Affaire Sébastien Deyzieu

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Photographie de la marche du Comité du 9-Mai de 2010.
Marche du Comité du 9-Mai de 2010.

Le , lors d'une manifestation d'extrême droite organisée à Paris par le Groupe union défense (GUD) et les Jeunesses nationalistes révolutionnaires visant à critiquer l'« impérialisme américain », Sébastien Deyzieu, militant nationaliste de 22 ans, trouve la mort en tombant d'un immeuble alors qu'il essayait de fuir la police.

Cette affaire mène à la création par le GUD et le Front national de la jeunesse du Comité du 9-Mai, un groupe informel constitué de plusieurs mouvements d'extrême droite, qui organise une marche commémorative annuelle.

Contexte[modifier | modifier le code]

Le rassemblement, intitulé « Bienvenue aux ennemis de l'Europe ! » et initialement prévu place Denfert-Rochereau à 17 heures, visait à critiquer l'« impérialisme américain », notamment à l'approche des commémorations du 50e anniversaire du débarquement allié du [1].

Les faits[modifier | modifier le code]

La manifestation ayant été interdite par le préfet de police de Paris, Philippe Massoni, les forces de police sont nombreuses sur la place Denfert-Rochereau, lieu prévu de manifestation[2]. Après des affrontements, 107 manifestants sont arrêtés, seuls quelques-uns arrivent à échapper aux forces de police[2]. Après une course-poursuite, Sébastien Deyzieu, militant de l'Œuvre française, qui tente de fuir en montant dans un immeuble, fait une chute mortelle entre le quatrième et le cinquième étage du 4, rue des Chartreux[3].

Selon les organisateurs de la manifestation, « des témoignages recueillis [peuvent] pour certains évoquer la piste d'une provocation policière servant à créditer un ministre, M. Pasqua, d'être un combattant anti-fasciste[4]. »

La création du Comité du 9-Mai[modifier | modifier le code]

À la suite de ces événements, le Comité du 9-Mai (C9M) est créé par le GUD et le Front national de la jeunesse pour honorer cette mort. Le C9M tente d'envahir l'appartement du ministre de l'Intérieur, puis envahit les locaux de Fun Radio avec des armes de poing, et demande la démission de Charles Pasqua à l'antenne[5],[6]. Le 16 mai, à 19 h, le C9M organise, avec l'Œuvre française et le Front national, une manifestation place Denfert-Rochereau[7].

Sept militants sont condamnés à des peines de privation des droits civiques d'une durée de deux à trois ans pour l'invasion de la station de radio. Marine Le Pen, Philippe Péninque et Jean-Pierre Emié assurent la défense de ces militants lors de leur procès en appel[6],[8].

Il s'agit d'un groupe informel constitué de plusieurs mouvements d'extrême droite[9].

Les commémorations[modifier | modifier le code]

Photographie du GUD à la marche du Comité du 9-Mai de 2010.
Le GUD à la marche du Comité du 9-Mai de 2010.

À la suite de ces événements, chaque , le Comité du 9-Mai organise une marche commémorative. Elle prenait la forme d'un défilé aux flambeaux, allant de l'esplanade de l'Observatoire, située près de la gare RER Port-Royal, à la rue des Chartreux et rassemblait quelques centaines de militants[2]. Après de brèves allocutions devant l'immeuble d'où le militant nationaliste est tombé, les manifestants entonnaient le chant Les Lansquenets.

Depuis 2003, « afin de répondre dans la rue à ces manifestations », les militants antifascistes du Réseau No Pasarán, du Scalp, de la Confédération nationale du travail (CNT), de la Fédération anarchiste, de SUD Étudiant et d'Alternative libertaire se mobilisent[10],[11].

En 2005, le rassemblement est organisé par le Bloc identitaire. Le SCALP-REFLEX et la CNT organisent une contre-manifestation[9].

En 2007, le rassemblement bénéficie du renfort de supporteurs du Paris Saint-Germain (PSG) venus commémorer, en plus de la mort de Sébastien Deyzieu, la mort de Julien Quemener, supporteur tué par un policier après un match entre le PSG et le Hapoël Tel-Aviv. 200 manifestants antifascistes réunis pour contre-manifester sont arrêtés « préventivement »[12].

En 2008, le préfet de police de Paris, Michel Gaudin, interdit le défilé en raison des « risques de confrontation qui n'ont jamais été aussi grands » entre manifestants d'extrême droite et militants d'extrême gauche[13].

En 2009, Serge Ayoub récupère l'organisation du C9M. Ses Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR) s'occupent alors du service d'ordre[14].

Le , la commémoration a lieu le même jour que la fête de Jeanne d'Arc. Ainsi, jusqu'à 700 personnes défilent de la place de la Madeleine jusqu'à la statue de Jeanne d'Arc, place des Pyramides. Plusieurs mouvements politiques, tels la Nouvelle droite populaire de l'ancien député alsacien Robert Spieler, Terre et peuple de Pierre Vial, les Nationalistes autonomes de Lorraine, le Renouveau français, le GUD et les Jeunesses nationalistes révolutionnaires de Serge Ayoub, participent à cette manifestation à la fois commémorative et revendicative[15].

À la suite de la dissolution des JNR et de Troisième voie après l'affaire Clément Méric en 2013, Serge Ayoub cesse d'organiser ces rassemblements[14].

En mai 2017, le défilé ne rassemble que 80 personnes[8].

En raison de l'auto-dissolution du GUD en décembre 2017, le C9M est repris en main par le Bastion social et Zouaves Paris (ZVP). Selon Libération, cela fait reprendre de l'ampleur à ces rassemblements[16]. En 2018, le nombre de participants à la marche du C9M augmente considérablement, plus de 170 personnes se rendant au défilé. Il s'agit de la première manifestation à laquelle prend part le Bastion social à Paris[17]. Des militants du parti néofasciste italien CasaPound se rendent au défilé. Deux militants effectuent un salut fasciste lors du dépôt de la gerbe en hommage à Deyzieu[18].

Le 9 mai 2019, environ 300 personnes défilent lors de la marche commémorative. France-Soir note l'absence d'Alexandre Gabriac, autrefois habitué à ces rassemblements ; ainsi que d'Yvan Benedetti, pourtant président de L'Œuvre française dont faisait partie Sébastien Deyzieu. Le Bastion social étant dissous, ce sont ses organisations satellites qui prennent le relais dans l'organisation du défilé, aux côtés de ZVP et de L'Alvarium[18],[19].

En 2020, en raison de la pandémie de Covid-19, seule une dizaine de militants se rendent à la commémoration[16].

En 2022, le défilé rassemble notamment L'Alvarium, le Rassemblement étudiant de droite, le Collectif Némésis et la Cocarde étudiante. Près de 300 personnes manifestent[20].

En 2023, la manifestation rassemble 550 participants selon la préfecture[6]. L'organisation du C9M est désormais contrôlée par Marc de Cacqueray-Valménier[21]. Des militants assurant le service d'ordre de la manifestation refusent à des journalistes de prendre des photos du rassemblement, bien qu'il soit public[6]. Le groupe néonazi violent Division Martel participe au service d'ordre et agresse un passant en marge de la manifestation[22]. Mediapart estime que la manifestation « s’est déroulée dans un climat de grande hostilité à l’égard de la presse et était encadrée par un dispositif de police sous-dimensionné au vu de sa dangerosité »[6]. Après le défilé dans Paris, le rassemblement se poursuit à Saint-Cyr-l'École, où se déroule un concert de rock néonazi[23]. Plusieurs militants nationaux-révolutionnaires, néonazis et néofascistes participent au rassemblement[16],[24].

Parmi les manifestants, sont également présents des proches de Marine Le Pen, Axel Loustau et Olivier Duguet[24]. Interrogée à ce sujet sur Sud Radio, elle nie cependant que les personnes concernées soient ses proches, et se désolidarise de la manifestation[25]. La manifestation fait scandale, surtout à gauche, dans un contexte de nombreuses manifestations syndicales interdites dans le cadre de l'opposition à la réforme des retraites[26],[27]. Le préfet Laurent Nuñez répond à la polémique en assurant ne pas avoir eu de motif juridique suffisant pour faire interdire la manifestation. Le lendemain, l'exécutif opère un revirement et le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin demande au préfet de prendre des arrêtés d'interdiction contre les demandes de manifestation émanant de l'ultradroite[28],[29].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Le site officiel précise ainsi : « une manifestation pour protester contre le faste outrancier des commémorations du débarquement américain. C'était aussi l'occasion de rappeler tous les morts causés par les guerres impérialistes Yankees à travers le monde depuis cinquante ans. ».
  2. a b et c Jacques Leclercq, « Comité du 9-Mai », Droites conservatrices, nationales et ultras : Dictionnaire 2005-2010, L'Harmattan, p. 124.
  3. « L’extrême droite radicale tente une sortie sur le social, le 9 mai », Droite(s) extrême(s), 13 avril 2010.
  4. Jacques Leclercq, Dictionnaire de la mouvance droitiste et nationale, de 1945 à nos jours, L'Harmattan, , 695 p. (ISBN 9782296064768), p. 346-347.
  5. Destal, Mathias., "Marine est au courant de tout ..." : argent secret, financements et hommes de l'ombre : une enquête sur Marine Le Pen (ISBN 978-2-08-137691-5 et 2-08-137691-1, OCLC 975995711, lire en ligne)
  6. a b c d et e Marine Turchi, « Les deux anciens trésoriers de Marine Le Pen présents à la manifestation néofasciste à Paris » Accès payant, sur Mediapart, (consulté le ).
  7. « Après la mort d'un jeune militant Manifestation unitaire de l'extrême droite à Paris », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. a et b Mathieu Molard, « Le GUD défile dans Paris » Accès libre, sur StreetPress, (consulté le )
  9. a et b F.G., « Accident de péniche à Saint-Michel Un homme meurt après son interpellation Un défilé sous haute tension » Accès libre, sur leparisien.fr, (consulté le )
  10. « Manifestation antifasciste du 8 mai à Paris », Au fond à gauche, 9 mai 2011.
  11. « Un week-end de mobilisation antifasciste réussi ! » sur 9mai.samizdat.net.
  12. Karl Laske, « A Paris, défilé cagoulé d'extrémistes de droite » Accès libre, sur Libération, (consulté le )
  13. Béatrice Jérôme, « Le préfet de police de Paris interdit un défilé annuel de l'extrême droite radicale », Le Monde, 8 mai 2008.
  14. a et b « Des organisations nationalistes prévoient de défiler dimanche à Paris » Accès libre, sur Le Figaro, (consulté le )
  15. « 9 mai 2010 : un ancien du GUD menace des journalistes », Droite(s) extrême(s), 9 mai 2010.
  16. a b et c Maxime Macé et Pierre Plottu, « Manifestation de néofascistes à Paris : «Ce qu’ils font devant chez nous est une action de propagande» » Accès payant, sur Libération, (consulté le )
  17. Guillaume Krempp, « Extrême droite : première sortie parisienne pour le Bastion social » Accès libre, sur Libération, (consulté le )
  18. a et b Pierre Plottu et Maxime Macé, « Quand des néo-fascistes défilent dans les rues de Paris » Accès libre, France-Soir, (consulté le )
  19. Pierre Plottu, « Le mouvement néofasciste Bastion social renaît de ses cendres » Accès libre, sur Slate.fr, (consulté le )
  20. Pierre Plottu et Maxime, « Salut nazi, prière de rue et agression, les fafs manifestent dans Paris » Accès libre, sur StreetPress, (consulté le )
  21. Christophe Cécil-Garnier, « Marc de Cacqueray, noble et nazi » Accès libre, sur StreetPress, (consulté le )
  22. Christophe Cécil-Garnier, « La division Martel, les bébés néonazis parisiens » Accès libre, sur StreetPress, (consulté le )
  23. Nicolas Dumas et Fanny Rocher, « Un concert de groupes néonazis organisé dans une salle Simone-Veil à l'issue de la manifestation d'ultradroite à Paris » Accès libre, sur BFMTV, (consulté le )
  24. a et b Nicolas Massol, « Croix celtiques, cagoules et gants coqués : au cœur du sinistre cortège des néofascistes à Paris », sur Libération (consulté le )
  25. Célestine Gentilhomme, « Manifestation d'ultradroite à Paris : Élisabeth Borne déplore des images «choquantes» » Accès libre, sur Le Figaro, (consulté le )
  26. « Des néonazis dans les rues en toute impunité | L'Humanité », sur www.humanite.fr, (consulté le )
  27. « Les justifications de Nunez sur la manif d’extrême droite ne passent pas du tout à gauche », sur Le HuffPost, (consulté le )
  28. Renaud Dély, « Gérald Darmanin veut renvoyer la patate chaude des manifestations de l’ultradroite à la justice » Accès libre, sur Franceinfo, (consulté le )
  29. Maxime Levy et Marie-Bénédicte Allaire, « Ultradroite : comment expliquer le revirement du gouvernement en 24 heures ? » Accès libre, sur RTL, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Témoignages[modifier | modifier le code]

  • Frédéric Chatillon, Thomas Lagane et Jack Marchal, Les Rats maudits. Histoire des étudiants nationalistes 1965-1995, Édition des Monts-d'Arrée, 1995, chapitre 6, « Le parcours des combattants. Les années Intifada », p. 139-145.

Défilé 2007[modifier | modifier le code]

Ouvrages généraux[modifier | modifier le code]

Lien externe[modifier | modifier le code]