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Journaux clandestins de la Résistance en France

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Édition № 46 de Combat du 1er août 1943

Les journaux clandestins de la Résistance sont des titres de presses créés en France pendant la Seconde Guerre mondiale par les mouvements de Résistance à l'Occupation allemande, afin de diffuser leurs idées, qui jouèrent un rôle important dans l'Histoire de la presse écrite, en particulier lors des Ordonnances de 1944 sur la liberté de la presse.

Presse clandestine

Dès l'armistice de juin 1940 paraissent en France des moyens de contre-propagande comme les tracts, papillons (exemple : les premières feuilles du journal Valmy), brochures, affichettes, journaux clandestins[1].

Les premiers imprimés datés à paraître sont la modeste feuille Vérité française, Pantagruel (Raymond Deiss), L’Homme libre (Jean Lebas)[2] en octobre 1940 (leurs auteurs sont rapidement traqués et arrêtés), et le journal Résistance (dont le premier numéro est daté du 15 décembre 1940)[2]. Une autre feuille clandestine, L’Arc, paraît même sans doute dès septembre 1940 : non daté, le premier numéro commente l’allocution de Pétain du 13 août et l’exemplaire qui commente la rencontre de Montoire est déjà le numéro 11[2]. Le journal Liberté, organe du mouvement éponyme, est imprimé également dès novembre 1940[2] avec un tirage conséquent.

La plupart des autres journaux clandestins paraissent dans les dernières semaines de 1940 et au début de 1941.

Au mois de , les services de la police allemande à Paris signalent des tracts rédigés en langue allemande cosignés par le Parti communiste d'Allemagne (KPD) et le Parti communiste autrichien (KPÖ)[3]. Le , le général Karl Oberg fait placarder dans toutes les mairies de la France occupée ce même type de régime de la Sippenhaft applicable aux familles des agents condamnés (écrivains, ouvriers typographes, colporteurs, distributeurs) pour propagande contre l'occupant. Cela n'empêche pas qu'en 1944, 1 200 titres de journaux clandestins sont édités à 2 millions d'exemplaires, ce qui représente près de douze millions d'exemplaires pendant toute la guerre[4].

Censure et répression

La censure fut l’ennemie de la presse clandestine pendant la Seconde Guerre mondiale. Sous l’occupation allemande et les lois du régime de Vichy, les libertés des français sont supprimées notamment avec la fin de la liberté de presse. Le décret-loi du autorisant la saisie des journaux et leur suppression ainsi que l’établissement officiel de la censure le sont utilisés pour faire disparaître des journaux dénonçant l'occupation allemande ou hostiles à la Révolution nationale[5]. La seule presse qui survivait sous l’occupation était celle qui servait la propagande de l’occupant allemand et de Vichy[6].

C’est également la fin de la liberté d’expression et tout citoyen surpris en train de lire la presse ou écouter la radio étrangère résistante sera jugé comme opposant et ennemi du régime.

L’occupant et la police apportent dès le début une attention toute particulière aux écrits de contre propagande. La découverte de centre d’impression de journaux clandestins et de leurs leaders sont une des premières missions de la police. Les premières arrestations sont donc celles de ces journalistes de contre propagande, tels Jean-Baptiste Lebas qui lance L’homme libre et qui meurt en déportation, ou Claude Bourdet, directeur du journal clandestin Combat, arrêté en  : sur 1 200 travailleurs du livre résistants, 400 ont été tués (déportés, abattus, décapités, fusillés)[6].

Moyens d'impression et de diffusion

Face à la répression, les journaux clandestins se heurtent à beaucoup de difficultés matérielles. Le papier, l’encre, les machines à écrire sont rares, chers et leur vente est minutieusement contrôlée. Les centres d’impression sont également peu nombreux et mis au service des journaux de propagande.

Les premiers journaux clandestins sont donc manuscrits (écrits à la main) en très peu d’exemplaires. Mais deux procédés cependant furent utiles à la production clandestine : la « ronéo » Gestetner (ou duplicateur à alcool), de petites dimensions et donc facile à transporter et à cacher, fonctionnant grâce à une petite manivelle. Imprimant entre 700 et 800 exemplaires à l’heure. Ou les imprimeries typographiques pouvant effectuer des tirages de masse.

Tout se faisait dans la plus grande discrétion des gouvernements et également des personnes n’étant pas impliqué dans l’ouvrage clandestin. Les peines encourues pour avoir été impliqué dans l’impression et diffusion d’un journal résistant étaient très lourdes.

Pour l’acheminement et la distribution de journaux, les résistants prenaient le risque de se faire arrêter, emprisonner... Les cheminots jouèrent dès le début un rôle essentiel pour les transports de longues distances. Le vélo fut également un des meilleurs moyens de transport entre l’impression et l’acheminement. D’autres procédés ont également été utilisés pour diffuser les journaux permettant de garder l’anonymat des diffuseurs : glisser les numéros dans les boites aux lettres, sous les portes, ou dans une poche, laissé sur un banc, une table…

Malgré la forte répression et la censure près de 1 200 titres et plus de 10 millions d’exemplaires de journaux clandestins furent tirés entre 1940 et 1944[6].

Radio-Londres et la presse clandestine

La presse était contrainte sur le territoire français à des difficultés matérielles considérables et à une forte répression. Ce qui donna plus d’importance à la radio, qui diffusée principalement depuis l’étranger ne subissait pas les différentes formes de répression. Radio Londres diffusée par le studio de la section française de la BBC (British Broadcasting Compagny)[7], semblait mieux armée pour faire entendre la voix de la Résistance et avoir une influence psychologique sur les français. Ses émissions pouvaient être écoutées à la fois dans l’ensemble du pays et à l’intérieur même des foyers mais il n’y avait cependant en France en 1940 que 5 millions de postes et le transistor n’existait pas. De plus, la radio n’avait qu’une vision extérieure des évènements et n’avait connaissance que partiellement de ce qui se passait à l’intérieur du territoire français.

C’est pour cela que l’on peut dire que Radio-Londres et les journaux clandestins avaient des fonctions complémentaires dans leur objectif commun d’appeler le plus de français à la Résistance. La radio, elle, était apte à toucher dans son ensemble la population française tandis que la presse, elle, avait comme mission de se battre directement sur le terrain jusqu’à infiltrer de mieux en mieux le territoire dans son ensemble[6].

Messages d’appel à la résistance et moyens d’actions proposés

Le contenu des journaux clandestins porte exclusivement sur l’exposé des motivations de la lutte à mener, la nature du combat et sa nécessité.

Le devoir d’agir est clairement affirmé dans le premier numéro de Libération de qui déclare que le journal en lui-même est un acte et que la situation ne pourra changer que « par l’action et dans l’action ». Combat le suivra en donnant en des « consignes pour l’action »[8].

Une seule cause commune à tous les journaux clandestins : appeler le plus de français au combat, à la lutte et à la révolte contre l’occupant, « chasser l’envahisseur » comme on pouvait lire dans Libération en , dans le but de libérer le territoire français. La première forme d’action voulue par la presse clandestine est l’appel à lire et faire circuler cette presse. Elle incite également à ce que le lecteur devienne lui-même un diffuseur. C’est un combat par la parole, dira le journal Combat en . La situation actuelle ne permet que la résistance et le combat oral. « Nous participerons à l’écrasement de l’Allemagne fut-ce au péril de nos vie » pourra t’on lire dans le numéro d’ des Petites Ailes[8]. La presse clandestine s’emploie ainsi à contrer les discours vichystes et nazis en reprenant les thèmes développés par les propagandes officielles. Pour faire de la contre-propagande comme en 1943, les mots d’ordre de la lutte sont repris par toute la presse clandestine : s’opposer au départ pour l’Allemagne ordonné aux jeunes par le Service du travail Obligatoire (STO), en appelant à la manifestation, la grève et au sabotage de la production destinée à l’Allemagne[8].

Titres les plus diffusés

Organe du Mouvement de libération française, résultant de la fusion en 1941 des journaux Liberté et Vérités, Combat sera le journal du mouvement de la résistance intérieure française, animé par Henri Frenay et Berty Albrecht qui lanceront le premier numéro en . Edmond Michelet fut un des premiers à faire partie du mouvement Combat. Ce fondateur et fait circuler à Brive le premier tract refusant la défaite en 1940[9].

Henry Frenay en prend la direction qu'il abandonnera à Claude Bourdet en 1943. À l'arrestation de celui-ci () c'est Pascal Pia qui lui succède. Au total, 58 numéros seront publiés.

L'équipe de rédaction comprend Georges Bidault (rédacteur en chef), Pierre-Henri Teitgen, François de Menthon, Claude Bourdet, Pierre Dumas, René Cerf-Ferrière, Rémy Roure et Jacqueline Bernard. Il accueillera, en 1943, Albert Camus qui en sera l'animateur de 1944 à 1947, au côté de Claude Bourdet.

Fondé le sous l'impulsion des étudiants Philippe Viannay et Robert Salmon ; 47 numéros clandestins de Défense de la France seront diffusés. Y participeront, entre autres, Jean-Daniel Jurgensen, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Robert d'Harcourt.

Repris en main « à la hussarde » par Pierre Lazareff et Paul Gordeaux après la Libération, il deviendra France-Soir.

De tendance radicale-socialiste, « Mensuel dans la mesure du possible et par la grâce de la police de Pierre Laval ». Jean-Pierre Lévy est à l'origine de son lancement le en même temps que de l'organisation du mouvement clandestin du même nom en zone Sud. 39 numéros clandestins parurent.

Il parait jusqu'en 1957, où il est racheté par Cino Del Duca et paraîtra sous le nom de Paris-Journal, puis Paris Jour.

Le journal officiel du PCF devient illégal à partir du où le gouvernement Daladier le fait saisir à la suite du soutien par le PCF du Pacte germano-soviétique. Cette époque ne ressort évidemment pas de la Résistance.

Après l'occupation de la France, en juin 40, alors que Jacques Duclos était le numéro un du parti à Paris, en liaison avec Moscou, il y eut des pourparlers avec les autorités d'occupation pour une reparution légale du journal. Ces pourparlers n'aboutirent pas et le journal resta clandestin. Jusqu'en juin 41 -pacte germano-soviétique oblige-, l’Humanité est un journal clandestin anti-vichystes, mais pas anti-allemand. On dénombre 317 numéros clandestins jusqu'à la Libération.

Il reparaît librement à partir du , à la suite de la Libération de Paris.

Les publications du Front national

Le Front national était un mouvement de Résistance contrôlé par le Parti communiste français. Ce mouvement publia un grand nombre de journaux et de feuilles clandestines :

Revue des écrivains français groupés au Comité national des écrivains. Fondée en par Jacques Decour et Jean Paulhan, 25 numéros seront publiés. Les Lettres françaises paraîtront après la Libération, jusqu'en 1972.
  • L'École laïque (1941) ;
  • Le Médecin français () animé par le docteur Raymond Leibovici ;
  • Musiciens d'Aujourd'hui, feuille clandestine tirée à 2 500 exemplaires, dont André Fougeron a réalisé la maquette, qui devient Le Musicien d'Aujourd'hui lorsqu'elle est intégrée aux Lettres françaises clandestines ;
  • L'Université libre (104 numéros, de à ), animé par Georges Politzer, Jacques Solomon (gendre de Paul Langevin) et Jacques Decour ;
  • Les Allobroges (1942), région Isère-Hautes Alpes ;
  • L'Étudiant patriote (1941).

Libération

Journal clandestin du mouvement de résistance Libération-Sud, Libération est lancé en par Raymond Aubrac et Emmanuel d'Astier de La Vigerie. Il sera l'un des plus importants et diffusés des journaux de la Résistance.

Libération reparaît au grand jour à la Libération de la France en août 1944.

Témoignage chrétien

C'est dans la France occupée que, le à Lyon, un jésuite, le père Pierre Chaillet, publie clandestinement le premier Cahier du Témoignage chrétien. Intitulé France prends garde de perdre ton âme, sous forme d'un opuscule de petit format (d'où le nom de Cahier), il contient un vibrant appel à s'opposer au nazisme au nom des valeurs chrétiennes. Il est entièrement rédigé par le père Gaston Fessard. Témoignage Chrétien devait s'appeler Témoignage Catholique, mais par œcuménisme et à la suite de la participation de protestants dans l'équipe clandestine initialement constituée de théologiens jésuites du théologat de Fourvière à Lyon, l'adjectif catholique a été changé en chrétien. Parallèlement aux Cahiers du Témoignage Chrétien, qui ne traite que d'un seul sujet à chaque fois, parait, dès , le Courrier Français du Témoignage Chrétien, d'un tirage de 100 000 puis 200 000 exemplaires.

La spécificité du Témoignage Chrétien, par rapport aux autres journaux de Résistance est qu'il revendique une Résistance spirituelle. C'est en effet en référence à l'Évangile et aux idéaux chrétiens que Témoignage Chrétien s'est opposé au nazisme. Le sous-titre du Courrier du Témoignage Chrétien est Lien du Front de résistance spirituelle contre l'Hitlérisme. Treize numéros du Courrier du Témoignage Chrétien et quatorze Cahiers seront diffusés jusqu'à la Libération.

La Vie ouvrière

Interdite en 1939, La Vie ouvrière[10] reparaît clandestinement dès février 1940. Aux premiers jours de l'occupation, Benoît Frachon, André Tollet, Eugène Hénaff et quelques autres militants syndicaux de l'ancienne Confédération générale du travail unitaire, exclus de la Confédération générale du travail en , qui avaient échappé aux recherches des polices françaises relance le journal. Tout au long de l'occupation il publiera 223 numéros où l'accent est mis sur les problèmes quotidiens : coût de la vie, pénuries alimentaires, difficultés de ravitaillement, faiblesse des salaires, etc. Il appelle à la lutte, à la réunification syndicale et combat les divisions. Il dénonce le patronat qui a largement sombré dans la collaboration avec les occupants et informe régulièrement sur les luttes qui ont lieu dans les entreprises.

Action

Fondé en 1943[11] et considéré en 1944 comme « pionnier des hebdomadaires politiques »[12], le journal clandestin Action (hebdomadaire) est l'organe de l'Action ouvrière, de Victor Leduc et Maurice Kriegel-Valrimont, important mouvement de résistance qui organise un congrès clandestin de résistants[13] et comprend de nombreux leaders au sein du réseau Libération-Sud[13], qui compte dans ses rangs Jean-Pierre Vernant, René Glodek, Jeanne Modigliani, la fille du peintre du même nom, etla grande résistante Lucie Aubrac.

Autres titres

Tirages uniques

Moyens de publication et de diffusion

Les personnes qui tentent de diffuser leurs écrits se retrouvent opposées à la Gestapo et doivent user de la ruse pour déposer leurs papillons (journal sur une seule page, recto-verso) chez un maximum de gens sans être arrêtées ; le régime nazi punit sévèrement ce genre de tentatives qu'il assimile à de la propagande[1].

Le papier est fourni par largage aérien par les Alliés, et vendu au marché noir (ainsi que l'encre)[1]. Les presses sont rares, si bien que la plupart des écrits sont créés très artisanalement et souvent rédigés à la main[1].

Références

  1. a b c et d « La presse de la Résistance en France », sur franceinter.fr, (consulté le ).
  2. a b c et d Sebastien Albertelli, Julien Blanc et Laurent Douzou, La lutte clandestine en France, Seuil, , p. 66
  3. Cécile Denis, Continuités et divergences dans la presse clandestine de résistants allemands et autrichiens en France pendant la Seconde Guerre mondiale : KPD, KPÖ, Revolutionäre Kommunisten et trotskystes, (thèse de doctorat réalisée sous la direction d’Hélène Camarade, soutenue publiquement le 10 décembre 2018 à l’université Bordeaux-Montaigne) (lire en ligne)
  4. Laurence Thibault, Imprimeurs et éditeurs dans la Résistance, Collection Cahiers de la Résistance, AERI-La documentation Française, 2010, 231 p.
  5. « La liberté de la presse en France depuis la Révolution « LDH Midi Pyrénées », sur ldh-midi-pyrenees.org (consulté le ).
  6. a b c et d « Presse et Radio : 1940 - 1944 » [PDF], sur www.musee-resistance-chateaubriant.fr (consulté le ).
  7. Olivier Wieviorka, « La presse clandestine », Mélanges de l'école française de Rome, vol. 108, no 1,‎ , p. 125–136 (DOI 10.3406/mefr.1996.4426, lire en ligne, consulté le ).
  8. a b et c Michèle Gabert, Entrés en résistance, Grenoble, presse universitaire de Grenoble, , 7 p., p. 75-82.
  9. « Les années sombres en R5 », sur André Girard et le réseau Alliance 1940-1945, (consulté le )
  10. René Rémond et Janine Bourdin, La France et les Français en 1938-1939, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, , 184–185 p. (ISBN 978-2-7246-0411-5, OCLC 469755034, lire en ligne)
  11. Notice du journal dans "La presse satirique française", par Guillaume Doizy, Ridiculosa n°18 [1]
  12. Article dans Libération"" par Olivier Bertrand — 30 décembre 1998 [2]
  13. a et b "Mémoires rebelles" par Maurice Kriegel-Valrimont et Olivier Biffaud aux Editions Éditions Odile Jacob, 1999
  14. « Madame Fainstein et la ville de Dieppe », sur www.jemesouviensdieppe.com (consulté le )
  15. @infoNormandie, « Décès de Marie-Thérèse Fainstein : l'hommage de Didier Marie à "une héroïne de la Résistance" », sur infonormandie.com (consulté le )
  16. « Presse clandestine, titres français triés par lettres alphabétiques : lettre B » [archive du ], sur www.ihtp.cnrs.fr.
  17. « Bir-Hakeim », sur gallica.bnf.fr.
  18. « Un des premiers journaux de la Résistance fut "Le Libre Poitou" », sur www.vrid-memorial.com (Presse de la Résistance [dans le département de la Vienne]) (consulté le ) : « Le premier exemplaire circula dès le  ».

Voir aussi

Bibliographie

  • Catalogue des périodiques clandestins diffusés en France de 1939 à 1945, par Renée et Paul Roux Fouillet.

Articles connexes

Liens externes