Libération de Limoges

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La libération de Limoges est un événement historique de la Seconde Guerre mondiale en France qui correspond à la fin de la présence à Limoges de l'occupant allemand, le 21 août 1944 deux mois après Tulle et Guéret.

La reddition des troupes allemandes est obtenue sans violence, après l'encerclement de la ville par les forces de la Résistance du maquis du Limousin coordonnées par Georges Guingouin. Cette décision est toutefois contraire aux préconisations du PCF dont Guingouin est membre[1].

La négociation revient à Jean d'Albis, correspondant local du consulat de Suisse à Lyon. S'y implique également fortement le pasteur protestant Albert Chaudier[2].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Contexte[modifier | modifier le code]

Georges Guingouin, instituteur de métier, est à la tête du maquis du Limousin, dont les spécificités principales tiennent à la nature essentiellement rurale (avec un recrutement massif parmi les paysans) et à un souci constant de protéger les populations civiles. Ses principales zones de refuge sont les massifs forestiers de l'ouest du Limousin, en particulier le secteur de Châteauneuf-la-Forêt et Eymoutiers, que les Nazis ne peuvent contrôler, et surnommé la « Petite Russie » par ces derniers[3].

Le mois de juin 1944 est marqué par le débarquement en Normandie, et plusieurs exactions sanglantes, comprenant le massacre de Tulle, le 9, et celui d'Oradour-sur-Glane, le 10. Dès juin, Léon Mauvais, responsable des Francs-tireurs et partisans en zone sud, exige que Limoges soit prise[3].

En juillet 1944, sans l'emporter de façon nette, les maquisards tiennent tête à l'ennemi et freinent sa progression lors de la bataille du Mont Gargan. Les FFI se rapprochent ensuite progressivement de Limoges. Le , la Milice fuit précipitamment[4].

L'encerclement de Limoges[modifier | modifier le code]

Forte de 8 000 hommes, l'armée de Guingouin encercle Limoges. Dès le 19 août, des négociations sont entreprises en vue d'une capitulation sans combats de la part des occupants. Le 20 août, une première réunion échoue[4].

L'action de l'abbé Remlinger, lui-même résistant, pousse en faveur du choix de Jean d'Albis, issu de la famille de porcelainiers Haviland (son père ayant épousé la fille de Théodore Haviland), pour incarner la négociation. Son ancienne fonction de correspondant pour le Limousin du consulat de Suisse à Bordeaux puis à Lyon lui vaut l'image d'une figure respectable voire « neutre »[2], les Allemands refusant de traiter directement avec Georges Guingouin, qualifié de terroriste[5]. Parmi les autres figures de cette épisode se trouvent François Fonvieille-Alquier, communiste, et Serge Gauthier[6].

La reddition[modifier | modifier le code]

Dans les pourparlers, Philippe Liewer, alias « major Staunton », responsable de la mission interalliée, conduit la délégation britannique. Les Américains sont représentés par le capitaine Brown. Vigier et Guéry représentent respectivement les FFC et FFI. Outre Gleiniger, la délégation allemande comprend le lieutenant-colonel von Libich et le capitaine Stoll[6]. La réunion de négociation, qui se tient dans la villa Jouxtens, chemin de Saint-Lazare, en rive gauche de la Vienne, aboutit en fin d'après-midi à la rédaction d'un traité détaillant les « Conditions de reddition des troupes allemandes à une commission interalliée »[2]. Initialement confiés au musée de la Résistance de Peyrat-le-Château[6], le mobilier et les coupes de vin mousseux servies à l'issue de la réunion sont conservés par le musée de la Résistance de Limoges[7].

La reddition du général Gleiniger, chef de la garnison allemande de Limoges, est obtenue le 21 août au soir[8], après que l'essentiel des troupes ennemies a déjà quitté la ville en fin d'après-midi[4]. Elle est signée au siège de l'état-major allemand, hôtel de la Paix, place Jourdan. Le général Gleiniger disparaît dans des conditions obscures.

Le 22 août, la première réunion du Comité départemental de libération de la Haute-Vienne se tient à l'Hôtel du Commerce, situé en centre-ville de Limoges, en présence de deux représentants du Gouvernement provisoire de la République française[9]. La composition précise du Comité qui avait été préalablement décidée lors d'une réunion dans la nuit du 21 août, dans la mairie de Bosmie-l'Aiguille, diffère, ce qu'Albert Chaudier interprète comme prémices de tensions entre socialistes et communistes[10]. C'est ce dernier qui est désigné à la tête du Comité, qui comprend entre autres François Fonvieille-Alquier, Luc Estang, Gaston Hyllaire et Robert Schmidt[2]. La journée du 22 est à la fois marquée par la liesse populaire et le début de l'épuration[4].

Le 23 août, les premiers Comités locaux de Libération se forment dans le département[11].

Conséquences[modifier | modifier le code]

Initialement sceptique, le clergé local se rallie à la cause du Comité de Libération dès les jours suivant la reddition ; Louis Paul Rastouil, évêque de Limoges, après avoir été écarté par les miliciens, loue l'action des maquisards durant tout l'automne 1944[12].

Cet épisode contribue dans un premier temps à l'aura de Georges Guingouin, qui se fait élire maire de Limoges en avril 1945, et le reste jusqu'en octobre 1947.

La libération de Limoges demeure un épisode marquant de l'histoire de la ville. Son souvenir demeure dans plusieurs odonymes.

Il reste toutefois entaché d'un conflit mémoriel relatif au sort de Georges Guingouin après la guerre, au traitement réservé à ce dernier par la justice et par son parti, qui lui reproche son refus d'avoir obéi aux ordres de Léon Mauvais[13], et à la manière dont les acteurs politiques ont employé cette affaire pendant plusieurs décennies.

Références dans la littérature[modifier | modifier le code]

Le poète et écrivain Armand Gatti, maquisard en Limousin aux côtés de Georges Guingouin, fait référence à cet épisode de l'action résistante, entre autres, dans l'hommage qu'il laisse à ce dernier, Les Cinq noms de Georges Guingouin, en 2005[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. René Lemarquis, « GUINGOUIN Georges », sur Le Maitron, (consulté le ).
  2. a b c et d Pascal Plas, « Limoges 1944, Jean d’Albis, Albert Chaudier, deux figures de l’intercession et de la médiation à la Libération », dans Pierre-Marc Lachaud, Présence protestante dans l’histoire de Limoges, Limoges, Presses universitaires de Limoges, (ISBN 9782842875299, lire en ligne), p. 207-224.
  3. a et b Philippe Daumas, « Georges Guingouin, héros et hors-la-loi », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, no 133,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. a b c et d Laurent Bourdelas, « La fin de la Seconde guerre mondiale à Limoges (5) », sur france3-regions.blog.francetvinfo.fr, (consulté le ).
  5. ANACR Haute-Vienne, « AVANT LA PRISE DE LIMOGES - 19 AOÛT 1944 », sur museedelaresistanceenligne.org (consulté le ).
  6. a b et c « Le 21 août 1944, Limoges est libérée après de longues et difficiles négociations », Le Populaire du Centre, (consulté le ).
  7. « Table », sur collections-resistance.limoges.fr (consulté le ).
  8. Chaudier 1980, p. 14.
  9. Chaudier 1980, p. 9.
  10. Chaudier 1980, p. 10.
  11. Chaudier 1980, p. 29.
  12. Frédéric Le Moigne, « Les prélats de la Libération », dans Frédéric Le Moigne, Les évêques français de Verdun à Vatican II : Une génération en mal d'héroïsme, Rennes, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-2331-9, lire en ligne).
  13. René Lemarquis, « GUINGOUIN Georges », sur Le Maitron, (consulté le ).
  14. Armand Gatti, « Les cinq noms de résistance de Georges Guingouin », Nouvelles FondationS, vol. 2, no 2,‎ , p. 106-125 (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Albert Chaudier, Limoges 1944-1947, capitale du maquis, Lavauzelle, , 273 p.
  • Georges Guingouin, Quatre ans de lutte sur le sol limousin, Le Puy Fraud, coll. « La Libération de la France », , 287 p.
  • Michel Baury, La fin du Mystère Gleiniger : Août 1944, la libération de Limoges, Lavauzelle, , 186 p. (ISBN 9782702515815).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]