Expulsion des migrants de la place de la République

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Expulsion des migrants de la place de la République
Type Expulsion
Pays Drapeau de la France France
Localisation Place de la République
Coordonnées 48° 52′ 03″ nord, 2° 21′ 47″ est
Organisateur Préfecture de Paris
Date

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Expulsion des migrants de la place de la République
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Expulsion des migrants de la place de la République
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Expulsion des migrants de la place de la République

L'expulsion de migrants qui avaient investi la place de la République à Paris, le lundi , est une violente opération de police ayant pour but d'expulser en pleine nuit près de 500 migrants de leur campement. L'évènement se déroule deux jours après qu'éclate l'affaire Michel Zecler, et la veille du vote au Parlement de la très controversée proposition de loi relative à la sécurité globale, et contribue à une crise politique sur la question du maintien de l’ordre.

Déroulement[modifier | modifier le code]

L'installation du camp dans le centre de Paris fait suite au démantèlement d'un autre camp d’exilés à Saint-Denis la semaine précédente[1],[2]. L’État communique alors sur la mise à l’abri de 3 000 personnes, mais des centaines de migrants se retrouvent à la rue[2]. La cheffe de mission France à Médecins sans Frontières évoque la chasse à l'homme qui s'ensuit dans Paris, la police intervenant quotidiennement pour disperser les migrants et les empêcher de dormir[3]. Les vidéos diffusées par les journalistes de France Inter montrent l'utilisation de gaz lacrymogènes et de matraques, et la traque des migrants dans les heures qui suivent le démantèlement du camp de Saint Denis[4]. C'est la 65e expulsion en région parisienne en cinq ans[3],[2]. Ces opérations à répétition répondent à l'objectif du préfet de police de Paris, Didier Lallement, de n'avoir aucun campement dans la capitale, et de repousser ceux-ci vers la Seine-Saint-Denis, ce qui aggrave la situation sanitaire et sociale des migrants en rendant plus difficile le contact avec les associations[5].

Des centaines de migrants, en grande majorité des Afghans, installent le lundi un nouveau campement place de la République, à l’initiative de l’association Utopia 56. Environ un tiers d’entre eux sont en procédure de demande d’asile, et auraient dû à ce titre bénéficier d’un hébergement[6]. Les forces de l’ordre démantèlent le camp place de la République le lundi , le soir même de son installation, dans une opération d'une grande violence. Sous les huées des observateurs, elles enlèvent les tentes, jetant à terre les personnes encore à l’intérieur. Le journaliste de Rémy Buisine, qui retransmet en direct les images de l'évènement pour Brut[7], est violemment pris à partie par les forces de l'ordre[8],[9]. Un photojournaliste de l’agence Abaca Press, Florent Bardos, reçoit un coup de matraque sur le crâne par un policier et doit arrêter de couvrir l’événement [8]. L'opération se termine sous les coups de matraque, les tirs de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement, en direction des migrants, des militants, des élus et des journalistes, comme en témoignent les images de violences tournées par des journalistes et relayées sur les réseaux sociaux[10],[11],[12],[13].

À Calais, de telles expulsions sont très fréquentes, mais moins visibles[14],[15]. Geneviève Colas, une des rapporteuses de la CNCDH explique que « tous les trois jours [à Calais] on a l’équivalent de ce qui s’est passé place de la République »[16].

Réactions[modifier | modifier le code]

La diffusion des images provoque indignation et colère[10],[17],[18],[19], y compris à l'étranger[20],[21]. Un rassemblement de protestation a lieu le lendemain soir dans le calme[22],[23].

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin assume la responsabilité de l’opération, déclarant : « Je ne suis pas homme qui recherche des fusibles. J’ai demandé, bien sûr, au préfet de police (…) de ne pas laisser une manifestation (…) installer des tentes en plein Paris »[24]. Il trouve les images de l'évacuation « choquantes » dans un tweet et réclame une enquête sur la réalité des faits[13],[25],[26], mais renouvelle sa confiance au préfet de police de Paris, Didier Lallement[27]. Les ministres Marlène Schiappa et Emmanuelle Wargon communiquent pour « rappeler que les migrants sont des personnes qui doivent être traitées avec humanité et fraternité »[28].

La maire de Paris Anne Hidalgo parle d'un « usage de la force disproportionné et brutal »[17]. Selon elle, « il y avait jusque-là un accord de principe qui consistait, avant une évacuation, à proposer des hébergements. On n’a jamais d’évacuation sèche dans Paris intra-muros »[24]. De fait, des responsables de Médecins du monde, de Médecins sans frontières, de France terre d’asile et d'Utopia 56 s'étonnent que l'évacuation n'ait pas été précédée une entrevue avec le ministère de l’Intérieur pour organiser une mise à l’abri[24].

Marlène Schiappa et Emmanuelle Wargon promettent 103 places d'hébergement le mardi , puis 394 places le vendredi 27, alors que l'association Utopia 56 estime à 1000 le nombre de lits nécessaires[29]. Selon Ian Brossat, l’adjoint d’Anne Hidalgo chargé de la protection des réfugiés, deux lieux d’hébergement proposés par la Ville de Paris, l'espace Champerret et le parc des expositions de la porte de Versailles, ont été rejetées par la préfecture[29].

Enquêtes et suites judiciaires[modifier | modifier le code]

Expulsion des migrants de la place de la République
Chefs d'accusation Violences volontaires par personnes dépositaires de l'autorité publique
Vol en bande organisée
Dégradation du bien d'autrui
Complicité de dégradation du bien d'autrui
Pays France
Ville Paris
Lieu Place de la République
Date
Nombre de victimes 500

Carte

Le , le ministère de l’Intérieur publie à la demande de l’Élysée[30] le bref rapport de l'IGPN censé faire la lumière sur certaines des violences observées[31], les enquêteurs déclarent que « l’étude minutieuse des vidéos de l’opération d’évacuation [les] a conduits à ouvrir trois enquêtes administratives pour des faits distincts »[24]. Le choix de demander une enquête à l'IGPN, plutôt qu'à l'IGA, exclut de fait la responsabilité du préfet de police de Paris, Didier Lallement[32].

Selon l'IGPN, le commissaire divisionnaire faisant un croche-pied à un migrant est un cas d'usage disproportionné de la force[33], mais les accusations de violences à l’égard de Rémy Buisine seraient infondées[24]. Loris Guémart de Arrêt sur Images objecte que l'IGPN n'a contacté aucun des journalistes témoins de cette agression[9].

Par ailleurs, le parquet de Paris ouvre deux enquêtes[34]: l’une relative à un croche-pied fait par un policier à un migrant, l’autre sur des coups portés par un policier sur le journaliste Rémy Buisine[35],[36].

Reporters sans frontières porte plainte le 2020 contre X et contre Didier Lallement, pour « violences volontaires aggravées » à l'encontre de trois journalistes, et « entrave à l’exercice de la liberté d’expression »[37],[38]. Le jeudi 6 mai 2021, 34 plaignants et deux associations dont Utopia 56 portent plainte contre X des chefs de « vol en bande organisée, violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique et destruction, dégradation et détérioration d’un bien appartenant à autrui », et contre les préfets de police de Paris, de la Seine-Saint-Denis et de la région Ile-de-France (Didier Lallement, Georges-François Leclerc et Marc Guillaume) pour « complicité de destruction, dégradation et détérioration » des affaires appartenant aux migrants, lors des évacuations des campements de Saint-Denis et de la place de la République à Paris les 17 et 23 novembre 2020. Selon eux, ces préfets sont responsables d’avoir fait fuir violemment ces personnes sans organiser de mise à l’abri[39].

Conséquences politiques[modifier | modifier le code]

L'évènement intervient le surlendemain des violences policières contre Michel Zecler, révélées par un enregistrement vidéo, et la veille du vote par le Parlement de la proposition de loi relative à la sécurité globale, dont l'article 24 pénalise la diffusion d'images de policiers[28],[40]. Dans ce contexte de crise politique, l'entourage d'Emmanuel Macron évoque alors le retrait de cet article controversé[30]. Cet article 24 est finalement censuré par le conseil constitutionnel, puis recyclé dans la loi séparatisme[41].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Gurvan Kristanadjaja et Benjamin Delille, « A Saint-Denis, avec les évacués du camp de migrants de l’Écluse », sur Libération, (consulté le )
  2. a b et c « Plusieurs centaines de migrants à la rue après le démantèlement d’un campement de migrants à Saint-Denis », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. a et b Emmanuel Laurentin, sur France Culture, Migrants : le démantèlement est-il une politique?.
  4. Léa Guedj, « Lacrymo, malaises, traques : des vidéos montrent la journée d'enfer de migrants expulsés à Saint-Denis », sur www.franceinter.fr, (consulté le )
  5. « « On n’a rien pour dormir. La nuit, on marche » : en Ile-de-France, les migrants face à une précarité toujours plus grande », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. « Demandeurs d’asile : le gouvernement veut desserrer la pression sur l’Ile-de-France », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. Rémy Buisine, direct: Opération de police après l’installation d’un camp de réfugiés dans le centre de Paris..
  8. a et b Adrien Franque, « Rémy Buisine ciblé par la police, des violences de moins en moins collatérales vis-à-vis des journalistes », sur Libération.fr, (consulté le )
  9. a et b Loris Guémart, « Buisine : l'IGPN ne trouve pas de témoins ? Nous oui! », sur Arrêt sur images, (consulté le )
  10. a et b « "Indigne", "inhumain" : les violences policières contre migrants et journalistes dénoncées à Paris », sur actu.fr, (consulté le )
  11. « Le point sur l’évacuation du camp de migrants à Paris : coups de matraque et « chasse à l’homme », indignation politique et enquêtes de l’IGPN », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. Jonathan Bouchet-Petersen, « Place de la République, les images de la honte », sur Libération, (consulté le )
  13. a et b Clara Lecocq Réale, « Des centaines de migrants violemment expulsés de la place de la République à Paris » [audio], sur France Culture, Journal de 8h, (consulté le )
  14. Yann Levy, « Violences policières sur migrants : « Harceler, épuiser, disperser » », sur Les Jours, (consulté le )
  15. Romain Métairie, « Après l'évacuation, la rancœur des migrants de la République », sur Libération.fr, (consulté le )
  16. « L’Etat viole les « droits fondamentaux » des migrants à Calais et Grande-Synthe, selon la CNCDH », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. a et b « "Insupportable", "hallucinant"... Les réactions politiques se multiplient après l'évacuation de migrants place de la République, à Paris », sur Franceinfo, (consulté le )
  18. Daniel Schneidermann, « Et les images frappèrent Darmanin », sur Arrêt sur images, (consulté le )
  19. « Mathieu Potte-Bonneville : “Le déjà-vu n’empêche pas toujours de voir” », sur Les Inrockuptibles, (consulté le )
  20. (en-GB) Kim Willsher, « Anger grows over use of 'brutal force' by French police dismantling refugee camp », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  21. (en-US) Associated Press, « Paris police under fire for forcing migrants from tent camp », Washington Post,‎ (ISSN 0190-8286, lire en ligne, consulté le )
  22. « Évacuation violente d'un camp de migrants à Paris : le rassemblement place de la République est terminé, heurts mineurs en fin de manifestation », sur Franceinfo, (consulté le )
  23. AFP, « Rassemblement contre les violences après l’évacuation de la place de la République », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  24. a b c d et e Julia Pascual et Juliette Bénézit, « Violences policières : Gérald Darmanin assume l’évacuation musclée place de la République », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  25. « Évacuation des migrants place de la République : « une réponse uniquement répressive alors que l’enjeu est avant tout sanitaire » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  26. « Place de la République, une succession de «mauvais gestes» qui embarrasse l’Intérieur », sur Le Figaro, (consulté le )
  27. « « Cette évacuation était totalement légitime » : Didier Lallement, préfet de police de Paris, a toujours la confiance de Gérald Darmanin », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. a et b « Journée politique sous haute tension après les violences sur les migrants campés sur la place de la République », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  29. a et b Simon Louvet, « Migrants place de la République à Paris : 394 places d'hébergement ouvertes, 1 000 réclamées », sur actu.fr, (consulté le )
  30. a et b « Les violences policières mettent Emmanuel Macron face à une crise politique », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  31. Rapport de synthèse de l'IGPN à la suite de l'évacuation d'un campement de migrants place de la République.
  32. Ismaël Halissat, « Violences policières : un vent d’impunité soufflé par les autorités », sur Libération, (consulté le )
  33. « Évacuation du camp de migrants place de la République : un commissaire mis en cause par l’IGPN », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  34. Camille Polloni, « Évacuation de la place de la République: le rapport vite fait mal fait de l’IGPN », sur Mediapart (consulté le )
  35. « Évacuation du camp de migrants place de la République : deux policiers visés par des enquêtes pour « violences » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  36. « Le journaliste Rémy Buisine de Brut « molesté » par un policier, le parquet ouvre une enquête », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  37. « Violences policières : Reporters sans frontières porte plainte contre le préfet de police de Paris », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  38. « RSF porte plainte pour l’agression du photographe Ameer Al Halbi lors de la “Marche des libertés” | Reporters sans frontières », sur RSF, (consulté le )
  39. AFP, « Démantèlements de camps de migrants : trois préfets accusés de « complicité de violences volontaires » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  40. Charles-Edouard Ama Koffi, « RÉCIT. Évacuation violente de migrants, tabassage de Michel Zecler... La semaine où les violences policières ont mis l'exécutif sous pression », sur Franceinfo, (consulté le )
  41. « Ce que contient le projet de loi contre le « séparatisme » examiné par l’Assemblée », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )

Documents[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]