École péripatéticienne

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Aristote, le « Philosophe ».

L’école péripatéticienne[1],[2],[3], ou école péripatétique[1], est l'école philosophique fondée par Aristote en 335 av. J.-C. au Lycée d'Athènes[4].

Elle tire son nom du grec ancien περιπατητικός / peripatētikós, « qui aime se promener »[5], Aristote enseignant au Lycée d'Athènes en marchant avec ses élèves[6].

Courant philosophique[modifier | modifier le code]

L'aristotélisme est une notion étroite, qui renvoie strictement à Aristote, tandis que le « péripatétisme » désigne l'ensemble du courant philosophique qui succéda au maître. On parle aussi d'« aristotélisme radical » quand on désigne l'averroïsme latin et qu'on l'oppose au thomisme. En effet, l'aristotélisme de Thomas d'Aquin et des thomistes préserve la multiplicité des âmes et la spécificité de l'âme (d'essence intellective) dans son union avec le corps (matériel)[7] ; pour le péripatétisme au contraire, l'âme (intellective) est soit matérielle, soit unique pour tous les hommes[8], à partir des postulats que « l'âme est séparée » du corps[9], et que les genres sont universels, i.e. identiques pour tous les hommes.

La philosophie péripatéticienne a la particularité de considérer qu'Aristote a découvert et révélé la vérité, et que le travail philosophique consiste dorénavant à commenter et à expliciter ses thèses. S'instaure alors l'ère des « commentateurs » (avec Alexandre d'Aphrodise et Thémistios notamment), qui rédigent des « paraphrases » (il s'agit de réécrire des passages entiers d'Aristote et d'y joindre un commentaire sur les points litigieux, tels la question de l'intellect agent dans le livre III du traité De l'âme d'Aristote)[10]. Aristote est surnommé « le Philosophe » dans les traités scolastiques médiévaux, et de la même manière, Averroès est surnommé « le Commentateur ».

Les péripatéticiens enseignaient que l'âme n'est qu'une aptitude — une faculté capable d'atteindre toutes les sortes de perfection passive — et qu'alors, par la connaissance et la vertu elle devenait apte à s'unir à l'Intelligence agente, qui procédait de Dieu.

L'influence du péripatétisme sera considérable dans l'Occident latin[11] :

Principaux philosophes péripatéticiens[modifier | modifier le code]

Antiquité[modifier | modifier le code]

Straton de Lampsaque mit en exergue les éléments naturalistes contenus dans la doctrine d'Aristote, et, contrairement à son maître qui avait conclu à l'existence d'un Premier moteur, se tourna résolument vers une certaine forme d'athéisme.

Alexandre d'Aphrodise écrivit un De anima, dans lequel il identifiait l'intellect possible avec une fonction corporelle : il ouvrait ainsi la voie au monopsychisme et à la négation de l'immortalité individuelle.

Moyen Âge[modifier | modifier le code]

Averroès, dit le « Commentateur », détail de L'École d'Athènes.

Renaissance[modifier | modifier le code]

Glissement de sens du mot[modifier | modifier le code]

L'adjectif péripatéticien est passé dans le langage des étudiants pour désigner plaisamment ce qui « s'effectue en marchant » ; sous sa forme de substantif, « péripatéticiennes », il a fini par désigner les prostituées, du moins celles qui pratiquent le racolage[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « [http://www.lepoint.fr/culture/le-lycee-d-aristote-Pyrénées site-archeologique-au-coeur-d-athenes-04-06-2014-1832508_3.php Le Lycée d'Aristote, nouveau site archéologique au cœur d'Athènes] » [php], sur lepoint.fr, Le Point, mis en ligne le 4 juin 2014 (consulté le )
  2. « Les vestiges de l'école péripatéticienne d'Aristote ouvrent à Athènes » [html], sur lemonde.fr, Le Monde, mis en ligne le 5 juin 2014, mis à jour le 10 juin 2014 (consulté le )
  3. « À Athènes, le plus vieux lycée du monde renaît de ses cendres » [html], sur etudiant.lefigaro.fr, Le Figaro, mis en ligne le 5 juin 2014 (consulté le )
  4. Emmanuel Davidenkoff, « Un jour, une question : Comment appelle-t-on l'école philosophique fondée par Aristote en 335 av. J.-C. au Lycée d'Athènes ? » [html], sur franceinfo.fr, France Info, mis en ligne le 27 juillet 2013 (consulté le )
  5. Étymologie du terme péripatétique.
  6. Cicéron, Académiques (-45), I, 17. Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres (vers 200), V, 2, trad., Le livre de poche, 1999, p. 556.
  7. Thomas d'Aquin, De l'unité de l'intellect contre les averroïstes.
  8. Alexandre d'Aphrodise, De l'âme, et Averroès, Grand Commentaire du Traité de l'Âme d'Aristote.
  9. Aristote, De l'âme, III, 4, 429b.
  10. Alain de Libera, La Philosophie médiévale, PUF, coll. Que sais-je ?, 2001.
  11. Le péripatétisme fut réprimé en la personne d'Averroès par les autorités religieuses dans le monde musulman. Il n'eut guère de postérité dans cette partie du monde après la mort du philosophe andalou[réf. nécessaire]. Dans le monde chrétien, le péripatétisme eut une grande influence, malgré la condamnation de 1277 concernant des thèses aristotéliciennes promulguée par l'évêque de Paris Étienne Tempier.
  12. Kurt Flasch, D'Averroès à Maître Eckhart, Vrin, 2008.
  13. Notamment dans son De Monarchia, comme l'explique Étienne Gilson dans Les métamorphoses de la cité de Dieu, Vrin, 2005, au chapitre sur Dante.
  14. Notamment dans son Defensor pacis. Le péripatétisme d'origine averroïste, en séparant la foi et la raison, conduit à la volonté politique de séparer l'Église et l'État, c'est-à-dire à la laïcité. Il en est de même chez Dante, qui sépare la fonction d'empereur (pouvoir temporel) et celle de pape (pouvoir spirituel) dans son De Monarchia.
  15. Louis Valcke, Pic de la Mirandole. Un itinéraire philosophique, ch.1, Les Belles Lettres, 2005.
  16. Ernst Bloch, Avicenne et la gauche aristotélicienne, éd. Premières Pierres, 2008. Le monopsychisme (un seul Intellect divin pour tous les hommes, qui n'ont donc qu'un corps et pas d'âme individuelle) des philosophes arabes a pu être interprété comme un matérialisme, et ainsi intéresser des philosophes marxistes comme Bloch. Averroès a d'ailleurs été inquiété pour hérésie, preuve concrète de l'aspect subversif de sa pensée. Rémi Brague, au contraire, fait d'Averroès un conservateur, dans son livre Au moyen du Moyen Âge (Champs-Flammarion, 2008, « Averroès est-il un gentil ? »).
  17. Charles Baudelaire, traduisant de Quincey, 1860 : Cf. Dictionnaire historique de la langue française, dir. Alain Rey, Robert, 3e éd. 2001.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sources anciennes[modifier | modifier le code]

Études modernes[modifier | modifier le code]

  • Ernest Renan, Averroès et l'averroïsme. Étude historique sur Averroès et la philosophie arabe.
  • Rémi Brague, Au moyen du Moyen Âge : Philosophies médiévales en chrétienté, judaïsme et islam, Paris, Flammarion, coll. « Champs essais », (réimpr. 2008), 433 p. (ISBN 2-08-121785-6).
  • Franz Brentano, Aristote. Les significations de l'être, éd. Vrin, 2000. La thèse de doctorat de Brentano relance les discussions péripatéticiennes au XIXe siècle.
  • Ernst Bloch (trad. Claude Maillard), Avicenne et la gauche aristotélicienne, Saint-Maurice, Premières Pierres, , 94 p. (ISBN 978-2-913534-08-7 et 2-913534-08-2).
  • Étienne Gilson, La Philosophie au Moyen Âge, éd. Payot, 1988.
  • Alain de Libera, La Philosophie médiévale, éd. PUF, coll. Que sais-je ?, 2001.
  • Catherine König-Pralong, Avènement de l'aristotélisme en terre chrétienne, éd. Vrin, Études de philosophie médiévale, 2005.
  • Louis Valcke, Pic de la Mirandole : Un itinéraire philosophique, éd. Belles Lettres, Le Miroir des Humanistes, 2005.
  • Fritz Wehrli (éd.), Die Schule des Aristoteles. Texte und Kommentare. 10 volumes, 2 Supplements. Basel 1944-1959, 2. Édition 1967-1969.

Articles connexes[modifier | modifier le code]