes provinces de France Provence
Région Provence-Alpes-Côte d'azur
Département Alpes-Maritimes
Commune Sainte-Agnès
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Château de Sainte-Agnès

Le Château de Sainte-Agnès est une forteresse médiévale en ruine qui se situe au cœur du Vexin normand, à 100 km de Paris sur la commune des Andelys (Eure). Il constitue un morceau d'histoire de France qui domine la vallée de la Seine, mêlant Richard Cœur de Lion et les rois maudits en haut d'une falaise de calcaire. Château-Gaillard a plus de 800 ans. Il devrait son nom à Richard Cœur de Lion qui, le voyant achevé, aurait dit « Que voilà un château gaillard ! ».

Le château fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques par la liste de 1862[2].

Contexte : la Normandie à la fin du XIIe siècle[modifier | modifier le code]

Le château, vu de la Seine, logis (à gauche) et donjon

La construction de la forteresse s'inscrit dans la lutte que se livrent depuis les années 1060 les rois de France et les rois d'Angleterre, alors maîtres de la Normandie. En 1189, Richard Ier dit Richard Cœur-de-Lion hérite des couronnes de son père Henri II Plantagenêt, roi d'Angleterre et duc de Normandie. Le roi Philippe Auguste (Philippe II de France), jusque-là allié de Richard, s'éloigne de lui. Ils partent toutefois ensemble dès l'hiver 1190-1191 pour la Terre sainte. Mais après quelques mois, Philippe Auguste retourne dans son royaume et profite de l'absence de Richard pour entamer la conquête de la Normandie. Dès son retour, le roi d'Angleterre entreprend avec énergie de récupérer la suprématie sur la frontière orientale de son duché de Normandie. Après avoir battu l'armée du Capétien à Fréteval près de Vendôme, il conclut un traité de paix avec son rival en 1196. Richard consent notamment à la perte de plusieurs places fortes parmi lesquelles Gaillon et Vernon. La frontière orientale du duché est du coup fragilisée. Le roi d'Angleterre doit construire une nouvelle forteresse pour barrer la route de la Seine à la prochaine offensive des Français. Le site des Andelys lui apparaît idéal.

Vue panoramique de la forteresse

Un château né d'une usurpation et d'une infraction[modifier | modifier le code]

La première mention connue du site se trouve dans le cartulaire de la cathédrale de Nice. Ce document fait état d'une donation effectuée en 1150 par un personnage nommé Rostagnus de Sainte-Agnès. Le choix des Andelys par Richard pose un double problème : d'une part, le lieu appartient à l'archevêque de Rouen ; d'autre part, le roi d'Angleterre n'a pas le droit de fortifier l'endroit selon les termes du traité de 1196. Mais, il n'a pas le choix s'il veut défendre la vallée de la Seine. Il passe donc outre les oppositions. Ce qui lui valut les foudres de l'archevêque Gautier de Coutances. Finalement, un compromis fut conclu en octobre 1197 : Richard offrit au prélat plusieurs terres ducales contre la possession des Andelys[3]. L'échange était particulièrement favorable à l'Église.

Le site[modifier | modifier le code]

Le château est installé sur un éperon rocheux dominant la Seine d'environ 90 mètres. Le site n'est toutefois pas l'endroit le plus haut du secteur puisqu'au sud-est s'étend un plateau qui le domine de 50 mètres.

Le système défensif dépassait de loin la seule forteresse que nous voyons aujourd'hui et bloquait littéralement le fleuve. Au pied du château, le bourg fortifié de la Couture (embryon du Petit Andely) avait été créé. De là, un pont enjambait la Seine et prenait appui sur une île fluviale qui accueillit un petit château polygonal (le château de l'île). Quelques centaines de mètres en amont du fleuve, une triple rangée de pieux empêchait la descente des navires (l'estacade). Deux mottes castrales servaient d'avant-postes : la tour de Cléry sur le plateau et celle de Boutavent dans le vallée. Au centre, poste d'observation magistral et imprenable, le Château-Gaillard (appelé aussi château de la Roche / de la Roque en normand). L'ensemble avait pour vocation de verrouiller la boucle de la Seine en amont de Rouen en cas de danger.

L'architecture[modifier | modifier le code]

Vue panoramique

Cet aspect est assez bien connu grâce aux multiples fouilles et aux comptes de l'Échiquier de Normandie.

Pressée par l'imminence d'un retour de la guerre, la construction du château prend moins de deux ans et en 1198, les travaux sont achevés. Le résultat impressionna les contemporains. D'où le commentaire prêté à Richard Cœur de Lion : « Comme elle est belle ma fille d'un an ».

Château Gaillard est en pierre. Il s'en distingue par la complexité de son plan. Le château ne ressemble pas aux forteresses construites ou améliorées dans la première moitié du XIIe siècle, par le roi Henri Ier. Ces dernières se présentaient généralement sous la forme d'un grand rempart de pierre enfermant un vaste espace ; un donjon carré ou une porte fortifiée complétait le dispositif défensif[4]. Château Gaillard s'organise en multiples volumes, emboîtés ou presque indépendants les uns des autres. L'objectif est clairement de multiplier les obstacles afin d'épuiser l'assaillant. Cette disposition permet également d'entraver la progression des machines et nécessite moins de défenseurs[5].

Les différentes parties du château sont :

  • le donjon. C'est l'un des éléments les plus originaux et les mieux conservés. Il se présente sous la forme d'une tour circulaire mais renforcée, d'une part par un éperon, et d'autre part par des contreforts en forme de pyramides inversées. Ces contreforts se rejoignaient en arcs brisés qui supportaient des mâchicoulis. Ces derniers éléments ont disparu. Le donjon comptait trois niveaux mais on entrait par le premier étage. L'ouverture de baies géminée, côté falaise, indique que la tour avait une fonction résidentielle en plus de son rôle défensif.
  • Le donjon se situe au sein d'une haute cour, elle-même entourée par une enceinte et un fossé externe. Y prenaient également place une grande salle (aula), un four à pain et une armurerie. Des celliers, creusés dans la roche, assuraient dit-on le ravitaillement d'une garnison pendant deux ans. Assez bien conservée, l'enceinte, ellipsoïdale, constitue une partie originale. Elle présente en effet côté plateau une surface festonnée, lui assurant une meilleure résistance face aux gros projectiles. Cette innovation ne fut pas imitée. Côté falaise, l'enceinte montre en revanche un mur plat et peu épais. Des fenêtres trouent la muraille.
  • La basse-cour englobe la haute-cour et son donjon. Elle est entourée d'un fossé et d'un rempart polygonal dont il ne reste plus grand chose. Une chapelle et des bâtiments domestiques se trouvaient à l'intérieur.
  • De forme polygonale, l'ouvrage avancé forme une partie quasi-indépendante du château puisque seul un pont enjambant un fossé le reliait à la basse-cour. Il avait pour charge de renforcer la défense du côté le plus vulnérable de Château Gaillard, c'est-à-dire du côté du plateau en surplomb. Il servait aussi d'entrée au château, ce qui l'apparente à une barbacane[6].
  • L'ensemble des éléments du château est isolé par un fossé.

Pour l'archéologue Annie Renoux, Château Gaillard est « à la fois archaïque et novateur »[7]. Archaïque par son assiette castrale, novateur par sa géométrie savante. Les érudits ont souvent expliqué que son architecture originale fut influencée par les châteaux syriens que Richard avait connus lors de la Troisième croisade. Cette origine est aujourd'hui discutée[8]mais il n'empêche que certains éléments sont modernes pour l'époque tels la muraille festonnée, le système de mâchicoulis sur arcs brisés portés par des contreforts inversés et le flanquement régulier des courtines par des tours circulaires. La fonction à la fois résidentielle et défensive du donjon sera une idée poursuivie par Philippe Auguste.

Pour les contemporains, c'est une forteresse inexpugnable[9]. Trois puits de 120 mètres (20 m sous le niveau de la Seine) sont creusés dans le sol calcaire, mais aussi de nombreuses caves destinées aux stockages des denrées nécessaires pour soutenir un long siège. Toutefois, de conception passive, Château Gaillard ne peut pas exercer une défense active[10]. De plus, il était dominé au sud-est par un plateau où l'on pouvait installer des machines de guerre.

Le siège de Château Gaillard[modifier | modifier le code]

Donjon, côté Seine

La Philippide, œuvre de Guillaume le Breton, nous renseigne principalement sur cet événement majeur dans l'histoire du château. Après la mort de Richard en avril 1199, son jeune frère Jean sans Terre lui succède sur le trône ducal. Philippe Auguste profite de ce changement de règne pour reprendre la conquête du duché de Normandie. Sous la pression du légat Pierre de Capoue, le Roi conclut un traité de paix le , connu sous le nom de traité du Goulet. Philippe Auguste conserve ses dernières conquêtes, notamment le Vexin Normand, à l'exception de Château Gaillard. Cette paix est rompue en 1202. Le roi reprend l'offensive et en août 1203, il s'empare de l'île d'Andely (avec son fort) et du bourg de la Couture, abandonné par sa population. Non loin, les Anglo-Normands abandonnent sans combat le château du Vaudreuil puis c'est au tour du château de Radepont de tomber. L'estacade est détruite, rendant la navigation sur la Seine possible. La route de Rouen est ouverte pour les Français. Donc, quand en septembre, Philippe entreprend le siège du château[11], la forteresse n'est plus si indispensable à prendre. Elle reste toutefois pour le roi de France un symbole (c'est le château de Richard Cœur de Lion) à abattre[12].

Philippe Auguste entoure la forteresse d'un double fossé de circonvallation qu'il hérisse de 14 beffrois. Mais conscient du caractère redoutable de la place forte, le roi de France compte surtout sur un blocus qui affamera la garnison et la population retranchées à l'intérieur pour soumettre Château Gaillard. Roger de Lacy commande la garnison et se montre prêt à résister le temps qu'une armée de secours envoyée par Jean sans Terre le débloque. Pour préserver les vivres, les 1200 habitants de La Couture (Petit Andely), qui avaient trouvé refuge dans le château, en sont chassés en décembre. Les Français assiégeants les repoussèrent. Tassés dans la deuxième enceinte, exposés au froid de l'hiver, ils moururent de faim ; sinistre tableau peint par Tattegrain en 1894[13].

Mais ce n'est pas la famine qui assure au roi de France la prise de Château Gaillard. Il tire parti des « erreurs dans la conception même de la forteresse, qui vont apparaître au fur et à mesure de la progression de l'assaut »[14]. Les Français attaquent d'abord la grosse tour qui domine l'ouvrage avancé. Son écroulement oblige les défenseurs à se replier dans le château proprement dit. La légende voudrait que les Français soient entrés dans la basse-cour par les latrines. À la lumière du récit de Guillaume le Breton, ils se seraient introduits par l'une des fenêtres basses de la chapelle que Jean sans Terre avait fait construire bien mal à propos. Les assaillants débouchent dans la basse-cour tandis que les défenseurs s'enferment dans le donjon. Mais comme un pont dormant relie la basse-cour au donjon, les mineurs français n'ont pas de grandes difficultés à s'approcher de la porte. Un engin de jet l'enfonce finalement[15]. La garnison comprenant 36 chevaliers et les 117 sergents ou arbalétriers se rend le . Le siège a coûté la vie à quatre chevaliers[16]. Le champ est désormais libre au roi de France pour achever la conquête du duché de Normandie. Conquête facilitée par l'abattement moral chez les Anglo-Normands, consécutif à la chute de Château Gaillard. Le duché tombe entièrement en juin 1204.

Destin de la forteresse[modifier | modifier le code]

Les Rois maudits[modifier | modifier le code]

Basse-cour

En 1314, deux des trois belles-filles de Philippe IV le Bel (1268-1314) furent enfermées à Château Gaillard après l'affaire de la tour de Nesle : Marguerite de Bourgogne, femme adultère du dauphin Louis de France (futur Louis X dit « le Hutin ») et Blanche, épouse de Charles de France (3e fils de Philippe, futur Charles IV le Bel). La première y mourut tandis que la deuxième fut « autorisée » à se retirer au couvent de Maubuisson.

Guerre de Cent Ans[modifier | modifier le code]

Entrée de l'enceinte primaire qui protège le donjon

Durant ce conflit, le Château-Gaillard subit plusieurs sièges. Le , il tombe aux mains des Anglais au bout de seize mois de siège et ce parce que la dernière corde nécessaire à la remontée de l'eau du puits s'était rompue. C'était la dernière place forte normande qui résistait encore au roi Henri V d'Angleterre. La Hire, compagnon de Jeanne d'Arc s'en empare en 1429. En 1430, la forteresse est de nouveau sous contrôle anglais. En 1449, Charles VII en reprend possession.

Époque moderne[modifier | modifier le code]

Pendant les guerres de religion, les Ligueurs s'enferment dans le château alors sous le commandement de Nicolas II De La Barre De Nanteuil. Henri IV s'en empare en 1591 après presque deux ans de siège. En 1595, les États de Normandie demandent au roi la démolition de l'édifice afin d'éviter qu'une nouvelle bande de soldats s'y retranche pour piller la région. Henri IV accepte. En 1603, les Capucins des Andelys sont autorisés à prendre des pierres pour la réparation de leur couvent. Autorisation donnée également sept ans plus tard aux Pénitents de la ville. Les deux communautés religieuses s'attaquent en priorité aux courtines de la basse-cour et de l'ouvrage avancé. La destruction est interrompue en 1611 puis reprise sous l'égide de Richelieu. Le cardinal ordonne l'arasement du donjon et de l'enceinte de la haute-cour.

Ruines romantiques[modifier | modifier le code]

En 1852, Château-Gaillard est classé parmi les monuments historiques. Il entre dans les guides touristiques vantant les ruines romantiques de la Normandie, au même titre que l'abbaye de Jumièges et les châteaux de Lillebonne, de Gisors ou de Tancarville. En 1885-1886, l'architecte G. Malencon, puis vers 1900, l'archéologue Léon Coutil, sont chargés de dessiner un relevé des vestiges. Plusieurs fouilles et sondages ont permis de mieux connaître le château. Si son plan est maintenant bien connu, il reste des incertitudes sur son histoire et sur l'origine de certains perfectionnements architecturaux.

Quelques chiffres[modifier | modifier le code]

  • Longueur : 200 m
  • Largeur : 80 m
  • Altitude : environ 100 m (celle de la Seine se trouvant à 10 m)
  • Coût : 45 000 livres pour l'ensemble du programme de fortification (château avec les avant-postes, le pont sur la Seine et le bourg de la Couture), l'équivalent de la solde annuelle de 7 000 fantassins
  • Poids : 4 700 tonnes de pierre
  • Donjon : 8 m de diamètre intérieur, 18 m de hauteur
  • Murailles : 3-4 mètres d'épaisseur

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Coordonnées vérifiées sur Géoportail et Google Maps
  2. Notice no PA00099304, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  3. François Neveux, La Normandie des ducs aux rois, Rennes, éditions Ouest-France Université, 1998, p.558
  4. Joseph Decaëns, « Le temps des châteaux » in L'architecture normande au Moyen Âge, Presses Universitaires de Caen, éditions Charles Corlet, 1997, tome 1, p. 179
  5. Annie Renoux, « Résidences et châteaux ducaux normands au XIIe siècle. L'apport des sources comptables et des données archéologiques », in L'architecture normande au Moyen Âge, Presses Universitaires de Caen, éditions Charles Corlet, 1997, tome 1, p. 204
  6. Joseph Decaëns, « Le Château-Gaillard » in L'architecture normande au Moyen Âge, Presses Universitaires de Caen, éditions Charles Corlet, 1997, tome 2, p. 286-287
  7. Annie Renoux, « Résidences et châteaux ducaux normands au XIIe siècle. L'apport des sources comptables et des données archéologiques », in L'architecture normande au Moyen Âge, Presses Universitaires de Caen, éditions Charles Corlet, 1997, tome 1, p. 208
  8. Joseph Decaëns, ibid, p. 287. Les archéologues ont retrouvé des précédents à Niort ou à la Roche-Guyon
  9. François Neveux, idem
  10. Dominique Pitte, « La prise de Château Gaillard dans les événements de l’année 1204 », in 1204. La Normandie entre Plantagenêts et Capétiens, sous la direction d'Anne-Marie Flambard Héricher et de Véronique Gazeau, Caen, Publications du CRAHM, 2007, p. 146
  11. François Neveux,ibid, p.565
  12. Dominique Pitte, ibid, p. 147
  13. Cette toile se trouve dans l'hôtel de ville des Andelys.
  14. Dominique Pitte, ibid, p. 148
  15. Dominique Pitte, idem
  16. Les gestes de Philippe Auguste, extraits des Grandes Chroniques de France, dites de Saint-Denis, Recueil des historiens de la Gaule et de la France, tome 17, Paris, V. Palme, p. 391

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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