Affaire Hedi

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Affaire Hedi
Fait reproché Violence policière
Pays France
Ville Marseille
Date
Nombre de victimes 1

L'affaire Hedi concerne l'agression d'un jeune homme de 22 ans à Marseille (France), dans la nuit du 1er au , par des policiers de la BAC en réunion, en marge d'une des émeutes consécutives à la mort de Nahel Merzouk. Les faits ont notamment conduit à l'amputation d'une partie du crâne d'Hedi. L'avocat général a requis le maintien en détention provisoire du policier pour violences volontaires aggravées en réunion le . Après avoir nié en bloc durant sa garde à vue, le policier Christophe I. a admis le devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence où il demande sa libération être l'auteur du tir de LBD qui a grièvement blessé Hedi.

Le placement en détention provisoire de Christophe I. est à l'origine d'un mouvement de contestation dans la police que demande un statut juridique spécial. Puis l'affaire prend de l’ampleur à la suite des déclarations d'un haut responsable de la police, critiquant la mise en détention provisoire d'un des policiers. Les manifestations de soutien du policier par Frédéric Veaux, Laurent Nuñez et Gérald Darmanin provoquent une crise politique impliquant policiers, magistrats et politiques.

Déroulement des faits[modifier | modifier le code]

Le , le journal La Provence rapporte l'agression d'un jeune homme de 22 ans, Hedi, début juillet, à Marseille, en marge d'une des émeutes consécutives à la mort de Nahel Merzouk[1],[2]. Au cours de la soirée du , Hedi est atteint à la tempe par un tir de LBD. Traîné dans une ruelle sombre, il est tabassé par des policiers de la brigade anti-criminalité (BAC) et abandonné inconscient près du boulevard Baille[1],[3],[4],[5]. Laissé pour mort, Hedi se réfugie, avec l'aide d'un ami, chez un épicier. Les pompiers étant indisponibles, celui-ci conduit à l'hôpital de la Timone le blessé qui perd son sang[6]. Victime d'une rupture d'anévrisme, Hedi tombe dans le coma dont il sort avec des séquelles (une partie de sa boîte cranienne lui est retirée, il a la mâchoire cassée et a perdu la vue du côté gauche) et un grave traumatisme crânien[7]. Il se voit prescrire plus de soixante jours d’incapacité totale de travail après avoir subi deux interventions chirurgicales[8]. Il livre le son témoignage sur le site Konbini[9],[10], la vidéo est vue en deux jours près de 23 millions de fois[11].

Quatre policiers identifiés par divers enregistrements vidéo[6],[12] sont placés en garde à vue dans le cadre d'une information judiciaire ouverte du chef de violences en réunion, et l'un d'entre eux est placé en détention provisoire. Dès la convocation des quatre agents de la BAC, des dizaines de policiers de Marseille cessent le travail et se réunissent devant le lieu de l’audition. Les mis en cause sont acclamés et applaudis. Une haie d'honneur est organisée pour eux[13],[14],[15]. L'apport des images pour établir les faits est décisive, Loïc Pageot, le procureur adjoint du tribunal de Bobigny affirmant que « 90 % des condamnations se font parce qu'une vidéo a été tournée »[16].

Le , Mediapart publie une vidéo montrant les images de la vidéosurveillance. On y voit le tir sur Hedi et les coups portés par des policiers après qu'il a été blessé[17].

Suites judiciaires[modifier | modifier le code]

Une information judiciaire est ouverte le [18], et quatre policiers sont mis en examen pour violences en réunion par personne dépositaire de l'autorité publique le [19],[8]. L'un d'eux, identifié grâce à son tee-shirt sur des images de vidéosurveillance[20], est placé en détention provisoire pour violences volontaires aggravées[8] afin notamment de « prévenir toute concertation » avec ses trois collègues[21]. Durant l'audition, il affirme ne se souvenir de rien, n'avoir rien vu et ne pas se reconnaître sur les images ; deux des quatre policiers reconnaissent des violences[20]. L'un des quatre policiers, David B., est, selon Mediapart « l'une des figures centrales d’une précédente information judiciaire ouverte pour des faits de violences assez similaires, commis en décembre 2018 à Marseille », le tabassage de Maria[22]. Il est aussi visé par une enquête préliminaire, ouverte en avril, pour « violences par personne dépositaire de l’autorité publique », il est soupçonné d'avoir frappé un jeune homme passant devant le commissariat. Gilles A., un autre des policiers impliqués dans les violences contre Hedi, a lui été impliqué dans une affaire de violences policières gratuites, en frappant au visage un jeune sans raison[23].

Le , lors de l'audience devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence[24], Christophe I., le policier identifié comme le tireur reconnait avoir fait usage de son LBD dans la soirée du 1er au 2 juillet, ce qu'il avait nié auparavant, mais son avocat explique que « rien ne prouve » que ce tir soit celui qui a blessé Hedi R; le policier est maintenu en détention provisoire[25],[26],[27].

Réactions à la détention provisoire du policier[modifier | modifier le code]

La détention provisoire de Christophe I. provoque la fronde de nombreux policiers[28], qui réclament un statut spécifique pour les policiers accusés pour des faits commis dans le cadre de leurs missions[20]. Ils se placent en service minimum ou font valoir des arrêts maladie indus, une façon illégale, pour protester contre les poursuites judiciaires. Le , le syndicat Unité SGP Police-Force Ouvrière appele « tous les policiers du territoire national à se mettre en 562 dès maintenant », un jargon policier qui signifie qu'ils n'assument plus que les missions d'urgence et essentielles, car il est illégal pour les policiers de faire grève[29],[30],[31].

Le directeur général de la police nationale (DGPN) Frédéric Veaux déclare le que « savoir le policier en prison [l'empêche] de dormir », et qu'il comprend « l'émotion, et même la colère » de ses troupes[32],[33]. Selon Mickaël Lavaine, maître de conférences en droit public, il s'agit d'une violation de son devoir de réserve[34]. Il est soutenu par le préfet de Paris Laurent Nuñez[35]. Leur attitude provoque une vague d’indignation dans le monde judiciaire et dans l’opposition de gauche[36]. Le président de la République Emmanuel Macron et le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti disent que « nul en République n'est au-dessus de la loi », tandis que le président du tribunal judiciaire de Marseille, Olivier Leurent, publie un communiqué de presse disant notamment que « l'indépendance de la justice est une garantie essentielle dans un état de droit »[37],[33].

Le le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin soutien le mouvement des policiers, qui se dit « à l'écoute », « proche de ses troupes », « ouvert » et « conscient des attentes »[38],[39], mais s'abstient de tout mot de compassion pour la victime ou sa famille[11], de même que Élisabeth Borne, Emmanuel Macron, ou la nouvelle secrétaire d'État à la ville, Sabrina Agresti-Roubache en déplacement à Marseille[39]. Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure réclame la démission du ministre de l'Intérieur, du préfet de police et du DGPN[39],[40]. Le le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin rencontre discrètement les policiers du commissariat de Marseille d'où est parti le mouvement de colère des policiers[41].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b M. S., « Émeutes à Marseille : "Ils étaient là pour taper" : Hedi a été laissé pour mort après un tir de flash-ball », sur La Provence, (consulté le ).
  2. Laurent D'Ancona, « Affaire Hedi : premier aveu, peur de représailles... ce qu'a dit au tribunal le policier auteur du tir de LBD », sur LaProvence.com, (consulté le ).
  3. « «J’aurais dû être un légume» : à Marseille, un homme dit avoir été passé à tabac par les forces de l’ordre », sur Libération, (consulté le ).
  4. Nejma Brahim, Pascale Pascariello, Camille Polloni, « Hedi, 22 ans, « laissé pour mort » après avoir croisé la BAC à Marseille », sur Mediapart, (consulté le ).
  5. Mediapart, « Hedi, 22 ans, "laissé pour mort" après avoir croisé la BAC à Marseille », sur Marsactu, (consulté le ).
  6. a et b Alexandra Gonzalez et Justine Chevalier, « Affaire Hedi à marseille: ce que le policiers mis en cause ont dit aux enquêteurs de l'IGPN », sur bfmtv.com, (consulté le ).
  7. Nejma Brahim, Pascale Pascariello, Camille Polloni, « Hedi, 22 ans, « laissé pour mort » après avoir croisé la BAC à Marseille », sur Mediapart (consulté le ).
  8. a b et c « Quatre policiers mis en examen pour violences en réunion après avoir violemment frappé un jeune homme à Marseille », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. « Le déchirant témoignage de Hedi, blessé par des policiers à Marseille : « Une partie de moi n’y croit toujours pas » », sur Le HuffPost, (consulté le ).
  10. (en-GB) Angelique Chrisafis, « Man describes attack by Marseille police that left him with skull damage », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
  11. a et b « Gérald Darmanin consacre neuf secondes à Hedi, défiguré après avoir été passé à tabac par quatre policiers », sur Libération, (consulté le ).
  12. « Le tabassage d’Hedi R., grièvement blessé par des policiers à Marseille, reconstitué minute par minute par la justice », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. M.S., « Émeutes à Marseille : "Ils étaient là pour taper" : Hedi a été laissé pour mort après un tir de flash-ball », sur laprovence.com, (consulté le ).
  14. « Vidéo. Haie d'honneur, applaudissements... la séquence qui divise après la mise en examen de quatre policiers à Marseille », sur midilibre.fr, (consulté le ).
  15. AFP, « Marseille : Quatre policiers mis en examen pour violences en réunion, un placé en détention provisoire », sur 20minutes.fr, (consulté le ).
  16. AFP, « Loïc Pageot, le magistrat qui traque les policiers "ripoux" de Seine-Saint-Denis », sur lepoint.fr, (consulté le ).
  17. « Mediapart dévoile les images de vidéosurveillance dans l’affaire Hedi », sur Le HuffPost, (consulté le )
  18. « Nouvelle enquête après des violences policières présumées lors des émeutes à Marseille », sur Marsactu, (consulté le )
  19. Clara Martot Bacry, « Quatre policiers mis en examen pour l'agression de Hedi, visé à la tête par un LBD », sur Marsactu, (consulté le )
  20. a b et c « Affaire Hedi à Marseille: ce que les policiers mis en cause ont dit aux enquêteurs de l'IGPN », sur BFMTV, (consulté le )
  21. « Violences sur Hedi à Marseille : le policier, qui a reconnu un tir de LBD, maintenu en détention », Sud-Ouest,‎ (ISSN 1760-6454, lire en ligne, consulté le )
  22. Pascale Pascariello, « Affaire Hedi : l’un des policiers déjà inquiété dans une enquête sur le tabassage d’une jeune fille », sur Mediapart (consulté le )
  23. Pascale Pascariello, « Affaire Hedi : le passé violent et impuni de deux des policiers mis en cause », sur Mediapart, (consulté le )
  24. « Violences sur Hedi à Marseille : ce que l'on sait de l'affaire dans laquelle un policier est en détention provisoire », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
  25. « Après le tabassage de Hedi R. à Marseille, l’un des policiers soupçonnés maintenu en détention provisoire », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  26. Camille Polloni, « Affaire Hedi à Marseille : le policier qui a tiré au LBD est maintenu en détention provisoire », sur mediapart.fr, (consulté le )
  27. « Affaire Hedi : le policier soupçonné de violences maintenu en détention provisoire », sur leparisien.fr, (consulté le )
  28. « Une chronologie de la crise dans la police, du tabassage d'Hedi R. à l’incarcération d’un policier et aux propos de Gérald Darmanin », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  29. « A Marseille, les policiers « à l’arrêt » pour protester contre le placement en détention de l’un des leurs », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  30. « Fronde des policiers : le silence préoccupant du pouvoir politique », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  31. « Violences policières à Marseille : on vous explique ce qu'est le "code 562" utilisé par un syndicat pour assurer une forme de service minimum », sur France Info, (consulté le )
  32. Jean-Michel Décugis, « Frédéric Veaux, patron de la police : « Avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison » », sur Le Parisien, (consulté le )
  33. a et b « Les magistrats dénoncent les déclarations du patron de la police : « Un degré a été franchi dans la remise en cause de l’institution judiciaire » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  34. Mickaël Lavaine, « Propos de Frédéric Veaux, patron de la police : et le devoir de réserve ? », sur Libération, (consulté le )
  35. La rédaction, « "Un policier n'a pas sa place en prison" : les propos du patron de la police jugés "gravissimes" à gauche », sur France Inter, (consulté le )
  36. « Vague d’indignations après le soutien du directeur général de la police nationale au fonctionnaire marseillais incarcéré », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  37. « Emmanuel Macron dit vouloir « entendre l’émotion » des policiers « tout en faisant respecter l’Etat de droit » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  38. Antoine Albertini, « Gérald Darmanin sort de son silence et se dit prêt à étudier les principales demandes des policiers », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  39. a b et c Ilyes Ramdani, Pascale Pascariello, « Affaire Hedi : la police prend le pouvoir à la gorge », sur Mediapart (consulté le )
  40. « Gérald Darmanin fait cavalier seul avec son soutien sans ambiguïté aux policiers », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  41. AFP, « Colère des policiers : visite discrète de Darmanin dans un commissariat de Marseille », Sud-Ouest,‎ (ISSN 1760-6454, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]